
JVIais pour -l'Egypte inférieure, il faut néceflaare-
ment en revenir aux trois claifes de Profper-Aipin.
I l faut diftmguer les habitans des villes , accoutumés
à vivre fouvent enfermés pour fe mettre à
l ’abri de la chaleur, ufant fréquemment des bains,
vivant d'ali mens très-rafraichiirans. Iis font épais,
très-gras, & du tempérament que Profper-Aipin
appelle fanguin pituiteux. Les arabes, au contraire
, qui vivent, fous des tentes hors des villes ,
font maigres & d’une conftitutiori bilieufe. Enfin
les habitans de la campagne , Tes laboureurs , ruf-
t i c i , font maigres, brûlés, 8ÿ du tempérament que
les anciens appeloient mélancolique.
•Ce n’eft probablement que des premiers que Prof-
per-Alpin veut parler, quand il dit qu’erï général
les égyptiens ont l ’eltomac foible. En effet,
i l attribue cet effet à la vie qu'ils mènent & aux
alimens dont ils ufent, qui font la plupart pris
parmi les herbes potagères & les fruits très-rafraî-
çhiffans..En général les égyptiens font fobres, ils
forment peu, fe lèvent très-matin, mangent peu,
mais fouvent, dînent vers dix heures du matin,
foupent après le coucher du foleil. Ils font après
le dîner une courte méridienne. Ils mangent, comme
i l vient d’être dit , beaucoup de fruits, de concombres
, de melons , de melons d’eau, & fur-tout
de laitues. La bafe de leur nourriture eft principalement
lés farineux , St fur-tout le riz , comme
£hez tous les orientaux. Leur pain eft mal fait,
mal levé , & roux, parce que leur farine eft
mal blutée, quoique leur froment foit de la plus
Belle qualité. Cependant ils, font encore ufage
d'un aliment très-fain qui fe prépare à Menchié
dans la haute Egypte. C'eft une conferve de froment
qu’ils nomment clnédé ou rofée ; elle eft
légère , fond aifément dans la bouche, & eft un
peu fucrée ; elle fe prépare par la décoftion &
fa defïiccation. ( Savary , lettres fu r VEgypte,
t* ij> P* 8:8.) Les égyptiens mangent encore des
volailles rôties & bouillies; mais en général ils
font peu d’ufage de la viande. Ils boivent avec
excès l'eau dû N i l , ufent beaucoup des boiffons
acidulés , fucrées, & légèrement aromatifées, qu'ils
appellent forbet ou char b é , & auxquelles ils
mêlent fouvent les fiics exprimés de differens fruits ,
des pâtes parfumées faites avec ces fruits mêmes , &
.qui viennent de Damas, ou même le fuc exprimé
.des fleurs & des têtes du nénuphar d'Egypte , ou
lotus râloticd. Outre cela, dans le cours de la
journée, ils prennent & du cafc & des confitures ;
mais en général ils affaifonnent peu leurs ali-
fnens, fi ce n'eft leurs volailles & leur riz^ auxquels
ils mêlent le fafran , la coriandre , & quelques
autres épices. Ils fument fouvent, mais brûlen
t, poux cet effet, une efpèce de tabac beaucoup
plus doux que le nôtre, & le tirent du foyer
de leurs] pipes par de très-longs tuyaux; ce qui
en épure la fumée. Ils fe livrent à l'amour avec
excès, & s'ÿ excitent par des préparations enivrantes
dout je parlerai autre part. ($. X . ) Le
vin leur eft interdit, mais, fahs parler des tranf
greffions qu’ils fe permettent, le vin de dattes
eft chez eux très-eftimé ( ils le nomment fubia ),
& iis boivent auffi de la bière. Ils font un grand
ufagé des bains , & fur-tout des bains de vapeurs „
dans lefquels ils fe font manier & affoupiir les
membres par le majfage. Ils. s’y font encore fuer
& vomir , s'y parfument de diverfes effences.
(Voyez la defcription que fait M. Savary des bains
du Caire , & l ’article B a i n s dans ce Diéfionn. ) Un
ufage qu'il ne faut pas non plus oublier ic i, c’eft
celui des faignées de précaution, que les Egyptiens
prodiguent outre mefure. Les jeunes gens fe livrent
à un grand nombre d’exercices gymnaftiques qui
fortifient leur corps St donnent a leurs membres
de l ’agilité & de l ’adrelfe ; ils fupportent l ’ardeur
du foleil le plus brûlant avec une confiance fin-
gulière. Mais de tous les exercices, celui du cheval
eft celui où ils excellent le plus , fur-tout les
arabes. Du refte, les gens aifés , qui ont paffé le
temps deftiné à l ’éducation de la jeuneffe, aiment
le repos & vivent dans la mollelfe. Ils ne s'ennuient
pas de l ’inaètion, ils . ne fe promènent
point en marchant comme les européens ; ils parlent
fouvent les nuits d’été fur les terraffes de leurs
maiions, & y couchent même en plein air. Ils
fortent peu le jour , ils fe tiennent alors dans
des appartemens rafraîchis d’une part *, dit Profper-
Aipin , par des tuyaux qui s’ouvrent au deffus des
toits du côté du nord , & embaumés de l'autre ■
par l ’odeur des parfums qu’on y brûle. En général
, les égyptiens , comme les orientaux , ont partout
un goût fingulier pour les odeurs ; les bosquets
de leurs maifons de campagne font tous
formes' d’arbrés odoriférans, & i l pa'roît que l ’im-
preffion que les parfums font fur leurs nerfs eft
bien plus foible que celle qu’en reffentent Ta
plupart dés nations européennes ; ce qui eft vrai
auffi de l ’opium.
Les habits des égyptiens , ceux au moins des
habitans des villes , font* femblables à ceux des
habitans de la Turquie. Une feule chofe eft digne
de remarque , c’eft leur ufagé de laiffer leurs en-
fans nu - tête expofés au foleil pendant tout le
temps de leur enfance : cet ufage j ancien en
Egypte, eft remarqué par Hérodote, & regardé
comme une des caufes de la différence des crânes
des égyptiens, en comparaifon de ceux des perfes
tués dans une même aftion. Ceux des perfes étoient
minces, St cette difpofition eft attribuée à l ’ufage
qu’ils avoient de fe tenir toujours la tête couverte
de tiares. Quoi qu’il en foit , les enfans
des égyptiens ont la tête nue : mais les hommes
fe la couvrent d’un bonnet , & fe l ’enveloppent
d’un turban. Cet ufagé oriental du turban pour-
roit être regardé comme une des caufes qui déterminent
les humeurs à fe porter fur la membrane
pituitaire, d’où peut venir en partie la fréquence
des rhumes de cerveau chez les peuples
de l’O rient, St~ fur-tout de l’Egypte. La multiplicité
tiplicité de ces incommodités eft fans doute ce qui
a rendu l ’ufage de fumer fi commun chez ces
nations, qui d’ailleurs , habitant un climat chaud,
ne devroient pas éprouver ce befoin autant que
nos nations feptentrionales. Au refte , l ’ufage religieux
des mufulmans , de fe rafer prefque toute
la tête, a pu rendre celui du turban plus nécef-
faire, quoique des hommes habitués à avoir la
tête nue dès l ’enfance, euffent aifément pu fe paffer
de ce fupplément dans un âge plus avancé.
Ce n’eft pas ici le lieu de parler de la religion
des mufulmans , St defon influence fur les hommes:
ce genre d’obfervation fera encore mieux placé autre
part. La poéfie des orientaux eft en général gigan-
tefque & figurée , & celle des égyptiens participe
de ce caractère; celle des arabes eft très-animée
St très-énergique, fur-tout la poéfie amoureufe :
on aura lieu d’ètre étonné que ce qu’on dit de
la poéfie d’une nation ne foit pas toujours également
applicable à la mufîque. Celle des égyptiens
eft uniforme & monotone, fans accompagne-
jnens & fans parties. Tous chantent à l ’uniflon :
mais le caractère en eft langoureux-. Leurs fpec-
lacles confiftent feulement dans les chants & les
danfes que les aimé ou danfeufes de profeffion
exécutent fouvent pendant les repas , & dans lef-
quelles elles s’animent par des liqueurs enivrantes,
St parviennent à un degré d’indécence & enfin
de fureur , fouvent terminé par un fommeil profond.
(Savary, t. i , p. i$o.) Tous ces objets
font faits pour émouvoir les fens & porter â la
.volupté St à l ’amour Les orientaux n’avoient pas
befoin de ces fecours pour exciter une paffion qui
déjà n’eft chez eux que trop. vive. J’aurai lieu,
autre p art, de parler des harems & des femmes
qui les habitent. Les égyptiens ont encore beaucoup
d’autres ufages , foit civils , foit religieux,
qui leur font communs avec les' orientaux , St
dont je parlerai autre part. ( Voye\ Orientaux ,
G ymnastique, Bains, Arlution, Abstinence,
O pium , &c. )
Profper-Aipin attribue aux habitans de l’Egypte
une grande fécondité ; & cette propriété, dont le
peuple fait honneur â l ’eau du N i l , étoit auffi
connue St célébrée par les anciens hiftoriens qui
ont parlé de ce pays. Cependant cet avantage ,
fi l ’on en croit les hiftoriens modernes , n’ exifte
que chez les naturels , .St non chez les mamlucs,
dont aucune famille , dit - on , ne va jufqu’à la
fécondé génération. ( Voye5 Vhiß. p hilo f & polit*
par VaboéRaynal, 1. XI. ) Ce fait paroîtra bien
fingulier St bien important, fi l ’on confidère que
tous les mamlucs font étrangers, la plupart tirés
de nations qui cependant font très-no mbreufes St
très-fécondes en beaux hommes. Doit-on attribuer
cet effet à la tranfmigration ou au genre de vie dç
cet ordre d’habitaris ’ Toutefois cette dernière caufe
ne devroit pas produire un effet aulfi général.
Un avantage non moins réel que la fécondité
M éd e c in e . Tomt I .
des égyptiens mais bien remarquable^ dans ua
pays fouvent ravagé par les maladies épidémiques
les plus défaftreufes, eft la longévité. Profper-Aipiti
dit qü’on voit parmi les égyptiens beaucoup de
centenaires ; il en attribue la caufe à leur fo-
briété & à la fïmplicité de leurs mets.
z. Cette longévité a lieu auffi dans toute la
Barbarie, St les européens mêmes y parviennent
à une vieilleffe très-avancée. ( Voye\ L in d »
Ejfai on difeafes incidental to Europeans in:
hot climates, Lond. 1768 , p. 1 , c. z , pag. 40.
Les habitans de._ cette contrée ne mènent pas une
vie auffi molle ni auffi tranquille que les égyptiens,
auffi font-ils en général plusfecs & plus grêles-
M. Shaw nous préfente quatre ordres d’habitans
dans ces contrées ; les Maures, qui, forment le
gros de la nation dans les places maritimes 8c
dans les principales villes ; les turcs , qui tiennent
l’état militaire à Tripoli , à Tunis , St £
Alger ; les arabes , qui occupent divers diftriâs
dans l ’intérieur des terres & dans les plaines qui
rempliffent les intervalles des montagnes de l ’Atlas j
& les kabyles , ou originaires du pays, réfugiés
dans les montagnes. Les turcs St les arabes nont
aucun accès dans le royaume de Maroc. L &Jerid
ou Biledulgerid, ainfi que les parties feptentrionales
St habitables du Sabra , ou défert, font encore
partagées entre les kabyles & les arabes.
Cette divifîon, exaète dans l ’ordre politique 9
ne s’éloigne pas non plus des claffes qu on peu£
former parmi les habitans de la Barbarie, d’après
la confédération phyfique de leur manière de vivre*
Ces claffes fe réduiroient à trois • aux habitans
des v ille s, à ceux qui, fans demeuies fixes , Az-
bitent fous des tentes , & aux montagnards-
Les habitans'des villes font les turcs St les
maures ; St l ’on pourroit encore , parmi eux , faire
de nouvelles divifions qui ne fauroient être indifférentes
pour l ’obfervateur : car on doit diftinguec
les pirates, les commerçons , les militaites , Sc
les efclaves , condamnés aux travaux des ports Sc.
aux fatigues de l’agriculture.
Les arabes vivent ici comme en E g yp te , fous
des tentes : ces tentes réunies forment des efpèces de
villages qu’on nomme douers ( Shaw écrit dowars)*
Chaque tente ne contient qu’une chambre avec une
- divifîon feulement pour les beftiaux. Les arabes, en
Barbarie, fontpafteurs & agriculteurs ; ils font divifés
par tribus , errent dans l’étendue de différens diftri&s
nommés du nom de la tribu qui les occupe.
Les kabyles, divifés de même par familles oa
tribus, ont leursdiftriâs dans des montagnes fou-
ven tinacceffibles, où ils bâtiffent des cabanes oa
gurbies ( magaüaVirgil.) laites^ de claies couvertes
de boue qu de terre féchée au fo le il, oa
des débris voifins des villes anciennes, Chaque bâties
gurbie ne contient qu’une feule chambre avec une
divifîon pour les beftiaux, L ’affemblage des gur-
1 bies forme les villages appelés daschràlu Les kaè