
de la mufique vocale ou inftrumenfale, ne peuvent
ils pas être auflî regardés comme -dé pend ans
des caractères phyfiques liés à la conftitution des
peuples ? Il eft fur que la confor[dation de l’ouïe ,
des cordes vocales, & des organes de la prononciation
, ont entre eux un accord certain, &c doivent
avoir, avec le refte du corps , une proportion
qui n eft pas le produit de l ’éducation & de 1 habitude.
Les turcs, les maures , les arabes , les caby-
les habitent un même pays en Barbarie , & cependant
le goût de leur mufique , la nature de leurs
chants, le caractère de leurs inftrumens, font conf-
tamment différons. La gaîté nationale des maures ,
la fimplicité des arabes , & la langueur monotone
des turcs fe peignent dans 'le mouvement de leurs
airs & dans la compofition de leurs concerts. De
même, au milieu "des arabes & des turcs , ^les
coptes ont confervé leur langue , qui paroit etre
un refte de l’ancienne langue égyptienne ; & les
cabyles , en Barbarie , ont une langue a eux, qu on
peut regarder comme un refte de 1 ancienne mau-
tefque ou punique. Mais fi l’on a peine a recon-
noître dans ces différences des caractères phyfiques
nationaux , au moins on ne méconnoitra^ pas celui
que prélente évidemment la douceur des inflexions ,
qui diftingue , à .ce qu’on dit, la langue des noirs
occidentaux d’avec celle des noirs orientaux , dont
la langue eft plus rude & les fons plus groifiers, excepté
, dit-on, à Madagafcar. On ne méconnoîtra
pas le caractère que donne à la langue des hotten-
tots cette articulation entrecoupée dont parle Kolbe,
& qui interrompt leurs mots comme l ’héfitation des
bègues, quoique d’ailleurs ce peuple ne foit pas incapable
de plier fes organes à la prononciation des
langues européennes. Leurs inftrumens, ainfî que
ceux des nègres , fe réduifent a des elpeces de tambours
, à des inftrumèns à cordes très-fîmples,, &
à très-peu d’inftrumens à vent. Leur mufique ne
confifte qu’en un feul Ion élevé ou abaiiïe fucceffi -
veraent fur un très-petit nombre de notes. Cependant
ces peuples prennent un plaifir fingulier dans , cette
groflière harmonie. I l femble quon peut^ aulfi
mettre parmi les cara&ères nationaux, dans l’prdre
phyfique , certains genres d’indujîrie & certaines
difpofitions qui femblent nées avec les habitans de
certains climats. On a remarqué que les fénég^-
lois naiffoient plus propres que les autres nègres'
pour le fervice & pour dlfférens métiers ; les bradas
, pour la culture des terres ; les guinéens,
pour les forts travaux & les gros ouvrages ,• que
les. congos étoient meilleurs pécheurs que les autres
nègres. Si l ’on veut même aller plus lo in ,
pourquoi voit-on au nord de 1 Afrique les arabes,
au fud les hottentots , les uns & les autres environnés
de peuples chargés des chaînes du defpo-
tifme & de l’efclavage, vivre libres, indépendans,
indifciplinables , fans autre propriété que celle de
leurs troupeaux , peu tentés des exemples d aifance,
de luxe, & de molleffe , que leur^ offrent des
peuples policés & commerçans ? D’ou vient 1 atlâchement
inaltérable des hottentots pour des moeurir
& une vie qui n’ ont d’exemple en aucun autre endroit
de l ’univers, & qui lemblent faits pour révolter
tous les fens ? D’où vient chez eux un tel
éloignement pour nos moeurs , que conftamment
les enfans même expofés par leurs parens des
leur naiflance , & recueillis par les européens ,
ne tardent pas, dès qu’ils ont atteint l’âge de rai-
fon , â s’arracher aux bras de ceux qui ont eu foin
de leur enfance , aux droits facrés de la reconnoif-
fance , aux liens de l’habitude, aux lois impofées
par l’éducation, pour aller fe mêler & fe perdre,
aü milieu de la nation qui les a vu naître , mais
qui les a abandonnés, & loin de laquelle ils ont
paffé l ’âge des préjugés (Kolbe , t. I , ch. x v iij,
art. vj. ) ; femblables à ces oifeaux aquatiques , éclos
fous les aîles d’une mère adoptive , & qui, fourds
à fes cris , s’élancent fur un élément fur lequel elle
v.oudrôit & n’ofe les fuivre ? Plus on avance & plus
on voit les diftinctions phyfiques prendre d’étendue
& d’empire fur les moeurs & les Coutumes des
hommes. Bientôt on eft tenté de rapporter aux différences
nationales & conftitutives ce car a «Stère qui
provient d’un vice de Y intelligence, que l’ignorance
a pu faire naître chez des peuples moins grolfiers,
mais que la nature femble avoir attache particulièrement
à la conftitution des nègres , je. veux
dire. cet amour de la fuperftition & du merveilleux
, qui, même dans une religion toute morale
qui leur a été tant de fois annoncée, leur fait
choifîr & préférer les pratiques les plus frivoles
aux dogmes les plus lumineux & aux préceptes
les plus fublimes & les plus fages. Mettrai-je dans
la même claffe certaines inclinations & certaines
qualités de Vame, q u i, même chez les nations
; policées, femblent fouvent indépendantes de l’éducation
& de l ’exemple , paroiffent nées avec
l ’homme de tel ou tel pays , & liées à-des cir-
conftances purement phyfiques ? C’eft chez les
nations fauvages que ces qualités font encore plus
: véritablement un cara&ère national qui a la même
étendue que les caractères phyfiques qui féparent
& diftinguent les peuples. On connoît la pareffe
qui caratiérife les habitans de Madagafcar , qui
d’ailleurs feroient induftrieux & adroits. La difficulté
qu’ils ont à fupporter la fervitude & le
travail, ,eft peut-être , autant que la noftalgie , une
des caufes qui rend funefte aux „noirs orientaux le
paffage en Amérique. Parmi les nègres , les nagos,
dit-on, font humains, les mondongos cruels ; les
fénégalois doux & fidèles ; les mimes réiolus , mais
capricieux , & fujets à fe défefpérer ; les congos
inconftans ; les bambaras fripons ; le,s guinéens bornés
, mais doux & dociles.
I l feroit difficile fans doute de déterminer quelle
liaifon exifte entre la nature des climats & des
lieux, & ces différens cara&ères , quelque fenfî-
bles & quelque marqués qu’ils foient ; cependant
on eft accoutumé à regarder comme dépendantes
des climats toutes les diftin&ions originaires qui
«fxi-ffent entre les hommes-qui nalffent avet eux,
8c qui , ne pouvant être attribuées ni à l’éducation,:
«îii au genre de vie , ni aux coutumes & aux moeurs
comme premières caufes, font cependant circonf-
erites dans un- certain efpace, &. bornées par certaines'
limites (, i )•■
III. Desdifférences plusaifées à lier avec l’influence
fenfible des lieux & des pofitions,' font celles
qui diftinguent les habitans des montagnes de ceux
qui. vivent dans les plaines; & les pays découverts,
& qui-font difeerner les uns & les autres , des habitans
des forêts. Parmi les montagnards , les différentes
expofitions à: l ’elt & à l ’oueft ne font pas
non plus indifférentes â la- force & au tempérament
des hommes : on fait que les montagnards
font en général plus grands & plus robuftes que les
autres hommes;.& ceux- d’entre eux qui vivent expofés
aiTèft , plus fai ns & plus vigoureux que ceux qui
font à. l’oueft. On fait aufli que les nommes qui
vivent dans les forêts font plus légers , plus agiles^,
plus» lauvages. Mais ces connoiffancés font trop générales;
& quoiqu’i l y eût peut-être peu de pays
©ù ces remarques devinffent plus intéreffantes que
1* Afrique y relativement à la forme, à la force ,.
à. la: couleur, il en eft- peu- où- les- obférvations
précifes foient fi; rares.
I l eft: cependant une obferyation propre à Y A -
fr ique , & d’autant plus intéreffantè, qu’elle a des
objets de comparaifon , dans d’autres parties-du
monde, & dans notre Europe même ; ;c*eft cèlle
que fournit cette nation de nains qui- habitent les
montagnes-, de Madagafcar r & qu’on nomme les
quimos.
Les habitans dès montagnes font en général plus-
grands , plus forts, & mieux conftitués que çeux
dès vallées. Cependant cette obfervation a fon teftiie,
& il paroît que par-tout où la nature devient trop
•âpre par. la rigueur du froid & l ’exceflîve élévation
des lieux , fés produdions fe détériorent &
s’âmoindriflent. En Europe , les Crétins du Valais
ne forment pas une nation , ce ne, font que des
accident;, mais les quimos , qu’ on dit être hauts
(ï) Je fuis bien éloigné de regarder ces affeaions de l’ame
comme des phénomènes enrièrement.phvfiques. Elles appartiennent
à une fubftance'donc les propriétés font trop éloignées
des propriétés connues de la matière, pour qu’il foit permis de
les rotifoudre.Mais les liens inconnus qui*attachent l’ame au
corps,, qui uniffént la; fubftance intelligente & fufceptible
de connôître par la penfee, de réfléchir & d’ànalyfèr , à la
fubftance matérielle qui remplit les fondions mécaniques qui
conftituentla vie animale ; ces liens , dis-je, établi fient entre
ces dèux.fubftances une telle intimité , que la manière d’être
dè l’une dépend fouvent de la difpofition de l’autre , &
qu’elles exercent l’une fur l’autre un empire auquel ni
l'uné' ni l’autre ne peut ici-bas fe fouftraire. Il en réfulte
que les affedions -de i’àme & les variations de rintelligence
dépendent fouvent de la conformation phyftquede nos organes
, & peuvent devenit un indice comme un effet d’une
.«Oûftituùon phyfique réellemenr nationale.
de' trois picd's & demi-, forment, fi Ion en ci oit
les relations de gens inftruits & le témoignage
univerfel des habitans de l’île , une nation trèsétendue
dans l’intérieur des montagnes de ^ Madagafcar.
Ces montagnes ont feize a dix-huit cents
toifes d’élévation au-deflùs du niveau de la mer
& cette élévation- confiderable peut bien , meme
entre les tropiques T produire un climat analogue
à celui des contrées boréales de la Laponie ^du-
Groenland. Les quimos, d’ailleurs , n’ont, du côté’-
de l’efprit & même du côté de la conformation,
aucune des privations & des jlifformites qui- diftm-'
guent les crétins. Pafteurs & libres f ces peuples fe
défendent, dit-on , contre les entreprifes de leurs»
voifins par leur courage & par leurs montagnes,-
Ils font aftifs, fpiritqels, braves. Les femmes , dit-
on, ont peu de mamelles , ces mamelles ne prennent
du volume que dans le temps deftiné a 1 allaitement
, & fourniffent peu de lait : mais on ^ y;
fupplée avec le lait des troupeaux. Les’ traits-»
de ces petits hommes, fe rapprochent plus de-'
la figure européenne que de celle des autres-
habitans de Madagafcar. Ils font ou blancs ^
ou au moins beaucoup plus pâles que les-noirs1;-
& leurs bras / très-longs proportionnément à .leur
ftature ,. defeendent jufqu’aux genoux. Enfin- , &
les relations font exaéïes , la natiofl' des quimos
eft digne de toute l ’attention, des naturaliftes.-
( H iß . n a t . f u p p l . t. viij , in-iz.). D’anciens»
voyageurs ont auffr placé , dans l ’intérieun de"-
Y A f r iq u e y une nation de nains , qui eft marquée ,,
dans les cartes de Delifle , fous le nom de B a K è -
h ak e. Il- eft encore un fait qui mérite quelque at-
tention en A f r iq u e : ceft le partage des habitans-
de Madagafcar en hommes blancs & en hommes»
noirs,, fous-un même climat. Plufieùrs auteurs^
croient que les blancs font de race européennes,,
d’autres , quoiqu’avec bien moins de fondement r,
les croient de race chinoife. ' Ge ne font point-
dès nègres *blancs , à ce qu’il paroît ; leurs che--
veux font longs , dit-on, & abattus. Et l ’oir voü-
dans-la même île des peuples bafanés qu’on fop-
pofe être mulâtres de ces blancs & des noirs naturels.
G es blancs habitent les plaines , ainfi. que1
les noirs; ils font habillés , tandis que les noirs*
font nus; & les noirs les- refpeâr'ent : ce quîî
fembleroit confirmer l ’idée d’une origine étrangère
car il ne feroit pas plus extraordinaire dê;
voir des hommes blancs venus des montagnes de;
Madagafcar , que d’en voir dans- le centre de Y A -
frique , fur les monts Lupata, quoiqu’au refte,.
comme il-a déjà été dit, l’exiftence de ceux-ci ne;
lailFe pas de préfenter quelques difficultés,-
IV. Au milieu de ces différences-conftantes, qui'
‘ forment des races,, & qui diftinguent, les-natiôi\s,,
il fe trouve des v a r ié té s ép a r fe s qui n’appartiennent
qu’à quelques individus, & don^ quelques-
unes fembleroient être- l ’effet du hafard, fi. le ha—
lard exiftoit dans la nature. Tels font les..?lègress