
542 A F R
ne parlerai point des météores éleétiiques ; ils
n'ont point été obfervés dans ces pays fous le point
de vue dont je m’occupe : il nous faudroit une
électricité comparative des pays chauds & des pays
froids ; elle nous manque. Les ouragans &les tourbillons
( hurricanos , torn.ulos , en efpagnol ) portent
avec eux les maladies & la mort. Dans un
comptoir des anglois au Sénégal , pendant la
nuit qui fuivit un tourbillon , un grand nombre
de foldats & les deux tiers des fenagpes tombèrent
malades , tandis que ju-fqu’alorstoute la
garnifon avoit été dans un état de parfaite fanté.
( Litid , ibid. ) M. Adanfon parle d’un trombe de
fumée commun dans ces. contrées. C’eft une colonne
de fumée qui tourne fur elle-même fur une
largeur de dix à douze pieds, & fur une hauteur
qu’i l eftime de zfo pieds. Elle étouffe les hommes,
met le feu aux maifons, répand une odeur qjuante
& piquante ; & fa- chaleur fe fenc à la diftance
de cent pas. (Adanf. pagL- 113.) Il ne-feroit pas
étonnant fans doute qu’une difpofîtion de l’air propre
a former de pareils météores , fut capable
de développer un grand nombre de maladies. On
ne concevra pas moins aifément l ’inlalubrité d’une
efpèce de brouillards fecs, accompagnés ^dit-on, de
vents froids, appelés harmattans, connus fur la
côte de Guinée. Ces brouillards fecs opèrent dans
les bdiferies qui forment les' planchers , Une retraite
fubite qui les écarte d’un demi - pouce ; le
brouillard pafie , les planches fe réunifient comme
fi elles n’avoient jamais été déjointes. Depuis le
bouleverfement de la Calabre , nous avons connu
en Europe des brouillards fecs * qui, loin d’hu-
meéler les végétaux, les laifloient arides & couverts
quelquefois comme d’un enduit qui fembloit
réfineux , fouvent les defiechoient, & ne paroifloient
pas moins dangereux pour les hommes. Quoi qu’il
en foit , c\eft aux brouillards humides , fouvent
fétides , élevés dans le poifinage des marais , ou
fur les terres humectées par les débordemens &
les pluies, retenus , concentrés, augmentés par
des. bois touffus & fans percées ,- qu’eft due principalement
l ’infalubrité de toutes les côtes de l 'A frique.
Rien ne le prouve mieux que la fa-
JLubrité parfaite de tous les lieux élevés, fecs ,
éloignés des marécages, & à la hauteur defquels
ces brouillards ne peuvent atteindre. C’eft fur-tout
après le coucher du foleil & pendant la nuit,
que leur effet fur les hommes fe- manifeéfe. Lind
cite plufieurs exemples d’équipages , dont une partie
, pour être reftée à terre une nuit, a été cruellement
moiffonnée , tandis que tous ceux qui étoient
retournés à bord continuoient de jouir d’une fanté parfaite.
Outre ces vapeurs élevées le matin par la chaleur,
ou dépofées par l ’air lefoir à la furface des terres
& des eaux, la terre meme paroît s’ouvrir pour fournir
à l ’air de nouveaux moyens de deftruétion. Séchée,
calcinée , durcie par une féchereffe de près de fept
mois, puis continuellement hume&ée,, pénétrée,
^amollie, pendant plus de cinq mois de pluies, elle
A F R
femble fe foulever, s’enfler -, & répandre une odeur
fétide dans des lieux auparavant exempts de ces
fortes d’exhalaifons. Du tein des fables mêmes il
s’exhale, durant le jour, des bouffées, de vapeurs
femblables à celles qui fortentr d’un four' rempli
de biaife. Elles paflent: très-rapidement, mais elles
fuffoqueroient ceux qui y - font expofés , s’ils ne
fe détoumoient ;fur le champ ; & dans les endroits
du corps qui en font frappés , la. peau fe
cri(pe & fe refferre , & la tranlpiration fe fup-
prime aufli vivement que par un froid fubit. Les
vents qui paflent fur ces fables fe chargent de ces
exhalaifons, & fouillent fur les hommes les maladies
& la mort : mais l ’eau abforbe ces vapeurs ,
& l ’humidité d’une végétation abondante dépouille
ces vents de leur qualité mal - faifante. ( Lind ,
Ejfay on difeàfes , àfâ. , p. 1 , c. 4 , f. z ; Samiel-
w in d , fuffocating g u fs . ) Souvent encore ceux
q u i, a caufe de l ’exceflive chaleur , remontent à
demi-nus les rivières durant le jour, rencontrent
fur leurs bords des vapeurs humides & qui portent
une odeur de chair pourrie. Ils fe fentent
aufli-tôt malades , & font pris de vomiffemens qui,
s’ils n’étoieiit aidés & complétés par l ’a r t, & fi
les vapeurs infe&es qui les caufent n’étoient détruites
par-'la. refpiration d’un air pur & renouvelé
, feroient fuivis d’une fièvre lente, nerveufey
& fouvent d’une mort prompte. ( Ibid. p. 1 , c. 4 ,
fi 3. ) La nuit , ces mêmes vapeurs excitent un
froid piquant. Quelques hommes de l ’équipage du.
P h én ix , vaiffeau anglois , éprouvèrent les effets
de cette efpèce de moffète fur les bords de la
rivière de Gambie. Ils fe trouvèrent environnés
d’une vapeur dont l ’odeur étoit infupportable , &
les pénétra tellement de toutes parts, que leur
bouche & leur gorge en reftèrent -infectées jufi-
.qu’à ce qu’un vomitif les en eut délivrés. ( Ibid.
note. ) Cependant, quoique les premiers fÿmptômes
fe portent fur l’eftomac, quoique i ’aCtion d’un vomitif
puifle détruire le mal dans fon principe ; fi l ’on
confidère que l ’impreflion de ces vapeurs fe porte
de préférence fur les hommes nus & baignés de
fueurs , i l femblera probable que leur abforp-
tion- fe fait autant par les pores de la peau &
par les vaiffeaux lymphatiques abforbans , que
par les organes de la déglutition & de la refpiration
(1).
(1) C'eft cette abforption'qu’il eft bien important d'étudier«
car cette caufe trop vague qu'on appelle tranfpiration fuppri-
mée, qui certainement a des effets qui lui font propres , mais
qu’011 applique à tout , parce qui’on veut expliquer tout,
n’explique bien fouvent, rien, ou peu de chofe , puifqtte
les effets qu’on lui attribue font fi diffère ns entre eux. Ec
lî l’on me donne la réponfe banale & infuffifante, que les
effets d’une même caufe font très-differens relativement à
la difpofition des individus, ce qui eft vrai , mais qui eft
bien loin de répondre à la difficulté : alors je demanderai
comment, dans une épidémie, fur des milliers d’individus diffère
ns de corps■, de conftitution, d’âge, d'affeirions, d’occupation;
, les raêjnes maladies ayant le même cgra&ère, les ruèmec
A F R 34
Tous ces météores dangereux appartiennent à
la faifon des pluies. Ce n’eft pas .que la faifon
sèche , infiniment plus falubre , foit exempte de
tous maux j mais ils fe réduifent en général aux
effets de la fimpie' chaleur. L’impreflïon d’un Jb-
le il ardent, augmentée par le reflet des fables, dont
la chaleur pafie le foixantiéme degré de Réaumur,
& au milieu defquels les çhauffures tombent en
poufiière & les pieds des nègres fe gercent , eft
aifee a concevoir. M. Adanfon dit que le vifage ,
frappé ,de cette lumière brûlante pèle , & con-
ferve pendant plufieurs jours une cuiflon «ryfipé-
lateufe. Lind parle des apoplexies fubites que
produifent les rayons du foleil, long-temps dar-
- ^ès fur les têtes des foldats , fur-tout lorfqu’elles
font couvertes d’un chapeau noir. Mais ces effets,
qu on doit également obferver dans la faifon séché ,
doivent acquérir plus d’iritenfité dans la faifon des
pluies. L a chaleur y eft quelquefois plus grande
& plus vive ; & quand le foleil patoît au milieu
dés nuages , fes rayons , réfléchis & réunis en
fbyer , acquièrent une nouvelle force. M. Adanfon
remarque qu’au premier paffage du foleil de
1 equateur au tropique , fon thermomètre mar-
quoit de z6 a z8 degrés à l’ombre dans le jour ,
& 2.z la nuit; & que dans le retour du tropique
a 1 equateur, faifon des pluies, il étoit de ^z à
fympcomes , fe développent également chez tous de la même
maniéré , par l'effet d’une meme influence, & dans un même
temps. On verra , en y réfléchiflant, que la diverfité des tem-
peramens produit feulement des modifications 8c des inten-
iices diverfes dans les fymprômes, mais qui ne changent
rien ou prefque rien au cara&ère de la maladie. C'elè ce
qui ne peur échapper à ceux q ui ont donné quelques foins à
l’ctude des maladies épidémiques. On verra que ce caractère
commun des épidémies vient d’une caufe commune
qui aftéfte dans un même temps & dans un même lieu
une foule d’hommes à_ la fois. On verra , par la diverficé
des épidémies entre elles &. leur correfpondance , à la
vérité] peu connue , avec les différentes qualités de l’air
comparée avec ce*que je viens de dire de la diversité
des hommes ' qui en font attaqués à la fois 8c de
la ..même manière, que lia tranfpiration. fupprimée , ou
même la difpofition des _ humeurs font des caufes bien
ïnfuffifantes , pour ne. pas dire à peu près étrangères au ca-
raiftere épidémique j 8c l’on fera forcé de conclure qu’il
exifte hors de nous quelque chofe qui pafle au dedans de
nous , qui nous pénètre, 8c qui produit ces développemens
dans l’altération des humeurs qui fe préfentenc chez tous
les habitans d’un même pays, fousles mêmes formes, avec les
mêmes phénomènes de co.uleurs, d’odeur, de contagion. On
conclura que l’hiftoire de l’abfôrption, hiftoire toute neuve
dans l’économie aninfale, hiftoire aufli importante que
celle de la tranfpiration , qui va de pair avec elle, qui
fans doute a comme elle fes momens, fes proportions , fes révolutions,
doit être la clef de bien des fecretsde la nature
relativement à la fanté des hommes. Et pour en -revenir
d-l’hiftoire de l’Afrique, cet enduit huileux de la peau
des nègres , la ftruéînre de cetçe peau, les feerétions qui
s’y opèrent font peut-être des préfens de la natute , des
préfervatifs proportionnés aux dangers auxquels ils font expofés
dans un climat où lçs influences atmofphériques font
fi marquées, fi paillantes, 8c fi régulières.
À F R
54 degrés le jour, 8c à z6 la nuit ( p. %rj , 53 ,
13 o. ) M. Lind annonce une chaleur à peu près
femblable, puifqu’en -prenant la hauteur du ther-
mojnètre dans les temps les plus froids de l’année
( au mois de décembre } , il obferve au thermomètre
de Fahrenheit 9 3 degrés au}Sénégal, ce qui
équivaut à zy degrés- & un neuvième de Réaumur 3
& 98 degrés à Sierra - Léona, ce qui équivaut à
zp degrés un tiers. Quoi qu’il en foit , les maladies
de la faifon fêche parôiflent en général être
des maladies purement accidentelles, tandis que
celles de la faifon des pluies appartiennent en
entier à l’infalubrité de cette faifon, & attaquent
à la fois un grand nombre d’individus expofés aux
mêmes influences.
Cependant, au milieu de ces caufes de mort,
la nature à mis des fauve-gardes qui en diminuent
l ’influence. La faifon sèche eft d’une plus longue
durée que la faifon des maladies : les lieux élevés
, fecs , graveleux, font falubres , même dans
la faifon la plus mal-faine ; les pluies modèrent
les chaleurs , qui, fans elles , deviendroient infup-
portables & deftruéHves de toute végétation ; 8c
J fi les vents qui paflent fur les fables apportent
des maladies, ceux qui viennent de la nier , &
qui , dans plufieurs endroits, foufflent avec régularité,
amènent un air falubre & pur. Le féjour
de la mer eft exempt de toutes les incommodités
des habitations du continent; & plufieurs îles
font d’une fal-ubrité parfaite. Les différentes parties
de Y Afrique font donc plus ou moins falubres ,
félon que la balance eft plus ou moins égale entre
les avantages & les dangers.
Ce qu’il y a de fingulier & de malheuceur ,
c’eft que les européens , en beaucoup. d’endroits ,
ont choifi , pour leurs établiflemens, les places les '
moins falubres, quoique fouvent à portée d’em-
placemens très-fains. C ’eft ce que M. Lind remarque
de Sai;it-Iago, du fort anglois de W'hydaw ,
des plaines de Sierra-Leona, préférées, aux hauteurs
voifines , exemptes, de brouillards d’émanations,
de maladies,. & aux îles falubres des Bananes.
Ils ont fouvent' préféré, pour un ..foible avantage
qu’ils euffent aifément fuppléé par un léger
travail, des embouchures de rivières , des lieux
baignés & rendus marécageux par les eaux que
laiffe le reflux de l ’océan , des lieux infeélés par
la corruption d’une multitude de poifions abandonnés
fut la rive par les nègres | ou renfermés
étroitement entre des bois touffus, qu’une activité
plus éclairée eût pu percer ou détruire par
le feu , pour donner une circulation plus libre
à l ’air.
Quoi qu’i l en foit, M. Lind fait, relativement
aux cotes de Guinée qu’il prend depuis la
rivière de Sénégal jufqu’aü cap Lopès $ une difi-
tinétion importante. La partie, feptentrionale & ce- :
cidentale. qu’il appelle la côte au veuit ou vers le
vent f Wr'mdwar.d) , & qu’il termine à la côte d’Or
inclufivement, eft infiniment plus falubre iqne la