
traiter de la colère. Ses efpèces font variées.
Nous mettons la colère , ou ce que nous appelons
j l ’emportement , dans la claffe des partions
rood créés qui fervent- à la confervation de la fan té.
Ces^ premiers mouvemens de colère font un défîr
d éviter l ’idée du mal préfent que nous concevons.
La nature excite ce mouvement dans plufieurs maladies,
pour leur fervir de remède. Les phthîfî-
ques , les hydropiques, les mélancoliques les-
cachectiques s’emportent facilement. Ces premiers
mouvemens fervent a augmenter la circulation du
fang ; le coeur, acquérant plus de force , les fe-
cretions de la b ile , de l’urine, & de la tranfpira-
tion , fe font plus aifément. Les effets de cette
paflion , lorfqu’elle eft modérée & fans défîr de
le venger , produifent dans le corps les mêmes
effets que la joie & la confolation de l ’efpric, dont
nous avons parlé plus haut» Le médecin ne doit
pas tenter de réprimer , ni par des remèdes, ni
par^ la morale, ces mouvemens involontaires de
colère dans les maladies dont nous venons de parler
il doit prévenir les afliftans qu’ils fervent de
remède. Car comme la vue d’un ami intime dilate
le coeur & répand la joie fur le vifage, les
mouvemens involontaires de colère , en foula-
geant le malade, produifent les mêmes falutaires
effets.
La colère eft un violent défîr de punir celui
qui nous a ôffenfé. La haîne eft une antique colère
j 1 inimitié eft un défir prolongé de trouver
l ’occafîon de fe venger;.la difcorde,eft une ha-îne
qilT prend fa fource 'dans une Vieille antipathie
qui ne perd point l ’efpérance de nuire à l ’objet
de fon averfîon.. Si ces mouvemens font juftes , &
qu on. ne foit pas fans efpoir de vengeance, ils-.
ne font point mortels ; la confolation. que trouve
lefprit à fe nourrir de projets funeftes balance
en partie le danger que ce trouble fait courir au
corps. & à l ’ame du. vindicatif.
La colère jointe au défefpoi-r de fe venger, :
dans ceux qui confervent intérieurement cette paf-
fion , & que les latins ont appelée iroe me mores,
caufe la mort & des flux de fang , des anevrif-
m e s d é s polypes dans le coeur & dans les artères
un- peu grolfes ; des fièvres ardentes , des
pierres dans la.véficule du fiel, des vomi-ffemens ,
& des flux bili eux..
Les^ effets de cette paftïon font diamétralement
oppofés à ceux de la peur. Dans ceux-ci, tous les
nerfs le raccourcirent , & toutes les parties fondes
finiffent-par perdre leur élafticité : mais dans
la colère , les idées repréfèntées vivement dans Je
fenforium commune y s’emparent de toutes les
facultés , tant fpirituelles que corporelles , & s’af-
fujettiffent les forces unies du corps mobile & feri-
fitif. Le vifage s'anime , les yeux étincellent de
feu , la voix devient rauque & plus élevée , les
lèvres tremblent , les mains s'unifient avec violence
, les pieds trépignent , le pouls eft v if &
plein , & l'altération générale du corps devient îz
preuve de fon état d’infirmité. ( Voyey le poème
de M. Geoffroy , xv. 36z & fuiv. ) Les exemples-
de ceux qui ont perdu la vie dans des mouvemens-
de colère , font célèbres & multipliés;
Valentinien premier , reprochant en face aux
députés de Bohème leur ingratitude , fe mit dans-
une fi violente colère x qu’il perdit à l ’inftànt la pactole
& la vie.
Vinceflas , roi , étant dans un femblable emportement
tira un poignard pour tuer un traître
qui ne l ’avoit pas averti- du trouble excité à-
Prague par Zifcon : on lui. arracha fon poignard ,,
afin qu’il ne déshonorât pas la majefté royale , en.
ôtant lui-même la vie à un de fes domeftiques
mais dans le même moment le roi fut frappé-
d’apoplexie dont i l mourut quelques- jours-
après.
L ’empereur Nerva périt de la même manière s,
pour s’être mis en colère contre un petit roi» Cette
paflion lui fit pouffer de tels cris , lui donna dételles
agitations, qu’il tomba aufli-tôt dans des-
Tueurs excerti-ves , & après dans des horripilations „
dans lefquelles. i l perdit la vie , fuivant le rapport
d’Aurélius - Viétor (in epitome), Voyey. ce-
que dit Hoffman , &&.. 1 „ 3,, 4, de fès confolu
méd»
La cblère caufe des palpitations mortelles „
ainfi que le rapporte Zacùt ( prax. adm. obfi,
147 ). Je l’ai obfcrvé dans une femme très-fujette.
à cette palfion elle produit des difficultés de respirer
qui conduifent à la mort ( voyey Plater
dans fes obfervations , liv. r , p. 48 ) v elle eau féaux
femmes enceintes des hémorragies mortelles^
Dans, les JVlifcella. curiof. decad.. 3 anno- 9 ,,
il eft fait mention d’une femme groffe , qui, s’étant
mife dans un accès de colere très-violent
eut une perte à laquelle on ne put remédier
»
' Jérôme Velchius, cité par Schelamer, de anï-
mi affecîïbus , p. 17^, dit qu’un homme mourut
fubiteraent pour s’être mis dans un violent
accès de colère. On trouva le péricarde rempli
de fang , parce que l ’aorte s’étoit r-ompue.
Stalpart Vander-Wiel fait mention d’une femme
de quarante ans , qui , dans le temps“ de fes règles
, fe mit dans une telle colère,- que le
fang fortit avec impétuofité du bout de fes mamelles.
Cette paflion a rendu muet pendant quelques
jours , & on a guéri cette paraJyfie par un vomitif
( M'tfcel. cur. dec. 3 , anno 4 , obf. 103 ) ,
d’oiï l’on peut voir que, dans la^violence elle
peut caufer des fièvres éphémères , bili eu f e s des
diarrhées, des jaunifles.
La colère excefltve ne tue pas toujours fubitement
, mais elle agit comme un poifon len t, &
termine la vie peu â peu»
Guillaume Harvée ( ewercitat. andtont, 3' )
parle d’un homme de bien qui reçut un affront
d’un homme puiflant ,- & dont la colère Ôc l ’indignation
s’accrurent de jour en jour :• dans l ’i-m-
pui fiance ou il étoit d’en tirer vengeance ,- forcé
de renfermer dans fon coeur ces mouvemens viole
ns , une oppreflîon de poitrine & une douleur
de coeur, après l-’avoir miné pendant plufieurs
années , le conduifirent lentement au tombeau. A
l ’ouverture du cadavre , on trouva le coeur &
l ’aorte tellement remplis de fang. , que la ma fie
du coeur & les cavités du ventricule égaloient
la groffeur d’un coeur de boeuf. Pendant fa vie ,
les deux jugulaires étoient aufli groffes que l ’aorte;,
elles battaient violemment & paroifïoient deux
anevrifmes obiongs..
Le remède qu’il faut employer fur le champ
contre la colère, eft la craime. Un homme intrépide
fe met dans une violente fureur; il eft plus
agité qu’un phrénétiqu-e ;. le feu lui fort des yeux;
il menace avec le poing fermé , & une voix terrible
fort du fond de fa poitrine. Dans le même
temps, il fe préfente à lui un homme aufli violent
que lui , avec une épée nue dont il lui met
la pointe for la poitrine , en le menaçant avec
unè voix forte & capable d’épouvanter. Auflï-tôt
l ’homme en colère change de couleur , fon vifage
pâlit , fa voix eft plus baffe , fon pouls devient
petit & intermittent : cette paflion eft guérie en
un inftant par la crainte , qui eft la paflion contraire.
Les législateurs ont bien employé ces moyens
contre les malfaiteurs; leurs lois font moins faites
pour infpker la vertu que pour févir contre le
crime ; & la crainte d’une mort ignominieufe a
prévenu plus d’homicides que la belle maxime
alteri ne feceris quod tibi fieri non- vis. A
Rome , le citoyen revêtu du pouvoir fouverain
fe fai foit précéder par des. licteurs armés de faif-
ceaux & de haches ; aufli. le grand Boerrhaave
avoit coutume de dire que, le bourreau avoit
fait plus , d’hommes vertueux que cent prédicateurs
(1).
Les gens naturellement colères doivent ufer
d’une diète végétale , dormir long - temps, ne
point faire d’exercices violens , diminuer la- ten-
lion des fol ides par dès bains de vapeurs , & dor mir
dans des lits mollets.
Tout médecin- doit avoir l ’attention de ne pas
purger ni de faire- vomir les perfonnes , qui', après
avoir éprouvé des accès de cette paflion, font pris
de vomiflement ou de flux de bile. Dans cet état,
tout le corps eft en- convulfîon , tous les nerfs
(1) La Chambre penfè que la cr citoyen s & de fideles fujets, qüe la afineutele a vpelurtsu f a; it& d se’ ibl oenfst pdeer mfaiisn tsd eq upea flfae rc hpalurist é atvoauntet, pupreeu.t -Vêtoryee \q ule’se llcea raac tfèariet sp dluess gaffions, tome j., p,. 110 ,, édition dÂmfterdam, Antoine Michel,,! $6 -ufont
aftoiblis- : fi dans ce cas l’on caufe de Tir-*
ritation, on accélérera- la mort, qui fera la fuite
des convulfions des vifeères & du diaphragme y
avec des douleurs atroces de ces parties. Dans ce
cas, i l faut donner l ’opium diflous dans du vinaigre,
des émulfions, du petit lait, & , ce qui Vaut
encore mieux avoir recours aux bains de vapeurs.
( F~oye-% aufli le poème- de M. Geoffroy,
v. 4x4 & fuiv. )
Quoique la colère & le défîr de la vengeance
foient très - préjudiciables à la fanté ’f&cependanfi
cette paflion T excitée par un médecin prudent *
pourra guérir un grand nombre d’infirmités de la
nature de la parai y fie & de l ’imbécillité. Hippocrate
favoit que la colère fervoit de remède a
différentes maladies dans lefquelles abondent les
humeurs pituiteufès. (Voyez dans les épidémies ^
liv., z , 4 , p. .70^, dans le traité des fif*
tule s, t. z j p. 6 85 , édit. Vanderlinden.) I l
confeille d’irriter les 'narines jufqu’i faire éternuer r
& d’exciter la colère dans le relâchement de l ’in-»
teftin rectum. Dans les Mifcellanea cur lo fa , dec.
z- , anno 5 , p. zy , obf. 34, on rapporte l’hifi-
toire d’utv vieillard paralytique , qui fut infulté
de paroles par fes enfans , à tel point qu’il entra
dans un accès de colère terrible & qu’il fut guéri
de fa paralyfie (1)..
J’ai- ouï dire â Boerrhaave qu’un" médecin arabe
( Gabriel Bachtifua)-, étant mande pour guérir
une des concubines du calife Haroun al’Rafchid
qui étoit devenue paralytique d’un brasdemanda
permiflion au calife de faire femblant d’infulter
cette dame en pr-éfence de tout le monde : il
l’obtint. I l s’approche de la malade , & en fe
b a iflan tp o r ta la main à- la frange de fà robe f
comme s’il eut voulu l ’expo fer nue à- tous les regards
: ce g.efte mit la malade en fureur ; & foit
pudeur ou trouble , elle étendit , avec promptitude
, fa main fur le bord de fa robe , & rat guérie
fur le champ. On trouve, dans les recueils d’ob-
fervations médicales ,- une quantité prodigieufe de'
laits qui nous apprennent que les fièvres inter^-
mittentes , les quartes ,> la. goutte ,- les douleurs*
des articulations, accompagnées d’humeurs pitui^-
teufes , ont été guéries par cette paflion portée-
à l ’excès» ( Voyey Etmuller, Valériola, &c. )
Il arrive fouventque les hypocondriaques- tom--
bent- dans un état d’indifférence , d’apathie, fans-
défîrs fans averfîon, ne demandant & ne refu--
fant rien. Dans cet é t a t i l paroît que les efprits-
animaux ne continuent pas leur cours jnfqu’au'
diaphragme, qui - eft , pour ainfi dire, la boufiole du
plaifir ou* du déplainr qu’éprouve l ’imagination;-
(x) L7h mouvement de'colèred’impatience , fteurcon--
acvoeucr irf uàc clè’se fpfeatt lde’ umné dpeucrigna tdife. Ce ftratagême fut employé' M. d’Aligre, père du chancelier
, qui’ étoit d’un tempérament fi froid & fi difficile
à émouvoir, qu« tien ne pouvoiç le purger»-