
voyant la misère d’autrui, fe nomme compaffion ;
•celle que nous éprouvons pour avoir commis des
aftions konteufes, s’appelle repentance ; celle que
nous reffentons lorfque nous ne trouvons pas de
icmède à l ’idée du mal qui nous occupe fe
nomme défefpoir ; enfin celle que nous avons de
la perte ou de Tablence d’un objet aimé, fe nomme
déiir.
La crainte produit cette idée trifte qui prefi-
fent le mal futur , ou qui nous menace; elle fe
manifefte par le vifage, qui devient pâle ; fi elle
vient fubitement, dans l ’ioftant on eft effrayé , le
corps friffonne , les cheveux fe hériffent, la circulation
eft ralentie, tout le corps fe contradle,
$c ce mouvement fe fait de la circonférence au
centre,.
L a crainte des fatigues qui accompagnent le
travail , eft la parelfe, & tout ce qui peut nous
détourner d’un travail honnête & nécelfaire, tant
pour notre confervltion que pour nous procurer
les commodités honnêtes de la vie , ou qui peut
tendre à obliger ou à être utile à la fociété ; ce
font des paflîons défordonnées , que les latins ont
appelées de différens noms , dèjïdia, ignavia ,
inertia , Jegnities, focordia, & vecordia.
La crainte de commettre des aélions injuftes
ou déshonnêtes , s’appelle honte, vereundia ; la
peur que nous avons d’être convaincus des aftions
mauvaifes ou injuftes que nous commettons , s’ap
« La pâleur réfide fur fou vifage, la maigreur règne
», dans tout fo>n corps ; jamais elle ne regarde en face j fes
'» dents font livides de la rouille qui les couvre ; fa poi-
M trine eft verdâtre du fiel qui la colore » fa langue eft
a» remplie de venin ; elle ne rit que lorfqu’elle voit les
effets du mal qu’elle a produit , & ne répand jamais
» de larmes, parce qu’elle ne trouve rien digne de <01»-
» paflion. Elle ne jouir pas de la tranquillité du fom-
,, meil, étant toujpurs troublée des inquiétudes qui l’agi-
>j tent : -mais elle voit avec peine, & en fe défféchant,
u ies fuceès avantageux ; elle tourmente & eft tour-
» mentée en même temps ; elle eft fpn fupplice à elle-
9 même *»•
T a llo r in ore fe ie t , maries in corpore toto ;
• Uufquam rficta pries, Vivent • rubigine dent es y
P éclora fe lle virent, fuffufa ejl lingua veneno.
fLifus abejl , niji quaji vifi ijiovere dolores,
yixque tenet lacrymas, quia nihil laci-ymabile cernit,
Jfec fruitur fomno, vigilantib'us excita curis,
S.ed videt ingrates, intabefcitque vjdendo
■ Succejfus hominum , CQrpitque & .carpitur una ,
iSuppliciumque fuum eji.
■ C ’eft l’ envie qui a fait de Caïn un meurtrier ; c’eft elle qui
a engagé les frères dé Jofeph à lé vendre aux égyptiens j
c’eft elle qui a fait périr Socrate; qui a perfécuté Arif-
tides, Thcmiftocles ; qui a forcé Defcartes , Bayle, Mau-
pÉCtuis à s'expatrier, & c ., ,&c. Cette paflion, fi-^umi-
iiante pour , l’homme , pourfuivra toujours l'hoïnme de
génie, fût-il pauvre comme Therfite.
pelle pudeur î toutes deux fe connoiflent par la
couleur rouge qui monte au vifage , T ar les
yeux baiffés, 8c par l ’embarras de l ’efprit.
La crainte , ’ qui nous repréfente d’une manière
incertaine le danger du corps ou de la réputation,
avec trifteffe 8c affliction , s’appelle foupçon. Dans
cette claife, font comprifes les paflîons occafion-
nées par la jaloufie , la terreur , le tremblement,
le frémiffement, la fiiperftition, ou la piété mal
entendue,
S an ûo ri us , feétion 7 des aphorifmes , démontre
l ’idée de Galien fur les pallions de la trif-
teffe 8c de la peur ; i l obferve que , dans ces paf-
fions, la tranfpiration infenfible diminue; que le
pouls eft languiffant, que tout le corps fe contraire
& devient fec, que les puiffances de l ’ame
perdent de leur vigueur, que la mémoire vacille
, que le jugement devient confus, la parole
embarraffée, la relpiration entrecoupée ; & fi la
trifteffe n’eftpas violente, la refpiration eft cepen^
dant languiflante & rare*
D’où nous voyons que le corps , dans cet état,
eft foible , & par conféqùent l’efprit affeiré de
la même manière. Plus les pallions feront fortes,
plusieurs effets feront variés dans le corps, humain.
Il y a des pallions du corps 8c de l ’elprit,
qui font héréditaires : la terreur qu’éprouvent les
femmes groffes, difpofe le cerveau de leur fruit
à des fenfations femblables. Jacques premier ,
roi d’Angleterre, ne pouvoit voir une épée nue ,
parce que fa mère , étant groffe de lu i, vit affaf»
fîner à côté d’elle un de fes amis.
Nous avons d’autres difpofitions héréditaires qui
influent fur les actions que nous faifons pendant
notie vie. De plus , il y a des tempéramens naturels
ou acquis par la manière de vivre, & des
maladies qui produifent dans l’efprit, des pallions
d’une efpèc« plutôt que d’une autre.
Haller a obfervé que la trifteffe & les ferre?
mens de coeur , les anxiétés, animi cegritudines,
contraient & ferrent toutes les parties de notre
.corps deftinées au mouvement, Nous difons enfin
que les fondions des nerfs , depuis J.a moelle
alongée jufqu’à leurs extrémités , font de fentir &
de mouvoir ; ils font eux-mêmes les inftrumens
de la contraction , des ferremens , de l ’extenfion,
de l ’alongement des parties où ils fe tiennent. Le
même favant, dans la dilfertation de nervorum
in arterios imperio , 1744 , in-4^. , démontre,
d’une manière évidente , que les artères qui fe
diftribuent au vifage, à la gorge, aux poumons,
au coeur , au diaphragme , 8c a tous les vifcères ,
ont des nerfs qui iesr embraffent étroitement , &
les enveloppent de telle manière que ces nerfs ,
en fe contractant & -fe relâchant , arrêtent ou
accélèrent le cours du fang. Ces artères; embar-
raffées & entrelacées avec les nerfs de la feptième
8c ' de la huitième paire de l’intercoftal , font la
fousclavière du trope de l ’aorte, les artères des
bras, les méfentériques,& les céliaques. Par cette
obfeîvatiôn 3
^bfervation judicieiife, on voit clairement que le
pouls petit, la relpiration interrompue & rare ,
.la couleur du vifage changée , les infomnies , les
douleurs de tête , la laflîtude , la pelanteur de tout
le corps, les angoilfes , les fuffocations , les ane-
vryfmes, les polypes du coeur & de l’aprte , les
.défaillances , le défefpoir , la coagulation des humeurs
, le marafme , l ’adhérence du péricarde au
•coeur j comme on l ’a vu après la mort, viennent
des altérations que reçoivent les artères par la
•force des nerfs qui les embraflent , & qui' les
•ont contractées , tirées & ferrées dès leur ori-
£ îne* . , .
Mais pour que nous foyons plus convaincus
des effets des pallions de l ’ame fur le corps,
j’expoferai én peu de mots les dangers qu’elles
nous nous font éprouver dans cette partie fi •fen-
vlible, connue fous le nom de fcrobiçule du coeur.
Hippocrate, lib. a de morbis , feâion dit, en
parlant des pallions de l’ame : l ’inquiétude eft une
maladie grave; les vifcères femblent être piqués
par des pointes d’épiaes; le malade eft inquiet,
il fuit la fociété , il évite la lumière , il recherche
les ténèbres, il eft faifi de. crainte ; le diaphragme
eft gonflé dans fa partie extérieure ; &
ii on.touche le malade à cet endroit, il éprouve
:de la douleur. Le malade s’effraye de la moindre
chofe ; il voit en fonge .des fantômes , des .
•fpedtres qui rinquiètênt, qui lui font peur, qui
X épouvantent.
Vanhelmont, dans fes différens traités, Imago
mentis. Demens idea. Se de s animoe. A d mor-
:b.os, Archceus fa b e r , a prouvé , par plufieurs ob-
fervat-ions remarquables, que le principe de tous
lès mouveniens qui caufent les maladies, réfide
dans le pylore , dont l ’empire s’étend jufqu’aux
affections de Vame.
Tous les médecins conviennent que tant que
l ’homme eft dans un état de parfaite fanté &
de tranquillité , il ne pourra , par fa volonté ,
.accélérer le mouvement du coeur , ni- empêcher
fon eftomac de digérer , , & les humeurs , telles
que la falive , la bile , l’urine, la liqueur fé-
minale, de fe féparer du fang. Tous ont éprouvé,
& chacun pourra réprouver de nouveau , qu’auflî-
fôt qu’un homme fène une vive douleur, un coup,
étant affe&é de peur , de trifteffe , ou de quelque
paflion violente , que non feulement toutes
les aCtions naturelles & vitales s’altèrent prodi-
gieufement , mais qu’il fent un poids confidéra-
ble , gênant , une angoifle , & comme un gonflement
défagréable dans le fcrobicule du coeur.
Cet endroit eft comme la bouflblé , qui indique
l ’état de notre efprit, trille ou joyeux, content ou
inécôntent. Nous recevons une nouvelle agréable,
nous embraffons unN ami que nous défefpérions de
voir I nous* femmes ftimulés par la vigueur de la
jeunefle à l’aCte de la génération ; aufli-tôt nous
Tentons dans le fcrobicule du coeur, dans ce lieu
plus bas que le cartilage xiphoïde, une fenfation
Médecine. Tome I.
fi agréable , une confolation fi douce, que tout
Le-corps en devient tout tranquille, 8c’ l ’elprit
tout joyeux.
La leCture des ouvrages des médecins grecs
m’engage à confidérer fi le diaphragme eft cette
partie qui fent, & où réfide ce fentiment agré-
ble ou défagréable , ou fi c’eft le fcrobicule du
coeur ou le pylore , comme le penfent la plus
grande partie des médecins ; & j’ai trouvé , en
raifant l ’ouverture de quelques cadavres qu’Hip-
pocraîe a dit vrai dans ce point ; j’ai trouvé que la
partie tendineufe , communément appelée ner-
veufe , étoit plus bas que le cartilage xiphoïde;
que la bouche de l’eftomac étoit. lituée plus à
gauche ; que tous les nerfs qui fe rendent au
diaphragme étoient non feulement les diaphragmatiques
, mais aufli ceux de la huitième paire
& l ’intercoftal : or ces trois portes de nerfs ont
une connexion plus intime & plus confidérablè
avec tous les nerfs qui gouvernent. les. facultés
animales, vitales, & naturelles ; d’où vient qu’aufli-
tôt que notre efprit eft occupé ou dominé par une-
paflion , tout le fyftême du diaphragme étant le
centre de tous les nerfs, fe met en commotion,
fe contraéle , fe ferre, s’ étend -, s’élargit ; qu’i l
acquiert une plus grande élaftîcité ou une plus
grande inertie.
Vous voyez , dans le paflage cité d’Hippocrate
, avec quelle fugacité ce grand homme a
obfervé ce fymptômè dans les .paflîons de trifteffe,
d’angoiffe , 8c d’âffliftion, ce qui eft fignifié pat
le mot tppsW.
Par cette raifon , quand nous fouhaitons à un
homme fain de corps & d’efprit, qu’i l foit dans
un parfait état du diaphragme; nous voulons dire
qu’il foit fans paflîonsparce que , quand elles
exiftent dans l ’ame , I’efprit devient infirme. Toutes
les paflîons fent des maladies de l'âme ; & les
Agnes qui les découvrent , font les altérations du
diaphragme.: comme cet organe communique avec
tous les nerfs qui fervent au fentiment & au mouvement
, i i les émeut tous, il les tend tous , ou les
relâche. I l paroît que c’eft dans le diaphragme
qu’exifte réellement cet impetum faciens d’Hippocrate
, comme c’ eft dans le coeur que réfide le
pouvoir de mouvoir toutes les artères.
Nous avons déjà vu que la plus ou moins grande
violence des paflîons de Taine dépend de la variété
de la conformation, de la conftitution du
corps humain.
Etienne Haies obferve ., dans fon hémaftatique,
que les animaux peureux , comme les cerfs & les
lièvres, ont les fibres du coeur plus tendres, plus
lâches que les animaux courageux ; que chez les
premiers la circulation eft toujours plus accélérée
, mais moindre ; que les mouvemens contraires
s’exécutent dans les féconds.
Les paflîons de Iriftefle , de crainte, font fréquentes
dans les conftjtutions délicates, dans les
perfonnes qui ont l ’imagination v ive , l ’élocution
K. k