
elles fe divifent en affections vives & en affections
lentes ou douces. Les affections vives font
relies qui nous émeuvent fortement ; les affections
lentes ou douces font celles qui , moins pénibles
ou moins agréables en apparence , mais non moins
importantes relativement à leur influence fur l ’éco-
, nomie animale, femblent plutôt dépendre d’une
efpèce d’habitude entretenue par la continuité des
memes impreflions ; telles font la gaité & la triftefle.
La dénomination de douces convient aux
affections agréables , & celle de lentes aux
affections pénibles. A cette divifion des fenti-
mens répond une pareille divifion des volontés ,
& je les diftinguerai en violentes & en tranquilles.
Un autre- objet digne de l ’étude du phyficien ,
comme du philofophe , eft ce genre a affection
horriblement gênante que produilent les obftacles
qui s’oppofent au développement d’une paffion
' violente , foit qu’elle foit l ’effet d’un effort courageux
de l ’homme fur lui-même , foit qu’elle ré-
fulte d’une contradiétion étrangère qui tient la
volonté enchaînée fans la détruire. Cette contrainte
a plus fouvent lieu à l ’égard des volontés, quoique
fouvent auifi l’on contraigne {es fentime’ns en les
empêchant de paroître. Ainfi , l ’on pourroit encore
divifer toutes les affections de l ame en affections
libres 8ç en affections contraintes.
Mais une des plus importantes confidérations
pour un médecin , eft celle du paffage cVune affection
à une autre : ce paffage tantôt fe fait par
degrés fücceffifs, & alors il trouble moins celui
qui éprouve ces changemens ; tantôt il fe fait rapidement
& comme par furprife , foit que l ’homme
paffe de la tranquillité ou de l’indifférence a un
état violent, foit qu’il paffe d’une affection violente
à une autre affection aufiî violente, mais
oppofée ; comme cette femme, qui, voyant contre
fon attente revenir fon fils de la fameufe défaite de
Çannes, paffe dans un inftant de la douleur la plus
affreufe à une joie aûfli exceffive qu’inattendue, &
périt fur le ehamp.
J On pourroit encore confîdérer les affections de
T ame dans leurs différentes combinaifons ; & nous
verrions alors des affections Jimples qui ne font
produites que par un feul fentiment, & des affections
compofées, produites par la réunion de plu-
fieurs : telle e.ft la jaloufie , non pas celle que
produit l’amour , mais cette paffion des petites
âmes, qui réunit, &c l’envie baffe de pofleder un
objet dont jouit un autre, & lajiaîne injufte contre
celui qui le poffede.
Ainfi l ’on peut réunir toutes Jes affections de
Vame fous cet ordre de divifions.
I. Affections de sentiment. i °. Agréables ou
pénibles y z°. vives, ou douces, ou lentes/ 30.
libres ou contraintes ; 40. jimples ou compofées ;
5U. les paffages fubjts ou fücceffifs d’un feptj-
jpentà un,autre.
I I . AffeAions de volonté. ï °. D ’attache-*
ment ou d’éloignement ; z°. violentes ou tranquilles
$ 30. libres ou contraintes ; 40. jimples
ou compofées ; 50. pajfages fubits ou juccefjifs
d’une volonté à une autre. Je ne réunis pas ici
le tableau des différentes affections de Came fous
le titre de divifipn qui leur convient ; i°. à caufe
de la longueur de ce travail ; z°. parce qu’il en-
traîneroit des difculfions qui feront mieux placées
à l ’article même de chaque affection en particulier.
Toutes les divifions que je viens d’établir dans
l ’étude des affections de Vame, font prifes de leur
nature même. Nous pourrions en chercher d’autres
dans les différens êtres qui en font ou la caufe ou
l ’objet. Et ces objets font. i°. l ’homme lui-même;
2.0. les êtres qui lui font étrangers ; 3°. les rapports
qui exiftent entre lui & ces êtres, comme
leur poffeflion, leur jouiflance , quel que foit l ’organe
par lequel cette jouiflance fui parvient. Mais
cet ordre de divifion , qui n’ eft que fecondaire,
offre des détails qui appartiennent plus à un traité
de morale qu’à un traité de Médecine. En effet ,
qu’on fuive î’orgueiile'üx , l’ambitieux , l’avare ,
l ’homme fenfùel, le voluptueux dans toutes les
pofitions qui partagent fa vje, quel que foit l ’objet
de fa fenfibilité ou de fon attachement, fes affections
feront toujours la joie ou la triftefle , l ’amour
ou la haîne , les regrets ou les défîrs , la
fatisfaétion où l’inquiétude, l ’efpérançe ou la crainte,
l ’attente, l’impatience , l ’envie , la jaloufie, la
colère , & la fureur.
Si maintenant nous recherchons ‘ l ’effet phyfique
de ces affections fur le corps humain, fans entrer
dans les détails propres à chaque efpèce d’affection
, ce que je réferve pour l ’article deftiné à
chacune d’elles, nous verrons, en nous en tenant
aux généralités, que l ’effet de toutes eft plus ou
moins le fpafme. En effet, fi nous jetons les yeu?
fur des perfonnes agitées par des paflions vives &
fubites , tantôt c’eft une accélération violente qui
pouffe avec force le fang vers la face , la rougit
& l ’enflamme , comme dans la colère 3 le pouls
eft grand , fort, développé , fréquent : tantôt c’eft:
un reflerrement fubit, qui reporte le fang vers le
centre; le vifage p â lit, les mains tremblent, les
jambes fe dérobent fous le corps , le pouls eft petit
, ferré , fréquent, irrégulier ; à ces car a â: ères
on reconnoît la frayeur. Une joie exceffive accélère
la circulation, mais par fecoufles , & s’exprime
fouvent par des fanglots , de même que le
chagrin violent ; & le plaifir même a fes dou^
leurs. Mais qui pourroit décrire , dans ces vives
affections, l’état de la face & les mouvemens élo-
quens de tous les mufcles qui la compofent? Voyez
au contraire les affections douces & paifibles,
comme là gaieté & la joie modérée ; elles accélèrent
la circulation , mais c’eft par un mouvement
doux , é g a l, & facile : & fans cette accélération ,
qui ne porte aucun trouble dans les fondons, $
peine reconnoîtroit-on les traces du fpafme, fi cependant
l ’on peut appeler fpafme ce qui ne détruit
ni l ’égalité , ni l ’équilibre. Mais dans les
affections lentes , comme la triftefle , le chagrin
lent , la mélancolie morale , c’eft l ’abattement
du'corps, le pouls ferré, quelquefois lent, quelquefois
fréquent , mais toujours inégal &. petit
, qui fe joint à un fpafme fonrd, mais habituel ,
à une fenfibilité exceffive , à des foubrefauts plus
ou moins répétés, qui rapprochent cés affections
des maladies que nous défignons fous le nom de
malignes. Le coeurejl ferré, dit-on ordinairement,
& tout, à l ’extérieur, annonce ce fentiment interne
, & confirme l ’exaditude de l ’expreflion qu’on
lui donne.
Qu’on voie enfuite ces affections long - temps
renfermées & retenues , où le fpafme femble combattre
le fpafme, & qu’on les compare avec celles où
l ’homme en liberté fe livre à tous fes fentimens : qu’on
voie une perfonnne affligée par une perte cruelle ,
obligée de cacher le trait qui l’a bleffée , fouvent
même de feindre un fentiment contraire ; & qu’on
la fuive enfuite dans ces inomcns , où , libre de
s’exprimer, elle exhale fa peine par des plaintes ,
des paroles, & des pleurs , & où la douleur, cef-
fant d’être contrainte ," femble mêlée d’une forte de
volupté, l ’on cbnnoîtra pour lors quelle gêne &
quelle altération doit éprouver le ' corps dans
les affections que j’ai défignées fous le nom de
contraintes. Et fi l ’on réfléchit aux effets divers &
fouvent oppofés du fpafme, on fentira , par l’exemple
des affections de Vame, mieux que par tout
autre, la vérité d’une diftin&ion bien importante
que M. Ferrein, dans fes cours , appliquoit aux
maladies ’ inflammatoires & aux maladies malignes
: il diftinguoit le fpafme confîdéré dans les
vaiffeaux, en fpafme des troncs & fpafme des* capillaires.
Le premier, accélérant la circulation ,
& portant vivement le fang vers la circonférence,
agrandifloit , développoit le pouls , & caraétéri-
foit les inflammatoires ; la plupart des affections
violentes partagent ces fymptômes : le fécond ,
gênant au contraire le Cours du fang , ferroit le
pouls , le rendoit même quelquefois lent , toujours
petit , dur par conftritftion , concentré , irrégulier
, &. caraélérifoit les maladies malignes.
Quoi de plus analogue à ces maladies , que l ’état
d’un homme dévoré de chagrin, miné par la mélancolie
? & la jaloufie des enfans n’eft-elle pas
une vraie fièvre maligne, qui les conduit au tombeau
?
Qu’après cela l ’on fuive un autre caractère des
affections de Vame, celui que .lui donnent les
parties fur lefquelles elles fe peignent , fur lef-
quelles leur effet fe porte d’une- manière particulière.
Pourquoi le chagrin affeéte-l-il le, coeur
de préférence, ainfi que la crainte & la joie, de
maniéré à y caufer des .palpitations , 8r fouvent à
y produire des polypes ? Pourquoi ces affections
»giflent-elles auffi d’une manière {Singulière fur le diaphragme,
fur lesyeux, fur le larynx, pbur produire les
pleurs & les fanglots ? Pourquoi la colère va-t-elle
fe peindre , plus que toutes les autres , fur la face ?
Pourquoi chacun des mufcles du vifage femble-t-il
marqué pour telle & telle paffion ? Mais craignons de
nous égarer en voulant pénétrer trop avant dans les
fecrets de la nature ; & voyons feulement que tous
les effets des affections de Vame font également ca-
raétérifés par le fpafme.
I l n e fu f f i t p a s a u m é d e c in d’ a v o i r e x am in é l e s
affeClions de Vame e n g é n é r a l d ans l e u r n a tu r e
& dans l e u r s e ffe t s , i l d o i t c h e r c h e r à p r é f e r v e t
l ’ h om m e d e l e u r s fâ c h e u fe s in f lu e n c e s , o u à l e s
fa i r e fe r v i r à fo n u t i l i t é . I l n ’ y a q u e l e s affections
m o d é r é e s q u i fpient e x em p t e s d e d a n g e r ;
e n c o r e f a u t - i l q u ’ e l l e s n e fo ie n t p a s t r o p l o n g t
em p s p r o l o n g é e s , f u r - tout fi e l l e s fo n t du g e n r e
d e s affections p é n ib l e s . E t d e to u te s , i l n’y a d e
p h y f iq u em e n t u t i l e à i ’homme q u e l a . g a i e t é d o u c e
& t r a n q u i l l e : c ’ e f t d o n c v e r s celles-là qu i l fa u t c h e r c
h e r à r am e n e r toutes l e s a u t r e s . M a is q u ’ o n é v i t e
p o u r c e l a l e s paffages r a p id e s , l e s c h a n g em e n s
f u b i t s , l a c o n t r a in t e , & l a c o n t r a d ié l io n . L a j o i e
n’ e f t p a s l e r em è d e d e l a d o u l e u r , n i l ’ am o u r c e l u i
d e l a h a în e ; & p o u r m o d é r e r l e s p a f l io n s v iv e s ,
i l fa u t c om m e n c e r p a r p a r o î t r e l e s p a r t a g e r ; e n
l e s p a r t a g e a n t , o n l e s d im in u e ; e n l e s d im in u a n t ,-
o n p a r v i e n t à l e s é te in d r e : m a is je r e n v o ie l e s d é t
a i l s a u x a r t i c le s o ù c h a q u e affection p o u r r a ê t r e
t r a i t é e p lu s p a r t i c u l i è r e m e n t . C e q u i c o n v i e n t dav
a n t a g e à u n a r t i c l e g é n é r a l , c e f o n t l e s p r é f e r -
v a t i f s ; i l s c o n f if t e n t d ans u n e m o r a l e fa in e & ju f f e .
Q u ’ o n a p p r e n n e ’ d o n c d e b o n n e h e u r e à l ’ h o m m e
à n e fe fo rm e r q u e d e s id é e s , e x a c t e s , à n e fen-
tir q u ’ a u t a n t q u ’ i l c o n v i e n t , à n e vouloir q u ’a u -
t a n t q n ’ i l f a u t ; & p o u r y p a r v e n i r , q u ’ o n l ’ h a b itu
e à n’ a t t r ib u e r à c h a q u e c h o f e q u e l a v a l e u r q u i
l u i e f t d u e ; à f e m e t t r e lu i -m êm e , a in f i q u e l e s
c h o f e s q u i l ’ e n v i r o n n e n t , & l e s r a p p o r t s q u i l e
l i e n t à to u t e s c e s c h o f e s , à l a p l a c e & d ans l e s
p r o p o r t io n s c o n v e n a b le s . A l o r s Vefprit é c l a i r e r a
1 rame., l a connoijfance m o d é r e r a l e fentiment ,
l e jugement d i r i g e r a la volonté' , & l e coeur f e r a
r é g l é p a r l a raifon. [ M . H A L L É . )
A f f e c t i o n s d e l ’ a m e . P athologie. O n
e n te n d p a r p a f l io n s d e l a m e l e s d if f é r e n te s affections
q u ’ e l l e é p r o u v e , - fé lo n l e s d iv e r s o b je t s q u i
fe p r é f e n t e n t a u x fe n s .
P e u d e m é d e c in s o n t c o n f id é r é ju fq u ’ à p r é f e n t
l e s p a f l io n s d e l ’ am e c om m e u n e é tu d e d e l e u r a r t .
to u s o n t p b fe r v é q u ’ e l l e s , é t o ie n t l a c a u fe d e p l u -
fie u t s m a la d ie s , & m êm e d e l a .m o r t m a is r a r e m
e n t i l s fe f o n t o c c u p é s à e x am in e r & à fe r u te r
a v e c a t t e n t io n l a c a u fe d e c e s p a flio n s^ S i je .
t r a i t o i s c e t t e m a t iè r e a!yec l ’ é te n d u e q u ’ e l l e m é r
i t e , i i fa u d r o i t f o r t i r d e s b o rn e s d e l a M é d e c in e .
J e c o n f id é r e r a i d o n c l e s p a f l io n s d e l ’ am e c om m e
é ta n t l a c a u fe d e p lu f ie u r s in f i rm i t é s , & m êm e d e
p lu f i e u r s m a la d ie s ; c e q u i a p p a r t i e n t e f f e n t i e l l e -