
celui qui en Europe fert le plus généralement Ha
nourriture des hommes. Deux fubftances fur-tout
compofent la farine qu’il renferme ces deuxfubf*
tances fe trouvent également dans toutes les. çfpèces
de ce genre : ce font la fécule & la matière
glutineufe. Je ne répéterai pas ici ce que j ’ai dit
lur la nature de ces deux fubftances; je- ne dirai
qu’une chofe, c’eft que dans nulle autre efpèce de
g'rains l ’on ne trouve cette réunion comme on la
trouve dans le froment. Inutilement a-t-on tenté
jufquâ cette heure de retirer des autres femences
farineufes connues, la matière glutineufe; aucune
n’en a donné dé veftiges, & s’il en eft qui en
contiennent quelque portion , la quantité n en eft
pas allez confidérable pour mériter attention.
Sans doute au mot froment on donnera un détail
de l’analyfe de cette-farine. Je me bornerai donc
ici à des réflexions générales.
D u pain»
L a plus effentielle eft que le froment eft de
toutes le s graines celle qui fait le meilleur
pain, c’eft-à-dire, le pain qui lève le mieux, le
plus, également, qui eft le plus lé g e r , le plus
facile à digérer, & le. pius exempt de goût étranger.
I l a encore un avantage, creft qu’i l fe deffèche
quand i l eft bren levé & bien cuit, fans s’altérer
aucunement, »attire jamais l ’humidité, de l ’air ;
inconvénient qu’a le pain de feigle , qui, par cette
raifon, fe moitié très-aifément. 11 'faut avouer cependant
que toutes ces propriétés font d’autant plus
parfaites que le pain eft mieux fait, & que- partout
on ne met pas dans fa préparation toute la
perfection qu’on y met à Paris.
L a partie glutineufe étant la feule différence
qui diftingue le froment des autres graines , il eft
clair „que c’eft elle qui contribue à lui donner la
propriété de lever ; & , comme nous venons de le
dire , cette propriété tient à la ténacité de là pâte ,
puifqu’un mucilage très-vifqueux peut, à quelques
égards, tenir lieu, pour cet effet, de la matière
glutineufe. Mais cëtte matière remplit cet objet
bien plus parfaitement ; la quantité que le froment
en contient eft fuffifante pour une bien plus grande
proportion de fécule , puifoue l ’on peut ajouter
les autres farines à celle du froment, dans des
proportions allez confidérables, fans lui ôter la
propriété dè lever & de faire du bon pain.
Cependant, quand le pain eft fait, on ne peut
plus y trouver , par l ’analyfe^ aucune trace de
matière glutineufe; mais il eft vrai que le pain a
dans fes parties une liaifon que n ’a pas la fécule,
& que ne peut avoir le pain qu’on tenteroit de
faire avec cette feule fubftancé. Le pain qui n’eft
pas trop fec n’eft point friable , & quand il a été-
très-defféché, lion l ’hume&e de nouveau * il réprend
tout le liant de fes parties. S a d é c o â io n dans
l ’eau donne un extrait qu’on réduit par l ’évapo-
rjtfîQj) en! une gelée troublç.
11 eff donc évident que la partie glutineufe
s’altère dans la fermentation qui fert à faire le
pain, qu’elle perd fou caraâère analogue- aux
fubftances animales,. pour retourner aux cdmbinai-
fons qui cara&érifent les fubftances végétales. Le
pain bien fait n’eft point acide , & cependant c eft
par l ’acefcence que le font opérés.les changemens
qui ont détruit la combinaifon de la farine. L ’acide
qui a été mêlé avec la farine a donc Hilparu, foit
par l ’aétion du .feu , foit par une nouvelle combinaifon.
Quel changement en eft-il réfuité ? ■ La
partie glutineufe a perdu fes cara&ères, & l’analyfe
du pain a tous ceux d’une analyfe w|gétale. Le
pain, fans être devenu de la fécule, Im eft cependant
très-analogue par fes principes, & la fubftancé
gélatineufe qu’il donne à l ’eau par 1 ébullition en
eft une preuve. Geoffroy a trouvé dans une livre
de pain de. Goneffe 3 onces 7 gros ,48, grains
d’humidité , & le pain ainfî féchéa..donné a i’eau,
par l’ébullition, 5 onces 1 gros de fubftancé gélatineufe;
il eft refté 6 onces 3 gros de îéfidu : il
fe trouve dans cette analyfe plus d’une demi-once
de perte, & le réfidu n’eft pas analyfe. Les connoif-
fances actuelles exigeroient un autre genre d’ana-
lyfe qu’il faudroit répéter'comparativement fur le
pain pris dans tous lés degrés par lefquels.il, païTe,
loit avant foit après la cuiffon. ,
Le pain azyme lui-même, ou la pâte cuite
fans être fermentée, ne préfente non plus aucune
trace de fubftancé glutineufe; au.moins eft-il im-
poffible d’en féparer la moindre portion. On fent
combien cette matière, eft encore pbfcure , & combien
elle exige encore de recherches pour être entièrement,
éclaircie, -
Un autre fait dont j’ai parlé note 34 , c’eft que
quand le pain eft bien le vé ,, par conféquent léger ,
intimement pénétré parle levain & altéré par une
fermentation parfaite y il nourrit plus promptement,
mais il nourrit moins.Ces qualités dépendent, foit de
la quantité du.levain, foit de la manière dont la pâte
eft pétrie,foit delà nature de la farine employée. On
peut voir le détail de tout cela, foit dans la partie des
arts & métiers de la nouvelle Encyclopédie, article
Boulanger, foit dans l’art du Parfait Boulanger
de M. Parmentier. Ce qu’il y a de sûr, c’eft que
ce qui .contribue à rendre le pain lé g e r , diminue
fa faculté nutritive; alors il fe diffout mieux,
fe digère plus promptement, & nourrit mieux les
perfonnès foibles ; mais il nourrit beaucoup moins
ceux dont les organes- digeftifs. jouiffent de toute
leur vigueur, le befoin & la faim renaiffant bien
plus promptement. -
Il paro'ît donc que plus la matière glutineufe
a .changé de combinaifon & s’eft altérée, moins le
pain nourrit ; & ceci eft une preuve de la faculté
nutritive de cette fubftancé, qui, feule, èft infoluble
dans prêfque toutes les menftrues , hors les acides,
& par celte raifon, ne nourriroit pas ou nourtiroit
m a l, mais qui, unie avec l’amidon ou la fécule,
. amalgamée avec lui plus .ou moins intimement,
A L I
& devenue foluble par cet amalgame, contribue
â augmenter la propriété nourriuante de la farine
& du pain. Ceci fait encore fentir combien feroit
intéreffante l ’analyfe comparée des différentes efpèces
de pain, ou des dilférens degrés par lefquels il paffe.
Quel eft donc le meilleur pain ? La répcmfe
à cette queftion eft relative, & dépend des Forces
digeftives & de la déperdition qui fe fait dans le
corps , â la nourriture duquel le pain eft deftiné.
Puifqu’il eft des hommes qui ne fe nourri.ffent
que d’un gros pain à peine fermenté, comme le
gros pain de Weftphalie, compofé, dit-on , d’orge ,
de feigle’, & de farrazin , appelé bompournickel
( V. Vocabulaire du boulanger, ancienne Encycl.
mot Pain ) , & que d’autres au contraire ne fou-
ùendroient pas un pareil aliment, & ne digèrent
que le pain le plus léger ; i l eft clair qu’il faut
avoir égard, dans la decifîon d’une pareille queftion
aux tempéramens & aux conftitutions.
II eft une autre réflexion que nous fournit cette
efpèce de converfion de la matière glutineufe ou
végéto-animaie, en matière végétale; changement
qui s’opère dans le pain parle moyen de l ’acefcence,
c’eft que bien évidemment iL fe fait ici. l ’efpèce
de rétrogradation que M. Lorry regardoit comme
impoflible, qui convertit une fubftancé dont l’ânalyfe
préfente le cara&ère animal, en une fubftancé
dont l ’analyfe préfente au contraire le caractère
végétal. Cette obfervation infirme encore une autre
affection du même auteur , qui ne croit pas qu’un
animal puiffe fe nourrir d’un animal de fbn efpèce,
encore moins d’un animal, pour me fervir de fon
expreflion, plus atténué que lui (v.not. 248C74). Ce
qui arrive ici à la matière glutineufe paroît prouver
que la chofe n’ eft pas impoflible , & que quelque
iafalubre que foit d’ailleurs l ’excès del’animalifation
dans les alimens qui nous fervent de nourriture, il
eft poflible que nos organes fe les aflïmilent, foit en
les maintenant dans la mefure qui convient à notre
nature quand ils l’ont acquife , foit en les y ramenant
quand ils Pont paffée. La queftion des an-
tropophages eft par-la très-décidée & très-aifée â
concevoir. Et pourquoi l’organifation animale ne
feroit-elle pas ce que l’organifation végétale opère
tous les jours dans les fucs que les engrais les plus
animalifés fourniffent aux végétaux dont nous nous
nourriffons ? O u i, fans doute, un animal peut
physiquement fe nourrir de fon femblable, & il
n’eft pas impoflible à l’homme de s’alimenter même
de la chair des animaux carnivores , comme nous
en avons beaucoup de preuves.
Je n’apporte pas Ici en preuve l ’explication
que j’ai donnée de l ’aflimilation, dans la queftion
4*. du $. III de ^article premier de ce traité,
parce qiPeneore que cette explication paroiffe
donner le noeud de la difficulté, & montrer comment
i l fe peut que les matières très-animaliféçs fe dépouillent
de l’excès de leur animalifation par
le mécanîfme mênje de l ’aflimilation , puifque
cela a lieu au dedans de nous pour nos propres
JIAè d e c in e * Tome 1«
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humeurs ; néanmoins je ne crois pas qu’une explication
foit une preuve , & rendre raifon d ua
fait peut ajouter à fa probabilité , mais non pas
tenir lieu de l ’expérience & de la démonftration.
8°. Des diverfes préparations qu’on fa it fubir
aux alimens qui ont la fécule pour bafe
principale. Tains & gâteaux.
Je viens d’expofer l’enfemble de tous les genres
d^alimens qu’on peut claffer parmi les alimens farineux,
c’eft-à-dirc, qui contiennent pour principale
fubftancé la fécule nutritive. L ’art leur fait fubir.plus
d’une préparation. Si l’on dernande maintenant lous
quelle forme ils font plus utiles â l ’homme & plus
nourriffans, je répondrai, qu’à l ’égard du froment, il
n’eft pas douteux que ta farine ne foit infiniment plus
falubre pour la plupart des hommes fous forme de
pain , comme nous l’avons vu ; d’ailleurs le pain
ell un aliment infiniment commode^ qui, comme
le dit M. PaVmentier , s’emporte au loin, & n’a
bêfoin, pour être mangé, d’aucune préparation. A
l’égard des autres farineux, i l n’en eft pas de même;
. la fermentation Ce fait que leur ôter de leurs
propriétés, fans leur donner aucun avantage. Si la
fermentation panaire eft fi utile à la farine du
froment, ce n’eft pas â fa partie féculente qu’e lle
apporte des changemens avantageux , c’eft a fa
partie glutineufe , pour la rendre foluble St ai fée
â digérer. Par la même opération , les fimples
fécules ne font que perdre de leur faculté nutritive;
& l ’expérience journalière prouve qu’elles
font autant & plus aifées â digérer avant qu’après
la fermentation. Ainfi, fi on veut s’en fervir en
place de pain, il faut les cuire en gâteaux,
comme les anciens préparaient le maza, comme
les gens de la campagne préparent leurs galettes ,
comme on mange le maïs en Franche-Comté. Un
bon gâteau bien cuit vaut mieux qu’un mauvais paiq.
Décoélion des grains & fe s phénomènes.
L a fimple décoâion dans l’eau ou le la it , eft un©
des meilleures préparations que ces farines puiffent
fubir. Mais il faut remarquer que toutes les fécules
; ont befoin, pour être cuites, de bouillir quelque
temps, & qu’on ne peut les regarder comme telles
que quand elles ont acquis en fe combinant avec l ’eau,
un volume plus grand que leur volume naturel. C e
moment arrive plutôt quand elles font réduites en
farine , & plus tard quand çe font les grains eux-
mêmes qu’on a befoin de cuire. Le moment 0» le
grain va être cuit eft celui où il fe développe, devient
tranfparent, & s’étend en tout fens ; alors on dit
que le grain eft crevé', i l ne lui faut plus qu’ua
coup d© feu , & il a acquis toute la^moljefle qu’i l
peut avoir, Plus cuit, il commencé à fe.divifer#
les grains fe lient, & le liquide qui fert â les
cuire s’épaiflit ; il finit par fe mettre en bouillie.
I II en eft de même, quoique moins fenfiblement,
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