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pour les fécules en poudre. Dans le premier moment
de la cuiffon, la fécule fe répand dans l ’eau , l ’eau
fe trouble; mais on fe trompe Ci on les croit
cuites pour cela : il faut continuer ; il vient un
moment oit l ’eau s’épaiflit, prend de la confiftance ;
c’eft: celui ou les petits grains de la fécule fe
dilatent comme le feroient les grains entiers y il
ne faut qu’un- m'ornent de plus, & la. cuiflon eft
parfaite. Jufques-li l’eau eft un liquide qui tient
lu (pendue• une poudre nutritive & qui. la dépoferoit
prefque toute fi on le laÜToit refroidir j. de ce
moment elle eft devenue un .liquide homogène,.
qui, par l’ évaporation , fe réduit en gelée, i l eft
même des fécules qui, dans le moment de ce gonflement
j s’élèvent tellement , qu’elles paffent les
bords du vafe &. fe répandent au dehors. C ’eft ce
qu’on obièrve dans le chocolat,. & ceux qui font
accoutumés à le préparer, favent que c’elt là le
moment où il commence à fe faire , & ils ne le
regardent comme fait que quand il ceffe de fe
gonfler ainfi ; alors le liquide dans lequel il eft
fulpendu eft Hé & onétueux, & ne dépofe plus
par le refroidiffement. Nous avens déjà parlé de
cet effet earaftériftique des fécules nutritives en
parlant du cacao. Les anciens avoient bien infifté
fur l ’obfervation que je viens de rapporter. Galien,
ne regarde la tijane comme faite, que quand l ’orge
a bien acquis toute l’étendue qu’il doit avoir, &
avertit qu’alors elle n’eft plus fufceptible d’oêca-
fionnèr des gonftemens dans l ’eftomac, effet qu’elle
produiront fi l ’orge n’avoit pas été bien cuit. Ils
ont dit la même chofe de l ’alica , & ils avertirent
que fi on ne prolonge pas la cuiffon juCqu’à ce
point,. on donne le grain véritablement cru. Les
mêmes obfervations doivent être appliquées aux
fécules & aux grains cuits, foit dans le la it , foit
dans le bouillon ; on ne doit croire les grains
cuits & les bouillies faites, que quand le bouillon
ou le lait ne coulent plus comme contenant une
poudre fufpendue, mais comme un liquide homogène
chargé de la fécule- abfolument diffoute , ou
quand les grains commencent à s’unir & à fe lier ,
& ont donné à la liqueur dans laquelle ils ont
cuit, une confiftance plas onétueufe*
Torréfaction.
Une autre manière de préparer les farines &
les grains', eft de les foire paffer au feu, foit en
les mettant au four, foit en les grillant. C ’en
ce que les anciens appeloient »àcpwa pour l’orge,
& àxvircL pour les farines de froment & les autres.
C ’éfoit même, avant que les effets de la fermentation
panaire fuffent connus , la feule manière de
préparer les graines céréales.
K t torrere parant flammis, &frangerefaxo ( Virg').
C ’étoit principalement avec la farine d’orge ainfi
préparée, qu’on foifoit le ma\a, ainfi que l ’indique
Galien. I l penfoit que cette préparation
altérait la propriété nutritive du grain , & il
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regardort le maza ainfi préparé comme moins
nourriffant que le pain d’orge, nom qu’iL dônnoit
aux gâteaux qu’on foifoit avec de la farine non
torréfiée. C’eft de même, par une légère torréfaéHon,..
que beaucoup de femmes de la campagne préparent
la farine de froment avant de l’employer pour
faire la bouillie. Dans cette préparation, il eft sûr
que le grain s’altère; il eft sûr aufli qu’il acquiert
du volume & fe gonfle beaucoup. Il eft aufli vrai
au moins il me fernble qu’on l ’a obfervé, que dans
le froment ainfi préparé , les deux fubftances dn
froment, la fécule & la matière glutineufe , ne
peuvent plus ' fe féparer ,• d’où 11 réfulte que la
torréfaction produii.à cet égard l ’effet & de la
'décoction & de la fermentation. Cette torréfaction
donne en même temps à la farine une faveur plus
relevée, qui« la rend plus tonique & aide à la.
cHgeftion , en rend la diffo Lution dans les fucs digeftifs
plus complète, err. un mot, produit les propriétés
que les anciens défignoient en dilant qu’un aliment
étoit f ie .
D e s effets attribués aux farineux non fermentés*
Au refie, la farine employée dans les gâteaux
fans torréfaction préliminaire , éprouve en quelque
forte le même effet, puifque les gâteaux ne fe
mangent qu’après qu’ils ont été pénétrés par une
chaleur sèche & ardente y & quoique toute la.
maffe de la pâte n’éprouve pas dans toutes fes
parties les effets de la torréfo&ion, il eft cependant
prouvé que l ’on ne peut pas davantage retrouver
dans la pâte azyme , une fois cuite , les v deux
parties qui compofènt la ferine & qui s’en féparoient
avant cette opération1.
Beaucoup de peuples, même en Europe , ne
connoiffent pas le pain levé , ne vivent que de
gâteaux, & ne font pas"fumets à plus d’incommodités
que les autres» C ’eft ce que M. Cullen obferve
au fujet des Ecoffois, fes comparriotes.
Ainfi , les médecins’, en parlant de la glutinofîté
occafionnéè dans nos humeurs par les farineux non
fermentés , & des inconvéniens de ces alimens', ont
cédé peut-être encore plus à la théorie qu’a
robfervation : c’eft ce que JVL Cullen Leur reproche.
Cependant i l me fernble que ce favant médecin
refufe trop généralement aux farineux non fermentés
la propriété cfe communiquer aux liquides une
confiftance plus grande que les autres alimens *
& en général il ne croit pas à l ’épaiffiffement
des humeurs, quelle qu’en fo it. la caufe. Une
des raifons qu’i l en donne eft , que des liquides
parvenus à une certaine épaiffeur ne pourroient
circuler dans nos vaiffeaux , & qu’ils ont befoin:
pour cela d’être très-fluides; qu’a la vérité, les fluides
que nous prenons avec nos alimens, peuvent augmenter
la férofité & diminuer la denfité du fang „
mais que cet effet n’eft que momentané, & que
cette férofité paffe bien vite par les émori£toires
naturels dans l ’état de fanté,. & qu’en général lat
confiftance de nos humeurs éprouve moins de var-
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dation qu*on ne le penfe communément. Je doute
que cette opinion puiffe être adoptée entièrement.
Premièrement, i l exifte des circonftances od le
fang a réellement une confiftance & une épaiffeur
fingulière. Je connois une femme qui a éprouvé
beaucoup de maux différens, & à laquelle j’ai foie
fouvent faire des Alignées que fa fituation rendoit
indifpenfables, quoique d’ailleurs elle n’ edt que
des affedtions vagues & douloureufes, plus fpaf-
modiques qu’évidemment humorales. Je la fis un
jour faigner du pied, & je fis réferver du fang
■ dans une poelette qu’on rempLit. On garda le
fang pendant trois jours dans un lieu frais, fans
qu’il en fortît une goutte de férofité. Quand on
voulut le jeter', il fallut le détacher de la poelette ,
& il tomba comme une maffe. On a peine à
concevoir qu’une pareille fubftance puiffe couler
dans des vaiffeaux , cependant elle y couloit. Je
fais que la chaleur & le mouvement peuvent lui
donner un grand degré de fluidité , & cela doit
être ; mais certainement cet épaiflïffement àvoit
de quoi me furprendre. Je l ’ai vu quelquefois à
un degré moins confîdérable , mais néanmoins affez
fort dans des perfonnes d’ailleurs faines. A l’égard
de l ’influence que les alimens peuvent avoir fur cet
état du fang , il fuffit de voir que dans les nourrices
& dans les animaux la qualité & l ’épaiffeur du lait
éprouvent des différences fenfibles, non feulement par
la quantité, mais encore par la nature des alimens
pour fe convaincre que le même effet doit s’étendre
jufqu’au fang. Quand d’ailleurs on confidére la
grande analogie de la matière glutineufe du froment
avec la matière fibreufe du fang, on eft difpofé
à croire que les alimens faits avec cette farine fans
le fecours delà fermentation, peuvent augmenter la
proportion de la partie du fang qui lui eft fi analogue.
P réparation des léguminèufes.
Ce que je viens de dire de la préparation des
farineux ne regarde guère que les graines céréales.
P®ur les léguminèufes, il n’y a guère d’autres
préparations que celle de la décoétion dans l ’eau;
je ne parle, pas des affaifonnemens qu’on y ajoute
pour les rendre plus ou moins agréables. Mais
i l eft bon d’obferver ici que cette déco&ion, plus
difficile & plus longue que celle des graines céréales
ou des fécules libres, à caufe du lien de
l ’huile graffe qui unit toutes les parties .de la
fubftance des léguminèufes, ne peut encore fe faire
qu’avec des eaux bien pures. Que celles qui font
ou (éléniteufes, ou falées n’y pénétrent pas, mais
qu’alors un peu de fel fixe de tartre qui décom-
pofe la félénite, & même peut s’unir, comme on
l ’a déjà d it, à l’huile graffe , facilite l ’attion pénétrante
de l ’eau. Ces graines fe gonflent dans
cette opération comme les céréales; leur farine
eft fufceptible de fermenter, mais prefque aucune
ne pouvant lever régulièrement , excepté la farine
des fèves ou fevroles, on ne peut les regarder
comme capables de faire du bon pain > 8c en tout cas
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la meilletire manière de s’en nourrir feroit toujours de
les manger fans autre altération que celle de la coe-
tion& des affaiffonhemens qu’elles peuvent exiger»
Préparation des emulfives.
Pour les émulfîves, elles font incapables de
faire du pain. Dans la décoction , l’eau les pénètre
difficilement à caufe de l ’abondance de leur
huile. Leur farine fermente m a l, & fe rancit plutôt
qu’elle ne fermente,à caufe de cette même
huile. On ne peut donc s’aUmenter que de leur
pâte , de leur fuc laiteux ,, ou de leur huile ; encore
rarement les mange-t-on feules ; comme les céréales
& les léguminèufes , elles ont befoin d’être mêlées
à d’autres alimens,
Liqueurs fermentées ,. tirées des graines céréales.
Bière.
Une dernière obfervation que nous avons à foire
fur les alimens de la claffe dont il vient d’être,
queftion, c’eft celle qui eft relative aux liqueurs
fermentées qu’on en prépare. Tout le monde fait
ce que c’eft que la bière. Elle fe prépare avec
les graines céréales , mais fur-tout avec. l ’orge.
On en prépare aufli dans quelques contrées de ■
l’Afie & de l’Afrique avec le riz; mais l ’orge eft
la fubftance généralement employée dans tous les
pays feptentrionaux, en Angleterre , en Flandre,
& dans la France feptentrionale. La bière eft due
à une fermentation ipiritueufe, bien différente de
la fermentation panaire, qui eft une véritable
acefcence. Comment la fermentation fpiritueufe
s’établit-elle dans une fubftance naturellement difi
pofée à l ’acefcence ? Le voici. Avant tout on foit -
germer l’orge. Dans la germination, le germe
s étend , fe développe, pouffe une radicule dont
on n’arrête l’accroiffement que quand elle a dépaflé
le grain de quelques lignes ; alors le germe , tant
au dehors qu’au dedans du grain qui s’eft gonflé,
a acquis un volume au moins égal à celui du
périfperme ou de l ’enveloppe farineufe qui foit
le corps du grain avant la germination ; ce germe
alors contient une fubftance fucrée , peut-être-
même , par un effet de la végétation commençante ,
une partie du corps farineux s*c-ft-il rempli de
cette fubftance fucrée : ainfi le grain fe trouve alors
compofé’, partie d’une fubflance fucrée, partie d’une
fécule farineufe. Que foit-on alors? on le broie,
on le cuit dans l ’eau, & cette décoélion contient
une fubftance fucrée, unie à la fubftance gélati-
neufe de la fécule; on l’épaiflit ; on la foit fermenter,
& cette fermentation vraiment fpiritueufe,
comme toutes celles dans lesquelles le fucre entre
pour quelque chofe, eft ce qui conftitue la bière, l i queur
plus nourriffante que n’eft le vin. C ’eft
donc très-probablement au développement d’une
partie fucrée dans le germe du grain , que la dé-
coélion de l ’orge doit la propriété de donner
naiffance aux produits de la fermentation foiritueufe»
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