
que fe paffent ces (cènes affligeantes, & que dans
des climats doux & tempérés , l ’homme de ‘ la
nature s’eft montré plus doux, plus fociable, plus
laborieux , plus refpe&ueux envers les* droits de la
juftice & de l ’humanité ; enfin qu’il s’eft trouvé
des îles qui ont mérité le nom mémorable d’îles
des Amis.
Les occupations & les travaux des hommes ont
pour premier objet leur fubfiftance $ & par con-
léquent, chez des peuples . très-Amples, & qui
ignorent ce. que c’eit que le luxe des tablés , on
;.pëut aifément, par la nature des travaux, juger
de 1^-nature des alimens dont ils Ce nourrirent.
C ’eft pourquoi, en faifatft dans le §. V i l énumération
fuccindle des fubftances que VAfrique fournit
à. fes habitans pour leur nourriture, j. ai prefque
entièrement rempli l’objet relatif à la manière dont
fe nôuiriffent les peuples dont il eft actuellement
queftion. .•
Le la it, les dattes, le miel, le forgo , font
la nourriture des arabes du défère. Ils forment aufti
des bouillies avec les graines farineufes, ainfi que
les arabes de Barbarie. Ils mangent aufii la gomme
& la mêlent au lait. Mais s’i l eft vrai, comme
dit M. Savary , que l'elfet de la gomme qu ils
mangent foit de les défaltérer, i l faut que cette
fubftance a i t , quand elfe vient d’être recueillie ,
une faveur & une qualité différentes de celles que
nous lui connoiffons , & qu’elle perd probablement
par l'évaporation & l’épaifliffement. D ailleurs
les arabes ne mangent la chair de leurs bef-
tiaux que quand le befoin les y force , ou
que la vieilleffe les a rendus inutiles ou à charge.
L é coufcoufs, ou la bouillie de mil, eft aufti la
nourriture de la plupart des nègres, & 1 eau dans
laquelle ils la cuifent eft quelquefois uu bouillon
de poiffon. A ces alimens , quelques uns joignent
les racines d’igname ou de patates j ils mangent
encore la chair de différons poiflons j & il ne faut
pas oublier qu'étant tous chaffeurs , ils fe nourrirent
encore de gibier , d’animaux fauvages , &
même féroces , & de la chair des crocodiles &
des férpens , ordinairement fans aflaifonnement.
Cependant tous ne vivent pas exactement de
même ; ceux du Sénégal vivent en effet très-fim-
plement, & n'ufent guère d’autres alimens que de
ceux dont il vient d etre fait mention. Les nègres
de Gorée & du Cap-Verd vivent prefque uniquement
de poiflons , & rejettent avec mépris & répugnance
toutes fortes d’herbages j ils fe croiraient
humiliés de fe nourrir, des mêmes alimens
que les animaux. Ceux des côtes de Guinée, plus
laborieux , cultivent différentës fortes de grains j
on dit même qu'ils font du pain avec le riz, la
patate, le maïs ; ils ont des cannes à lucre , nour-
riffent des belîiaux , élèvent des volailles, & aflai-
fpnnent leurs mets avec la malaguette ou poivre
de Guinée. Ceux du Cap-Monté, qui font prefque
(ans communication avec les autres , vivent uniquement
du riz qu'ils cultivent fbjgneufement. Ceux
de Bénin, qui habitent un royaume plus grand,
plus policé , & mieux réglé , connoiffeht aullï davantage
les ‘ commodités & les douceurs de la
vie. .Leux d’Arada & de Juida mangent la chair
des chiens avec plaifir. J’ai déjà parlé des faute-
terelles , qui au mois de février font la nourriture
des nègres de Gambie & de toute cette côte
jufqu'à Gorée , ainfi que des fourmis induftrieufes ,
appelées termès , dont les mêmes peuples fe régalent
encore. Les relations que nous avons des
peuples qui habitent l ’intérieur de tous ces pays ,
ne font pas aufti fui es que ce * que nous lavons
fur les habitans des côtes. Mais c'eft toujours
le mil , le riz , & le maïs , qui font la bafe
des alimens de ces peuples. Les habitans du
royaume de Tombut, qui commercent avec les
caravanes maures , acquièrent néceflairement, par
ce commerce, diverfes commodités peu connues aux
autres peuples nègres j ils reçoivent du fel de
Tegaza pour raflaifonnement, de leurs mets. Les
habitans du royaume d’Agadès ufent , dans certains
temps , de la manne qui leur eft apportée des
déferts voifîns , on dit même que cette nourriture
eft pour eux un préfervatif contre les effets d’un air
peu falubre. Les nègres , qui vivent au milieu
dés portugais dans les royaumes d’Angola & de
Congo , mangent, aufti du pain de mandihoca ou
de manioc, qu’on nomme cajfave j ils recueillent
néceflairement aufti plus de fruits d’une culture
plus fuivie & plus foignée , & il paroît que les
arbres fruitiers, & en particulier lès orangers, les
citronniers, & les limons, font , depuis la côte de
Gainée, jufqu’à celle d’Angola -, beaucoup plus
communs , au moins vers les côtes , qu'ils ne le
font dans le refte du pays : cependant i l eft. encore
, vers la rivière de Zaïre , dés peuples' pêcheurs
qui ne vivent prefque que de poiflons $ Sc
en général, le refte des nègres ne mange guère
de fruit que celui du banane, ou quelques autres
qui viennent fans culture , comme ceux du goyavier
, du papayer, &c. j parce qu’il en eft peu
qui fe livrent à un travail pénible & fuivi, à
moins qu’ils n’y foient forcés par un maître. Mais
la boiffon favorite de tous les nègres eft le via
du palmier, qu’ils extrayent très - amplement, en
ouvrant le fommet des différentes efpèces de palmiers
, & recevant la liqueur qui en découle au
moyen de gouttières faites avec les feuilles mêmes
inférées dans l ’ouverture. Cette liqueur eft plus
agréable avant qu’après la fermentation, qui,
toujours imparfaite , la rend mal-faifante. ( Voye%
A danfon , Voy. au Sénégal.) J’ai aufti parlé,
d’après Sha\y, du vin de palmier qu’on prépare
en Barbarie ( voyé\ §. VI ) , & dont on tire un
efprit ardent j art inconnu aux nègres , qui néanmoins
boivent encore avec avidité & avec excès
l ’eau - de - vie que nos vaiffeaux leur apportent.
Mais rien n'égale l ’exceffive avidité avec laquelle
les hottentots fe .jettent fur l ’eau - eje - vie
qu’ils peuvent avoir des européens., Iljfçmbleroit,
que dans cette manière de vivre fi (impie &c
fi groflîèrê , l’homme devroit avoir bien plus d’éloignement
pour ces liqueurs, dont l’ardeur & la
force femblent d’abord faites pour détruire , d’autant
que l’impreflion vive quelles font fur les
organes du go li t , fe fent avant que l’on éprouve
la vigueur momentanée qu’elles rendent à la machine.
I l n’eft pas moins étonnant que des peuples
accoutumés à n’employer aucun aflaifonnement
dans leurs mets , mangent, avec autant de plaifir que
Kolbe nous l ’aflure , les mets épicés & accommodés
à la mode des européens , & fur-tout des holian-
dois ; car la boiffon ordinaire du hottentot eft l’eau
mêlé au lait ; fa nouriture confifte dans des racines,.
quelques fruits, des herbes, & du lait : ces peuples
ne mangent la chair de leurs troupeaux que
dans des cérémonies extraordinaires 5 ils la font
très-peu cuire ; ils regardent les entrailles comme
un mets délicieux , & les peaux , les Cuirs , ceux
mêmes des chauffures , font pour eux , dit Kolbe,
dès alimens recherchés. Mais ce qui eft incroyab
le , c’eft l ’exceflîve mal-propreté qui eft le feul
aflaifonnement de tous leurs repas , & à laquelle
ils femblent attachés plus' encore par goût que par
parefle. Les habitans de Natal cultivent le maïs,
& non feulement ils en font leur nourriture ,.
mais encore ils le font fermenter avec l ’eau , &
.s’en font une efpèce de bière qu’ils boivent avec plaifir..
L ’habitant de Madagafcar , ou le malgache,
vit d’orge, de riz , de fèves , de pois, d’igname, &
de diverfes autres racines. Prefque toutes les productions
, quoique mal cultivées , font multipliées
dans ce pays par une double récolte ; le malgache
mange encore du boeuf , du mouton,
piufieurs efpèces d’oifeaüx, de poiflons , des tortues
j il fait aufti beaucoup d’ufage du miel : mais
on dit que fa parefle eft fi grande, qu’i l ne prend
pas' la peine de donner à l ’aliment dont il fe
nourrit, l ’apprêt le plus fimple & le plus nécefi
faire ; qu’il ne, fépare pas même la cire du m ie l,
& qu’il ne fait pas cuire fuffifamment la viande,
dont il fe nourrit. Il paroît que ce'n’eft pas pour
lui , comme pour le hottentot , un goût & une
préférence , mais véritablement nonchalance &;
parefle. Sa boiffon eft l ’hydromel ; i l le fait
même fermenter , & en tire une efpèce de vin
fort agréable. I l fait de même un fort bon vin
avec le fucre : mais celui-ci ; eft moins bon que
celui de miel. Les peuples du Monomotapa mangent
, dit-on , du boeuf faléi des gâteaux de riz ,
de m ille t, & d’igname , & ont pour boiffon le
lait aigri. Les peuples de M o zam b iq u enon pas
ceux qui font fournis aux portugais , mais ceux qui
font à quelque diftance delà côte , mangent beaucoup
de chair d’éléphant, & fe font une bière
avec le millet. D ’ailleurs ils üfent des' différens
fruits que produit le pays.' L ’habitant noir-, libre ,
& fauvage , des côtes de Zanguebar-ÿ vit de la
chair des bêtes qu’il tue à la châffe , 'du lait
de fes troupeaux , & de quelques fruits fauvages
: mais l ’habitant policé des royaumes de Mom-
baza & de Melinde , & celui qui vit avec les portugais
fur la côte de Mozambique, quoique plus
fablonneüfe, jouiffent des fruits abondans que leur
procure une culture facile , aidée par de grands
arrofemens naturels , & ont befoin du fecours des
fruits acides, comme d’un préfervatif néceffaire ,
mais infuffifant, contre l ’infaiubrité d’un air trop
chargé de miafmes par des inondations exceflives»
La côte d’A ja n fournit à fes habitans beaucoup
d’orge & de fruits, ainfi que des b elîiaux ; & en
général, i l faut ajouter aux alimens de tous les
habitans commerçans des pays policés de cette c ô te ,
depuis Mozambique jufqu’à la côte déferte, les fubf-
tances que leur fournit un commerce affez confidé-
rable en grains, en fru its, dattes , raifins , & c. Lef
royaume d’Ade l abonde de toutes fortes de produirons,
nourrit des belîiaux de toutes les fortes,
& diverfes efpèces de brebis, dont une efpèce porte
ces queues volumineufes & chargées de graiffe,
dont j’ai déjà-parlé. Tous les : g rains réufliffent
en Abijjinie: , 8c y font fournis en abondance paP
une double récolte. On y voit des boeufs d’uiie
grandeur fîngulière j & on dit que les abiffins en
mangent la chair crue , & m êm e affaifonnée avec
le fiel de l ’animal. Ils font leur pain avec la
farine de te e f, qu’ils font lever dans' un vafe,
en mettant au centre un morceau de levain. Ils
le font cuire au bout de douze heures. C e tte m êm es
graine leur fert à. faire une liqueur ferm entée,,,
agréable & d’un goût acidulé. Ils jboivent encore
un vin fait avec. l’orge rôti & l ’hydromel. Les
galles , ennemis jurés des abiflins V font des peuples
errans ‘dont la richeffe eft dans le bétail ,
dont ils boivent le lait & mangent la chair
crue. Les débordem ens du N il rendent la Nubie:
féconde en grains & en pâturages , quoiqu'elle foit
aride dans ’ les parties élevées & éloignées des
fleuves. Ainfi , les .b e lîia u x , leur la i t , les grains,
& les fruits doivent être la richeffe & la nourriture
fies habitans. On dit qu’ils font ufage du
café.: Ils'font aufti avec la graine fie fiorah. rôtie
& infufée dans l ’eau , une boiffon qui leur fait
une efpèce de bière j: mais le pain qu’ils font avec
cette même graine eft d’un goût médiocre & fujet
à fe gâter.
Je ne m’étendrai, pas davantage fur ce qui
regarde les alimens ; car je ne m’arrêterai pas aux-
peuples anthropophages de VAfrique. Piufieurs
voyageurs ont aebufé les habitans de Madagafcar,
ceux du Monomotapa , & les fauvages de Mozambique
,: fie dévorer leurs ennemis tués au combat $.
mais les ja g g a s , nation féroce & redoutée des
nègres , & dont les courfes s’étendent même juf-
qu aux contrées orientales , font plus généralement:
regardés ’ comme;,coupables de cette barbarie. I l
ne me- refte qu’une obfervation à faire, c’eft que y
jufqnes chez les nations les moins induftrieufes,
c’eft un ufage ■ prèfque ûniverfel d’exciter dans les
fubftances fucrées , ou au moins dans les fubftances