
leurs effets , fort différens de ceux des odeurs précédentes
; la nature des produits qu’ils fourniffent
à l ’analyfe ; la promptitude avec laquelle ils p^f-
fent à l ’alkâli volatil , femblent démontrer que
leur odeur s’approche davantage de ce dernier
fel. Les phénomènes que préfentent ces plantes
lorfqu’on les combine avec les acides , militent
encore pour cette dernière opinion. On fait qu on
affoiblit beaucoup la moutarde , & qu’on modéré
fon activité en la mêlant avec le vinaigre : cet
acide fermenté tempère auflî l ’énergie du raifort,
dont plu heurs peuples fe fervent pour affaifonner
leurs alimens. Si l ’on verfe-unpeu d’acide vitrio-
lique dans du fuc de cochléaria , l’odeur vive &
pénétrante de cette crucifère difparoît fur le champ ,
& elle fe fait fentir de nouveau, mais moins forte
à la vérité , lorfqu’on fature l ’acide ajouté avec
l ’alkali fixe. Tels font les faits avancés par' le
doéleur Lorry , pour indiquer la nature alkaline
de l’odeur des crucifères. Quoique je ne les croie
pas entièrement propres à improuver l’opinion de
Cartheufer , qui croit que les fucs antifeorbutiques
font acides ,'je ne puis cependant m’empêcher de
regarder comme très-démontrée, la différence qui
exifte entre l ’odeur des crucifères , & celle qui a
.été examinée dans le dernier article fous le nom
d’acide volatil ; & ç’eft dans ce fens que je penfe
qu’il eft important de les diftinguer l ’une de l ’autre
, en adoptait la nomenclature du favant médecin
de Paris.
Quelque pénétrant que foit le principe odo-
cant dont on s’occupe, il paroît- être fixé dans les
plantes qui le contiennent-, par les mucilages &
les huiles; fans cela il fer oit promptemeut diffipé:
& tout le monde fait combien i l eft durable &
adhérent dans tous les végétaux alliacés, dans lef-
quels il eft encore reconnoiflable , lorfque la
putréfaction commence à en définir les principes.
La même odeur, combinée avec le principe vireux,
produit la fétidité la plus infupportable : tel eft
l ’ajfa foe tida , dans lequel on trouve l ’odeur narcotique
unie à l’alliacée ; tels font les mélanges
artificiels faits avec l ’opium, les plantes vireufes,
& l’alkali volatil. L a production de ces odeurs
fétides, qui eft fréquente dans les matières animales
décompofées par la putréfaction, & qui a beaucoup
d’analogie avec les foies de foufre , feroit-
elie due à une eombinaifon hépatique ? Les découvertes
de quelques chimiftes modernes fur le foufre
contenu dans les matières animales & végétales
, femblent autorifer cet aperçu.
Ces cinq claffes d’odeurs auxquelles le docteur
Lorry rapportoit toutes les autres, combinées
entre elles d’un grand nombre de manières
différentes , conftituent, fuivant lu i, le nombre prodigieux
de variétés que préfentent la ' nature &
l ’art. Quant à leur nature intime , l ’art n’a pas
encore pu parvenir à la faifir : comme ce font les
corps les plus fugaces & les plus incoercibles qui
foient connus, on ne poffède pas encore de moyens
de les retenir, de les enfermer , & de les £otr-
mettre au contaCt & à i’aCtion des menftrues fuf-
ceptibles d’en indiquer les propriétés chimiques :
c’eft un travail neuf, que les Ghimiftes doivent
regarder comme entièrement de leur reffort , fur-
tout depuis qu’ils ont trouvé des inftrumens propres
à fixer, pour ainfi dire , & à examiner les
fluides aériformes > que l ’on croyoit abfolument incoercibles
il n’y a pas encore long-temps.
D e la dijlinéliori des odeurs , adoptée par
Linneus. Linneus divife les corps odorans en lept
claffes ; favoir , les ambrofiaques , adores ambro-
Jiaci les fragrantes , fragrantes ; les aromatiques;
aromatici ; les alliacées , alliacei ; les fétides
, hircini ,• les yireufes, tttri ; & les nauféeu-
fes , nàufeoji. Les trois premières claffes appartiennent
aux odeurs agréables, & qui plaifent en
général à tous les hommes ; & les quatre autres
font plus ou moins défagréables & nuifibles»
Quoique cette divifion ne renferme pas, à beaucoup
près, toutes les odeurs, & né détermine pas
allez leurs différences , quoique plufieurs de ces
claffes femblent rentrer lès unes -dans lés autres ,
comme les fragrantes & les aromatiques, les vireufes
& les nauféeufes ; il eft important de con-
fidérer les médicamens fous ce point de vue , &
de chercher à connoître la diverfité de leurs vertus
, relative à celle de leur principe odorant.
Des médicamens d’odeur ambrofiaque. L ’odeur
ambrofiaque eft pénétrante & très-a£ove. Lorfqu’elle
eft concentrée dans les corps qui en jouiffent ,
comme dans l ’ambre & le mufe purs, elle déplaît
généralemeni-ij & les hommes les plus robuftes ne
pourroient pas y être expofés quelque temps , fans
en éprouver beaucoup de mal. Lorfqu’elle eft très-
divifée, mêlée à quelques autres corps odorans
moins aétifs , telle que la préparent les parfumeurs
, elle devient agréable pour la plupart des
hommes; & quoique fes effets nuifibles foient très-
fenfibles à la longue, elle a beaucoup moins d’activité.
Les médicamens qui appartiennent à cette
elaffe odorante , font peu multipliés; on "peut
les rapporter aux fuivàns.
Le bois de fantal jaune & blanc ; les feuilles de
géranium mufqué, de mauve mufquée, d’ail mufqué;
les fleurs de rofe mufeate, de pois odorans; les fruits
d’ananas ; les femences d’abeîmofeh , le mufe, la
civette, l ’ambre gris.
Les principaux effets des remèdes ambrofiaques
dépendent de leur action fingulière fur les nerfs.
Les fecouffes vives , les convulfions même qu’ils
excitent chez les perfonnes très-fenfibles , & fur-
tout chez les femmes attaquées d’affe&ions fpaf-
modiques , femblent indiquer qu’ils appartiennent
à la elaffe des ftimulans & des irritans. On croit
qu’ils agiffent fpécialement fur le coeur , qu’ils
en augmentent la force., & qu’ils en multiplient
les mouvemeas. C’eft d’après cela que l ’ambré &
le mufe faifoient la bafe de toutes les compofi-
tions que l ’on regardoit autrefois comme propres
à prolonger la vie & à ranimer les forces affoi-
blies par l ’âge.
Il y a cependant deux faits connus de tous les
médecins, qui paroiffent contraires â cette opinion ,
fur les propriétés aétives des remèdes ambrofia-?
ques. Lun,, ,c’eft que les hommes qui portent
toujours fur eux des odeurs de cette nature, perdent
une partie de leur vigueur au bout d’un certain
temps ; l’autre , c’eft que ces fubftances font
manifeftement douées . de la vertu calmante , &
fourniffent des antifpafmodiques très - énergiques
dans les maladies nerveufes les plus terribles. Ces
deux phénomènes , lorfqu’on réfléchit fur leur
caufe , femblent donner de nouvelles forces à l ’opinion
énoncée ci-deffus , plutôt que de la combattre.
En effet les nerfs , continuellement irrités
dans le premier cas, produifent néceffairemènt un
relâchement, une atonie qui diminuent peu â peu
les. forces vitales. Quant au fécond phénomène ,
il eft aifé de fe convaincre, en examinant les di-
verfes claffes des antifpafmodiques les plus accrédités,
que la plupart ne calment les mouvemens irréguliers
des nerfs, qu’en les tendant & les fixant, pour,
ainfi dire, peut-être même en y excitant un éré-
tifine plus fort , ou un ton plus énergique , que
celui qui occafîonnoit la première maladie. L ’abattement
qui fuccède prefque toujours à Y action de
ces remèdes & â la ceflation des fpafmes, eft une
preuve de cette affertion.
Des médicamens d’odeur fragranté. Quoique
Linneus me s’exprime pas très-clairement fur la
nature de l ’odeur fragranté, &- qu’il ne la diftingue
pas convenablement dès autres principes odorans,
il eft vraifemblable qu’il entend par ce mot les
aromates les plus exaltés , les plus volatils, & qui
tiennent le milieu entre l ’odeur ambrofiaque &
l ’aromatique proprement dite. I l donne pour exemple
les fleurs de tilleu l, de lis , de tubéreufe ,
de jafinin, de quelques efpèces d’oeillets , de fa-,
fran , &c.
Toutes ces fubftances font ftimulantes , elles réveillent
& raniment le jeu des-nerfs; elles font
antifpafmodiques comme les précédentes ; leur action
fur les organes fenfibles eft auflî forte , &
©n les emploie prefque toujours aux mêmes ufages.
Comme elles font beaucoup plus volatiles &
beaucoup plus fugaces que les odeurs ambrofiaques
, leurs effets font plus prompts, quoique
moins durables ; on peut les adminiftser â plus
grande dofe , & les donner plus fréquemment.
Des médicamens d’odeur aromatique. La elaffe
des odeurs aromatiques, dont tout le monde con-
n.oît la nature , & qui font très-généralement agréables,
eft une des plus étendues , & les médicamens
qui en jouiffent font très-multipliés. Les familles
aombreufes des lauriers, des ombellifères, des labiées,
font douées de cette propriété. On la trouve
dans toutes les parties des plantes depuis les racines?
jufqu’aux femences ,, comme le prouve le dénom -
brement fuivant:
Végétaux aromatiques. Les racines de fouchef>
d’iris, d’angèlique de Bohème , de galanga, de zé-
doaire ,’<Je gingembre, A’acorus verus ,‘de ninzin*
de contra-yerva ; les bois de faflafras , de fantal
jaune & blanc , de Rhodes , de baume xylo-balfa
mum^les écorces de cannelle , de culiiawan, de
Winter; les feuilles .de calament, depouliot, de
thim ; de ferpoletg de romarin , de faug.e, d’hyf-
fope , de farriette , de marjolaine , d’origan, de laurier,
de menthe, de marrube; les fleurs defeordium,
de fauge , d’oe ille t, de fpica Çeltica , de ftoechas y
de girofle ; les fruits, la mufeade , la vanille, les
baies de genièvre, de laurier ", l ’amome, le cardamome
, les cubèbes , les anacardes, le carpo-bal
famum , l ’anis étoilé ; les femences de fenouil y
d’anis , de cumin ,. de carvi, d’ache, de perfîl 7
d’ammi , d’aneth ; les fucs réfineux , le benjoin y
le baume du Pérou ou de T o lu , le ftorax calamite
, le baume de la Mecque, le baume de Co-
pahu.
Les médicamens aromatiques ftimulent fortement
les fibres nerveufes , mufculaires, & vafeu-
laires. Ils excitent conféquemment l’irritabilité ,
l ’aétion tonique ; ils accélèrent la circulation; ils
font couler la tranfpiration & la fueur ; ils échauf-
fent^& defsèchent ; ils. raniment les forces affoi-
blies. En irritant légèrement l ’eftomac , ils facilitent
les digeftions , ils appaifent les douleurs &
les fpafmes produits par les Vents, & ils en procurent
l ’évacuation. En portant leur ftimulus fur
les organes de la génération , ils excitent à l ’amour.
On conçoit, d’après l ’énoncé de toutes ces
propriétés, qu’on en fait un ufage très-étendu en>
Médecine. Leur adminiftration^ demande cependant
beaucoup de prudence ; on s’en fert fpécialement
pour mafquer les odeurs & les faveurs défagréables
de plufieurs autres médicamens, & pour tempérer
l ’action de quelques purgatifs.
D e s 'médicamens d’odeur alliacée. L ’odeur alliacée
fe fait remarquer dans plufieurs végétaux,
& joue un rôle particulier dans lès propriétés mé-
dicamenteufes. On la reconnoît éminemment dans
l ’a i l, le porreau ., l ’oignon , l’alliaire , le feor-
dium , une efpèc'e de thlafpi , Yajfa foetida , le
galbanum, le fagapemcm, l ’opopanax , la gomme-
ammoniaque. .
Les médicamens dont l ’odeur eft alliacée, pa-
roiffent agir fur la tranfpiration. Sanétorius a remarqué
que rien ne favorifoit plus cette évacuation
cutanée , que les mets affaifonnés d’ail. O a
les regarde auflî comme très-propres â prévenir
la production des maladies contagieufes. Il fem-
bîe que cette odeur forte & tenace en même temps
forme une atmofphère qui environne de toutes