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Cet état eft le plus iniférable de la vie , parce
que ceux qui viennent à y .tomber -, fe donnent
la mort ; ils penfent cependant, & parlent avec
beaucoup de prudence ; iis ne font pas de fautes
dans le raifonnement, mais ils font dans une incertitude
continuelle fur ce qu’i l faut ou ne faut
pas délirer » & ne font affeélés 'de rien.
On a fouvent penfé que Piine avoit eu en vue
cette fituation dans l’adage fuivant. E f i aliquis
morbus perfapierïtiam mûri, l. 7 , c. 50. Il eft
certain q.<tfen Angleterre cette maladie eft fort
commune , 8c que jufqu’à préfent on n’y a pas
trouvé de remède.
Il paroît que dans cet état , fi on peut exciter
la colère en injuriant, ou en infultant , ou en
moleftant ceux chez lefquels on obferve ces fymp-
t ornes , on pourra déterminer ces elprits engourdis
à circuler. Le même moyen fera très - utile
aux perfonnes qui font devenues imbécilles &
foibles d’efprit, chez lefquelles la manie & un
amour violent ont énervé le fénforium commune.'
Après avoir décrit l ’origine , le fiége , & les
effets des pallions de l ’ame fur le corps humain;
avoir expliqué comment une palfion peut fervir
de remède à une autre ; comment des pallions bien
réglées & excitées à propos peuvent guérir différentes
infirmités ; je traiterai de ce principe fen-
fitif & mouvant de tout le corps, & de la grande
efficacité qu’il a pour l ’altérer jufqu’au point de
faire périr ; & au contraire , combien peuvent la
joie & l’efpérance , pour prolonger la vie. Il faut
encore que je traite des difpofitions corporelles ,
ou héréditaires , ou acquifes qui peuvent produire
les pallions de l ’ame. Si jufqu’à préfent on
n’a pu concevoir comment l ’ame raifonnable , étant
fpirituelle , peut mouvoir le corps , nous avons
encore une autre difficulté qui eft aulfi grande ,
c’eft d’expliquer comment les difpofitions di-
verfes du corps peuvent affeéter l’ame.
Nous avons déjà vu qu’une mère peut communiquer
au foetus les imprelfions des pallions qu’elle
éprouve dans fa große (Te. Philippe Salmuth
{obf. 38 , p» 7Ç, ) rapporte qu’une femme groffe
tomba dans une telle palfion de voler fans aucun
befoin , qu’elle ne pouvoit y réfîfter. Hors fon
.état de groffeffe , jamais elle n’étoit tentée de rien
prendre à qui que ce foit. Elle accoucha d’une
fille qui fe livra tellement à cette palfion, qu’on
fut obligé de l’enfermer.
On lit dans Marcellus .Donatus, liv. 4 , c. 1 ,
qu’un voleur antropophage fut eondamué à périr
par le feif, avec toute la famille , à l ’exception
d’une de fes filles âgée d’un an : mais cette enfant
, dès l ’âge de onze ans, fut convaincue du
même crime , & condamnée à être enterrée toute
vive. Ce fait eft rapporté dans Boctfiius, Scoto-
f.um hiflor. liy. 18.
L ’imagination des femmes großes eft fi déréglée
& quelquefois fi atroce , qu’on en a vu
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qui ont attenté à la vie de leur mari , pour fa-
tisfaire le défie abominable qu’elles avoient de
manger de la chair humaine.
Outre les difpofitions particulières du cerveau,
innées dans plufieurs fujets, i l eft certain que chaque
tempérament eft porté.-, pat les facultés de
lam e , à aimer ou haïr certains objets avec plus
ou moins de palfion. Le climat où l ’on naît ,
les vents qui y régnent, leur expofition au nord
ou au midi , produilènt des effets remarquables fur
les efprits de ceux qui habitent tel ou tel endroit.
On peut lire à ce fujet le livre où Hippocrate
traite de l’air , de l’eau , & des lieux , & le quatorzième
chapitre du livre de la diète , où il dit
que les vices de l ’ame viennent du corps.
Enfin le régime de vie , la focieté de ceux avec
qui no .«s vivons familièrement, peuvent changer
notre tempérament , & par conféquent nos inclinations
; de forte que, par le laps du temps , nous
devenons différens de nous - mêmes. Galien étoit
convaincu , contre l ’opinion d’Hippocrate , qu’oa
pouvoit, par une diète appropriée à chaque tempérament
, & par les changemens de climat, changer
entièrement les inclinations, en changeant premièrement
le corps. Ce lavant médecin, dans le
livre intitulé que les moeurs de Vefprit fuivent le
tempérament du corps ( caput"£> J , dit que ceux
qui ont de la peine à croire que l ’on peut , par
le moyen des' alimens , rendre certains hommes
plus tempérés, d’autres plus dilfolus; ceux-ci plus
courageux , ceux-là plus craintifs ; quelques - uns
plus durs & plus querelleurs , d’autres plus affables
& plus doux, reviennent à eux ^mêmes , . &
qu’ils viennent à moi, pour apprendre quelles
nourritures & quelles boiffons ils doivent prendre
pour changer de caraétère & de moeurs : car par
ces moyens ils feront de grands progrès dans la
philofophie morale; ils profiteront beaucoup dans
la pratique de la vertu , félon les facultés ratio-
lielles de l’efprit ; ils deviendront plus clairvoyans,
plus avides d’apprendre, plus prudens, & auront
plus de mémoire. Outre la nourrirure & la boiffon
qui leur conviennent, je leur enfeignerai les vents ,
la température de l ’air, & les régions qu’ils doivent
éviter ou choifir.
Cette manière de guérir, de faire de bons fujets
de ceux qui étoient mauvais par nature , de
rendre prudens ceux qui étoient étourdis , favans &
intelligens ceux qui étoient ftupides, s’eft perdue
totalement. Tous le s moyens curatifs ont le corps
pour objet : la férule 8c Je fouet font nos feuls
remèdes moraux , & l ’on ne fait plus d’ufage de
la nature , pour changer la nature. J’ai déjà dit,
dans le commencement de cet article , la raifon
pour laquelle les médecins ne fe font plus mêlés
du traitement des maladies de famé ; il feroit
cependant très-avantageux à la religion & à la
république, qu’i l y eut des médecins qui fuffent
guérir les infirmités de l ’efprit, & qu’il y eut une
pharmacopée pour les conftitutions de l ’efprit,
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comme ij y en a pour guérir les infirmités du
corps.
On ne peut nier que nos inclinations, notre
jugement, notre manière de vivre 8c d’agir dans la
fociété c i v i l e n e s’altérçnt & ne fe pervertiflent
par les alimens & les boiffons, 8c par la manière
de s’en fervir.
Après un grand repas, notre jugement eft totalement
différent de ce qu’il étoit lorfque nous
étions à jeun. Que l ’homme le plus fage & le
plus prudent boive du vin fans y être habitué, il
fentira fur le champ toutes les puiffances de fon .
ame changées. L ’opium & la femence de ftramo-
nium pervertiffent le jugement, repréfentent mille
idées agréables, engourdiffent les feus, rendent
ftupides ; 8c les effets de ces poifons affetient l ’i magination.
La faim & la foif nous excitent à la colère;
& lorfque nous fommes à jeun , nous nous mettons
plus aifément dans l’impatience , bous refu-
fons de favorifer & de condel'cendre à la volonté
des autres. C’eft pourquoi les magiftrats , & ceux
qui ont des charges publiques, ne doivent pas entrer
en exercice fans avoir pris quelque nourriture.
Tous ceux qui ont des grâces à demander favent
bien que le temps le plus favorable pour obtenir
, eft après le repas, & qu’i l vaut mieux fol-
liciter d’après-dîner que le matin.
Mais fi la nourriture , la boiffon, l ’air altèrent
le tempérament & changent la manière de pen-
ftr ; il eft certain que les infirmités difpofent plus
puiffamment l’efprit à* certaines paffion-j , en affectant
le corps d’une nouvelle manière.
Tous les médecins ont obfervé les appétits dé-
fordonnés des jeunes filles dans le temps qui précède
l’époque de leurs règles. Tout le corps eft
changé par l ’abondance du fang que la nature cherche
à évacuer ; . tous les fens- font pervertis avec
ceux, de l ’imagination. Le défir de manger xdu
charbon , du plâtre du fel , & quelquefois
des chofes dégoûtantes & mal propres , prouve
qu’elles font dans une efpèce de délire , puifque
ni les châtimens, ni l’idée du mal qui peut être
la fuite de ces, nourritures y ne peut les engager à
s’en priver.
Chaque maladie favorife une paffïon de l ’ame,
Arétéc eft le feul qui ait fait des obfervations fur
l ’état de l ’ame de.l’homme malade, j’en vais copier
ici une partie.
Les .paflrons inféparables de rhæmophlhifie font
la trifttiTe , l ’inquiétude , le défefpoir. Ce qu’il y
a de fingulier & d’étonnant, c’eft que dans le feul
crachement de fang qui vient du poumon, & qui
eft le plus dangereux , les malades efpèrent toujours,
même lorfqu’ils font le plus près de la
mort.
Dans le caufus , la fièvre ardente , l ’efprit eft
ftable & confiant , le jugement eft fain & entier ,
l’ efprit eft fubtil & enclin à prédire les chofes
futures. Les malades annoncent l ’inftant précis de
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leur mort, & fouvent des chofes éloignées. I l
en eft de même de ceux qui font attaqués de
fyncope. ( Aroet. de càujis & jign» acutor. morb*
1. 1 , e. Z; & 3. )
Bartholin rapporte dans les aéïes de Danne-,
raarck ( vol. 5 p. i 6 z ) , qu’un enfant de quatorze
ans , qui n’avoit jamais pu rien apprendre , malgré
tous les foins que Geux qui en étoient chargés
avoient pris de fon éducation , fut attaqué d’une
tièvré rouge, & en même temps de délire. Il re-
fufoit de prendre tous les médicamens qu’on lut
préfent oit ; fon agitation étoit continuelle. L e
troiftème jour, ce malade , qui avoit toujours eut
beaucoup de peine à parler prononçoit avec une
facilité étonnante , avec une érudition 8c un bon-
Cens qu’on ne lui avoit jamais remarqué. Ce qu ii-
difoit fur la diffolution du corps étoit d’un vrai
philofophe; Quelquefois il- parloit latin avec pureté
,- lui q u i, avant fa maladie , n’avoit jamais-
pu plier (a mémoire aux premiers- élémens de-
celte langue.- Enfin il demanda les fecours der
l’églife y. & une demi-heure après, le délite étant
revenu, la foibleffe & l’oppreflïon augmentant^
i l mourut avant la fin du jour (1).
. Arétée ( de eau fis & noiisdiuturnor. affect.*
L 1 , c* z ) dit que dans la Céphalée, que nous1
appelons en portugais Maxaqu.eea , les malades^
fuient la lumière, & aiment les ténèbres; qu’ils^
ne peuvent: rien voir ni entendre d’agréable ; que-
la vie leur eft od'iè’ufe 8c qu’ils défirent la^
mort.
Dans le même livre--{c. 5 ) , il dit que les mélancoliques
font fujets à des mouvemens de colère-
dont ils ne tardent pas à fe repentir : tout les
effraye ; ils font inconft-ans, mal-propres ; ils don-’'
nent une attention férieufe & longue à des bagatelles
, paroiffent tantôt avares , & tantôt prodigues
; qu’aucuns de ces,défauts Y n’appartenant x
leur caractère , proviennent de la- marche variée'
de la maladie; ils haïffent J es hommes & la fo-
eiété, ils maudiffent la vie , 8c en défirent la fin.-
L e même auteur , dans le même 1-ivre ( c. 6 ) , dit
que les maniaques ont i’efprit prompt , les feus-
très - aigus ; qu’ils font foupçonneux colères- Y
triftes ou gais fans raifon : que fi le mal augmente
r ils deviennent lafeifs à l’excès ; que quelques
uns de ces furieux fe déchirent le corps , dans*
Pechlin , Olaus-Borrichius t. 1» , p.-8 8) ; le dtxfteur Hua,r reB, odnannest ( Med. feptentrl fon examen des*
ecfeppreintsd,a nrat pcprooirrtee nlets phliufftioeiurress qfauiec srfoenm-rbalcaùbnletes .idle nge efnaist'eq upai s- étant malades, faifoient des vers, fans s’être jamais mêy
léétsra ndgeè rpeosé ,f ief a; nsd een q uaevloqiure rsi-eunn s fuq iijiu fpqaur’laoloierns.t Pdleusf ileaunrgsu edse-- ctreos mfapiets , , bloiernfq (ue’ixla mâfifnuéres , oavnot iré tév utr ouuvné si taflaiuenx . , Eqruafif, nefa nfse- acvetoteir néaréti one n, Apalrlelomita gbnoen, anlil evmua nudn- dhaonms mlee coouu rsl-i vdre'u dnee maladie,-