
i° . celui qui, paffager , comme je l ’ai déjà dit,
n'y paroît que pour des intérêts auxquels il fa-
tisfait en peu de temps ; i° . celui qui fe fixe ,
ou pour fa vie ou pour une partie confidérable
de fa vie, dans un lieu qu'il regarde dès-lors comme
fa patrie ; 30. celui q u i, né dans ces climats mêmes,
ne lient à la mère patrie que par ceux dont il tire
fon origine, & ne connoît d’imprelTions phyfîques
que celles du climat où. il eft né : c’eft le créole.
Ce que j'ai déjà dit fuffit pour faire fentir quelle
différence i l doit y avoir dans l’impreflion que
fait le climat fur ces différentes claffes d’habi-
tans, quelles traces i l doit laiffer fur chacun d’eux ,
& quelles obfervations le médecin & le phyficien
peuvent faire dans ces différentes circoiiftances.
J’aurai, en parlant de l ’Amérique , occafion de
parler de cet objet plus en détail , & fur des faits
lus nombreux, & des obfervations plus précifes.
e me contente ici d’y renvoyer. ( Voye^ A mér
iq u e . )
Le genre de vie met encore dans ces climats
une grande différence entre les hommes : l’homme
a£tif , vigilant, & laborieux , qui fait tout & voit
tout par lui-même, portera dans fon extérieur un
cara&ère bien différent de celui qui, livré à une
molle oifivetéenvironné d’un peuple d’efclaves
timides , attentifs à fes. geftes, étudiant un coup-
d’oeil, eft continuellement fervi par cent bras em-
preffés à lui éviter la fatigue d’un mouvement.
Cette vie inaélive eft celle dune partie des femmes
créoles , moins cependant en Afrique qu’ën Amérique.
Ainfi , quand on voudra faire une jufte
çomparaifon -, il faudra auffi mettre en parallèle
le genre de vie , & comparer l ’homme oifif à
l ’homme oifif, l ’homme laborieux à l ’homme laborieux.
Les modifications que prendront dans ces
circonftances les différentes influences du climat,
font encore une fource d’pbfervations intéref-
fantes.
Les queftions dont je viens de propofer l'enfern-
ble offrent à l ’obfervation un champ bien vafte ,
& plus intéreffant peut-être qu’on ne penfe pour
l ’hiftpire des tempéramens. On ne s’attend certainement
pas que je rempliffe en ce moment une
pareille tâche. La théorie & le rationnement pour-
roient aifément fournir un volume ; mais i l faut
des faits, & l ’on n’a pas affez, écrit fur cette
matière , fur - tout relativement à ¥ Afrique. Je
me fuis donc contenté de raffembler les réflexions
qui pourront fervîr de bafe à d’autres travaux.
Je n’ai point parlé des établiffemèns arabes à
Torient de Y Afrique. Une partit à été détruite
par les européens. Une autre fübfîfte dans, divers
lieux depuis Quiloa jufqu’à Magajox. En général,
lés arabes doivent éprouver moins de change-
mens que les européens dans leur paffage & leurs
établiffemens en Afriqüe ^ ^ont ils font voifins ,
fi ce n’eft relativement à l ’infalubrité locale de
f^rtains endroits : cette mfajubrité'.. eft notable,
Conime j‘e l’ai déjà dit, fur les côtes orientales.
Mais parmi les européens mêmes il doit y avoir
une différence fenfible dans la manière dont l ’influence
des climats chauds eft fupportée par le
portugais & i ’elpagnol déjà un peu bafanés, par
le françois des provinces feptentrionales, accoutumé
à un foleil plus doux ; par le hollandois
déjà fait à un pays humide & marécageux ; & par
le danois , qui habite une zone plus froide & plus
glaciale. Mais la cupidité & l ’avarice , qui feules
ont conduit les européens dans ces contrées, ne
favent point obferver , & ne nous ont laiffé pref-
que rien à dire à ce fujet.
§. X.
Influence des ckofes appelées improprement non
naturelles fu r les habitans de /’Afrique.
J’ai parlé de l ’état phyfique de Y Afrique , j’ai
parié fommairement de fes différentes productions,
j’ai efquiffé le tableau dés hommes qui l ’habitent
; il faut maintenant montrer ces hommes dans
leurs rapports avec toutes les chofes qui les environnent
, & -ftont ils font ufage. J’ai déjà fait
quelques remarques générales fur cet objet dans
les paragraphes qui traitent des températures déterminées
par les latitudes & par les vents; dans
celui* qui renferme la diyifîon de Y Afrique en
régions déterminées par les obfervations phyfi-
ques ; dans celui qui traite de fes différentes productions
; enfin dans ceux qui traitent des différences
caraCtériftiques de fes habitans. /§. I I I ,
IV , V , V I , V I I , VIH , & IX. | b ans le paragraphe
préfent , je m’occuperai de réunir les
obfervations précifes qui conftatent l ’influence des
chofçs appelées fort improprement non naturelles
, par dçs effets plus ou moins fenfiblement
liés avec leurs caufes, & particuliers à tel ou tel
pays.
P rofper - Alpin pour l'Egypte^ & Lind pour
le refte de Y Afr iqu e , font ceux qui nous ont
donné les connoiffances médicales les plus fuîvies,
& les feuls qui aient vraiment dirigé toutes leurs
obfervations vers ce bût. Kolbe , dans fon hiftoire
du cap de Bonne - Efpérance ; Shavr, dans fon
voyage en Barbarie ; & M. Ramel, dans le mémoire
que j’ai déjà c ité, ainfi que M. Savary, dans
fes lettres fur l’Egypte, ont réuni auffi des obfervations
fort importantes. Ce font eux auffi qui me
ferviront de guides dans la plupart des chofes relatives
à la fanté dés habitans de Y Afrique. J*v
joindrai encore diverfes autres obfervations recueillies
de différens voyageurs , & que j’ai prifes , ou
dans des. recueils généraux de voyages , on dans
des pièces ifolées.
I. JJâir & les lieux font, de toutes les chofes
qui ont une influence dire&e fur les hommes,
les premières, & celles dont l ’aCtion eft la plus
générale
générale & la plus inévitable. L ’humidité & la
chaleur , les vents , les pluies, les inondations ,
les exhalaifons , les brouillards ,, les. rofées, &
les différens autres ■ météores font les caufes principales
des affeCtions & des maladies qui en dépendent.
’
1®. Entre les .fiifons qui partagent l ’année ,
au nord de Y Afrique- , ' & premièrement en
Egypte , deux, fui van t Profper-Alpin font principalement
remarquables par ..l’influence- diamétralement
oppofée , qu’elles ont fur la fanté
des habitans de ce vafte pays. Ces deux, fai-
ions font, fuivant fon expreflion , le premier & le
fécond été.
Le premier été, d’une infalubrité marquée, répond
à notre printemps', commence à l ’équinoxe de mars,
& finit au folftice de .juin. (y. §. IV. ) Durant ce
temps régnent les vents méridionaux ( f e n t i camp-
Jini yde campfim , qui en arabe fignifie c'mquan-
~ taine ) , dont la durée totale eft d’environ cinquante
jours : cette durée- eft coupée par des intervalles
plus ou moins longs , pendant lefquels
les vents feptentrionaux foufflent inégalement. Car
en Egypte il n’y a point .de vents orientaux ,
& il y en a très - peu. qui, foufflpnt (de l ’occident.
De plus- ces vents céifent en général le foi-r , &
s’élèvent le matin ', en forte que la nuit eft calme ,
ainfi que l ’obfe'rve M . Savar.y. Profper-AIpin trouve
dans cette difpofition des temps deux caufes principales
d’infalubrité. La première eft dans la nature
même,- des vents méridionaux , qui , paffant
fur les déferts arides de la Nubie & d elà Thé-
baïde, brûlent, deffèchent, & enlèvent avec eux
les particules les plus fines des . fables ardens fur
lefquels ils ont foufflé. La fécondé eft dans l ’inégalité
& l ’inconftance de température produite-par
le mélange des vents feptentrionaux. Le changement
de température qui en réfulte eft d’autant
plus fenfible, que les corps , échauffés précédemment
, ont leurs pores plus ouverts & fe pénètrent
plus profondément d’un froid qui n’eft que
relatif. C’eft à cette caufe que paroiffent dues les
angines & les dyjfentcries , peut-être même les
fièvres intermittentes ^ communes dans cette faifon.
Pro (per-Alpin attribue les ophthalmies, fi répaiv
dues en Egypte , aux fables enlevés par les vents
méridionaux, & qui, portés dans les yeux , les irritent
& les enflamment, i l apporte pour preuve qu’une
fi m pie lotion avec l’eau pure & fraîche , ou avec
les eaux diftillées , eft coutre ces affrétions un
préferyatif fufïifant , & dont il a éprouvé l ’effi^.-
cacité fur lui-même. Il en dit autant de tous les
maux qui affeétent les yeux dans ce pays: Il eft
poffible qu’une partie de ces maladies foit en effet
due à cette caille ; mais l ’habitude de coucher à
Pair pendant les chaleurs, malgré. la fraîcheur des
nuits,, doit y contribuer au moins autant que les
fables. Au refte, l’ on verra par la fuite que dans plu-
fieurs endroits de ce continent, tous les vents fecs,
fur quelque plage qu’ils aient paflé, produifent
v M éd e cin E. Tom. I.
cet effet fur les yeux fpécialement , fans qu’on
puiffe accufer ni les fables ni la mauvaife habitude
de coucher à l ’air. En Egypte donc les .vents
méridionaux , qui brillent & deflèchent tout, paroî-
tront les caufes principales des ophthalmies , qui
font, fi fréquentes dans ce pays , que les hôpitaux y
font remplis d’aveugles ; & que les feuls hôpitaux du
Caire en contiennent vingt-cinq mille , au rapport
de M'. le Chevalier Bruce. Mais les fièvrespefii-
lentielles malignes , &z les fièvres ardentes font
entièrement dues aux vents méridionaux. La qualité;
délétère de ces vents eft fi évidente, que , quand
ils fo iiftl en t continuellement plus de quatre ou cinq
jours, de fuite (ils ont été quelquefois jufqu’à neuf),
on voit fe répandre ,une maladie terrible, peu connue
des anciens.que les arabes appellent tient el
muia (laug &. eau ) y à laquelle P rofper-Alpin
croit pouvoir donner le nom de typhomaraa.
ou phrénéfie maligne. Cette maladie , dont les
fympfômes font en partie phrénetiques, en partie
léthargiques,, enlève fouvent én une , deux ou
trois heures de temps , l’homme qui, quelques môme
ns auparavant , paroiffoit le mieux portant.
( V . Kerum cegypiiamm , 1. 1 , c. 1 , & xix,
de medicina ctgytïor. , 1. 1 , c. xiij & xiv. ) Une
autre maladie dont parle Profper-Alpin, & qu’i l
ne paroît attribuer qu’à la chaleur du climat , eft
un e f o i f expeffive, qui n’eft pas toujours accompagnée
.de fièvre, qui fouvent a lieu feule , fans
autre maladie , au milieu de, la meilleure fanté,
qui caufe des. défaillances-répétées , & qui terminerait
bientôt les jours du malade , s’il manquoit
d’eau affez à fa portée, pour qu’il en puiffe boire:
fans rélâche & fans mefure. Si ce fecours tarde»
le malade meurt dans la défaillance, ainfi qu’il
vient d’être dit , ou bien fouvent tombe dans une
fièvre hedique qui le conduit au tombeau. ( H i ß ,
nat. Ægypt. 1. 1 , c. xix. ) T e l eft l’enfemble des
maladies qui appartiennent en propre và cette faifon
que Profper-Âlpin nomme le premier été de l ’E -
gyptev,
Ce n eft pas encore ici le lieu de parler de la
pefte.
La faifon fuivante , ou le fécond été, s’étend
du mois de juin au mois de feptembre , répond
par conféquent à notre été, & êft l ’époque de- la
falubrité la plus complète. Les vents feptentrionaux
, que Pro'fper-Alpin appelle vents étéfiens,
commencent à foufBer au folftice ; le foleil retourné
du tropique vers Téquateur ; le Nil commence
à s’enfler dans-fon lit dès le 17 juin à l’heure
du lever du foleil ( 1 ) ; des nuées noires, épaiffes ,
(1) Profper-Alpin avertit (Hift. nat. æg. 1. 1 , c. ij ) que
cette époque eft calculée' fur l’ancien calendrier, fans' la
correction grégorienne; en foi té qu’elle eft encore plus
éloignée, du folftice qu’elle ne paroît, 8c qu’il eft difficile
de croire que les vents étéfiens & les nuées qu’ils tranfpor-
tent foient la première caufe de la crue du N il, ii ces
V V