
504 À F R côteaux fertiles du Cap de bonne-Efpérance, rad-
riffent très-inégalement a Madagafcar , à l ’île de
Bourbon , à l’îie de France, & peut-être généralement
entre les deux Tropiques , comme on le
voit même en Amérique, à Saint - Domingue.
Mais ces deux productions, fi néceffaires a nos
climats , font remplacées dans ceux - là par le
r i z , le maïs, le m ille t, le forgo , le T e f , le
dora ; par les bananes, les papayes , les anones,
les dattes, & par la liqueur du palmier. En général
, plus on approche du centre de VAfrique,
plus les productions végétales femblent devenir
grandes, vaftes , majeftueufes. La végétation fe
reffent par-tout de l ’énergie des moyens dont
fe fert la nature ; & c’eft dans ce climat étonnant
que croiffent ces végétaux gigantefques , le précieux
palmifte , le fuperbe benten, l ’immenfe baobab
, dignes compatriotes des plus grands d’entre
les quadrupèdes & les oifeaux , de l’éléphant ,
du rhinocéros, de l’hippopotame , de la giraffe, 8c
de l’autruche.
Plus la végétation devient vigoureufe, moins il
faut de temps pour quelle arrive à fa perfeétion.
En Egypte , les femailles fe font en novembre ;
Ôc les recolles le font près de Syenne ( AJfuan )
en janvier; vers Girgé , en février ; au Caire, en
mars , c’eft-à-dire , d’autant plus tard qu’on s’éloigne
plus de l ’équateur. Mais en Barbarie , elles
ne fe font -qu’en mai ou au commencement de
juin ; & la bonté de la récolte dépend des pluies
qui tombent en avril. Ainfi , pour accélérer la
végétation, les inondations du N i l , en Egypte,
valent à elles • feules plus que toutes les pluies
_d’automne & de printems en Barbarie.
Dans la région du Cap, qui fe trouve à peu près
dans le même éloignement de l’equateur que la
Barbarie , la même diftance fe trouve entre les
femailles & les récoltes. Les femailles s’y font en
juin & juillet, & les. récoltes en décembre. Dans
l ’îie de Saint- Thomé, les cannes de fucre font
mures au bout d& cinq mois, en quelques mois
de l ’année qu’elles aient été plantées. Saint-Thomé
eft fous la ligne , & eft couverte de brouillards
humides pendant tout le temps du pallage du fole
il & de fon retour. Enfin en Abimnie & à
Madagafcar , un grand nombre de récoltes, & particulièrement
celle des grains en Abiflinie, fe
font deux fois l’année. La même chofe a lieu dans
tous les endroits de 13Afrique fitués entre les tropiques
, lorfque de grands arrofomens fe trouvent
joints à une grande chaleur, quelle que foit d’ailleurs
l’infalubrité produite par ce concours. Partout
l ’humidité, jointe à la chaleur , peut changer
les fables les plus ingrats en une terre féconde.
jPrefque toutes les cotes de l ’Afrique font
fablonneufes, & la moitié font fertiles, par la quantité
de fleuves qui les arrofent. Au milieu des dé-
ferts , la contrée je Haïr ou de Terga eft abondante
en pâturages ; l ’Egypte même & la Nigri-
jie font entourées de déforts où rien ne croît,
A F R
parée que les eaux du N il & du Niger n’y peuvent
parvenir;. & le lieu où paffoit autrefois l ’ancien
lit du N il , abandonné par ce fleuve n’eft plus
qu’une plaine aride & déferte. Fixez & humeétez
les fables mobiles du Sahra , ces fables qui fe
refufent même aux palmiers , les plus fobres des
végétaux, vous les verrez bientôt comblés des ri-
cheffes de la nature.
Si-tôt que la chaleur & l’humidité ont donné
naiffance aux végétaux , leurs débris , mêfos au
fol qui les a reçus , forment l ’humus , & la fécondité
de cet humus varie certainement fuivant
la nature de fa bafe. En Egypte, le natron & le
fel marin font mêlés au Fable ; certains cantons
de la Barbarie contiennent une quantité affez con-
fidérable de falpêtre & de fel commun, mêlés à un
fol gras, dont la fertilité inépuifàble fe foutient
fans aucun autre engrais que celui que lui fournit
conftamment la nature. Le voifinage des
lacs , dans le Jerid, eft fertile , & ces lacs font
chargés de fel ; le terrein argileux du C a p , dans
la vallée de la Table & dans celle de Stellen-
bosh, eft mêlé de fel ; & fans doute ce mélange
n’eft pas inutile à la végétation. L ’argile , qui
forme la bafe principale des terres fortes, eft auffi,
quand elle eft bien divifée, une matrice très-propre
au développement des végétaux. Le terrein
du Cap eft argileux, ainfi que celui cfe Madère ,
& celui de Saint-Thomé. Et M. Adanfon , après
avoir été témoin d’une végétation vigoureufe dans
les plaines fablonneufes des côtes du Sénégal’ ,
fut encore plus frappé de la fertilité des environs
de Podor , où le fable commeqce à fe mêler à
l ’argile. En lifant la defcription que Shâw nous
donne du limon du N i l , & du Mejerdah , il
femble que ce limon ne foijt qu’une argile très-
fine & très-divifée. Enfin il eft une autre efpèce
de fol dans l 'Afrique , c’eft le fol volcanique de
l ’île de Fayal aux Açores , de l ’île de Téneriffe,
de celle de l’Afcenfion , & de celle de Bourbon.
Ce fo l , iuffifamment mélangé & humeéfé , femble
donner aux terres une valeur fingulière ; notre
Europe même nous en offre des exemples frap-
pans : mais dans l’île de l ’Afcenfion , ce fo l, trop
nu & trop aride , eft ingrat & ftérile, tandis que
dans les autres lieux il eft couvert d’une végétation
très-vigoureufe.
Je n’examinerai pas ici.ce que peut encore un
air plus ou moins pur , plus ou moins électrique
fur la végétation, ni ce que peuvent les différentes
èxpofitions des lieux; on fait que les montagnes
de l ’Atlas & de l ’ Abiflmie offrent une
végétation d’une grande activité, & des pâturages
excellens. Les montagnes de l ’île de France , &
un grand nombre de celles de la région du C ap ,
font continuellement couvertes de verdure. Et en
général, toutes les fois que les montagnes ne font
ni glacées par un éternel hiver (.comme certains
fommets trop élevés dans la partie occidentale de
l’Atlas ) , ni arides 8c dépourvues d’humidité ,
comme;
A F K
cQjnrnê les montagnes de l ’Egypte la vigueur
de la végétation y eft beaucoup plus grande , toutes
ehofes égales , que dans les plaines. y>n voit même
dans la vallée de ,1a Tab le , au C ap , les montagnes
des Tigres dépourvues .d’eaux & de fources,
s humeCter fumfamment par les. rofées que répandent
fur elles pendant la nuit les nuées qui y font
attirées, & qui s’y accumulent pendant le mouflon
fud-eft,, fans y former de-pluies. Cèttç humidité
fuffit pour y entretenir une multitude de végétaux,
& en faire un dés féjours’les plus agréables
de cette région. En générai , un air plus pur , une
lumière plus franche & moins interrompue, une fur-
face plus développée, une éleCtricité plus forte,
font en A fr iq u e , comme p a r to u t ailleurs , les
avantages des lieux élevés, & probablement les
■ caufesa’uûe fertilité, ainfi que d’une fàlubritéparticulière.
g :
1°. C’eft encore une vérité de. tous les pays',
que: la nature & le nombre des végétaux qu’ils
produifent, influent fur la pureté & la filu b r ité
de leur air ; & l’on fait maintenant par quel commerce
réciproque & par quelle circulation non
interrompue les végétaux & les animaux fe préparent
mutuellement un air bienfaifànt & fàlubre.
I l fembleroit en conféquence que nul endroit du
monde ,ne devroit mieux jouir de ces avantagés que
diverfes contrées de l ’Afrique} où des plantes tres-
développées par une végétation vigoureufe, pré-
fentent des furfaces très-muitipliées aux rayons d’un
foleil puiffant. Cependant cette -obfervation générale
fe trouve, démentie en plus d’un endroit ,
comme fur les côtes, de Guinée, ;à l ’île de Saint-
Tho me, 8c en plufîears endroits des côtes de Mo»
zambique & de Zangùebar. Mais i l faut diftinguer
une. végétation aCtive & libre , dans laquelle des
végétaux, foit efpacës par une GÙlturë régulière,
loit expofés lur des côteaux élevés à des courans
toujours nouveaux, ne font abreuvés que par des
eaux pures, exhalent 8c refpirent librement un air
lalubre, 8c fe pénètrent depuis leur pied ■ jufqu’à leur
Commet des élémens d’une lumière que rien n’obf-
curcit & 'n’interrompt ; de cette réunion confufe
d’une multitude de végétaux, qui , nourris dans un
terrein fangeux.,& bas , ou dans des eaux ftagnantes,
fervent à augmenter cette ftagnation , à accumuler
les caufes - d’infeétion , & ne doivent le luxe
qu’ils étalent, qu’à l ’effet d’une humidité chaude qui
les amollit & les diftend-, plutôt qu’à une végéta-
tation vigoureufe -qui les nourrit, les étend, & les
fortifie. De là la différence de l ’air S Afrique fur
les côteaux & dans les plaines; dans le voifinage
de la mer, où les vents établiffene une alternative
utile qui renouvelle l ’air; & dans les terres
baffes, éloignées du rivage , où l ’air ftagne comme
l ’eau; dans la faifon, sèche & dans la faifon des
pluies, dans les teneinç ouverts & dans le voifinage
des forêts.-, ^ e ù fort up air humide & concentré.
• Cependant on conviendra ënçore qu’il n’eft .aucun
endroit du mondebù Futilité des végétaux, pour
M é d e c i n e . Tome L
A F R 3 o fi
purifier l ?a1f , foit plus fenfible que dans VAfri-
que 'i quand on comparera ie fouffle'funefte de ces.
Vents, qui ont paffé fur des fables arides, à ce-
même fouffle dépouillé de ces qualités malfaifàntes,
quand il a paffé fur des plaines cultivées & fertiles:
en-forte que le même vent femble porter
tour à tour la mort & la vie. Voye\ ce que
difént 'Lind. , Profper-Alpin , S h àw S a v a ry
é’f . , fur le vent de fud & de fud-éft qui foufflent
en Egypte & en Barbarie. Le vent d’eft Ini-mç.me ,
& tous les vents , de quelque point qu’ils fo.uf-
’flent, deviennent meurtriers & terribles dans ces
océans de fables , où aucun -végétal ne v i t ,. & à
travers lefqueis la cupidité feule peur conduire &
foutenir les hommes. Ce n’efi pas là fans doute
tout ce qu'on auroit à dire fur les changemens que
la végétation produit dans l ’air ; mais peut-être
un jour conrioîtra-t-on mieux les variations quç
peuvent occafionner dans la pureté de cet élément ^
les différentes efpèces de végétaux, foit ceux qui
font raffemblés dans les vaftes efpaces qai for.r
ment les forêts ; foit ceux qui, plus humbles, mais
non moins utiles, couvrent les plaines & les coteaux
; ceux q u i, nourris par la feule nature „ ne
vivent que dans' le fol qui leur convient ; ou ceux
q u i, abreuvés des fucs accumulés par l ’art, fe multiplient
en r ai fon du travail de l ’homme, & prèn-
nént fous; fes mains, & par la culture, une confo
titutioa 8c un embonpoint artificiels. Je ferai ici
line feule remarque : c’eft que les rizières iïA fr ique
n’ont point l’infalubrité de celles du Piémont .
& que le cultivateur n’y paye pas de la moitié
de la vie une récolte que lui méritent affez fe»
foins & fes travaux. Les Jrizières afiatiques ont 1er
même avantage; N ’eft-ce pas parce que dans ces
climats, brûlans le foleil difîipe par une évaporation
plus rapide , & qui formé une efpèce de
courant , toute l ’humidité que laiffent après elles
les inondations auxquelles le riz doit fa fécondité *
Cependant on verra que les inondations font la
caufe de la plupart des maladies qui attaquent
fur-tout les étrangers dans la faifon des pluies , erv
. Guinée , & fur les côtes de Mozambique & de
Zangùebar ; on verra que par-tout, où lés eaux
fe raffemblent dans de grands baffins , fe répandent
fur un terrein pla t, ou font retenues par les an-
fractuofîtes des terrés, comme fur la côte de Bénin
, l’air devient empefté & délétère. Mais en
Egypte , il eft une autre caufe qui augmente la
rapidité de ces courans d’évaporation, & qui'\diminue
rinfalubrité des rizières , c’eft l ’a&ion bien-
faifante des vents du nord.
39. Si l’on vouloit iyivre tous les genres d’utilité
dont peuvent être les végétaux dans ces climats
brulans , on les verroit non feulement rafraîchir
l ’aïr par ’ line humidité élaborée , mais
encore offrir aux hommes une ombre, falutaire /
fervir à leurs habillemens , fournir les matériaux
de fours habitations. Mais de tous les avantages
qu’ils procurent à l ’homme, le plus immédiat *
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