
des cara&ères précis & marqués a u x fubftàficës
qu’elle forme elle-même. Mais ils’ les mélangent,
ils y font entrer beaucoup d’ingrédiens > ils débitent
des infufions & des décodions, des pâtes &
autres fubftances. Dans routes ces opérations , l ’ignorance
& la fraude peuvent journellement fabriquer
pour le public des poifons, ou au moins-des inftrumens
de maladie, d'autant plus dangereux , que ceux
qui en ufènt font peu en état de diftinguer les
bonnes qualités, de leurs alimens.
P a rm i l e s a r t i fâ n s & d é b ita r is q u i , d an s l e s
v i l l e s , d i f t r ib u e n t l e s alimens , i l e n e f t q u i fo n t
e n c o r e p lu s im m é d ia t em e n t a t t a c h é s à l a p o l i c e
m é d i c in a le , le u r s m a i fo n s é t a n t d e s cuH în es g é n
é r a l e s p o u r l e s p e r fo n n e s i f o l é e s o u p e u fo r tu n é e s >
& d e s fu p p iém e n s à c e l l e s d e s c i t o y e n s l e s p lu s
r i c h e s . C e fo n t l e s c h a r c u t i e r s , le s , r ô t i l f e u r s , &
l e s p â t i f ï i e r s ; l e s a u b e r g i f t e s , - le s t r a i t e u r s , l e s
r e f t a u r a t e u r s , & c . L ’ a r t d e l a c u if ip e , d o n t i l s fe
p a r t a g e n t l e s d if f é r e n te s b r a n c h e s & l e s d if f é r e n te s
c fp è c e s , a d’ a b o rd é t é in v e n té - p o u r d é v e lo p p e r
l e s v e r tu s n a t u r e l l e s d e s fu b f ta n c e s a l im e n t a i r e s
m a is l e s c u if în ie r s • n’ o n t p r i s p o u r b u t d e le ù r s
o p é r a t io n s q u e d e r é v e i l l e r l ’ a p p é t i t & d e fà t i s -
f a i r e l e s g o û t s . E t l a c u i f i n e , e n a t t e ig n a n t à c e
b u t , n e d o n n e l e . p lu s fo u v e n t q u ’ u n a p p é t i t
f a f t i c e , e x c e f ï î f , c o n t r e n a tu r e , d a n g e r e u x , & m êm e
m o r t e l . I l n’ e n e f t p a s m o in s v r a i e n c o r e q u e l e
g o û t q u e c e t a r t p r e n d p o u r fa f e u l e r è g l e , e ft
l e p lu s fo u v e n t a u f l î f a é t i c e , c o n t r e n a tu r e , c o r r
o m p u , f a u x t r o m p e u r & d a n g e r e u x . S a n s e n t r e r
d an s d e s d ém o n f l r a i io n s p h y s i o l o g i q u e s , o n p e u t
l e p r o u v e r p a r l a d iv e r fk é d e s g o û t s e n c h a q u e
in d i v id u , c h e 'z l e s d if f é r e n te s f a m i l l e s , d an s l e s
d if f é r e n s l i e u x , & c h e z to u t e s l e s n a t io n s . L e s
c u i f în ie r s f r a n c o is p a f f e n t p o u r l e s p lu s h a b i le s d u
in o n d é . I l e ft du b o n to n c h e z l e s g r a n d s f e ig n e u r s
d * A n g f e t e r r e d’ a v o i r u n c u i f in ie r f r a n ç o is ; m a is l é
m e i l l e u r n’ é f t p a s t r o i s - m o is d an s l à m a ifo n
d ’ un m i lo r d , q u ’i l e f t g â t é p à r l e g o û t rdu m a î t r e
& d e fe s C o n v iv e s ,, q u i fe r am è n e n t in fétf’f ib lem e n i
a u x p r in c ip e s de | a 'c u i f in e a n g l o i f é . I l n’ e f t q u ’ un
g o û t n a tu r e l q u i p u i f f e ê t r e l a p i e r r e d e to u c h e d es
v e r tu s f a lu b r e s d e s lu b fta t ic e s n o u r r i c iè r e s .
I l en. réfuite que l ’art de la cüiftne , abandonné
à l’ignorance & a une fauffe volupté ,. n’eft encofe
fondé que fur deux principes faux &" 'meurtriers :
l’on entreprendro-it en vain de lés lui ôter. La
liberté donne le droit d’ufer & d’abuSér dés meilleures
chofes ; & l ’on ne pourroit peut être tenter
fans inhumanité d’ôter aux citoyens le pouvoir
de s’empoiîonner par des mets délicieux j niais du
moins ne pourroit-on pas ajouter a ces deux principes
un troifième tiré des lois dé l'économie
animale-? Ne pôurrôit-on pas donner les caractères
du vrai goût aux citoyens & à leurs' cuiBniers ?
Ne pourroif ôn pas fàiu connoître a cè.ix ci lés
fubftances & les procédés évidemment vénéneux
ou mal-fai ns ? Ne pourroft-om pas enfin établir
entre eux & la médecine une éorrèfpOndanee & une
fubordinatiôrt analogues a celles qui lient la- pharmacie
& lés pharmaciens à la médecine & aux
médecins? Ce projet utile, tout bizarre qu’il paroi 0 e ,
eft du moins très - poffible à l ’égard des cuifîniers-
publics (1). Quant aux cuifîniers particuliers ,r
s’il doit être libre aux citoyens de s’empoîfonner
par1 de mauvais alimens T il le leur doi-t être
d’avoir chez eux des empoifonnêurS qui les préparent
à leur gré. La police & la medecine ne
peuvent que les éclairer. - 1
Ileft une-clafle de débitantes decomeftibles, fur
laquelle la police eft encore trop indifférente*
fur-tout dans les grandes villes , & qui y produit
de grands maux , quoiqu’invifibles. Ce font les-
laitières, qui falfifient leur lait avec de la farine
& autres ingrédrens qui peuvent bien ne pas
nuire aux conftitâtions vigoureufes , niais dont les
mauvais effets font démontrés à l’égard- des^ enfuis-
& des perfonnes foibles , pour lesquelles il doit^
faire la principale nourriture. Cette fubftance , qui
a perdu fa partie fpiri-teufe par le temps , fa partie
butyreufe par la fraude , & dans laquelle on a fubf-r
titué à ces deux parties eônftitütives , des fubftances-
étrangères qui ne lui donnent que la couleur j cette
fubftacrce,, dis je , non feulement ceffe d’être du
lait, mais encore devient un poifon lent pour les-
perfonnes foibles qui y cherchent un nouveau baume
de vie.
Les confifeurs ont joint les produits de leur art
à ceux des diftiilateurs & des cuifîniers , pour couvrir
nos tables. Ils n’ont guère d’autre but •& d’autres
principes qu’eux dans'leurs opérations •; & même
leurs confitures sèches & molles , faites de fubftances
très indigeftes, & la plupart d une nature
contraire à celle du lue nourricier , feroient bien-
pi us dangereufes à la fanté que les liqueurs & les;
mets-. Si les confifeurs avoient, en aiguifant i appétit
, autant réulfi, à habituer le goût a 1 abus
de leurs productions, ,8 c s’ils n’àvoient pas plus
pour but de frapper les yeux agréablement, que
de fatisfaire le goût y les. progrès que leur art &
faits depuis quelques années , fêr.oiérit autant -de
nouveaux degrés dans l ’art d’empoifonner. 11 ferait
donc encore bien néceffaire que la lé giflât ion; fît
pénétrer les lois de la chimie & de la médecine;
dans les laboratoires des confileurs ; & la chofe fero'it
d’autant plus facile,- que leur art eft joint a la
pharmacie par les régie mens particuliers aux jurandes
d’apothicaires de chaque v ille , & par les;
réglemens généraux émanés de la juridiction du;
premier médecin du roi.
' Les jurandes de pharmacie tiennent réunis en;
un art & en un corps, dans la plupart des villes ÿ
les pharmaciens, les 'épiciers , les droguiftes , les
confifeurs , & même , en quelques lieux, p k fleurs des
arts & commerces précédens. Les- herboriftes, qui-
(i) Comme- l’a dit avant moi M. des Effares dans là-
nouVelie édition du Dictionnaire de P olice, au mot A lim en t
tiennent une branche.de la pharmacie, devroienfleur
être réunis., & font demeurés libres & ifolés. Tous
des artiftes & commerçans ne font pas bornés, dans
leur état, à la confection & à la vente des différentes
fortes de remèdes. Ils compofènt& débitent auflî un
grand nombre decomeftibles. Ils font également
affujettis à l ’infpeCtion des médecins à l ’égard de
ces deux claffes de fubftances. Cette infpeCtion fe
borne à deux points : la préfîdence des médecins à
des examens pour leur maîtrife & xà la vifite de
leurs boutiques. Ces deux objets de fubordjination,
tels qu’ils font établis, ne garantiffent pas tout à fait
le public des maux qui naiffent de l’impéritie & des
fraudes des artiftes. L a conféquence que l ’on en
doit tirer, eft que la légiflation doit perfectionner
cette correfpondance & cette fubordination d’ arts
miniftrans à un art impératif de corps à corps ,
fans toucher à la liberté & à l ’égalité individuelles
& civiles des artiftes qui les exercent. Mais cette
correfpondance, toute bornée & toute imparfaite
qu’elle eft, a des avantages réels, évidens.8c nombreux
; elle doit donc infpirer i nos légiflateurs celle
qu’ils peuvent utilement établir entre tous les arts
& les commerces qui diftribuent les cpmeftibles.,
.& l ’art fuprême de la médecine , qui s’occupe
prefque feule des lois de l ’économie animale, qui
eft vouée feule à la confervation de l’homme, qui
doit travailler à la perfection de l ’ efpèce humaine,
concurremment avec l ’éducation, qui enfin doit
former en chaque lieu , dans ceux qui l ’exercent,
un tribunal immédiat, tout occupé de la. fanté pu-,
‘blique & individuelle des citoyens, fous les tribunaux
généraux de la nation. U r b i & o r b i f a l u s ;
voilà leur devife : comment ,1a rempliront-ils, fi
on leur ôte les moyens de veiller au bien public?
L a plupart des artifans & commerçans de
comeftibles font établis en communautés. Leurs
réglemens particuliers contiennent trois fortes de
dilpofîtions. Les premières font relatives au régime
de leurs corps, les autres à leurs droits, qui les
ont fouvent mis en correfpondance & en procès
avec les corps dépofitaires du commerce des drogues
& des médicamens compofés. Les troifièmes font
les difpofîtions particulières, établies dans la confection
& le débit de leurs denrées pour le bien, la
fanté , & la sûreté du public. Ces deux dernières
claffes de lois nous obligeront à revenir fur la
plupart de ces profefîîons , que nous confidérerons
toujours dans leurs rapports avec la fanté, & avec
les différentes branches de l’art de conferver la vie
& de guérir les maladies.
' I l eft uu objet commun à.tous les arts & commerces
précédens, qui exige laplus grande attention
des légiflateurs. Non feulement la nature a fouvent
mis le poifon dans les fubftances alimentaires,
mais elle en acompofé en entier des métaux &
autres minéraux, dont l ’art forme les vafes dans
lefquels on prépare les ■ alim ens & médicamens.
L ’ancienne légiflation a encore été trop indifférente
fur cet objet. N ’eft-il pas en effet bien étonnant
qu’après -cette multitude infinie d’empo 1 fonnemens
opérés par les vaiffeâux de cuivre & de plomb ,
& dénoncés par lés médecins au public & aux
magiftrats , l ’ufage ,n’en- foit pas encore univer-
fellement prolcrit par.les lois les plus fevères ?
N ’eft-il pas étonnant que l ’on n’emploie pas , à
prévenir ces empoifonnemeus ? lés maîtres de 1 art
de guérir*“, ordinairement appelés trop tard pour
porter l ’antidote , & dont^lês moyens font trop inefficaces
pour pouvoir remédier a cesrjavages aufti
fubits qu’ils font dellruétifs ?
De toutes les fubftances alimenteufes i l n’en eft
point , après l ’air, d’un .ufage plus commun &
plus néceffairc que l’eau. Rien auflî de plus abondant
dans la nature j & cependant !*eau pure &
parfaitement faine eft un aliment par-tout affêz
rare. Les eaux de rivière font fans ceffe infeéïées
de fubftances hétérogènes , mai-faines, qu’envoient
les:pluies , Les neiges , les ruiffeaux , dés infufions
de plantes, des diffolutions d’animaux , des immondices
qu’on y jete, &c. Les eaux de four ces
& de puits tiennent ordinairement en diffolution
des fels & fëlénites toutes médica men te, u fes.
La légiflation générale du royaume & les fégff-
lations locales n’ont prefque encore rien fait rpour
l ’examen & la correction des eaux. Le vulgaire
n’a que fon goût pour en faire la diftinétiori; &
non feulement le goût n’eft point affez délicat
pour reconnoître les fubftances invifîbles qui en
rendent la plupart mal-faifantes, mais encore i l
s’habitue à ces faveurs défagréables, qui font autant
de monumens naturels de poifons invifîbles. Prefque
tous les .hommes de tous les âges s’abreuvent
continuellement de ces poifons lents. Et à quoi
fervent donc les études & les expériences des médecins
& dès chimiftes, fi la police, qui doit veiller
fans ceffe au bien de .l’humanité, n’ouvre pas les
yeux fur les dangers de la nature & des arts, dont
nous fommes environnés & affaillis.
Les médecins de l ’antiquité étoient moins habile^,
mais ils étoient plus écoutés des magiftrats & du
public. Ils travaiiloient avec plus de z è le , de
confiance & de fruit à la fanté du public *& des
particuliers. Leurs travaux ontfébauché la police
de Vair. , des eaux, & des lieux : de aère, locis,
& aquis. Si l’on eût continué leur travail, le
peuple fèroit nourri d’alimens bien plus fains ,
& la mort feroit infiniment moins de viélimes.
L ’affemblée nationale , toute occupée du bien
public , fe prépare à prévenir les maux moraux
par uu nouvel ordre judiciaire , qui prévienne les
procès, & qui termine promptement, fans de grands
travaux & fans beaucoup de frais, les procès
inévitables. Eft-il moins digne de fes foins & de
fon zèle de prévenir les maladies & de faire
guérir avec plus de fureté celles dont toute la
fcience & la prévoyance ne peuvent préferver
l ’humanité ? I l eft un moyen général de parvenir
à ce double but. C ’efl de faire autant fervir les
fondions des corps de méde cine à la confervatioa
O o o o o 1