
guérifons opérées par la magie, l ’art des effchat*-
temens, & l ’aftrologie judiciaire. Les connoiffances
alors étant très-bornées , & l ’a&ion de la nature
dans la cure des maladies peu connue, il
ne faut pas s’étonner fi l’on profitait des fucces
qui répondoient quelquefois , peut-être même fou-
vent , aux tentatives que l ’on faifoit : mais on étoit
alors induit en erreur. Ajoutons d’ailleurs, que
fur un grand nombre de malades, il n’eft pas pof-
fible qu’il n’y ait pas d’heureux effets du hafard ,
& les charlatans, s’ils ne fondent pas fur ces faits
toutes leurs efpérances , favent bien au moins en
profiter. C ’eft fur-tout pour les méthodes qui, n’ayant
aucune attion très-vive, paroiffent ainfi incapables
d’opérer de mauvais effets , que cet avantage a lieu.
Tous les fiiccès leur font attribués, & on ne peut
leur imputer aucun des accidens qui furviennent.-
On voit en fécond lieu, que dans le plus grand
nombre de ces opinions , on employoit comme
fecondaires & indiftérens, des moyens ordinaires &
communs , & que fous ce double rapport on ne
foupçonnoit d’aucune aëtion curative , mais qui dans
le fond en avoient une , & qui fouvent opéroient la
majeure partie des effets que l ’on obtenoit. Ainfi ,
dans la cure lympathique, on exigeoit que la plaie
fut tenue couverte & avec beaucoup de propreté. Il
n’en faut pas davantage, dansle plus grand-nombre des
cas, pour guérir des plaies, que l ’ufage encore trop
généralement admis des emplâtres ( i ) , ne fait fou-
vent qu’aggtaver. On peut encore remarquer que
dans la médecine magnétique on n’excluoit pas l ’litigede
quelques-uns des remèdes ordinaires. On voit
dans Maxw.el qu’on employoit la faignee , les la-
vemens-, les remèdes fortifians fur-tout, en un mot,
toute la médecine connue. Mais alors en gueriflant
par la réunion de ces moyens, ne tomboit-on pas
Couvent, au moins quelquefois, dans l ’erreur, en
attribuant aux fecours extraordinaires & finguliers,
c’eft-à-dire, aux procédés magnétiques, les cures
qui étaient opérées uniquement par les fecours ou
moyens ordinaires ?
I l eft encore dans ce genre un autre ordre de
moyens également employés & agiffans puiffam-
ment pour leur part, fans qu’on y porté bien directement
fon attention , 8c qui peuvent opérer
une illufion plus complète ; c eft la diffipation ,
l'exercice , leS déplacemens qu’exigent les voyages,
enfin différens fecours moraux, puifés dans 1 ordre
. (i) II. y a en ce genre un exemple. qui mérite d’être
rapporté, c’eft celui d’une recette pour faire fuer , qu’un
émpyrique propofa dans l’année 174-5. C’étoit une poudre
fympathique ., & le procédé confiftoit à la mêler avec de
l’urine d’une per fon ire , 8c à la placer dans un vafe fur le
feu posrrla faire bouillir. Pendant cette opération, le malade
devoir refter au lit ; on le couvroit bien, & on lui
faifoit prendre quelques rafles de thé. La fueur furvenoit
immanquablement. Voyez Poudre fympathique pour faire
Juet. Lettre à ce fa jet par M. Dionis, P» M. P. Paris,
i?+6.
de ceux qui agiffent agréablement fur les féns &
fur l’efprit. On fait combien ces différens moyens
ont de puiffance & d’a&ion fur la fanté. Ils font
Couvent tout ,1e nv\i £ de certains remèdes que io n
ne recommande que dans la vue des bons effets en
ce genre qu’ils peuvent procurer. Les voyages, les
eaux prifes à des fources éloignées?, les avantages
d’une vie active & exercée , les plaifirs de la bonne
fociété, font-ils dépourvus d’effets falutaires? Sont-ce ■
des moyens inconnus dans l ’art de guérir , & ne
forment-ils pas entre des mains habiles toute la
médecine des gens du monde , & la bafe de celle
qui convient aux affections- fi triftes , fi effentLel-
lement morales des hypocondriaques & des gens vaporeux
? Perfonne n’ignore combien on peut tirer
parti de ces moyens adroitement déguifés, & offerts
ainfi fous une apparence utile &■ finguliere , à des
efprits que la triftefle de leur a*ne & une mélancolie
profonde rendent difficiles à réconcilier avec
la gaîté, la joie, & les douceurs de la vie. Qui
peut d’ailleurs méconnoître l’empire de la mufique
& fes effets falutaires ? Au refte , on ne peut douter
que ces moyens n’ayent été mis en ufage , &
n’ayent fait au moins une partie des fuccès- de plu-
fieurs des fcènes de ce genre que les impofteürs
en médecine ont tant de fois renouvelées. Citons
ici Gaffner (1) : les malades affiuoient de tous
(1) Gaffner , plus connu fous le nom de chanoine de
Radfbonne, étoit ce prêtre qui, il y a douze à quinze ans y.
gucridoit en Allemagne en exorcifant les malades: afflige
dans fa jeunefle d'une ma uvaife, fanté , il s’ étcit adonne
à là levure des ouvrages de médecine; mais n’ayant retiré
aucun fruit de cette leâure, ni même des confeils des
médecins qu’il avoii confultcs, il foupçonna que fa maladie
pouvoir avoir une .caufe furnaturelle, & provenir de
là puülânce du diable. Sa conjefture fut vérifiée, dit-il ?
par le fuccès qu’il obtint en chaifant le diable de fon corps
au nom de J. C. Il jouit depuis ce moftient de la meilleure
fanté pendant feize ans. Encouragé par ce premier
eiTai , il fe procura tous les auteurs qui ont écrit de 1 exor-
cifme. Il fe confirma, par la levure de ces ouvrages , dans
l’opinion que plufieurs maladies font produites par le démon.
Il fit d’abord des cures fur fes paroifiïens ; & fa réputation
s’accrut tellement en Soifle, dans le Tirol , &c, ,
que chacune des deux dernières années , plus de quatre â cinq cents malades accoururent à lui. Il quitta fa paroiffe ,
& après avoir parcouru différens cantons, il vint a Ratif-
bonne, où if opéra fes guérifons. Il diflmguoit les maladies
en deux clafièç, en naturelles 8c en démoniaques. Ces dernières
félon lui-, étoient beaucoup plus nombreufes. Il-
prétendoit les guérir toutes. 11 plaçoit dans cette clafle les
convulfions, l’épilepfie , la cacalepfie, l’afthme , la goutte
& toutes fes efpèces, la paralyfie , Sec. C’étoit au nom de
Jéfus-Chrift qu’il opéroit fes cures, & par la foi des malades
en fon faint nom. Si la foi manquou, la cure ne
pouvoit avoir lieu. Il envoyoit tous les malades guéris
ou miraculés à une pharmacie , pour y acheter, à un prix
convenu , du baume ou de l’huile,, des medicamens fpi-
ritueux , différentes efpèces d’eaux ou de poudres., ou de
petits anneaux fur l’efquels étoit écrit le nom. de Jefus-Ghnit.
Le but dé fes emplettes étoit dé munir les' malales ce
moyens propres à chafl’er le mal s’il rèvênoit. Voyez De
Haen , de. mïraculis, liber, oap. J , pog, J 43*
côtés ; mais le plus Couvent ils venoient de loin.
L ’exercice , l ’agitation , les diftraétions du voyage
& d*iin nouveau féjoùr, celles du retour, n’avoiént-
ils pas une aCtion utile fur dès hommes dont 1 ef-
Jirit d’ailleurs étoit continuellement diftrait & agréablement
affeété par l ’efpoir très-vif d’une prochaine
gu éri fon ?
Ajoutons ici la médecine par attouchement qui
a bien auffi fes effets particuliers , quî ne doivent
point être négligés , & qui n’ont pu échapper a
l ’attention d’obfervateurs exaéls & judicieux. On
trouve dans Pechlin (1) les effets de ce moyen médicinal
bien appréciés. On peut confulter auffi le
père Delrio fur cet article (z). On connoît les
effets des fri&ions fur la peau , ceux des broffes
pu des flanelles angloifes. On peut, par des mou-
vemens particuliers fur l’organe fi fenfible de la
furfa'ce du corps , ébranler le fyftême nerveux , &
le jeter dans des ofcillations falutaires ou nuifibles.
Le chatouillement n’occafionne-1 - il pas des fe-
coufîes convûlfives ? Ne connoît-on pas cet art nouveau,
mais inventé autant pour le bien-être que
par la fenfualité, de majjer lés articulations , de
pétrir tout le corps , comme le font des femmes
chez les indiens , après être forties du bain? Mais la
Ceule application de la main peut avoir auffi fes
effets particuliers. Profper Alpin parle dans fon
traité de medicind Ægyptiorum, de femmes qui
guérifloient la dyflenterie en tenant la main appliquée
fur le nombril. On n’ignore pas que plufieurs
charlatans calment & fufpendent les maux
de dents ou les douleurs d’oreilles, en appliquant
convenablement leurs doigts fur la mâchoire ; il
paroît que c’eft en comprimant certains rameaux
de nerfs ; qu’ils ag iffent. P ech lin regarde l ’application
de la main, lors fur-tout qu’elle eft accompagnée
d’une compreffion légère , comme avanta-
geufe dans les gonflemens avec tenfion , occafionnés
par les vents ; dans certaines douleurs de côté qui
dépendent de ce que les fibres font diftendues, &
contre ces douleurs de l ’hypoçhondre gaiiche, qu’on
appelle le Splen. I l cite-une perfonne qui faifoit
ufage de ce moyen , & le confeilloit aux autres
avec fuccès, contre les maux d’eftomac. Il furve-
îioit dans toute la partie où la main avoit été appliquée
, un léger fuintement qui diffipoit le mal.
A cônfidérer cet objet fous un point de vue phy-
fique , on ne peut douter que la main appliquée
n’ait, foit par fon degré de chaleur ou de froid,
foit par l ’a&ion feule de la tranfpiration qui s’en
exhale , un principe quelconque d’a&ivité dont les
effets ne doivent point être négligés. Elle peut en
tenir une d’ailleurs très-réelle de certaines prépa-
(1) Obf. Afedico-phyjic. lib. 3 , o b f 30. Taclus manuum
falutaris, obf, 31. Mirabilis hijloria de mediçato manûs
iaclu. Voyez 'auffi obf. 32.
(2) Difquifitlqnes magicæ. Liigd. 1612. in-fol. lib , i ,
cap. 3 , quajl. 4. A n folo contaiu , ajjflatu, &c, &e. morbi
janaj-i pojjînt naturaliter i
rations avec lesquelles on peut fe frotter, & qiii
peuvent lui communiquer différentes propriétés. On
lit dans le recueil des auteurs qui forment le T/iea-
trum jympathedeum , qu’un apothicaire à Paris
étoit parvenu, dans le dernier fiècle, à préparer une
eau avec laquelle il fuffifoit de fe frotter les mains
pour purger une perfonne, en les lui appliquant
fur le ventre. Boyle cite un autre exemple d’une
pareille liqueur (1). Il femble au refte que ce
moyen ait fait partie de plufieurs des pratiques
adoptées p a r les impofteürs. G ajJ'ner s en fer-
yoit (2.) j il appliquoit fes mains fur la tête 8c la
nuque du malade qu’il frottoit vivement; on aflure
même qu’avant il les frottoit fur fon étole ou fon
mouchoir : n’étoit-ce pas pour s’imprégner de quelques
matières fufceptibles de fe mettre en évaporation?
Greatrakes dont parle Pechlin (3) 3 a p p il-
(1) Experiments and] confédérations about the porof.ty
o f bodies. Voyez auffi Nouvelles de la république des Lettres ,
mars 158$. : .
(2) Le malade fléchiffoic le geriou devant lui. -Il toùchoic
la' partie malade; & ordonnoic que la maladie y reparût.
On l'a vu feotter fortement fa ceinture & fon mouchoir,
toucher & frotter vivement la tête ôc la nuque du
malade. Il plaçoit enfuite l’extrémité de fon etole fur lôs
parties afFeftées. De .Haen , de miraculis, _ .
(3) , Voyez dans Pechlin , obf. 31. » l’ouvrage intitule:
Valentin Greatrakes y efq. o f Afane in y Conity o f v>a~
terford in the Kingdom o f Irland famous fo r curing Je-
1 veral difeafes and dijlemperes by the Jlroak o f his hand
only. 166$, Ce Valentin Greatrakes fut fameux en Irlande
& en Angleterre. Il prétendoit guérir toutes les* maladies
en touchant. La manière donc il crut s’apercevoir qu’il étoit
doué de cette vertu mecveilieufe-, mérite-d’être rapportée.
On raconte qu’il éprouva un jour en lui-même une forte
révolution, 8c qu’il entendit une voix femblable à celle d’un,
génie, qui pendant long-temps ne cefla de lui crier : Je te
donne la faculté de guérir. Importuné par ce bruit dont rien
ne pouvoit le diftraire , il réfolut d’éprouver ce qu’il en
devoir croire. La voix lui avoit annoncé d’abord le don
de guérir les écrouelles. Il eflaya fur cette maladie, & les
écrouelles ,• dit-on, furent guéries. Il fit apres un effai fur
des malades attaqués de fièvres , donc il régnoit dans le
voifiriâgé une épidémie très-étenduè ; le fùcçès répondit
encore à fes effais ; la voix lui avoir également indique ce
don. Elle lui annonça enfin celui de guérir toutes les maladies;
8c -il n’y en eut aucune qui ne cédât à fon pouvoir,
de quelque nature qu’elles fuffent. Cet honime avoir
un extérieur fimple. Il: penfoit que la vertu dont il .étoit
doué lui venoit de Dieu. Quelques perforines l’attribuoient
à une drfpofition particulière 8c individuelle , comme s’il
eut participé de la nature de cette eflence qu’on croit être
la médecine univerfelle. Ses guérifons n’étoient accompagnées
d’aucun appareil impofant, fi ce n’eft qu’il cappor-
toit à Dieu chacun de fes fuccès, 8c qu’il le béniffoit en
exhortant lé malade à fe joindre à lui. Mais il faifoit un
ufage particulier 8c rrès-étendu du toucher. Le mal fuyoit
devant fa main, 8c il pouvoit, difoit-on, le déplacer en
le portant vers les parties les moins utiles. Si le mal'»
comme il l’affuroit quelquefois, fembloit, dans ce déplacement,
s’arrêter tout à coup dans quelques parties, il .y
multiplioit 8c redoublôlt fes friéfions, comme pour lui
faire forcer l’obftacle qui s’oppofoit à fa marche. Dans
cette opération, la nature excitée par les attouchemens pa-
roiffoit fouyenj opéjrer- des. crifes 8c déterminer dés" évacuations
par les fçlles, la fueur, & le vomiffemeat. Ü ne
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