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l ’altération de Yair, mais auffi fa température produit
très-fouvent des maladies épidémiques. Les
différentes fàifons occafionnent diyerfes maladies ;
parce qpe la température de l iair y eft variée , &
qu’elle affe&e différemment les corps. U air caufe
encore des maladies par la fécherefle ou l’humidité,
par le froid ou par le chaud * lorfque ces qualités
ne fout pas telles qu’elles doivent être dans chaque
faifon, ou lorfqu elles changent trop promptement.
Tout le monde fe reflent plus ©u moins des chan-
geroens de temps , félon que l ’on eft plus ou moins
fàin, & félon que ces changemens fe font plus ou
moins fubitement ; & les médecins attentifs ont toujours
égîird à la conftitution actuelle de I’æzV dans
le traitement des maladies- Enfin l ’expérience apprend
que la température de Y air changé par des
orages, a de mauvais effets dans les maladies qui
font accompagnées d’une corruption d’humeurs on
lait que le tonnerre & lés éclairs feuls font funeftes
pour certains malades de phthiûe ou- de petites
véroles.
I l eft donc bien intéreflant de connoître toutes
ees influences de 1’atmofphère fur lés maladies; &
un médecin qui tiendroit un journal exaéfc de l ’état
dé fes malades- & de la température actuelle de Yair,. rendroit un vrai fervice à l ’humanité ; c’eft
ce qu’a fait M. Malouin- avec beaucoup d’êxaéti-
tude pendant l ’èfpace de neuf années confëcutives ;
du moins-il n’a- donné au- public, dans les mémoires
de l’Académie ,:q.us lesjournaux de ces neuf années ,
c’ eft-à-dire , depuis 1746 jufqu’e n 1754. Ce favant
académicien a eu- foin de faire précéder chacun de
fes mémoires ou jonrnaux-, de réflexions générales
qu’il avoitpuifées dans la multitude, d’oblervations
que la pratique éclairée de fon- art lu i donnoit lieu
de- faire. C ’ eft de ce riche fonds que je tirerai tout
ce qui va faire la-matière de cet article. On fera bien ,
malgré ce la , d’avoir recours aux mémoires mêmes
de M. Malouin, & à-- ceux q.ue M.Duharael a?publiés
pendant quelques années* à la fuite de fes obfervations
météorologiques ,- &. qui contiennent la
comparaifon des températures de Y air & des maladies
obfervées en même temps-, foit à Orléans,
foit a Pithiviers, petite ville fîtuée dans- le Gâti-
nois , & voiiîne de Denainvilliers, où eft le château
de M. Duhamel (1).
Four traiter cette matière avec ordre , je parlerai
dans autant d’articles , i°. de l ’effet du reffort &
de la pefanteur de Y air; i° . de lafechereffe & de
l ’humidité de Y a ir ;'.3°. du chaud' & du froid; 40,
des vents ; 50« du venin ou de l ’altération de Yair;
& comme l’eau,, les alimens, la nature du climat,
& la manière dont on v k , peuvent encore être
des caufes de maladies , je parlerai df*. de l’effet
du climat de Paris en particulier, & de la manière
(1) Mén*. de l’Acaà. des Seiencesv année 1746,/page 81« — *747» page 337- — *74» a pagr }7>3*— lJ$Q,pOge 30«. —Sav. étrang. tome- I I I , page 438,
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dont fes hàbifans y vivent. Je réunirai dans le
feptième article quelques obfervations particulières
que j!ai- recueillies des differens ouvrages que j’ai
confultés fur cette matière ; enfin, dans le huitième
& dernier article, je donnerai le réfultat de la-
table des naiffances , mariages, & fépultures- de la
paroiffe de Montmorenci pendant l ’cfpace de foi-
xante-dix ans, c’eft-a-dire, depuis 1700 jufqu’eo
1770»
Dans tout cet article, je ne ferai" qu’extraire les
réflexions de M. Malouin, je me ferai même un
devoir de le copier fouvent-. On me faura-fans doute
bon gré de réunir ainfi fous un même point de vue*
des obfervations auffi intéreflantes, répandues dans»
differens volumes d’iin ouvrage très-couteux, & que
bien des 'particuliers ne font pas â portée dé fe pro--
curer; d’ailleurs, dans une matière comme celle-ci,
il faut néceffairement parler d’après les gens de
l ’ar t, qui ne peuvent puifer que dans la pratique
& l ’exercice de leur profeffioiïj.les inflruétions qu ils*
nous donnent„& certainement M.-Malouin mérite*
à tous égards , la confiance du public fur ce point *
c’eft un médecin éclairé &. uoe médecin occupé 5,
deux qualkés qui font1 le parfait médecin:
A r t p c l b p r e m i e r .
Effets dw reffort & de la pefanteur de U air (1)0-
L ’a/reft la caufe de la vie & dès maladies, dit
Hippocrate dans fon Traité des vents. L’homme
en naiffant commence par refpirer, & il ne ceffe
de retirer que lorfqu’i l ceffe de vivre. Les differens
degrés de reffort & de pefanteur dans Yair
doivent donc nous affeder* auffi d’une manière particulière.
L ’air fait une partie effentielle des alimens, &
. il contribue beaucoup à la digeftion. J/air qui fe
• trouve enfermé-' de toutes parts dans les plus petites
parties des alimens r venant à- fe dilater par
' là chaleur dans l ’eftbmac", fait effort contre les*
parois de fes petites cellules ; il les rompt, & les
réduit en des- particules d’autant plus fines , que ces
cellules étoient plus petites ; auffi les plus petites
parties des alimens, imprégnées cYair, fë diyifenî
en d’autres qui font affez fines pour former , avec
le liquide qui les détrempe , ce qu’on appelle
le chy le.
Gn fait que les parties èf'ahr n’ont point de refi»
i fort fenfiblé lorfqu’elles font féparéès les unes, dès
autres dans les corps aux parties defquels elles font
‘ jointes, mais qu’elles reprennent leur reffort, liorf-
que, par quelque caufe que ce foît, ces. parties d9air
fi) Méinoîres de Pacadémîe dès fc ien cesannée 1747 ,
page 503.V Voyez un mé.'i* »ire de M. Berryat, correfpon-
danc de l’académie, fur Yutilité des obfervations du baromètre
dans la* pratique- de la Médecine, Sav. étrange té»**
I I , page: 4x2«
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viennent à fe joindre. Si donc les parties d'air éparfes
dans les alimens fe raflemblent pendant la digeftion
& fe dilatent trop, ou fi l ’eftomac ne retient pas
avec affez de force cet air lorfqu’il eft dilaté, on
en eft incommodé , & i l fort quelquefois par la
bouche.
Il entre auffi de Yair dans Teftomac, indépendamment
de celui que renferment naturellement
lés alimens ; c’eft pourquoi on digère différemment
les mêmes alimens , félon la différence de Yair qu’on refpire. L ’air de la campagne eft différent
de celui de la v ille , & l ’expérience apprend qu’on
digère ordinairement mieux à la campagne qu’à la
ville»
Lés parties de Yair élaftique qui font mélées
avec celles du chyle , du fang , & des humeurs, font
autant de reflorts placés- dans tous les organes du
corps dont ils foutiennent le mouvement & les
fondions.
Le reffort de cet air intérieur eft continuellement
excité par la chaleur naturelle du corps, de
forte que le poids de Yair extérieur eft néceflaire
pour réprimer la dilatation de Yair intérieur.
Les accidens que les animaux éprouvent dans le
vide, ne viennent pas feulement du défaut d’air pour relpirer ; plufieurs de ces accidens ont pour
caufe la grande dilatation de Yair contenu dans le
corps des animaux. Cet air intérieur des animaux
ceffant d’être réprimé lorfque Yair extérieur dans
la machine pneumatique en a été pompé, les animaux
y tombent en défaillance , i l leur furvient
des hémorragies , ils deviennent enflés, & ils fe
vident. L ’air- qui fait partie de leurs liqueurs, en
interrompt, dans plufieurs endroits , la continuité
dans les vaiffeaux, après s’y être raffemblé & dilaté,
& il empêche ainfi la circulation du fang de
ces animaux. M. Bouguer, dans la relation de fon
voyage au Pérou (1 ) , rapporte qu’il' s’y eft trouvé
incommodé avec ceux qui l ’accompagnoient, par
la légèreté de Yair qu’on refpire fur les montagnes
de ce pays, appelées Cordillères.
Les incommodités que les hommes fouffrent fur
ces hautes montagne?, font les mêmes que celles
que refientent les animaux dans la machine pneumatique.
M. Bouguer eftime que ces montagnes
font environ 360 toifes plus hautes que Je pic
même de Ténériffe, qui, avant le voyage des académiciens
au Pérou , étoit regardé comrne la plus
haute montagne de la terre. Suivant M. de la Con-
damine, les montagnes du Pérou, lés plus hautes
■ ou ces meilleurs aient monté , font au moins 2 4fo.
toifes au-deflus du niveau de la mer, c’eft-à-dire,
1000 tôifes plus que le canigou ;. ce qui fait une
grande lieue.
: Comme le poids de Yair extérieur eft néceflaire
| (1) Mémoires de l’académie des fciences, année 1744 , page m u
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pour répîmer la dilation de Yair intérieur dans les
animaux, le reffort de cet air intérieur y eft né-
ceflaire pour foutenir le poids de Yair extérieur.
Quelques perfonnes ne peuvent entrer dans l ’eau
pour s’y baigner fans s’y trouver mal, & il y en
a auffi qui, par la même raifon, fe trouvent mal
par les variations fenfibles de la pefanteur de Yair 9 qui nous font défignées par le baromètre. L a def-
cente du mercure dans le baromètre répond à la raréfaction
de Yair par la machine pneumatique.
On a attribué avec raifon certaines morts fubites
au changement exceffif qui fe fait quelquefois dans
l ’atmofphère, & dont bien des perfonnes ne peuvent
foutenir l’effet. Ainfi, M. Duhamel remarque, qu’au
mois de décembre 1747 (i ) j les morts-lubices furent
fréquentes à Pluviers en Gâtinois ; & il ob-
ferve que dans ce même mois, en moins de deux
jours», le baromètre baifla d’un pouce 4 lignes,
e’eft-a-dire, que de zH pouces, i l defeendoità %6
pouces 8 lignes , ce qui étoit certainement capable
de produire de grands effets dans les corps vi-
vans, puifque la variation d’un pouce de mercure,
dans le baromètre fait une différence d’environ
1000 livres dans la pefanteur de Yair.
Les douleurs. que l ’on reflent dans les changé*
mens de temps , lorfqu’on a eu des bjeffures ou
qu’on eft fujet à des rhumatifmes, prouvent bien
l ’effet des variations de l*<2/> fur nos corps.
On peut aufli rapporter ici l ’effet de la douche
qui fe fait par la chute de l’eau fur une partie
malade des corps , pour en diffiper l ’enflure ou la
paralyfie.
I l eft rare que le poids de Yair extérieur ne foit
pas fuffifamm.ent contrebalancé tpar Yair intérieur ;
il arrive plus fouvent que le reffort de Yair intérieur
n’eft pas affez réprimé par Yair extérieur 3
c’eft en partie ce qui caufe la maladie de Siam. On
y doit auffi rapporter certaines difficultés de refpirer,
quelques maladies de vents & beaucoup d’hémorragies.
M. Bouguer rapporte qu?il fentit cet effet
fur la montagne de Chinboraço. M. Littré , mé-
. decin & membre de l ’acadén\ie -, a obfer.vé dans les
mémoires de r.704, que dans ceux qui font morts
d’une perte de fang, de quelque nature qu’elle ait
été , il y a toujours trouvé pleins d’air les vaiffeaux
qui étoient vides de fang (1); ce qui vient
Vraisemblablement de ce que Yair étant naturellement
comprimé dans les vaiffeaux remplis, de
fang, fe développe & a la liberté de fe raréfier lôrf-
qu’il y a de l ’efpace vide dans les vaiffeaux par la
perte de fang«
I l y a lieu de croire que dans ces maladies le .
fang eft raréfié en même temps que Yair, & q.ue
par confequent Yair fait effort contre le fang &
contre les parois des vaiffeaux 3 de forte qu’on peut
(x) Mém. cfe l’acad. des'fciences', annéé 1748, pag. 530»
(2) Hiftr de l’acad, des fcienee», année-1704, pag. iv, ■