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nos organes, fans pénétrer encore dans le mécanifme
de cette aétion.
Au refte, en consultant feulement les effets fen-
fibles & apparens de la lumière, nous pouvons au
moins conclure que la lumière, jointe à la chaleur ,
eft un ftimulant & un tonique. — Qu’elle corrige ,
quand elle eft modérée, le relâchement & l ’atonie
que produit la feule chaleur ; qu’elle colore la
peau & affermit la fibre. — Que fi Lflumière eft
vive , augmentée par une forte réverbération , &
qu’elle frappe fubitement la peau, fon aétion devient
irritante , la peau s’enflamme , & fe couvre
d’un véritable éréfipèle. — Que l ’attion long-temps
continuée d’une vive lumière, non feulement colore
& noircit la peau , mais encore la durcit,
l ’épaiftit, la ride, la racornit, & produit le même
effet fur toutes les fibres qu’elle touche , comme
i l arrive à la rétine, lorfque la vue long - temps
fatiguée d’une vive lumière , s’affoiblit & fe perd :
alors la rétine s’endurcit , long-temps irritée &
comme brûlée par l’aétion d’un foyer lumineux
trop ardent. — Enfin nous pouvons croire que
l ’atlion de la lumière fe communique même au
fang qui circule fous la peau., & qu’elle l’épaifïit
& le colore , comme elle donne aux fucs des végétaux
leur couleur & leur confîftance.
. ( 9°. Effets des différens degrés de froid fu r
le corps humain. ) Le corps humain , comme il
a été démontré dans le premier chapitre cfe cet
article, à la propriété d’engendrer de la chaleur
en décompofant Y air vital dans la refpi ration , en
forte qu’il eft doué par la nature de la propriété
de fe garantir du froid comme de la chaleur, &
de maintenir fes proportions naturelles au milieu
de toutes les variations de la température atniof-
phérique. Ainfi, il eft inutile de comparer ici les
effets du froid fur les corps inanimés, avec ceux
qu’éprouve le corps de l’homme vivant.
L a diftinéfcion la plus néceffaire ic i, eft celle du
froid , en froid modéré & froid exceffif; & celle de
fes effets fur l ’homme en repos & fur l ’homme en
mouvement. Je ne confidère point encore ici les,
variations lubites qui rendent l’impreflion du froid
plus ou moins fenfible.
On peut établir le froid modéré depuis le degré
de tempéré jufqu’au 4e & f degré au deffous de
zéro du thermomètre de Réaumur. Au deffous du
degré tempéré, la fermentation fpiritueufe n’a plus
lieu dans les liqueurs fermentefcibles ; celle qui
forme, non pas le vinaigre qui demande une affez
forte chaleur , mais l’acefcence, peut encore
s’y développer, & à plus forte raifon la putréfaction;
mais celle - c i ceffe d’avoir lieu-dans les
liquides putrefcibles à peu de degrés au deffus du
terme de la glace.
Ces termes , déterminés par les altérations fpon-
tanées des corps, font les mêmes pour tous les pays ;
mais ceux qui pourraient être déterminés par nos
fçnfatious , font infiniment variables.
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Non feulement ils font variables pour les différens
pays & félon les différentes habitudes des
hommes, ils font différens pour l ’habitant des villes
& celui des campagnes ; mais encore ils le font
pour les différentes parties de notre corps ; & les
parties habituellement expo fées à l ’air fupportent
même avec une fenfation de plaifir uu froid qui blefi
feroit grièvement celles qui font habituellement
couvertes, fi on venoit à les dépouiller de leurs
vêtemens.
Ces termes, diffèrent aufîi pour l ’hommè dans
l’état de repos & dans l ’état de mouvement. L’homme
qui agit, travaille , & fe meut avec vivacité, fup-
porte avec facilité un froid très-incommode pour
celui qui fe tient en repos.
L ’aéfivité variable du mouvement interne eft
encore une des caufes qui changent les impreffions
du froid fur nos corps, & diverfifie les jugemens que
. nous portons fur fès effets. Le convalefcent foible
eft bleffé d’ûn froid que fent à peine l’homme que
la fauté renq vigoureux. Le vieillard fouffre d’une
température èjui plaît à l’adulte & au jeune homme *
& c’eft fans doute à la vivacité prodigieufe du mouvement
vital chez les enfans dont la peau a déjà
acquis un peu de confiftance, qu’on doit attribuer
la facilité avec laquelle on les habitue à des températures
qui nous femblent- rigourèufes. Mais dans
' un âge très-tendre, leurs organes trop délicats ne
peuvent être frappés fans inconvéniens d’un froid
vif; & s’il en eft qui ont dû à la bonté de leur
conftitulion de réfifter à des impreffions difpropor-
tionnées à leur âge , il en eft aufîi qui ont été victimes
ou des imprudences d’un fyftême outré ou du
dépouillement de la misère.
En général,, l’ancien axiome d’Hippocrate & des
médecins anciens, le froid efl V ennemi des nerfs,
&C. to ■ 'Ivpcpôv •xoA.l/miov oV(oicrt) vtvpoif, vuniciuâ
yM-vfÀ«, &c. (A p h . fe c l. V f i 0. 18.) fera toujours vrai ;
& toutes les .fois. qu’une conftitution trop délicate
laiffera fans défenfe les organes de la fenfibilité,
le froid deviendra dangereux & pernicieux.
Ce qu’on appelle froid modéré, relativement â
nos fenfations , eft donc infiniment variable & im-
poffible à déterminer.
Quel que foit ce froid, fes effets généraux fonf
de diminuer le vtolume des corps &. leur expanfion;
de modérer & de diminuer l ’évaporation cutanée
fans la fupprimer; de ftimuler légèrement la fibre
organique & d’augmenter fa contraction dans toute
la furface du corps, & par-là d’affermir, tout le
corps , d’augmenter la force & l’effet des fibres
mufculaires, fans diminuer la foupleffe des membres
, & par conféquent d’accroître l’agilité des
mouvemens. Le froid long-temps continué diminue
l’aCtion colorante de la lumière folaire , & les nations
qui habitent les contrées feptentrionales de
l’Europe, dans lefquelles le froid n’eft pas infup-
portable, ou au moins n’eft pas continuellement
exceffif, font grands, blonds, & d’un teint très-
blanc.
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A I R Le froid rigoureux & continuel empêche la
tranfpiration cutanée, refferre & contra été vivement
les fibres organiques, empêche par cette contraction
la circulation des humeurs près de la furface ,'
& par-là'épaiffit & durcit la peau. I l engourdit la
fibre mufculaire, gêne le mouvement des articulations
, & par-là ôte la foupleffe & l ’agilité au
corps , & gêne fon accroiffement ; & nous voyons
que les nations qui habitent les contrées glaciales,
comme la Laponie & le Groenland, font petites,
& orft des formes raccourcies & défagréables. L’habitude
néanmoins fait que dans ce climat rigoureux,
ces petits hommes jouiffent d’une agilité & d’une
promptitude furprenantes à la courfe, parce qu’ils
font nés à ces conditions, & qu’ils font formes par
ce climat & pour ce climat, & que d’ailleurs leur
épiderme & leur peau, épaiffis par le froid, font pour
eux comme un vêtement naturel, qui defend 1 organe
nerveux du ta& , des impreffions douloureufes d’un
froid glacial, & empêche ce froid d’altérer trop
profondément la chaleur vitale. Mais 1 homme
accoutumé à une température plus douce , & dont
la peau eft, plus perméable, éprouve dans ce froid
exceffif une immobilité & une rigidité qu’il ne
furmonte que par la multitude des couvertures &
l ’affiduité de l ’exercice. Mais' quel que foit l ’effet
du froid le plus.rigoureux fur la peau & fur les
organes auxquels elle fert d’enveloppe, il paraît
que cette aétion n’a point lieu fur l’intérieur du poumon
; foit que‘ cet organe ne foit point dilpofe
par la nature pour éprouver vivement ce genre de
fenfation , foit que la génération prompte de la
chaleur , opérée dans ce vifeère par la décompofi-
tipn de Y air vital qui y eft reçu, & augmentée peut-
être par la plus grande denfité de, cet a ir , detruife
l ’effet du froid furies nerfs pulmonaires. Quoi qu’il
en* fo it, il paroît qu’un froid rigoureux, comme
une denfité confidérable de 13a ir , n altèrent .en aucune
façon la liberté de la refpiration.
Mais fi l'homme eft expofé dans l ’état de repos
à ce. froid exceffif, ou que ce froid foit devenu encore
plus violent, foit parlui-meme , loitpar 1 action
du vent, qui renouvelle Y air & l ’empêche de
prendre, dans le contaét de la peau, une tempe-
rature plus douce , ou enfin que les couvertures
dont le corps eft défendu foient infuffifantes pour
le garantir d’un violent refroidiffement ,; alors,
après un temblement prefque convulfif, la rigidité
des membres augmente. Les articles fe meuvent.
difficilement, il femble que le? fibres mufculaires
ne peuvent gliffer facilement les unes fur
les autres, pu que la peau qui les recouvre forme
une enveloppe dure , qui ne fe prete plus au
mouvement. Le fang s’arrête dans les vaiffeaux cutanés
, & la peau devient violette , les membres
s’engourdiffent, fe roidiffent, deviennent infenfibles :
c’eft ce qui arrive aux jambes de ceux qui voyagent
à cheval dans des pays très-froids, & aux extrémités
peu mobiles & faillantes du corps , comme au nez :
ou fi le froid a faifi tout le corps , i l s’engourdit
Mé d e c in e . Tom. L
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entièrement, & l ’homme tombe dans un fommei;
doux, exempt de fouffrance & d’agitation, les fonctions
vitales s’amoindriffent peu à p eu , le mouvement
de la refpiration échappe a la vue, 1 haleine
eft prefque. nulle , le pouls ne fe fent pas ;
en général, le mouvement ceffe d abord a la circonférence
, & ce repois univerfel pénétré par degrés
jufqu’au centre. L ’homme meurt, & ce paffage de
la vie à la mort n’eft qu’un degré, de plus, dont
le moment.eft indéfiniffable & la nuance imperceptible.
En effet, M. Pilhes a donné, dans le journal
de Médecine, mois d’aout 1767 , l ’hiftoire d’un
homme frappé de froid 8c enfeveli fous la neige
pendant quatre jours, qui revint à la vie, & auroit été
infailliblement guéri, s’i l eut été traité convenablement.
Mais on lit dans les mémoires de l ’académie
de Stockholm, une hiftoire bien détaillée du réta-
bliffement d’un homme trouvé gelé pendant la nuit
fur un rocher fur lequel il avoit été jeté dans un
naufrage. ( Mém. de l ’académie de Stockholm, an.
1756 , vol. xvij ; voye^ l’extrait dans les Comment•
de rebus in medicinâ, &c. de Leipfic , t. v j , p. 3 97.)
Les pieds de cet homme paroiffoient comme brûlés
par le froid. Tous les doigts étoient noirs, excepté
le pouce du pied droit ; les jambes, les bras , les
mains , la poitrine, le ventre étoient très - froids ,
les mâchoires ferrées & inféparables , les yeux fail-
lans & immobiles, point de pouls fenfible, point
de refpiration. Un refte de chaleur encore fenfible
au creux de l ’eftomac, fit naître l ’elpérance, & détermina
à adminiftrer des fecours. Ces fecours furent
l ’application de linges mouillés d’eau froide fur les
extrémités , des fri étions avec des flannelles d’abord
très-peu chaudes fur l’ombilic , fur la poitrine,
& le creux de l ’eftomac ; on les échauffoit à me-
fure que la chaleur fembioit s’accroître ; par-tout
ou paffent les groffes artères , on faifoit des frictions
avec des teintures toniques , pour réveiller
l ’aétion des parties irritables. Enfin quand le malade
put avaler, on lui fit paffer quelques, cordiaux ;
mais on ne couvrit les extrémités de linges chauds,
que quand elles ceffèrenc d’être gelées. Jufque-là
on continuoit toujours l ’application des linges imbibes
d’eau froide. Cette' application d’eau froide
& même de neige pour dégeler les membres frappés
d’un froid glacial eft remarquable; & en effet, toutes
les fois qu’on réchauffe trop promptement les extrémités
& la furface du corps, on occafionne des
ulcères, des mortifications , des gangrènes ; parce
qu’alors la chaleur relâche & amollit cette furface
& ces extrémités, avant qu’elles aient pu reprendre
leur communication avec Te centre du corps, communication
fans laquelle la chaleur extérieure ne
fait que hâter la corruption & la mort. Ainfi, l ’art
confifte à faire marcher la chaleur &à développer en
même temps le mouvement fucceffivement du centre
à la'circonférence , à ftimuler d’abord les organes
vitaux qui donnent le mouvement & engendrent la
chaleur , & à ne réchauffer les extrémités que par
degrés & lorfque les fluides peuvent y recevoir