
Ce genre d’effais étoit devenu l ’objet de l ’attention
d’un grand nombre de phyficiens. Un obfer-
vateur anonyme avoit publié dans la ga\ette fa -
lutaire, dès réfultats favorables fur cet objet. Un
<les auteurs de cet utile ouvrage les avoit confirmés
f>ar quelques fuccès. Plusieurs autres phyficiens
s’étoient empreffés également de s’en occuper. Tels
furent M. Sigaud de la Fond & M. Defcemet
a Paris , & le père Paulian , fous les yeux de
M. R a \ o u x , médecin â Nîmes.
- On ne borna pas au feul mal de dents les effais
que Ton fit en France de la vertu de Y aimant.
À l ’exemple de M. IÇlarich, oh s’empreffa d’en
éprouver les avantages dans le traitement de plu-
fieurs affedions nerveufe$.. Dès 1766, un auteur
anonyme annonça dans les affiches de Bordeaux,
qu’il fe propofoit d’cffayer l ’effet de Y aimant pour
la guérifon des rhumatifsnes, de la goutte, des
migraines, & d’autres maladies ou douleurs lo cales.
Après un grand nombre d’heureux effais dans
les douleurs de dents, M. de la Condamine, en
1767 > réprouva fur l ’oeil d?une malade attaquée
d’une ophtalmie invétérée. L * aimant ne produifit
aucun foulagement. L ’auteur des lettres hebdomadaires
avoit recueilli dans cet ouvrage., en
1770 j plufieurs faits fur l ’efficacité de Y aimant
contre les tremblemens. L’année fuivante , il rendit
Compte d’une ofifervation en ce genre , qui lui
étoit particulière. Les effais ayant été fuivis &
multipliés, plufieurs obfervateurs fe crurent bientôt
fondés à annoncer que Yaimant porte en amulette
guériffoit celles des palpitations de coeur qui
dépendent de la difpofîtion du genre nerveux ,
certaines crampes , & plufieurs autres affeétions
des nerfs. Les papiers publics annoncèrent en
1772- ces nouveaux avantages’. Tandis que le père
H e ll à Vienne étendoit encore l ’ufàge de Yaimant
à un plus grand nombre de maladies , on
s’occupoit à Paris des mêmes recherches. M. D e f cemet
, doéfceur-régent de la faculté , publia, en
3 77 J j une lettre très-étendue fur les effets faiu-
taires de Yaimant artificiel dans plufieurs affections.
En 1777 , l ’article des lettres hebdomadaires
qui traitoit de Yaimant, reparut, enrichi
de nouveaux faits, dans la médecine moderne publiée
à cette époque. L ’auteur y faifoit mention
du témoignage de plufieurs praticiens fur la vertu
de Yaimant appliqué au bas-ventre dans les affections
hyftériques, & fur fon efficacité contre les
tremblemens. Enfin il parut en ce dçrnier genre
une obfervation intérefïanlé inférée dans ia'^vz-
\ette falutaire. M. M ijfa , do&eur-régent de la
faculté de médecine de Paris, à qui l?ori en éftredevable
, ajouroit que depuis plufieurs années'- le?
papiers publics avoient fait mention de différentes
guérifons du même genre, opérées par Yaimant
rois en ufage d’après' fes eonfeils.
T elle étoit la difpbfition générale des efprits
Relativement au magnétifme, lorfqii’à cette é^>oque.
la fociété royale de médecine fut établie.
Dans les premiers temps de fon inftjtution , elle
crut, devoir donner à quelques objets de phyfique
médicale d’une haute importance , une partie de
fon attention. L'éle.éfricité attira fur-tout fes regards;
mais elle penfa que pour donner à fes recherches
en ce genre plus de développement 6ç
d’étendue, elle devoit faire marcher de front l’examen
du magnétifme, qu’un grand nombre de rapports
phyfiques 6c médicinaux lie fi étroitement
à l ’éleétriçité. Le premier objet de ce travail fut
bientôt rempli fous les aufpices du gouvernement.
Celui qui avoit le magnétifme pour objet, éprouva
quelques retardemens ; des raiforts particulières
avoient empêché la fociété de s’y livrer, _ lorf?
qu’une cirçonftance favorable lui offrit les moyens
les plus propres de s’en occuper.
Lorfque lès plus favans phyficiens eurent fait
çoanoître les procédés par léfquels ils étoient parvenus
a communiquer à l’acier bien trempé une
vertu magnétique fupérieure à celle des meilleures
pierres d1aimant naturelles , plufieurs ar-
tiftes s’engagèrent dans la même carrière , & cherchèrent
, en marchant fur leurs traces, à perfectionner
les moyens de faire les plus forts aimans
artificiels. M. l ’abbé le Noble, chanoine de Ver-
non-fur-Seine-, fe diftingua fur-tout par fes talens
dans ce genre de confiruélion. Occupé dès 17 54
de travaux rélatifs à cet objet, fes recherches l’ont
conduit â des réfultats qui l ’ont fait avantagèufe-
ment connoître. Ce phyficien habile emploie,
pour former des aimans artificiels compofés , des
procédés plus parfaits que ceux qui avoient été ,
jufqu’a lu i, connus des phyficiens. Sur la fin de
1771 , il préfenta en ce genre, à l ’académie royale
des fciences, plufieurs aimans de fa eompofition,
doués d’une très-grande force , dont un, pefant
livres environ, pouvoit foutenir un-poids de ioy
livres. Encouragé par cette compagnie favante ,
qui lui avoit accordé fon approbation, M. l ’abbé
Le Noble a continué fes recherches , 8c il eft
parvenu , en perfectionnant fes procédés, à porter
la force de fes aimans au point d’en préparer un
qui , pefant environ 15 livres, peut foutenir ua
poids de 130 livres,
En s’occupant du magnétifme artificiel pour de$
objets de phyfique , M. l ’abbé Le Noble ne perdit
pas de vue fon ufage pour la guérifon de quelques
maladies. Dès 1763 , fes aimans pour les
dents étoient. connus dans. la capitale, 6c recherchés
des phyficiens. En 1766, il rendit compte de
plufieurs fuccès qu’il avoit obtenus de leur application
pour la guérifon des maux de dents. Lorfqu’on
eut laifi l ’idée d’appliquer Yaimant en armure
confiante 6c habituelle, M. l ’abbé Le Noble fut
des premiers, en France, à s’en occuper. Depuis
17 71, qu?il établit publiquement à Paris un dépôt
de fes aimans , il annonça des pièges aimantées ,
defiinées à être appliquée^ aux poignets fur la
région de la poitrine, 8cc., telles que dés bracelets,
des croix magnétiques, 6c d’autres pièces contre
les palpitations, les crampes, 6c le tremblement,
L a correfpondance dont il jouit à cette époque,
ayant multiplié fes connoiflances dans ce genre, 6c
de nouvelles épreuves ayant paru lui apprendre
qu’on pouvoit tirer de l ’application de fes aimans,
de grands fecours dans les affections nerveufes les
plus graves 6c les plus rebelles, telles que l’épi—
lepfie 6c les maux de nerfs, il fe détermina a venir ,
en 1777 , à Paris, o û , par le même motif qui
lui avoit fait faire hommagé à l ’académie du ré-
fultat de fes travaux pour la préparation de fes aimans
artificiels, i l crut devoir confier à la fociété
royale de médecine le foin d’en conftater l’efficacité
dans, le traitement des maladies. La compagnie
«’empreffa de féconder fon zèle. Elle chargea MM.
Mauduyt 6c Andry de faire des épreuves multi-»
pliées. Des occupations importantes n’ayant pas
permis long - temps a M. Mauduyt de fe livrer à
ce genre de recherches , je fus nommé pour le
çemplacer.
Precir des travaux entrepris par les commif-
faires de la fociété royale de médecine.
Les maladies dans lefquelles nous avons employé
Yaimant , ont été différentes efpèces de
douleurs; telles que les maux de dents, des douleurs
nerveufes de la tête 6c des reins, des douleurs
rhumatifmales, 6c cette affection particulière de'la
face, connue fous le nom de tic douloureux ; plufieurs
affedions fpafmodiques, telles que le fpafme
de l ’eftomac , le hoquet convulfif , les crampes
nerveufes des extrémités, 6c les palpitations ; différentes
efpèces de tremblemens ou treffaillemens,
les convulfions, l’épilepfie, 6c un cas particulier
de vertige ténébreux. Dans ces effais qui ont été
très-multipliés, nous avons obfervé un grand nombre
d’effets qui nous ont paru annoncer que Yaimant
a fur les nerf?," en général fur l ’économie
animale , une aCtion véritablement magnétique
6c particulière.
En nous livrant à un examen approfondi fur cet
objet , nous, avons fenti la néceffité d’ufer de la
plus grande circonfpeCtion. En effet , Yaimant,
tel qu’on l ’emploie dans l ’application des pièces
aimantées, ayant plufieurs principes d’aCtion in—
dépendans de celui qui le conftitue fubftance ma- fnétique , par lefquels il peut agir fur le corps
umain , on pourroit attribuer à l’aCtion du fluide ,
dont les pièces aimantées font imprégnées, des
effets qui ne dépendaient que des autres manières
d’agir reconnues dans Yaimant , 8c qui lui font
communes avec^un grand nombrè d’autres corps :
on en diftingue de plufieurs eipèces.
La première eaufe d’aCtion ordinaire ou commune
que l ’on doive reconnoître dans Yaimant,
çoûfifte dans la preffion ou le contaCt des pièces
M é d e c in e . Tom. ƒ.
aimantées, ferrées ou fixées fur la peau, 6c des
barreaux fortement appuyés fur les parties affeCtées
6c fouffrantes. Une autre caufe d’aCtion dans Je
même genre , non moins fenfible 6c réelle , eft
l ’impreffion que le contaCl de ces mêmes pièces
appliquées à froid , 6c leur frottement continu ,
pourroient produire. On en découvre une troisième
dans l ’aCtion diffolvante de l ’humeur de la
tranfpiration fur l ’acier , qui produit à la furface
des plaques un léger enduit de rouille ferrugi-
neufe , dont la peau s’imbibe 6c fe pénètre dans
le lieu du contaCt. Enfin l ’aCtion fi bien connue
de Yaimant fur le fer donne lieu de foupçonner
une quatrième manière dont l ’application des
aimans pourroit produire fur l ’économie animale des
effets diftinCts des précédens , mais également dif-
férens de ceux que nous recherchons. Nos humeurs,
8c le fang principalement, contenant une certaine
quantité de principe ferrugineux , eft-ce par une
aCtion réelle fur les molécules de ce métal, diffé-
minées dans nos fluides , que Yaimant opère au
moins une partie des effets dont fon application
paroît fuivie ?;
Quoique ces différentes manières dont Yaimant
peut agir fur le corps humain , non feulement
comme tout corps ou principe matériel , & par
les qualités de la matière les plus générales 8c
les plus communes, mais encore comme fubftance
ferrugineufe, 6c même comme principe magnétique
doué d’une aCtion attraCtivè fur le fer , ne
doivent pas être également examinées ; quoique,
de ces différentes manières d’agir , plufieurs même
puffent être négligées , fpécialement les deux dernières
, parce que la quantité de rouille produite
par le féjour des aimans fur la peau, eft tfop peu
confidérable pour mériter quelque égard, ainfi que
la foible portion du principe ferrugineux du fang,
lequel d’ailleurs ne paroîf pas exifter dans nos
humeurs , au moins fenfiblement, fous la forme qui
lé rend fufceptible de l’aCtion de Yaimant ; cependant
, pour apporter plus d’exaClitude dans nos
recherches, nous avons fa it, à ces différens points x
une attention particulière.
Parmi les effets que nous avons plus conftammenfc
obfervés pendant l ’ufage àtYaimanty un grand nombre
fe font manifeftés peu de temps apres , 6c dans
l ’inftant même de fon application. Tels font fùr-toué
les divers exemples que nous avons remarqués de
la ceffation prompte 8c fubite de différens acci-
dens ou fymptômes nerveux. Dans quelques obfer-
vations, de vives douleurs de la face fe calmoient
conftamment à l ’inftant même de l ’application de
Yaimant fur la partie fouffrante. Les douleurs de
rhumatifme dont quelques malades éprouvoient le
retour par le déplacement de Yaimant, difpa-
roiffoient également aufli-tôt que les armures ou
pièces aimantées étoient convenablement replacées.
Celles que reffentoient d’autres perfonnes , fe re-
nouveloient fouvent en différentes parties du corps;
mais i l fufftfoit d’y appliquer quelques .pièces