
le temps Sc les faifons , ” & ne peuvent en effet
vivre autrement dans un pays ciëfeit , ingrat , inculte,
où ils ne trouvent nulle'part une fubftance
durable. Loin d’imiter Tinftabilité de leurs voifins,
les nègres, Toit attirés par un Toi plus fertile Sc
des fubfîftances plus abondantes , foit repouffés de
1 intérieur de Y Afrique par des ennemis féroces,
foit retenus & circonfcrits par leur propre pareffe ,
ou l ’impoffibilité de fe frayer des routes à travers
des forêts épaiffes & impénétrables , forment des
établiffenaens fixes en divers endroits, & composent
par leur réunion, fur-tout vers les côtes, le
long des rivières, & fur les bords du Niger , des
villes & des villages qui ne font que des affera-
blages de cabanes dans lefquelles us s’enfoncent
par des ouvertures étroites , mais qui excluent à
la fois & la chaleur exceflive, & la lumière toujours
brillante du foleil., ( Adanfon , voyage au
Sénégal. ) C ’eft à peu près de cette manière, mais
encore plus Amplement, que font faites les huttes
des hottentots, q u im o in s hautes qu’un homme
debout, réunifient toute une famille dans une enceinte
étroite, ou chacun fe creufe un lit dans la
terré,, s’abreuve de fumée , & ne peut entrer &
fortir par l ’ouverture étroite,.qu’en rampant. Mais
les hottentots tranfportent leurs légères demeures
d’un . endroit a un autre,. fuivant leurs befoins &
ceux de leurs troupeaux , & peuvent encore être
mis au nombre des peuples errans , mais dans des
diftridls bornés pour chaque nation ou chaque
tribu.
Je ne parlerai pas ici des villes établies parles
européens dans les contrées dont ils • fe. font empales
, ni des nègres de Congo , réunis fous une
.domination étrangère, & enchaînés dans les liens
d une affociation dont ils ne font pas les auteurs.
■ Ce n’eft pas non' plus le lieu de parler des éta-
bliffemens faits parles arabes ou les portugais fur la
côte orientale. Ces établifferaens font étrangers à-
VAfrique. Les prétendues magnificences du Mo-
nomotapa fe font évanouies dans les relations de
voyageurs plus exaeïs Sc moins enthoufîaftes. On
connoît encore moins exactement les habitations
des peuples du Monoemugi 8c des autres nations
du centre de Y Afrique. On ne connoit plus ,. fur
la côte d’Abex , ces peuples fameux chez les anciens
géogiaphes, les troglodytes, ou habitant
des trous , qui, réfugiés dans dès cavernes, vi-
voient de fan g 8c de lait ; à moins qu’on ne penfe
les retrouver dans les hottentots , dont les moeurs
& les opinions rapportées par Kolbe, peut-être
auffi les habitations femblent favorifer cette conjecture.('
J^oye\ K o lb e , deferip. du Cap., p ..i ,,
c . v , §. ij. ) I l ne ferolt pas au refte fort éton-
»ant que dans un climat ardent, de même que
dans les contrées glaciales <3u p ô le , beaucoup de
peuples fe fuffent creufé des retraites fouterraines
Sc peut-être en exifte-t-îl encore qui ne connoif-
font pas d’autre demeure. Plufieurs , au moins ,
vivent dans le s forêts ; -ou fe réfugient dans des
montagnes Inacceffibles t c’eft la reffource de presque
toutes les nations qui , incapables de porter ,
comme les nègres, le poids d’un joug étranger
ont abandonné leur patrie pour fe fouftraire à.
l ’efelavage. Tels font plufieurs des peuples originaires
de Madagafcar, les hottentots eux mêmes
Sc ceux qui ont cédé les côtés orientales de l’A frique
à l ’avidité des arabes & des européens. Nous
avons vu que les kabyles , en Barbarie ,. étoient
dans le même cas : c’eft ainfi que l ’on a vu en»
Europe les efpagnols réfugiés dans les montagnes
des Afturies; Sc Ton dit que de nos jours encore
les montagnes d’Ecoffe & celles d’Irlande font habitées
par des hommes auxquels l ’attachement pour leur,
liberté fait chérir les privations d’iine vie pénible
& laborieufe , mais indépendante^
I l ne feroit pas difficile de démontrer l ’influence
que doit avoir fur la conftitution phyfique des
nations de Y Afrique, une variété auffi grande dans
ce qui fait la première bafe de toutes les fo-
ciétés, les habitations. L ’inftabrlité des habitans
du. Sahra, la vie ambulante des abiffins , ne doivent
pas être indifférentes pour la falubrité, dans
un pays ou le renouvellement de l ’air eft fi. né-
ceflaire $ & s’il étoit permis de tranfporter aux
hommes les obfervations faites fur les animaux *
la différence remarquable des troupeaux d’Efpa.»
gne, infiniment moins beaux & moins vigoureux-:
lorfqu’ils font tenus dans les étables fixes , que;
lorfqu’iis voyagent continuellement, félon les faifons
, du midi au nord , & du nord au midi,, fem«-
ble nous inftruire de ce. qu’un changement pareil»
doit opérer fur des» peuples entiers qui fuivent les.
mêmes viciffitudes. En. effet, les voyageurs nous;
vantent le grand âge auquel parviennent les abiffins
Sc les arabes j Sc Ton eft. étonné qu’au milieu,
de tant de mal-propretés Sc efordur.es-, lfes hottentots
parviennent, ainfi que l ’affure Kolbe, à une;
extrême vieilleffe , ( voye\ K o lb e , de fer. du Cap
p. 1 , c» vj , x v tandis que les nègres .de
Guinée voyent leur vie abrégée de moitié.
Une autre obfervation qui tient au mêmeprin-r
cipe , l ’utilité du renouvellement de l ’air,. c’eft.
que dans un pays chaud. &. brûlant, comme l ’A frique
, les habitations , oa très*-rapprochées, ort
réunies en grand nombre pour former de grandes-
villes , doivent être un très-grand mal y Sc qu’au*
contraire , les habitations, ou ifoléés ou très^efpa-
cées , & en même temps fort élevées pour la.
fïtuation ,. doivent être infiniment plus falubres que
les autres. On pourroit trouver plus d’une preuve
de ces vérités dans l’hiftoire des établiffemens européens
fur les côtes <YAfrique , Sc. fur-tout dans
les» pays occupés par les portugais. ( Woye-^
Lind, EJfay on difeafes incidental to euro-
peans in hot climates. ) On dit même qu’une
des raifons qui éloignent les. arabes bédouins, de
fe réunir dans les villes, & qui leur fait préférer
une vie errante , eft Taveruon qu’ils ont pour
Todèur qu’ils prétendent environner les cités, Sc,
#
les infecter. Il n’eft pastrès-étonnantque des hommes
habitués à vivre dans fin ait qui roule continuellement
fur des plaines qüe rien ne borne, ou entre
des montagnes arides Sc inhabitées , dont les feus
ue connoinent aucune délicateffe, Sc même aucun
de ces parfums qu’une nature aétive Sc féconde
répand autour des lieux cultivés , confervent une
fonfibilité que la moindre chofe émeut, que la
plus légère altération révolte. Et c’eft encore un
des effets remarquables des - grandes affociations ,
d’émosffer les impreffions naturelles que doivent
faire fur nos fens les objets qui nous entourent,
pour y fubftituer des émotions artificielles, des
lentîmens de convention , des ébranlemens illu-
foires , qui n’avertiffent plus l ’homme à temps,
qui le laiffent s’endormir au milieu des germes
les plus dangereux des maladies , parce qu’il s’eft
écarté de la fineiTe Sc de la juftefie des proportions
de là nature. Peut-être l ’homme ; rappelé
à des affociations plus fimples , preffentirolt - il
plus-, fûrenyent les approches des épidémies, dont
à la fois -les femences feroient néceffairement plus
rares & les attaques moins imprévues.
i° . La nature des affociations , ainfi- que les
lieux & les circonftanc'es» déterminent le genre
de v ie , & le genre de vie eft d’autant plus uniforme
, que les affociations font plus fimples, Sc
que le luxe a moins multiplié les befoins. Dans
ce .que j’appelle le genre de vie , les occupations
nationales'tiennent le premier rang. Les peuples
libres de l’Afrique peuvent être divifés en pafteûrs,
cultivateurs , chaffeurs , Sc pêcheurs ( 1 ). Ceux-ci
ont été déterminés par le voifinage des mers Sc
des rivières ; mais dans des pays fertiles , i l fal-
lo it un naturel pareffeux pour déterminer les
hommes à fe borner à un pareil genre de vie.
Auffi les nègres, parmi lefquels font les feules
nations de Y Afrique qui fe foient livrées entièrement
à la pêche , font-ils naturellement très—
pareffeux. Le nombre des peuples chaffeurs fait
prefque la moitié des nations de TAfrique, & les
peuples nègres font encore en grande partie adonnés
à ce genre d’occupation, qui ne demande que
de l ’agilité & de l’adreffe. î l n’eft prefque aucune
des nations libres de Y Afrique qui. n’excelle dans
l ’art de lancer un javelot, une hajfagaie , un
bâton, une pierre , de manière à être fûre de fon
coup. L a vie des chaffeurs eft encore une vie très-^
convenable à des hommes ennemis du travail, &
pour lefquels i l eft bien agréable de pouvoir ,
d’un coup , fournir à la fubfiftance de plufieurs jours.
Malgré la fertilité du terrein de Y Afrique, rl eft
peu d’hommes vraiment cultivateurs dans cette
partie du mondé, fur-tout parmi les nègres , excepté
ceux qui , fournis a des maîtres , ne doivent
(i) Je ne parle pas- ici des peuples de Barbarie &• d,’E-
£ypte » dont il a été fuffi&mem parlé précéd'çmmentr -
leur affiduité au travail qua une lâche timidité;
Leurs récoltes les plus abondantes font celles des
grains que la terre offre d’eMe-même à l ’homme ,
larrs avoir été follicitée par la cuiture. Tels font
le rail, le forgo , & le dora. Ils n’ont prefque que le
foin de les femer Sc de les re'cueillir. Ce n’eft qu’avec
peine qu’on les détermine à cultiver les racines
de patates , de manioc, on d’igname. Mais i l
paroît que les abiffins font en partie cultivateurs
, & les habitans du royaume d’Adel le font
certainement. Les canaux par lefquels ils procurent
la fertilité leurs terres, en détournant les
eaux du fleuve Haouache, au point de les abTorber
prefque entièrement, font la preuve d’une culture
non feulement foignée, mais encore fort aétivev
Le peu de peine que donne la culture des
terres fur les bords des fleuves qui fe débordent
régulièrement, ar dû engager les^euples qui font
établis fur leurs rives, à prendre ce foin fi peu
pénible. Les nations qui bordent le Niger cultivent
le riz , les- eucurbitacées , Sc les plantes potagères
j Sc les nubiens , qui font établis fur les
bords du N i l, cultivent des grains comme en Egypte»
On dit que les habitans de Natal cultivent le maïs j
mais les hottentots n’ont aucune culture réglée' ,
& les peuples de Madagafcar,- trop pareffeux pour
fe donner la peine de préparer lés alimens. qué
la nature libérale leur fournit avec profufion, ne
fe donnent certainement pas celle de. travailler
beaucoup pour en hâter la production. Il n’y a
guère de peuples entièrement pafteûrs que le s ,
peuples montagnards. Les kabyles , les arabes■ , 8s.
les hottentots méritent réellement ce nom. Ou
ne peut guère appeler commerçons, des peuples
qui livrent aux européens l ’or & Tivoire pour des
bagatelles & de raiférables parures fans utilité ,
fans avantage, fans aucun échange duquel puiffe
réfulter un bien folide pour la nation. Encore
moins- peut - on* appeler commerçant, le nègre
vendant le nègre , Sc ayant l ’Europe pour complice
! N ’appelons pas non plus- guerrières, des nations
q u i, par férocité , par pareffe, & par ava'-
rice , livrent à» leurs voifins des combats- dans lefquels
leur but eft- de fe jeter fur leurs fembla—
blés, Sc ffen faire leur proie , ou pour les accabler
de travaux qu’eux-mêmes n’ont pas le courage
d’entreprendre , on pour en faire un trafic infâme ,
ou pour révolter la- nature par un attentat encore
plus horrible. Quand on- a porté fes yeux-
for d’auffi triftes tableaux-, n’eft-il pas permis dé
faire une réflexion qui paroît bien fimple & bien-
naturelle", Sc fans exeufer le s vices qui régnent
au milieu de .nos fociétés , & qui-viennent de l ’abus
que nous faifons des inftrumens mêmes de notre
bonheur , de conclure que Thomme, abandonné
à lui -même , fans- frein , fans lois , fans religion;
raifonnable , n’eft pas, à- beaucoup près, celui qui
fe rapproche le plus de Tordre de la nature ? Ce*-.
pendant le médecin n’oubliera pas que e’eft fous:
un ciel brûlant, où tous les venins font exaltés-y