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farineufes, au moyen de l ’eau , un mouvement &une
fermentation qui forme une liqueur pétillante qui
flatte le goût , ranime les forces, & infpire la
gaîté. Les fatigues du travail, l ’épuifement caufé
par la chaleur, & le befoin d'oublier les peines
de la vie , ont par-tout conduit l'homme à cette
découverte, qui même a quelquefois précédé des.
connoiffances qui paroiffent ou plus Amples ou d'une
néceflité plus prenante. L ’art de faire lever le pain
eft infiniment moins répandu que celui de préparer
les- liqueurs enivrantes.
Parmi les autres chofes qui font à l ’ufage des
hommes, la première eft fans doute le vêtement. Le
befoin de fe vêtir femble moins preflant que tous les
autres dans un pays très-chaud, chez des peuples dont
lu peau eft fouvent couverte d’un enduit ou d’un
vernis huileux qui femble fait pour la préfefver
des gerçures que l ’aridité du climat pourroit y oc-
cafionner : car la peau de prefque tous les noirs
eft huileufe & gralfe au toucher. Mais une mo-
deftie naturelle femble avoir prefcrit aux peuples
les plus groffiers de voiler les parties deftinées
aux myftères de la reproduction. Les matières qui fervent
aux habillemens des africains, font les peaux
d’animaux , les toiles filées & tiflues de coton, ou
des fils tirés de diverfes autres plantes , comme de
l ’aloës, du bananier, &c.^j ce font encore les étoffes'
de foie ou de coton qu’on leur apporte des autres
pays , & dont i l fe fait un grand commerce fur les
côtes orientales , & les draps qu’on porte d’Europe
aux habitans des côtes occidentales. De tous les peuples
dont i l eft queftion en -ce moment, les abiflins
font ceux qui font le plus complètement vêtus. Leur
tête eft nue' & leurs cheveux trefles; mais iLs portent
des robes longues de foie ou de toile de coton,
& des caleçons ; les nubiens portent auffi des robes :
mais dans les grandes chaleurs ils fe mettent preft- -
que nus, & ne font que Ce couvrir les reins &
les parties naturelles. Les arabes du défert ne
portent d’autre vêtement quune chemife à marches
, ceinte autour des reins leur tête eft entourée
d’une toile de coton , en forme de turban t cette
toile eft fouvent noire. Pour les peuples nègres, hors
du temps des cérémonies & des têtes, leurs vêtemens
fib réduîfent, chez la plupart, à une Ample pagne,
c’eft-à-dire -, à on morceau d’étoffe qui ne couvre
que les parties honteufès ; chez d'autres, ce morceau
o étoffe eft plus long , & commençant aux reins ,
leur defcend plus ou moins b^s , c eft-à-dire, juf-
qu’aux jambes ou à la moitié des cuiffes. 11 eft
peu d’endroits ou les femmes foient plus couvertes que
les hommes. Ce vêtement eft ou de toile de coton, ou
de tiffus végétaux diverfement colorés, ou de peaux
d’animaux. Mais chez quelques peuples, fur - tout
chez ceux de la côte de Guinée, les gens de dif-
tin&ion, dans les jours de cérémonies, font plus
pouverts. Ils ont alors fouvent des habits à l ’européenne
d’une couleur éclatante ; mais ils ne
portent la plupart que l ’habit feul, & n’ont fur
Jæ refte du corps aucun autre vêtement que la pagne,
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pour cduvrîr les parties naturelles ; en forte!
qu’en général, de tous les nègres, les plus habillés
ne femblent l’être que par une imitation puérile
desajuftemens des européens avec lefquels ils commercent
, & par une affedalion ridicule d’une parure
grotefque. Les princes cependant font. , en
général & en tout temps, vêtus d’un plus grand
nombre d’ornemens qui ne font alors que de Amples
marques ^ diftinétion ; mais généralement,
hors les cas extraordinaires, prefque tous les nègres,
& même les noirs orientaux , font nus de
la tête à la ceinture; ils ne fe couvrent point
la tête, excepté fur la côte de Guinée, où , dans
quelques pays, ils mettent des chapeaux européens
, plutôt peut-être pour fe parer que parce
qu’ils en éprouvent quelque commodité. Leurs
pieds font nus ; mais la peau de ces parties prend
une épaiffeur & une dureté telles qu’ils réAftenc
à l’aétion la plus brûlante des fables fur lefquels
ils marchent, & dans lefquels nos chauffures les
plus fortes fe fendent & fe confàment. Pour les
enfans , ils font tous également nus , fans dif*
tin&ion de fexes , & relient ainA jufqu’à l’âge de
huit à neuf ans, c’eft-à-dire , jufqu’au temps où la
puberté s’annonce chez les Ailes. I l paroît que
les peuples orientaux font en général plus vêtus j
& ceux du Monomotapa , au moins les gens de
diftinétion , font couverts. Dans l ’île de Mada.-
gafcar , les blancs font vêtus, les noirs ne le
font point, ou au moins ne cachent que les parties
fexuelles. Les fauvages de Mozambique ne le
font pas davantage, & les peaux d’animaux font la
matière du peu de vêtement qu’ils portent; Ce font
auffi les peaux de bêtes qui font les habits des hot*
tentots, qui confident en un manteau , une efpèce
de pagne, & un havrefac. Les femmes ont un bonnet,
auffi de peau, fur la tête. Mais on poürroit mettre
encore au rang des vêtemens de ce peuple malpropre
les enduits de graiffe durcie avec la poudre
de buchu, dont ils fe couvrent tout le corps : on
pourroit regarder comme une véritable coiffure
le mélange épais & toujours renouvelé de fuif 8ç
de fuie dont ils pétrifient leurs cheveux. Le fuif
plus épuré* que les habitans de Natal accumulent
fur leurs têtes , & qu’ils élèvent couche par cou»
che jufqu’à une hauteur confidérable & avec le
plus grand foin, eft encore une coiffure que ces
peuples ne quittent jamais. Mais ce qui eft très*
remarquable, c’eft que ces peuples vivent très-longtemps
*, & ne paroiffent éprouver aucune infirmité
réfultante de cette coutume dégoûtante. Une peau
rendue imperfpirable n’eft donc pas un grand mal ;
peut-être même pourroit-on regarder l’enduit huileux
dont eft couverte naturellement la peau des
nègres, & qui cependant ne met point un ofifta-
cle à la tranfpiration, comme un préfervatif contre
l ’abforption de beaucoup de miafmes dangereux,
dans des pays où tous les étrangers font plus ou
moins expofés à des maladies fouvent frès-funeftes ,
à l ’abri defquellçs paroiffent être en général les
naturels*
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naturels. Beaucoup de phénômènes qu’il n’eft pas
temps d’examiner ic i, fembleroient prouver que 1 absorption
cutanée eft le véritable moyeu de contagion
ou d’infeéfcion qui donne lieu au développement
de ces levains deftruéleurs qui ont été fi
îouvent le fléau des européens dans les faifons des
pluies. Les différentes couleurs dont, fe peignent
plufîeurs nations nègres & caffres-, & parmi lef-
<|uelles le bleu & le rouge ont la préférence ,
11e nous arrêteront pas beaucoup. Ces couleurs font
végétales, & n’ont rien de remarquable que la
bigarrure qu’elles produifent. Je ne m’occupe ici
•que de ce qui peut avoir une influence plus ou
moins évidente fur la fanté , & je ne parlerai point
«le ce qui n’eft qu’une fimple parure. J’ai parlé ,
5. V I , de l’avidité avec laquelle le hottentot
mâche le kanna & fume le tabac avec le dacha.
On conçoit aifément que dans un pays où , pendant
la moitié de l ’année , l ’air eft rempli de brouillards
épais , la fumée du tabac peut avoir une utilité
réelle , indépendamment de l’ivreffe légère qu’elle
caufe. Mais il faut encore remarquer que les femmes,
qui portent & allaitent leurs enfans fur leur dos ,
ont foin de les environner de la fumée du tabac.dont
elles empliffént leur bouche, & que l ’ufage de fumer
eft chez ces peuples un befoin contracté à la mamelle.
Ils vivent d’ailleurs entourés de fumée dans
leurs huttes, o u , rangés en cercle dans la circonférence
, ils ont au milieu d’eux, pendant les
temps froids, le foyer qui les chauffe, & à l ’aide
duquel ils préparent leurs alimens. I l eft incon-
-cevable qu’un air échauffé, dans l’efpace.de quatorze
pieds fur dix,, par la préfence de dix ou
•douze perfonnes , & par la fumée épaiffe d’un
-foyer qui n’a point d’iflue , conferve la propriété
d’entretenir l’air & la refpiration des hommes $ car
les huttes des hottentots font très-exaétement fermées
avec des nattes, font impénétrables à la pluie,
& n’ont qu’une ouverture recouverte d’une peau
-d’animal, & par laquelle on n’entre pour ainfi
dire qu’en rampant. Les huttes des nègres du Sénégal
&de Sierra Léona, qui font les plus (impies de toutes
les demeures des nègres, font beaucoup plus fpacieii-
fes , & l ’on n’y fait jamais de feu. Le lit des hottentots
eft un creux formé en terre, capable de recevoir
un homme, & fur lequel on étend une peau.
Ceux au contraire des nègres font exhauffés, &
font des claies foutenues par des fourches & couvertes
de nattes. Il paroît que chez aucun de ces
peuples il n’eft d’ufege en aucun temps de coucher
dehors & à l ’air libre. En effet, les nuits
•font prefque par-tout humides & fouvent froides ;
& l ’on verra que c’eft fur-tout l ’impreflion de l ’air
du foir qui occafionne le développement des maladies
les plus meurtrières , fur - tout parmi les
-européens. L ’abus des: femmes , dans les pays chauds'., :
eft encore un des objets qui méritent le plus l ’attention
du médecin : on fait que. la débauche &
l a diffolution des peuples.de la côte, de Guinée
M é d e c in ,g. Tome Z.
A F R
à céf égard, eft fans bornes; & beaucoup d’auteurs
attribuent , à l ’ufage prématuré & exceflif des
femmes , la brièveté de la vie de ces peuples,
•qui d’ailleurs, parfaitement conftitués-& forts ,
n’pnt en eux aucune caufe fenfible qui doive abréger
leurs jours. On nous dit cependant que parmi
eux un nègr£ de cinquante ans eft un homme vieux ;
mais on ne nous dit pas fi, tranfportés hors de
leurs pays, ils confervent ce défavantage. En général
, la polygamie eft un ufage commun à tous
hes peuples de 1JAfr iqu e , même aux abiflins , qui
font profèflion du chtiftianifme, mais qui confervent
la polygamie comme un ufage qui leur vient
des juifs. Le hottentot eft auffi polygame, mais
i l n’a jamais, plus de trois femmes. Il eft difficile
de dire fi c’eft un véritable befoin, q u i, dans ces
climats chauds , porte l ’homme à la polygamie
il eft sûr au moins qu’il .y eft porté par un attrait
particulier , qui eft bien loin d’être le même dans
les pays feptentrionaux. La loi des hébreux leur
permettait la polygamie; & les patriarches, dont
iis tiroient leur origine, étoient de même polygames,
malgré leur vie fimple & frugale?, 4°nt on
. admire encore des traces refpeélables chez quelques
familles arabes. Sans doute une feule femme
peut par-tout fuffire à l ’homme pour fon véritable
befoin ; mais je crois qu’il faut, pour foutenir ce
genre de tempérance dans des climats dont l ’ardeur
porte tant à l ’amour, mettre la même exactitude
& la même mefure dans la manière dont on fâ-
tisfait plufîeurs autres befoins, & fur-tout celui de
la nourriture. Si l ’on a vu dès folitaires fe condamner
dans la Tliébaïde à un célibat religieux ,
c’eft parce qu’ils, fe font réduits , d’une autre part,
à une frugalité dont la févérité tenoit du prodige.
30. Les nfdges religieux & civils ont pris quelquefois
leur origine dans le befoin des peuples*
Souvent auffi la bizarerie des hommes leur a feule
donné naiflance , ou bien elles font dues à la né-
ceflité d’établir des Agnes d’alliance & de confraternité
entre ceux qui font partie d’un même
- corps, ©u qui profeflent une même religion.
Mais plufîeurs de ces ufages peuvent être con-
Adérés fous un point de vue pliyAque , foit
relativement aux raifons qui en ont déterminé
l’établiffement , foit par rapport à leurs effets.
Je ne parlerai pas des fuperftitions des nègres
& des hottentots, La religion, qui , dans
l ’ordre politique ( 1 ) , conAfte à donner aux prin-
(ij Je dis ici dans l'ordre politique , parce que c’eft
la feule manière de confidérer les religions qui n’pnt
point la vérité pour fondement. Car dans Y ordre divin
& -fin-naturel , la vraie religion -, qui eft feul»
& unique parJ fon effence , eft celle qui rappelle la morale
à fa- véritable fource, établit les vrais rapports entr«
T t