
Obf. 1 t . Ce que nous venons de dire nous fait
comprendre encore la raifon de plufîeurs autres obfer-
vations faites dans les mêmes étuves. U air exceffi-
vement chaud étant mis en mouvement autour du
corps, lui imprime une fenfation plus pénible &
plus brûlante que quand il eft en repos. Qu’on fe
mette en mouvement, ou qu’on agite Y air environnant
, le même effet a lieu ; le vent d’un foufflet
eft infupportable ; ce vent dirigé même fur un corps
Inanimé comme la chair ^ en accélère la cuiffon
& le deffèche promptement. En effet, par ce moyen
X air eft renouvelé autour du corps, & n’a pas le
temps d’être refroidi par fon contaét. Pour lors il
produit une fenfation de chaleur infupportable. C ’eft
pat la même raifon que dans un air dont la température
eft inférieure à celle de notre corps, le
vent produit au contraire un fentiment de fraîcheur,
& que dans un air froid, le vent rend la fenfation
froide bien plus vive, en ne laiffant pa» a Yair environnant
le temps de s’échauffer par le contadt du
corps Ainfi, pour que le corps vivant fupporte
Y imprejjion d’un air plus chaud que lu i , il f a u t ,
i° . que le degré de chaleur, de T air ne fo it pas
tel q u il furpaffe la propriété qua le corps vivant
de détruire cette chaleur, fans augmenter
fenfiblemcnt la ferme ; z°. que le renouvellement
de l ’air fe fa ffe affe% lentement, pour que cette
propriété ait tout le temps de produire fon effet.
(P a g . ,if6. ) .
. O b f i i . Enfin dans les mêmes étuves M. Blagden
a obfervé que l ’on fupporte une chaleur exceffive
beaucoup plus aifémenc étant habillé que nu.
C eft ce que M. T ille t avoit déjà conftaté par des
expériences faites fur les animaux. M. Blagden a
obfervé de plus que le thermomètre , placé fous
fes habits & mis en contait avec eux, mais éloigné
du contadfc de la peau, defcendoit à n o dans une
étuve dans laquelle i l marquoit en dehors 2,10 &
z n . Ce qui prouve que les habits, & en particulier
le drap, tranfmettent mal la chaleur; que
par confequent les habits doivent également, &
p a r une même raifon, aider le corps à conferver
f * chaleur naturelle, fq it dans un air beaucoup
p lus chaud que lu i , fo it dans un air beaucoup
p lu s froid. (Pag. 1 f7 , 114. ) |
Tels font les réfultats des expériences de MM.
^Tillet & fur-tout Blagden, Fordyce, & autres ,
qui toutes concourent à démontrer que le corps
humain a la propriété de conferver fa chaleur
naturelle , même au milieu d’un air beaucoup plus
çhaud que lui ; que cette propriété a fon effet,
même dans les parties fu r lefquelles le contait de
ç e ta ir e jl le plus immédiat, comme la peau.& le
poumon ; quoique néanmoins la chaleur de cet air
agiffe évidemment comme fiimulant fu r divers
organes, en accélérant le mouvement du coeur,
affectant les nerfs , irritant la peau, & laiffant
cependant la respiration libre & intacte.
On conçoit par-là pourquoi les folides & les
'fuides du corps humain n’éprouvçnt dans un air
très-échauffé, & qui l ’eft au point de faire bouillir
l ’eau, aucun racorni ffe ment, aucune coagulation ,
aucune altération capable de détruire ou de changer
leur ftruéture.
Il faut donc retrancher de l ’énumération des effets
d’un air chaud fur notre corps , tout ce que l ’exagération
des théories, l ’explication déplacée des effets
obfervés hors du corps vivant, celle des phénomènes
tirés d’obfervations faites dans des circonftances oü.
Y air a pu être altéré par d’autres eaufes, ont pu
fournir de conclufions fauffes & . inexactes , éloi—
gnéesde l’efprit de précifion qui ne doit* pas moins
accompagner l ’étude de l ’économie animale, que
toutes les fciences phyfiques & mathématiques.
Néanmoins les différentes difpofitions du corps
donnent lieu à des effets dangereux & même fu-
neftes de la part d’une exceffive chaleur. On vient
de voir que M. Blagden s’étant expofé à une forte
chaleur après un ample repas , éprouva de l’op-
preffion. C ’eft auffi ce que remarque M. Sanjchès
dans les bains ruffes portés à un degré de chaleur
bien inférieur à celui dans lequel étoit M. Blagden.
I l recommande, de à’y point entrer auffi-tôt après
le repas , mais toujours cinq ou fix heures après;
de n’y point entrer non plus quand les matières
excrémerUitielles font accumulées dans les entrailles
par une conftipation de quelques jours; & il obferve
que les enfans nouveaux nés font incommodés,
principalement lorfqu’on les porte dans le bain
avant que l ’efpace en foit rempli par la vapeur de
l ’eau, & lorfque la chaleur en eft encore ardente
& sèche; mais je parlerai plus particulièrement
des différences de la chaleur sèche & de la chaleur
humide dans un autre lieu. Voye^ n°. 11, ( Voyet^
Sanchès , Mém. fu r les bains de Ruljie , Mém•
de la fociété royale de Médecine > année 177.9,
pag. Z33, z*3 , 158.)
( 8°. Effets que produit fu r le corps vivant
la chaleur de Vair combinée avec la lumière. )
Quoique la lumière & la chaleur paroiffent exîfter
indépendament i ?une de l ’autie, comme plufîeurs
faits femblenr le démontrer , & quoiqu’une chaleur
exceffive ne foit pas toujours accompagnée d’une
grande lumière , & qu’une lumière très-abondante
ne foit pas toujours unie avec une grande chaleur,
néanmoins quand ces deux fubftances font réunies,
elles contrarient entre elles une telle adhérence,
que la lumière peut être regardée comme un des
plus puiflans condufteurs de la chaleur, puifqu’elle
l ’entraîne dans là direction , lui fait fuivre les lois
d.e la réflexion & de la réfraélion , la condenfe &
la concentre , félon que fes rayons font eux-
mêipes condenfés & concentrés ; à mojns qu’on ne
veuille que la chaleur foit feulement développée
par une efpèce de déçompofition dans les corps qui
font touchés de la lumière, ce qui* n’eft certainement
pas vrai dans tous les cas.
Les phyficiens ont bien déterminé quels font les
effets de la lumière folaire fur les végétaux ; mais
ce genre à’obfervatiQns, devenu fi intéreffant dans
l ’économie végétale , n’a point encore été foivi
pour l ’économie animale. Cependant beaucoup de
phénomènes annoncent à cet égard , entre ces deux
claffes d’êtres organiques, une fenfible analogie.
La lumière aidée de la chaleur colore les uns &
les autres. Les uns & les autres élevés à l’abri &
à l’ombre, croiffent étiolés; & la couleur des
parties de notre corps expofées à Y air & au fole il,
tranche bien fenfibiemenfc fur celle des parties qui
font toujours couvertes.
Non feulement la peau fe colore par l’atldon
combinée de la lumière & de la chaleur , mais cette
aétion, augmente encore fenfibicment la folidité &
la tenfion de la fibre , excite Ion irritabilité, & va
jufqu’à y produire le fpafme & l ’inflammation. On
a déjà remarqué que la fueur eft moins abondante
quand on eft expofé au foleil que quand on fe tient à
fombre. L ’a&ion rapide d’unelumière vive & concentrée,
telle que celle que le foleil darde quelquefois
entre les nuages , en frappant la peau, y produit ce
que nous nommons un coup de fo le il, qui eft un
véritable éréfipèle, dont quelquefois les effets ne fe'
bornent pas. à une affé&ion locale , mais fe communiquent
par les lois de l ’irritation aux organes
intérieurs, fur-tout au cerveau fi la tête eft frappée ,
& produisent des frénéfies funeftes. Les expériences
fur l’effet du verre ardent & du charbon fur les
ulcères & les plaies, & même fur cette efpèce
d’éréfipèle qn’on'nomme engelure , font encore une
preuve de Taâion ftimulante & tonique de la lumière
fur les fibres organiques. Voye\ le mot
Adustion, Ses effets ne font pas moins remarquables
lorfqu’elle agit moins violemment, mais
par une aftion plus long-temps continuée. La différence
que nous remarquons entre les perfonnes
élevées dans la molleffe ôc qui s’expofent rarement
à l ’impreffion du_j.our, entre celles mêmes qui, au
milieu des peinés & des fatigues d’une vie labo-
rieufe , fe livrent néanmoins à des travaux intérieurs,
qui les obligent .de vivre renfermées dans des mài-
fons, & celles qui paffent leur vie à Yair, eft trop
connue pour que je m’arrête à la détailler ici. La
même différence exifte encore entre les habitans des
villes de tout état & les hàbitans des campagnes.
Enfin nulle part cette diftin&ion n’eft plus remarquable
que dans les climats chauds , & fur-tout
chez les orientaux. Là , les effets de la lumière
font bien aifés à diftinguer de ceux de la fimple
chaleur. L ’homme qui vit à l’ombre , couvert d’habits
longs , énervé par la chaleur , amolli par les
étuves, fuyant les impreffions d’un foleil brûlant,
eft mou, nonchalant, pareffeux; fon.tempérament
eft fahguin & fonvent phlégmatique.: celui au contraire
qui, peu vêtu , vit à Yair libre, & condamné
au travail des champs, eft obligé de fupporter les
ardeurs du jour, a la fibre dure , le corps robufte
& bazané , & le tempérament mélancolique & fec.
Voyez ce qui a été dît d’après Profper Alpin au fujet
des habitans de l ’Egypte, dans l’article A f r iq u e .
Il femble que dans les zones ardentes la nature
ait voulu prémunir l ’homme contre 1 exces de ces
effets en l'enveloppant d’une peau plus épaifle, affou-
plie par une humeur huileufe qui paroît propre
à s’oppofer à une évaporation & à une exficcation
trop rapide des liquides. Eil-ce une portion de cette
humeur q u i, par une combinaifon particulière des
principes de la lumière, forme fous l’épiderme
cette lecrétiou fingulière d'une matière colorante
dont la nature eft encore ignorée, & qui n’a été
foumife à aucune analyfe & à aucune expérience régulière?
Partie qui paroît exifter plus ou moins
dans la peau de tous les hommes, que nous voyons
bien fenfiblement même parmi nous chez les perfonnes
rouffes; qui eft olivâtre chez l’indien occidental,
jaune cuivreufe chez l’indien afiacique,
noire chez le nègre, q u i, dégénérée & décolorée,
paroît cooftituer les blaffards, efpèce de dégéné-
refcence cutanée , qui exifte peut être chez tous les
peuples de l’univers , & qui par-tout eft accompagnée
d’une dilpofition contre nature à être bieffés
parles rayons lumineux; cette partie fe brunit chez
le créole par l ’influence du climat, tandis que chez
le nècrre elle eft formée noire par la nature , &
fc développe telle peu de jours après la naiffance.
Peut-être faurons-nous mieux quelque jour quelle
analogie exifte entre ces décrétions cutanées & l ’influence
combinée- de la lumière & de la chaleur.
Peut-être verrons-nous que ce principe, que les
chimiftes modernes ont nommé charbonneux ou
carbone , eft un produit du principe de la lumière,
fixé par des combinaifons particulières. Peut-être
prouvera-t-on que le fang chargé de ce principe,
le reçoit en partie pendant fa circulation cutanée
dans les corps expofés. au fo le il, tandis qu’au contraire
le-juême principe paroît s’exhaler par l ’organe
de la peau quand l ’homme eft à l ’ombre, &
former avec Yair de l ’acide carbonique , comme
l ’ont démontré les expériences de M. Jurine. Peut-
| être ce principe forme-t-il la matière de différentes
| fecrétions, comme celle de la fubftance noire qui
! enduit l ’intérieur de l ’oeil, & celle qui eft répandue
! fous l ’épiderme des nègres; peut-être auffi fa fu-
rabondance donne-t-elle en partie naiffance à l ’a -
trabile & à la couleur-noire du fang dans le tempérament
mélancolique, foit que cette furabon-
dance foit due à la lurcharge que le fang en reçoit
par l ’a&ion continuée de la lumière, comme
i l arrive dans les hommes expofés long-temps à
des chaleurs exceffives, foit qu’elle vienne de .ce
que le fang ne fe décharge pas affez de ce principe
par l’organe de la peau , ce qui paroît arriver
aux perfonnes fédentaires & triftés , chez lefquelles
l ’exhalation cutanée eft très-foibie , & fournit peu
d’acide carbonique à Yair environnant, comme l’a
remarqué M. Jurine, toutes les fois que le mouvement
de la circulation eft ralenti & la transpiration
diminuée. Mais nous ne fommes pas encore
parvenus à ce degré de connoiffances, & nous
ne pouvons jufqu’ici. parler avec affurance que des
phénomènes extérieurs de l ’aôtion de la lumière fur