
» le feiï au fommet., & on laifle enfuite le ey-
» lindre ie conlumer entièrement fur la partie.
» Le long efpace de temps employé pour cette
» opération, la rend , dit Kæmpfer , prefque in-
» fupportable : elle dure un quart d’heure, quel-
» quefois plus j quelquefois les chairs fe trouvent
» briilees a une telle profondeur , qu’iL en réfulte
» un ulcère incurable.
» Après l ’opération , on fait fur l’efcarre des
» onétions que l’on répète chaque jour.
» J ai parlé , continue 'Kæmpfer , du paftel qui
» fert à teindre en bleu la toile de coton dont
» on fait le cylindre , parce que les arabes , ap-
» puyés fur l’expérience de plusieurs fieclés , pré-
» tendent que le fuc de cette plante ajoute aux
» bons effets du feu ».
5°. Méthode des indiens , des malaies , des ha-
bitans de Vîle de Java, du royaume de Siam,
& des autres nations voifines,
« Les bramines , ou les philofophes de l ’Inde,
» perfuadés que les maladies ne dépendent point
» d’une caufe unique , emploient dans leur trai-
» tement plufieurs fortes de cautères a&uels, qu’ils
» ont foin d’accommoder aux divers fymptômes
» qui fe préfentent à combattre. Jamais , - dit
» Kæmpfer , ils ne communiquent aux étrangers
» les connoiflançes qu’ils ont fur ce point. On
» fait feulement que le procédé le plus ordinaire
» parmi eux pour pratiquer Yadujîion , confîfte
» à briller fur la partie qui doit éprouver Taétion
» du feu, la moelle d’un gros jonc qui croît dans les
» marais de ces contrées. Toute efpèce de jonc
» eft également bonne pour cette opération, pourvu
» que la tige en foit épaiffe j on imbibe cette
» moelle d’huile de fafame ( i ) , & on s’en fert
» enfuite , dit Kæmpfer , à la manière accoutu-
» mée » , e’e ft-à - dire, très - vraifemblablement,
comme les autres orientaux & les égyptiens , dont j’ai
décrit ci-deffus la méthode , en plaçant un bout
de la mèche de jonc fur les chairs, & allumant
après cela l ’extrémité oppofée.
T elle eft la relatiou exa&e , qu’on trouve dans
Kæmpfer , de la manière de cautérifer la plus
employée parmi les brames. On doit regretter que
cet auteur ne foit pas entré dans de plus grands
détails fur cet objet important : il feroit fur-tout
( i ) Toute efpèce d’huile ordinaire femble pouvoir remplacer
utilement celle de Sefame dans cette opération. Les
bramines ne préfèrent cette dernière , que parce qu’elle eft
k plus commune dans leur pays. Ilfuffiten effet, pour le but
qu’on fe propofe , que la mèche foit imbibée d’une matière
huileufe qui facilite fa combuftion, & c’eft à quoi font
généralement propres toutes les matières grattes & hurleufes,
comme le prouve l’ufage journalier que l’on fait, dans
plufieurs provinces, de la moelle de jonc, pour former
les mèches des lampes.
à délirer qu’il eût indiqué avec précifion quelles
doivent être les dimenfions de la mèche de jonc
qui fert à brûler les parties : le filence abfolu qu’il
a gardé fur ce point, pourroit expofer ceux qui
voudroient éprouver cette méthode, à des mépriiès
fâcheufes.
6°. Méthode des chinois, des japonois > & de
plufieurs autres nations voifines. (le moxa. )
La plupart des peuples orientaux établis au delà
, du Gange, tels fur-tout que les chinois 8c les japonois
, n emploient, pour faire Yadujîion , qu’une
forte de duvet ou d’étoupe légère, qu’on brûle
für les parties, . & qui eft: connue dans ces pays
fous le nom de moxa. Cette étoupe eft: mollette
; elle s’allume très-facilement j elle brûle
. avec lenteur , & fans jeter la moindre flamêche j
& il ne réfulte de fa combuftion qu’un degré de
feu très-modéré.
On retire l e moxa des feuilles defféchées d’ar-
moife ( artemifici lati-folia ). Il faut recueillir
cette plante pendant que fes tiges font encore
jeunes ; c’eft-à-dire vers les premiers jours du mois
de juin, 8c rarement fur la fin de mai, pour les
pays dont il eft ici queftion. On en fait la récolte
de grand matin , pendant que la plante eft
encore chargée de l ’humidité de la- nuit $ on la
fufpend'enfuite à l’air libre , du côté occidental
de la maifon , & on ne l ’en ôte point qu’elle ne
foit parfaitement féchée : quand foh deffechemént
eft achevé , on la conferve fufpendue au plancher
le plus long-temps qu'il eft pofïïble, parce que le
duvet qu’on en retire paffe pour être d’autant meilleur
& plus tendre , que l ’armoife a été gardée pJus
de temps après fa déification j, & Ton v o k , pour
cette raifon, des perfonnes qui en ont de , dix années.
Ce font , comme nous avons déjà dit , les
feuilles ainfi defféchées de cette plante , qui four-
niffent le moxa ; & voici comme on l ’en retire-
On les broyé rudement dans un mortier jufqu’à
ce qu'elles foient réduites en une étoupe groffière $
on fecoue alors cette étoupe, on la frotte pendant
un certain temps entre les mains , pour en
féparer les côtes & les fibres les plus dures ; *lorfi-
qu’elle en a été débarraffée , elle fe trouve
dans l ’état de molleffe qui eft propre au
moxa.
L ’application s’en fait à peu près comme les
égyptiens, les arabes , les bramines , & les autres
peuples orientaux ont coutume de procéder dans
les méthodes analogues qu’ils ont adoptées. On
roule , dit Kæmpfer ( 1 ) , entre les doigts un peu
de coton d’armoife , & on en forme un cône
de près d’un pouce de hauteur, fur ane bafe un peu
(1) Amoenit, exot. p. $96,
moins large. Suivant Ten-Rhyne (t ) , ces cânes
ou ces petites pyramides ■ excèdent peu le volume
d’un pois j quelquefois, ajoute ce dernier auteur,
afin <jue l ’étoupe fafle un maffif plus cosapaft
& plus uni, on l ’enveloppe de papier, & on la
comprime dans la main,- enfuite on en coupe des
globules gros environ comme deux ^plumes à
écrire j & l ’on s'en fert pour pratiquer Yadujîion ;
c’eft-à-dire qu’on les applique, avec l’extrémité des
doigts , fur l ’endroit malade ou douloureux que
l ’on fe propofe de brûler. Quelquefois , obfèrve
Kæmpfer , on mouille la bafe du cône avec un
peu de falive:, avant de le placer fur la partie.
Après qu’on a placé l ’étoupe, on met le feu à fon
Commet par le moyen d’une petite allumette ou d un
.morceau de bois réfîneux , pu d’autres fubftances
odorantes, & le plus Couvent à l ’aide d’une fimple
petite baguette ou d’une paille. Le feu, dit Ten-
Rhyne , ne gagnant l ’étoupe qu’ avec affez de lenteur,
ne la réduit pas entièrement en cendre j il
refte d fa bafe un petit fegment, de manière que
l ’épiderme eft détaché fans violence, & qu’il s’y elève
une petite veflie j le plus Couvent la trace du feu n’eft
qu’une tache cendrée : il attire à vue d’ceil, continue
t-il, les humeurs âcres , & il les âbforbe de
manière qu’elles font totalement confumées fans
que le tiffu de la peau foit détruit. Au refte , il eft
rare qu’on fe contente de faire fur les parties une feule
application de moxa : 1e feu n’a pas plutôt Con-
furaé le premier cône, qu’on le remplace fur le
champ par un fecondj_& ainfi fucceffivement, fui-
vant l’ordonnance de celui qui a preferit l ’opération
(a), ou félon que les douleurs tardent, plus
ou moins à ceffer de fe faire reffentir. En général,
dans les perfonnes foibles & délicates , l’opération
ne fe réitère communément que trois fois. Lorf-
que les malades font forts & charnus , ou que le
principe morbifique eft profondément caché, comme
dans la feiatique , on la répète dix, vingt fois , &
même plus, fuivant l’intenfité du m a l, ou jufqu’à
ce que les matières peccantes cèdent enfin à l ’a&i-
vité du feu.
Le lendemain de l ’opération . celui qui l ’a faite ,
dit Kæmpfer, a foin de vifiter les endroits brû-
( 1 ) Voyez à ce fujet l'ouvrage de M. Dujardin, intitulé
Hijioire de la Chirurgie. Tom. 1.
(2) L’art d’appliquer le moxa & celui de Vacupuncture,
réunis enfemble , forment à la Chine , au Japon ,
& parmi les autres nations voifines qui ont adopté ces
opérations , une profeffion particulière , indépendante en
quelque forte de la Médecine , & qui eft exercée par deux
fortes de perfonnes. Les unes poflèdenc les principes de la
fcience, s’occupent de la recherche des caufes des maladies
, & fur-tout à. bien déterminer les parties fur lefquelles
il faux porter le feu ou pratiquer l’acupundiure , ainfi qu,e
le nombre de fois qu’on doit répéter ces opérations, ou la
profondeur jufqu’à laquelle on doit faire agir le feu ou
enfoncer les aiguilles. Les autres ne font que le manuel
-des opérations , & font ordinairement aftreintes à fuivre
tfes ordonnances des premières» Voye\ ACUPUNCTVRE»
lés. Si la fuppuration n’eft pas déjà/établie il
en tire un mauvais augure 5 8c dans ce cas il s’attache
à la favorifer par l ’ufage des emplâtres. Il
eft difficile de décider fi cette méthode de panfec
les efearres eft très-répandue ; mais Ten - Rhyne
nous apprend qu’il en exifte une autre , qui pa-
roît même être plus généralement fui vie. Apres
l ’application du moxa , dit cet auteur , le topique
vulgaire des pay fans japonois eft la feuille de plantain
légèrement fanée par l’aélion du feu , ou
amortie entre les mains, Si cette feuille eft appliquée
humide & chaude par fon côté nerveux, elle
fait fuinter uneférofité femblable à celle que produit
notre cautère. Si on l’applique, au contraire , par
le côté liffe , la plaie fe ferme bientôt, fans lai {Ter
de cicatrice remarquable : lorfque , ^ ajoute tout
de fuite Ten - Rhyne , les japonois ne prennent
pas cette précaution , la plaie fe couvre de
chairs fongueufes qui produifent un pus fanieux,
d’où réfultent des cicatrices difformes. Il ne faut
pas , continue encore cet auteur , précipiter la
chiite de l ’efcarre, qüoiq.u’elle ait peu d’adhérence,
mais en confier le foin a la nature, &
laiffer la matière purulente s’écouler a loifir.
Obfervons ici que les premiers jours apres 1 application
du moxa, on touche à plufieurs reprifes,
dit Ten Rhyne, la partie caütérifée avec. le bout
du doigt, ou avec un linge propre , trempe dans
de l’eau chaude légèrement marinee, pour prévenir
la fièvre & l ’inflammation. On remarque que,
par ce moyen , la férofité purulente s échappe
plutôt & plus fûrement de la partie uiceree.
Les médecins de la Chine & du Japon diftin-
guent, par des figures fingulières, qui font partie
de leur art, les endroits où doit fe faire 1 application
du moxa , & c’eft fur-tout en cela .que
confîfte leur fcience 8c leur habileté : ces figures,
ui font gravées fur des planches , fuient, dit-on,
’abord compofées par un habile Médecin chinois ,
nommé O y t , fous le règne de la famille tSVo-
nojo , qui eft de l ’antiquité la plus reculee. L art de
l ’acupunéture (1) ayant des principes communs avec
celui d’appliquer le moxa, on a reuni dans ces memes
planches l ’indication précife des divers endroits où
l ’on doit pratiquer l’une ou l’autre de ces operations
: ceux , par exemple , qu’il faut piquer , font
défignés par des points verts, & ceux qu il s agit
de brûler ,• par des points rouges.
Nous nous contenterons de remarquer ici , d à-
près Kæmpfer, que les règles les plus générales,
pour pratiquer convenablement l’application du
moxa , confiftent à éviter , autant qu’il eft poffible,
de la faire fur le paffage des nerfs , des tendons,
dés artères , 8c des veinés. Le malade doit ^de plus
garder, pendant l ’opération , la fituation qu il avoit
lorfqu’on a vifité les endroits où on a arreté de la
{1 ) Toyq Acupuncture,
D d x.