
7 3 8 À L I
» diffolvent d’aùtant plus aifément, qu'elles font
» plus fraîches^ elles fe digèrent par conféquent
& d’autant mieux, que leur mucilage eft plus fa-
» vonneux ».
« Cependant elles pèfent toujours fur l’eftomac ;
» elles le gonflent, dit Galien, & font de très-
» difficile digeftion, fu r tout quand on les mange.
» crues. . . . Il eft rare à la vérité qu’on puiÉTe
b faire ufage de ces légumes crus; mais il ajoute,
» que la eoftion ne leur ôte pas tout à fait cette
» difficulté. Au furplus, on peut dire généralement
» que les légumes nourriiTent beaucoup, quoique
» moins que les fromens . . . . & ils font d’autant
» plus ou d’autant moins nutritifs, qu’ils s*appro-
» client ou qu’ils s’éloignent davantage des pro-
» priétés des femences céréales. On pourroit faire
» de ces légumes, & du pain ( v. not. 5 5. 6* ci
» après, §. III.) & des liqueurs enivrâmes, puif-
» qu’on en peut retirer de tous les végétaux ».
Semences céréales. ( P . 333. )
« L e cara&ère des femences céréales dont nous
» nous fervons ordinairement pour faire le pain,
» qui conftitue notre aliment le plus ordinaire, eft
» celui qui convient au mucilage le plus parfait,
» le plus atténué, Le plus condenfé, alimentum
» maximum in minimâ mole. Ces fubftances font
» en effet un pur mucilage, non feulement en tant
» qu’elles font exactement folubles & altérables
» dans l’eau , mais en tant qu’elles ont des parties fi
» exactement combinées, qu’aucune ne prédomine
» fur l’autre. Ce font ces efpèces de nourritures
» qui méritent véritablement le titre de dulcefa-
» cultate : auffi font - elles extrêmement multi-
» pliées dans la nature ».
« Dans l ’eau, elles acquièrent la plus grande
» intumefcence dont foient capables aucunes fêta
mences végétales. Dans ce fluide , elles s’amol-
» liftent confidérablement , mais hors de ce fluide
» elles font extrêmement dures,. & même d’autant
» plus dures , qu’elles font plus denfos , & con-
» tiennent plus de parties fous un moindre vo-
» lume.. . . C ’eft là le valentius frumentum, fui-
» vant l ’expreffion de Celfe , plus difficile à divi-
» fer & à digérer , mais capable de fournir une
» nourriture pJus confidérable, quand il eft une fois
b digéré. ». . ».
« I l faut diftmguer dans ces femences deux parties,
» l ’une qui fait le corps de la fem ence , l ’autre
» qui en cofiftitue- les enveloppes. C e lle s -c i^ . .
» contiennent des parties âcres 3 huileufes , déter-
» fives,. . . tout le refte eft nuicilàgineux & nu-
» tritif./On font aftliz, cl; après cette diftinClion ,
» pourquoi Hippocrate dit que l’orge contient
» d’autant plus ou moins de fon, qu’il eft, plus
» rare ou plus dente. La rareté ou la denftté con- '
» fiftent dans la quantité dé parties nutritives qui
» fe trouvent dans la femence. Hippocrate iap-
A L I
» porte toutes les propriétés des femences céréales
» a l ’orge, qui paroît avoir été beaucoup plus en
» ufage de Ion temps dans la grèce , que toute
» autre efpèce de blé (58) que Pline appelle
» antiquijjimum ». J
« On voit pourquoi le cara&ère de toutes les
» plantes nutritives eft de donner moins d’èxcré-
» mens, minus alvum dejicere ; . . . . elles font,
» pour la plus grande partie , abforbées pour l’uti-
» lité de la machine ».
« Les différences les plus confidérables de ces
» femences dépendent de la denftté, de la perfec-
» tion de leur mucilage plus ou moins grollier ,
» plus ou moins atténué ».
« Au refte, aux grandes qualités nourriftantes
» qu’elles contiennent , il "faut joindre d’autant
» plus de difficulté à fe digérer Ÿ. que la qualité
» nutritive eft plus ,grande ( 5Pj* Eh effet » dans
» la plupart de ces femences le mucilage eft fi
» condenfé , capable par conféquent d’abforbcr une
» fi grande quantité d’eau , & de réfifter fi puif-
» famment aux agens de la digeftion, qu’elles
» rêftent en mafle dans l ’eftomac, capables plutôt
» d’y fermenter & d’y prendre un développement
»" d’aigre fpontaué , que de s’y digérer...-. Nous
» voyons encor« dans les parties du blé des degrés
» différens de mucilage; l ’un nourrit promptement,
( j 8 ) Hippocrate parle de l’orge feul, xçjAaî, pour le régime
des maladies 5 mais pour les ufages de la vie ordinaire,
il.parle du froment, wugos, triticum, & du pain qu’on
en fait, «§r«ç tx 7n>ç«v,j pain de froment -, partis ex trirccffi
Ils fe renvoient également, pour les.ufages journaliers, du ma\a
ou gâteau d'orge , & du pain de froment, mais différemment
,félon les temps, lestempéramens , 8c les circon (lances
au moins les médecins y mettaient - ils cette différence,,
qu'ils regardoieDt le ma^a ou gâteau d’orge, comme plus,
léger, fourniflant moins d’excrémens, & cependant ocea-
fionnant d'ailleurs moins dé conftiparion ; mais ils n’étoienr.
s parvenus au point de perfection que nous avons atteint
^ans la fabrication du pain. Il eft vrai àulfi que nous avons
Qéeligé d’autant plus les préparations de l’orge , que nous
fortunés devenus plus habiles dans celles du fcigle & du
froménr.
Il eft vrai encore qu’il eft differentes efpèces d’orges, 8c
Ÿhordeum nudum donne une farine bien meilleure , bien
plus pure , 8c fufceptible d'une fermentation plus parfaite
que notre orge ordinaire. Ce que dit même Hippocrate du
peu de fon que “contient l’orge le plus nourriffant, fem-
b!e nous indiquer que l’orge dont on fe fervoit de fon
temps, était l'hordeum nudum.., qui en effet a tres-peu d’enveloppe
: pour l’orge ordinaire , il donne un pain dur &c
fee.
- | 5.9 ) M. Lorry'parle ici des graines mangées crues &
fans préparation : il paroît que les anciens les maogeOiens
quelquefois ainfi , comme le prouve l'exemple de Galien »
• qui . comme le dk- M. Lorry ,• fe donna une indigeftion
avec de l'orge cru , »(Ta fonné Amplement avec du miel,.
Mais après la fermentation ou fimplemeiu- la décoftion
dans l’eau , lorfque les grains fe font bien développes &
ont abforbê toute l’eau qu’ils peuvent prendre, ils n offrent
plus les mêmes difficultés, 8c leur téfiftaufe n’eft plus en
raifon de leur facuké nutritive. >
A L I
» l’autre réfifte plus long - temps à la force des
» agens de notre machine : mais aucune de ces
» parties ne peut être exclüe de la faculté de
» nourrir. . . . (60 ) ».
1 « Il eft encore dans ces femences des différences
» accidentelles qui1 dépendent dé la nouveauté de
» la femence , de la pluie qui agit defius au temps
»■ de la moiflon ou dans le temps de l ’accroiffe-
» ment même , de la fécherefte, ou de la chaleur....
» On a déjà parlé de l’effet de la variété des fai-
» fons & des climats ; il refte -à remarquer que
» ces femences trop récentes, & employées fur le
» champ , ont encore une humidité étrangère ,
» quoiqu’en très-petite quantité . . . . & que fi
» on les garde trop long-temps, les vicifïitudes
» qu’elles éprouvent, foit par la fécherefte, foit par
» l’humidité de l’air . . . font capables d’altérer . . .
» la douceur du mucilage. . . . C’eft pourquoi il
» eft un temps moyen où il eft plus avantageux
» de faire ufage de ces femences.. . . C ’éft ce
» temps que nous indique Galien > en difant : I l
» lie fa u t pas ufer de ces grains auffi-tôt après
» la récolte ; mais les attendre , pour que leur
» humidité fuperflue fe diffipe , & que le refte
» prenne un degré de coction. Dans le repos ,
» les graines perdent d’abord leur humidité tenue
» & excédente , mais par la fuite elles finiffent
» auffi par perdre leur humidité effentielle ,
» tI Tys KctTci cpvTiv vypoTHT#* j pott autem & non nihil
b humidi naturalis ( 61 ) ). .
• [60) Ici M. Lorry veut parler des deux parties très-
ffiftinétes qui conftituent la farine de froment ; l’une eft
l’amidon , l’autre eft la madère glutineufe. L’amidon eft
une véritable gelée végétale fous forme sèche 8c pulvérulente.
La matière glutineufe eft une fubftance particulière,
analogue à la partie fibreufe des animaux. La première eft
•foluble dans l’eau, à l’aide de la chaleur ; la fécondé ne
l ’eft qu’à l’aide de la première& feule elle y eft abfolu-
rnent indiflofuble ; mais les acides l'attaquent 8c la diffol-
vent; -là partie amylacée , aigrie par la fermentation la rend
encore plus diffoluble , 8c paroît être fon véritable menftrue.
C’eft ainli que l’une 8c l’autre font confondues dans le pain
en une fubftance homogène. Comment l’une 8c l'autre
font-elles diffoutes par les menftrues de la digeftion , fans
le fecours de la fermentation préliminaire ? peuvent-elles
être digérées répareraient? Sans doute la partie amylacée le
peut ; mais la partie glutineufe peut-elle l’être toute feule, 8c
l’acide phofphorique , reconnu pour faire une partie du fuc
gaftrique, peut-il la düToudre, & eil-ild’ailleurs en affez grande
quantité dans ce fuc 8c affez aftifpour opérer cette diffoludon?
Enfin, quels changemens la digeftion peut-elle produire dans
la farine du froment , pour la faire paffer dans les vaiffeaux
lymphatiques nourriciers ? Ces queftions ne font pas inutiles
relative n.ent à l’ufage que l’on fait de la farine de froment
non fermentée pour la nourriture des enfans. K. ci-après-,
§ III.
(61) On voit ici la diftindion que les anciens Faifoient
de l’humidité excédente 8c interpolée, 8c de l’humidité ,
principe qui entre dans la compofidon des corps , 8c ne
peut en être féparée que par leur décompofîtion. Cette diftindion
fort jufte a donne lieu à ce qu’on a depuis
nommé humide radical ; dénomination ridiculifée par les
modernes, 8c-peut-être avec raifon, parce que ceux qui
*’cn font fervis ne l’ont pas la plupart entendue. Prefque
A L I 7 39
» C’e ft ce qui fa i t que ces fubftances gardées
» trop Ion g-temps perdent de leur vertu , & te
» point où i l fa u t s ’arrêter eft pelui où i l s ’en.
n fépare une efpèce de poufjiire y quand on les
» b ri Ce Çotccv é'tccipov pnvd cum ab ipfis divijis pulvis
» quidam exilit ). Mais je crois que Galien a un
» peu trop étendu ce terme , parce que cette
» pouflière que l ’on n’aperçoit que trop.univer-
» fo llem en t ( 6% ) dans nos magafias eft déjà une
» marque . . . d’altération de principe ».
Sucs naturels , gommeux , & fucrés. (P. 344.)
« Il eft des focs qui ne font pas les fouis* con-
» tenus dans la plante , mais dont elle abonde fi
» fort, que fouvent la nature foule s’en décharge.. . .
» Beaucoup d’arbres jettent des gommes qui font
» diflblutles dans l ’eau , qui s’y altèrent prompte-
» ment, & qui, plus ou moins gluantes , font fi
» mucilagineufos, qu’elles donnent un exemple
» frappant du mucilage confidéré dans fon effence.
tous les principes très-répandus dans la nature, comme la
chaleur, l’air, 8c l’eau, font dans ce cas, 8c peuvent être
confîdérés comme libres 8c interpoles dans les corps , ou
comme combinés* C’eft ce que nous admettons aujourd’hui
très-généralement -pour la chaleur, 8c cette diftinâion de
deux efpèces de chaleuts, libre 8c combinée, n'étoit pas
abfolument inconnue aux anciens. Pour ce qui eft de l’eau,
8c même de l’air, les dernières théories, relativement -à
la compofition .de ces deux principes , ont pu apporter
quelque changement à notre manière de conftdérer leur
combinaifon dans les corps. Néanmoins il n’eft pas impof»
fible que l’eau exifte combinée dans les corps les plus défi,
féchés 8c les plus condehlés. Comme il eft prefque généralement
reçu aujourd’hui que la bafe des fluides élaftiques
eft combinée fous forme folide dans les corps les plus durs
ôc les plus compaéls, 6c que cettè bafe ne reprend fa forme
élaftique, 8c ne s’en dégage que par leur décompofîtion ;
ainfî l’on peut fuppofer que l’eau ( ou au moins fes parties constituantes)
exifte dans les corps 8c par conféquent dans les grai»
nés, en même temps comme interpoféeSc comme combinée ;
que l'eau combinée fous forme folide exifte encore dans
là graine féchée 8c condenfée par l'évaporation de fon humidité
interpofée ; mais qu’elle s'en fépare lorfque le temps
y a occafionné une dçcompofition 8c une défunion anr
noncéfe par cette pouflière tenue dont parle Galien, 8c par
une plus grande friabilité du grain ; friabilité qui s’étabkt
dans la fubftance fucceflivement de l’extérieur à l’intérieur,
par le concours de l'air 5c de l’humidité. C’eft probablement
là le fens de Galien dans la diftin&ion qu’il fait de
l'humidité fuperflue 8c de l’humidité naturelle.
(62) Le foin qu’on a de remuer les graines par les temps fecs,
de changer les facs de pofîtion, de tenir les greniers fecs,
8c d’en renouveler l’air dans les beaux temps » .prolonge la
confervacion des grains, 8c peut éloigner beaucoup le terme
de leur altération; c’eft-ce que démontrent plufieurs exemples
connus. Mais' ii faudroit pour cela une excellente
conftruôipn, des foins.vigilans, établis avec un ordre bien
entendu. Sans cela il faut craindre pour les blés lés longs
emtnagafinemens, donc n’abufenc que trop fouvent l’avarice
8c la cupidité, qui comptent pour rien la fanté 5c le
bonheur des hommes , 8c qui calculent jufqu’au profit que
peut leur procurer dans la vente de ces denrées , l’humidité
qui les altère, ôc qui les rend malfai fan tes.