
fenfible entre les changemens de direction de l'aiguille
aimantée & les vicilfitudes auxquelles nos
corps font fuiets. Au moins cette correfpondance ,
lî elle exifte-, eft-elle nécefTairement confondue
avec ’celle d’une multitude de caufes beaucoup plus
paillantes qui agiffent en même temps , & auxquelles
il eft plus naturel d’attribuer des effets
fenfibles , qu’à une caufe dont i ’aétivité ne peut
être faifie par aucun de nos fens.
Néanmoins je vais rappeler les phénomènes
principaux & les différentes époques les plus connues
des variations de l ’aiguille aimantée , ainli.
que les principaux lieux où les obfervations comparatives
ont été faites.
(.Phénomènes du magnétifme terreftre ; difficultés
du fyjlénie, d'un noyau central.) Les obfervations les
plus importantes relatives au magnétifm'e de la terre,
font celles qui dépendent de la déclinaifon & del’in-
clinaifon de l’aiguille. Elles ont fait fuppofer qu’il
exiftoit au centre du globe un noyau magnétique qui
déterminoit les directions de Y aimant ; fyftême ingénieux
5 mais qui eft bien loin d’ être prouvé ,
comme il paroît par la multitude de fuppofîtions
qu’il rend néceffaires. Suivant ce fyftême , les
pôles & l ’équateur du noyau magnétique doivent
être les caufes déterminantes de la déclinaifon &
de l ’inclinaifon ; en forte que fi ce noyau magnétique
étoit placé exactement & invariablement
au centre du glo be, fon axe & fon équateur répondant
à l’axe & à l’équateur de la terre, il n’y auroit
évidemment aucune déclinaifon , & les inclinaifons,
exactement proportionnées à l ’éloignement nord &
fud de la ligne, feroient nulles dans tous les lieux
limés foùs l ’équateur terreftre.
Mais , i°. la direction de l’aiguille" ne correspond
pas par-tout avec l’axe ou les pôles du
globe. Elle décline dans certains-lieux à l ’eft, &
dans d’autres à l ’oueft. a°. Pouf l ’inclinaifon, les
lieux où elle eft nulle paroiffent indiquer un cercle
irrégulier plus ou moins incliné à l ’équateur, &
qui le coupe en quelques endroits feulement. j° . La
déclinaifon n’eft pas toujours la même dans les
xnêmes lieux ; & indépendamment des changemens
journaliers dans lefquels cependant l ’aiguille retourne
ordinairement au point dont elle s’eft écartée
par un mouvement plus ou moins périodique &
régulier , indépendamment des variations accidentelles
qu’occafionnent dans la déclinaifon habituelle
différens météores, & fur-tout les aurores boréales,
la déclinaifon totale varie évidemment d’année en
année. Depuis i f f o & 1580, époques des premières
obfervations faites à Paris, où Ja déclinaifon
étoit de 8° & de io ° 30' à l’eft , jufqu’à
l ’année préfente ( 1786 ) , où la déclinaifon eft de
n ° 3 l ’oueft , l’aiguille s’eft prefque çonftam-
ment avancée. vers l ’oueft. 40. ,Enfin , ce qui eft
une fuite néceffaire de ce qui vient d’être dit, la
férié linéaire des lieux où la déclinaifon s’eft
trouvée nulle en différens temps , formé des zones
pu des méridiens qui ont paffé fuceeffivement par
divers points du globe. Une de ces zones a paffé
par Paris dans l ’année 1666 , où la déclinaifon
s’eft trouvée nulle.
Ces zônes ont toXijours une certaine largeur ,
& comprennent dans leur étendue l ’intervalle de
plufieurs' méridiens.
D ’après ces obfervations, il a. fallu former une
fécondé fuppofition, il a fallu établir que le noyau
magnétique n’étoit point placé au centre du globe;
mais que fon axe étoit placé hors de ce centre
& incliné à l ’axe terreftre. De cette manière , la
direction de l’aiguille aimantée ne doit répondre
exactement aux pôles terreftres que dans les lieux
où le méridien magnétique fe rencontre dans le
même plan que le méridien du globe. Et comme
cet effet a lieu dans plufieurs endroits de la terre,
& que cependant un feul noyau ne femble pouvoir
produire que deux méridiens correfpondans aux
méridiens terreftres, quelques physiciens ont fuppofé
un double noyau. Il a fallu fuppofer encore que le
noyau magnétique étoit mobile & fufeeptibie de
fuivre, félon des lois qui nous font inconnues ,
un mouvement de progreflion différent de celui qui
lui eft commun avec le globe entier. Sans cela
on ne pouvoit concevoir les changemens fucceffifs
de déclinaifons de l’eft à l ’oueft ’qui fe font opérées
prefque conftamment depuis plus de zoo années.
Car pour les variations journalières & accidentelles
, elles appartiennent nécefTairement à d’autres
caufes , probablement indépendantes du magnétifme
de la terre, comme la chaleur, l ’électricité
, les variations de l’atmofphère , &c.
I l auroit encore été. facile , par un certain
nombre d’obfervations comparées, de déterminer
exactement la pofition de ce noyau fappofé relativement
au globe, fi les fubftances placées entre
lui & la furface de la terre n’euffent troublé & dérangé
fon influence fur l’aiguille aimantée. C’eft:
ce qui arrive évidemment en bèaucoup d’endroits ,
principalement dans le continent & fur toutes les
terres ; car les obfervations faites par les navigateurs
& en pleine mer, font de toutes les plus régulières
& les plus fùres, ainfi qu’on le peut voir
par la table de M. Halley & celle de MM. Moun-
taine & Dodfon, relevées par.M. Vanfwinden
dans fon mémoire fur l ’aiguille aimantée, (tab. 41.)
( M'ém. des fav. étrang. vol. VIII. ) Souvent même ,
en mer, une roche élevée fous l ’eau ,.ou le, voifinage
d’un cap dérangent fenfiblement l’aiguille'.
Toutefois malgré ces irrégularités, la généralité
des faits ne laiffe pas d’annoncer un enfemble phyfî-
que, quel qu’il foit, très-véritable & très-folide,
quoique cet enfemble difparoiffe quelquefois dans
les details. C’eft à çet enfemble qu’il faut que le
phyfîcien s’arrête ; i l doit le chercher dans la fimple
obfervation , en éloignant tout efprit defyfteme;
efprit qui dénature les' faits , & qui trop fouvent
devient la règle du degré de confiance qu on leur
accorde , félon qu’ils s adaptent plus ou moins facilement
à nos idées.
Toutes
Toutes les fois, que la nature nous montre entre fes
phénomènesun accordfenfible,cet accordmérite toute
notre attention, & ce n’eft pas une étude étrangère
à la philofophie: de la médecine , que celle qui
a pour objet les grandes propriétés du globe. A la
vérité, les hommes emportés, fans s’en douter, par
JLe torrent au .milieu duquel iis roulent comme
tous les .autres êtres, ne fentent pas les effets des
différentes impulfions auxquelles cependant ils cèdent
à chaque moment. La gravitation qui nous attache
à la terre eft une des lois les plus impérieufes de
la nature, & une de celles que nous fentons le
moins, parce que, toujours égale & uniforme, elle
n’occafionne en nous aucun changement. Mais les
lois du magnétifme étant fufceptibles de variations
& de changemens , ont un droit de plus à notre
attention, parce que tout ce qui change par rapport
a nous, eft fufeeptibie d’être fenti , & que tout ce
qui peut être fenti mérite d’être étudié. Il faudra
des fiècles d’obfervations pour.fixer le degré d’utilité
que peut avoir cette élude , ainfi que pour
déterminer la liaifon que le magnétifme peut avoir
avec les autres phénomènes de la nature ; mais le
médecin philofopbe doit travailler également pour
tous les. hommes & pour tous les fiècles.
P h énom ène s g én e 'ra u x de la d é c lin a ifo n &
de V in c lin a i f o n .
i° . L e p rem ier f a i t important relatif à la direâion
de l’aiguille aimantée , eft Y é ta t c om p a r a t i f d e 'fa
d é c lin a ifo n d a n s le s d iffé r en s l i e u x de la terre.
Mais en général, dans le continent, les proportions
entre les diftances & les déclinaifons font fort
inexa&es ; elles le font beaucoup moins en mer.
Cependant la régularité affez confiante des changemens
de déclinaifon à Paris, fait qu’on pour-
roit fe fervir des obfervations qui y ont été faites,
comme d’un terme de comparaifon pour les autres
lieux du continent. Cette année (178 6 ), la déclinaifon
eft, à P a r i s , de zz° à l’oueft; elle y
étoit en 1730, de 140 25' ; alors elle étoit à
R om e de n ° . — En 1735 elle étoit de 150 40'
à Paris, & à U tr e ch t le terme moyen de l ’année
étoit de 130 17'. Dans la même année , la déclinaifon
étoit à H a r lem de 150 1 1 '.— i l n’y
avoit pas au commencement de ce fiècle une grande
différence entre les déclinaifons annuelles de Paris
:& de L o n d r e s . La ligne fans déclinaifon paffoit,
en 1666, dans ces deux villes. En 1700, la déclinaifon
étoit dans l ’une & dans l ’autre de 8°
i z ' ; mais comme à Londres la déclinaifon augmente
à l’oueft d’année en année de 1 1 ', & qu’à
Paris elle n’augmente que de 10' , ainfi que l ’a
trouvé M. Vanfwinden en divifant par le nombre
des années la fournie des changeniens depuis 1678
jufqu’à 1771 , i l s’enfuit que par fùcceffion de
temps, la déclinaifon doit être plus forte à Londres
qu’à Paris, & en 1774 la déclinaifon pàffoit
à Londres 2 1 ° , & n’étoit à Paris, cette même
année & les fuivantes, qu’entre î & zop.
Méd e c in e . Tome 1,
Si donc il y avoit une exacte proportion entre
les diftances & les déclinaifons , fi les progrès
dans les changemens de déclinaifons étoient partout
les mêmes , il eft clair qu’en connoiffant la
déclinaifon d’un endroit, on fauroit aifément celle
de tout le globe. Mais les dérangemens accidentels
de déclinajfons dans certains temps rendront
toujours incertaines, pour les réfultats, les obfor-
vaiions faites fur quelques années & fur quelques
temps de l ’année en particulier. Ainfi , 1 aiguille
fut ftationnaire à Paris depuis l ’année 1720
jufqu’à 1724, & dans ces cinq années elle fut
conftamment à 130. A Pékin, pendant trente années
d’obfervations, l’aiguille n’a pas changé de déclinaifon;
cependant durant cet efpace de temps elle
a certainement changé dans beaucoup d’autres lieux.
La déclinaifon, qui étoit de 1 1° à Rome en 1730 ,
fe trouva de 12° 30' l ’année fuivante , & à Paris
elle n’.étoit augmentée dans cet efpace de temps
que de 20'. DVailleurs les grandes augmentations
de déclinaifon fe font fouvent par fecouffes, & la
fin d’une année fe trouve fouvent à cet égard très-
différente du commencement.
Les dérangemens locaux feront encore une des
caufes qui rendront les obfervations particulières
très-incertaines. Le capitaine Cook a trouvé qu’en
approchant de la pointe occidentale de la baie de
Cleveland, l ’aiguille fe dérangeoit d’autant pluÿ
de fa véritable dire&ion , qu’on étoit plus près
de terre; il a nommé cet endroit Üijle Magnétique.
En i 68t ,'M . Varin obferva à Gorée, que
dans divers endroits de l ’ifie il y avoit une variation
d’un degré à 14 , & dans la baie il-n’y avoit
aucune déclinaifon. En 1751? M. Geete obferva
fur un rocher voifin de l’ifle de Suffari, dans le
golfe de Finlande , que l’aiguille tournoit fans
s’arrêter; près de là elles’arrêtoit au fud-oueft. Dans
la baie d’H udfoh & à des latitudes au deffus de
6o° les variations d’un endroit à un autre font
très-confidérables , & les déclinaifons font de 30 à
48. Le voifinage des grandes glaces'a même fait
perdre à l ’aiguille toute vertu'magnétique, efpèce
de paralyfie qui quelquefois a été diflïpée par la
chaleur , quelquefois eft reftée fans remède. Cet
effet cependant n’a jamais eu lieu à une diftance
de cent lieues des côtes.
Ainfi, ce n’eft ni par des obfervations de quelques
années, encore moins de quelques temps de
l ’année, ni par des obfervations faites dans quelques
lieux, qu’on peut obtenir un réfultat fatisfaifant, puif*
que,outre l ’irrégularité fuppofée du noyau & l’inégalité
des intermédiaires ; la difpofition des lieux ,
rinconftance des météores, & peut-être encore une
infinité d’autres caufes inconnues dérangent nos
obfervations. * Il faut un enfemble d’obfervations
fuivies pendant plufieurs fiècles, & faites également
dans un très-grand nombre de lieux, dans les
mêmes temps, & , s’il étoit poffible , avec des
aiguilles comparables ; & dans le fommaire qu’on
en déduira, il ne faudra pas s’arrêter aux détails
G g g .