
°ft du moins celui qu’il fent le mieux, eft un
aliment falubre & proportionné à lès befoins..
Dans toutes les contrées, la nature a eù foin,
de faire naître autour des hommes cette forte de
végétaux dont les racines ou les graines , de nature
farineufe, renferment la matière alimenteufe
la plus abondante , condenfée fous le plus, petit volume
poffible. C’eft dans tous les lieux la bafe
de nos alimens. En Egypte , on fait beaucoup
d ufâge de,la racine de la colocafe ou fàba egyp-
tia ca , efpèce à*arum , vulgairement nommée couL-
tas. On peut joindre à celle-ci la racine tubéreufe
& jaune d’une- efpèce de nymphoea , qui eft le
lotus d’Egypte , lotus niliaca. L a colocafe naît
aufli au Cap de Bonne-Efpérance ; mais les hot-
fentots mangent aufli la racine de l ’arum d’Ethiopie
, dont l ’âcreté ., femblable a celle du nôtre,
s éteint par des ébullitions répétées ; en forte que la
racine refte douce fe conferve féchée , & forme
un bon aliment. I l ne parole pas qu’on connoiffe
beaucoup ces racines entre les tropiques, mais on.
y cultive beaucoup , & avec fuccès r les racines*
é t patate ou à’ig n am e& même celle de maniock y
«fui réunit un poifon a&if â la fubftance alimen-
teufe la plus douce. Je ne m’arrêterai- pas ici à
la defeription de cesfùbftances qui auront chacune un-
article féparé dans ce Dictionnaire qui. d’ailleurs
appartiennent d’avantage à- l ’Amérique. Un. grand-
nombre d’autres racines.donneroient fans doute éga^
lement un bon aliment, de la nature des- farines-
& des fécules; mais c’eft fur-tout dans les graines
qu’on le cherche. Le froment. & Y orge.' viennent
dans l ’Egypte & dans la Barbarie avec, une abondance
qui de nos-jours meme eflr furprehante , mais
qui paroît avoir été bien plus confldérable du temps
des romains. L’Egypte étoit ,. avec la Sicile , le
grenier de l ’Italie. Et Pline a été jufqu’a dire que
les terres du Bizacium dans le royaume de Tunis ,
.xendoient jufqu’à cent pour un , & qu’un feul. grain
de froment avoit fourni quatre cents tuyaux- Dans
le fiècle préfent , Shaw nous aflure qu’ùn feul
grain produit fouvent de dix à douze tuyaux, &.
qu’un grain de murwani , efpèce de froment com-
xmun dans les plaines de Zeidoure, a fourni , dans:
le s jardins d’Oxford en Angleterre, à peu près
.cinquante tuyaux. Cependant les récoltes oommu- j
«es ne vont guère, fuivant lui ,. qu’à huit pour
vin ; mais il faut dire aufli que le Bizacium, qui;
du temps de Pline étoit dans l ’état de Tunis la'partie
la plus fertile , eft aujourd’hui devenu beaucoup,
«joins riche que la province feptentrionale du même,
royaume. Aînfi, la culture & la fertilité oiit certainement
dégénéré dans ce pays, quelque exagéré,
qu’on fuppofe d’ailleurs lé rapport de Pline.
L e froment réuflit également dans les plaines
du Cap ; mais dans les pays même où cet utile aliment
ne réuflit pas, i l eft remplacé par ler/îjr, le
p ia is , le forgo , le mil, le teef!, le dordH\
& l ’orge vient par - tout où le froment manque :
le riz. lui-tout croît abandamment dans l ’Egypte & I
la Nigtitle ; le teef & le dorah dans l ’Abifliniè v
dans laquelle croît ayfli le froment ;• le maïs as
aufli été nommé blé de Guinée ^ &; le mil croît,
même dans les fables , pour peu. qu’ils foient.
humeÇtés,. & fait une grande partie d e là nourriture
des nègres. & des arabes. Le gland farineux-
& doux-du quercus edulis efb encore un. aliment
très-commun en Barbarie r. où croît aufli une efpèce:
de châtaigne très-bonne, mais fort petite. Enfin:
un. troifième ordre d^àliment farineux eft. celui que-
renferment les graines légumineufes. Prefque aucune
des nôtres ne paroît manquer, à l ’Afrique , 8c
elle en nourrit plufîeurs que nous ignorons. On-
y mange beaucoup les graines de l ’abrus , celle du
ois chiche * appelé garvanços en Barbarie ; &
rofper-Alpin vante fur-tout en Egypte une efpèce
de pois qu’il nomme mas , dont les Egyptiens
font un cas fingulier , mais dont Profper - Alpin,
ne fait que détailler les propriétés, fans en donner
de defeription. (Voyez Profp, A lp . de platitis
Ægypt. ; & encore rerum cegyptiamm lïhri quatuor
, &c, y
Outre ces premiers alrmens , il en eft' d’une antre
efpèce que la nature femble multiplier, d’autant:
plus que les climats deviennent plus brûlàns; ce
font les fruits que nous nommons favonneux &.
fqndans , & dont la pulpe , plus ou moins fuc~
culente , tantôt plus- fucrée, tantôt plus acide ,,
quelquefois prefque uniquement aqueufe,, contient
à la. vérité peu de fubftance nutritive fous un’
volume eonfidérable # mais la contient fous une-
forme plus mifcible à. nos humeurs & qui la rend!
plus propre à en corriger l ’ardeur ou l ’épâiflif-
fèmënt. Nos pommiers, nos poiriers , noS‘ cèri-
fiers , Ou manquent à>l’Afrique, ou au moins n’y-
atteignent pas la perfection qu’ils ont dans- nos;
climats , fi ce n’eft au C ap , où Kolbe dit que tous*
nos arbres fruitiers réuftiüent fupérieurement : mais;
Shaw-remarque qu’en Barbarie ces fruits n’apprô—
chent pas des nôtres.. L ’abricotier, par exemple ,,
devient excellent au Gap , & eft mal-faifant es s
Barbarie , où l ’on n’èn peut manger qu’une efpèce ,,
qui tient au noyau comme le brugnon. L ’abricot:
ordinaire donne la. dyflenterie. Il n?eft pas-douteux
que les mêmes arbres ne doivent encore moins-
réuflîr entre les- tropiques : mais par combien de-
richefTes ces pays ne font - ils pas dédommagés*
de ces privations ? J’aurai ,, dans différens articles,.
occafion dé parler en particulier dés diffé-
rens fruits que ce climat produit , foit qu’ils lui';
foient propres, foit qu’ils lui foient communs-avec:
notre Europe & les autres, parties du monde. Je
me contenterai d’en nommer ici rapidement quelques
uns, en rappelant qu’ôutre les raifins, les-
figues- , les pêches , les oranges , les ciirons, les-
grenades ,, qui croiflent fur-tout dans les' deiix extrémités:
de "YAfrique', quoique quelques - uns
même- réuflifTent entre les tropiques ;, outre les
dâttiers ;qui réuflifTent fiir-tout dans le Salira &
dans le Jerid, les jujubes & les febeftès ,très-aliorfcdans
en Egypte 8c en Barbarie ; dùfre la pulpe
douce & fucree du caroub, celle de là cafle * &
la pulpe acide du tamarin , communes en Egypte;
■ outre les melons, les melons d’eau , les giro.mons ,
les concombres , & cette efpèce d’anguria que
Profper-Alpin défîgné fous le nom d’el-maovi , &
dont le fuc eft fi rafraîchiflant ; outré les ananas ,
qui font plutôt originaires de l ’Amérique, mais qui
croiflent aufli tri-Afrique, & que l ’art fait aufli
naître au milieu de; nous , les africains ont aufli,
fur-tout entre les tropiques , les - bananes , les
irufts du goyavier, du papayer , deÿ anones, des
monbins, & une multitude d’autres moins connus
-encore. I l n’eft pas non plus permis d’oublier ici
ôe lotus , lotus Ubjyca ( i ) , fi* célébré par les
anciens , & qu’on croit le même qu’une efpèce de
fruit qu’on vend encore dans les marchés de Barbarie.
C eft, fuivant M. Shayv, une efpèce fau-
vage de Ziÿphus ou jujubier ; M. des Fontaines
le nomme , ainfi que Linné , rhamnits lotus , &
les arabes fidra (2). Son fruit, qu’ils nomment le
jujube du Jîdra y eft doux & fucré. Hérodote le dit
doux comme la datte, & dit que les lotophages,
qùi ne fe nourrifloient que de cette baie, en ti-
(1) Le lotus niliaca étoit,. comme il a été dit, la racine
d une plante aquatique ; le lotus libyea eft un arbre fruitier
propre à la Barbarie méridionale. Homère parle de deux fottes
de plantes fous le nom de Awrer. L’une eft évidemment, le
lotus libyeti ; c’eft celle qui croît dans le pays des lotophages,
dont ce po&e dit que le fruit fert de nourriture
faux hommes , & leur fait oublier leur pays ( Od. 1. 9 , v.,
93-)., Polybedécrit le fruit de ce? lotus, &ditqueles habitans
en font du v.in &du vinaigre & que l’arbre qui le porte, eft
épineux , cë qui eft d’accord avec ce que Shaw dit du fidra
des arabes. ( y , Euftat. in Homeri rapf. 1.) Hérodote compte
les lotophages parmi les peuples de la Libye , & il paroît
que le pays qu’il leur a (ligne répond â l’extrémité occidentale
du royaume de Tripoli, à l’entrée de la petite Syrte,
vers l’île de Zerbi, qu’on prétend avoir été autrefois l’île
Lotophagitis. Et il étend le pays où croît le lotus jufqu’au
fleuve Triton, à la hauteur de l’extrémité feptentrionale
du lac des’Mârques. { Hêrod. Melpom. $. 177, 178^) La
fécondé efpèce de lotos d’Homère (toujours \a r ls ), paroît
une efpèce de fourrage bon pour la nourriture des chevaux.
Mais quoique, dans le fécond livre de l’Iliade ( v. 93 ) , il
l’aflocie au felinum , plante de marais, il eft difficile de
.croire que ce foit le lotus d’Egypte, puifqu’il paroît que
les chevaux d’Achille broutoient cette herbe fur le rivage ,
tpear'lojuevti. D’ailleurs, dans le troifième livre de l’Odyf-
fée ( v. 93 ), Télemaque prie Ménélas de ne lui point donner
de chevaux qu’il ne pourroit emmener à Itaque , & qui
relieront mieux dans un royaume comme le fien , qui eft
un pays plat, où croît le lotos : il feroit par confequent
plus naturel de croire que ce lotos eft le lotus fauvage de
Diofcorides, Acorts ayp/ef. D’autant qu’Homère , dans le
premier endroit, le fait croître en Troade, dans le fécond
aux environs de Sparte , & qu’en parlant de
l ’Egypte il ne dit pas un mot du lotus.
(2.) y écris fidra, fuivant hotte prononciation françoife,
quoique Shaw écrive feedra , qui , en anglois , fe prononce
fidra -, de même j’ai écrit jerid & non jereed comme
Shaw. Tous nos géographes écrivent gerid, Bilédulgerid ,
plus exaûement BïUd-el-geeid,
roiènf àuflî du vin; ce qui â p i donner lieu à la
fable de ro u b li, ou plus exactement de l’ivrefîe
que eaufoit l ’ufage de çét aliment. On eftime
beaucoup ce fruit dans les parties méridionales de
la Barbarie, où il croît, ainfi que dans le Jerid»
Une autre efpèce de fruit très-commun en Barbarie
& au Cap , ]eft la figue de l’Opuntia, qui ,
en Barbarie , fait la nourriture unique de plufieurr
familles pendant les mois d’août & de feptembrd.
Elle n’y rougit pas les urines > ainfi qu’on aflure
qu’elle le fait en Amérique. L ’efpèce la plus
eftimée au Cap eft celle qp’on y nomme pi-
fang.
Les plantes potagères fournifTent aufli une nourriture,
qui, par fa légèreté, fa qualité favonneufe
& fucculente, fe rapproche de celle que fournif-
fent les fruits favonneux. Ces fortes d’alimens pris ,
foit dans la famille des malvacées , foit dans celle
des chicorées, des arroches , des ofeilles , & des
patienoes ; foit encore daus celle des crucifères
, & particulièrement des dhoux ; foit enfin
parmi les racines non farineufes, font très-abon-
dans en Egypte ( Profp. A lp . rer. agypt. 1. 1.
c. xvij.} & dans tous les endroits de l’Afrique
où les arrofemens ne font pas épargnés. Les laitues
font une des plantes les plus reçues fur les tables
en Egypte. On connoît les chou-fleurs de Malte ,
te je ne m’arrêterai pas au détail de ces diverfes
fortes d’alimens. Je ferai feulement ici unë‘ remarque
importante , c’eft que tous les âcres, de
la nature des plantes bulbeufes & crucifères, s’a -
douciflent fingulièrement dans les pays chauds. Les
oignons d’Egypte ont été fameux de tout temps
pour leur volume & leur douceur. Les aulx font
aufli beaucoup plus doux dans ces contrées que
dans nos climats; & déjà dans nos provinces méridionales
, ainfi qu’en Efpagne , l ’ail eft bien moins
piquant qu’il pe l ’eft dans nos provinces fepten-
trionales. Kolbe dit aufli que le raifort , planté
au Cap , quoiqu’i l y réuflifle à merveille, eft infiniment
moins âcre & piquant qu’en Europe , oflt
c’eft un des plus forts aflaifonnemens que nous
ayons. Beaucoup de ces plantes , ainfi adoucies
par le climat, peuvent être mifes au nombre des
plantes potagères fucculentes ; & cela n’eft pas
douteux, au moins pour les oignons. Au contraire,
tous les âcres aromatiques huileux acquièrent, dans
les climats chauds, une vivacité exceflive ; & nos
plantes indigènes aromatiques ne reffemblent point
au piment , au poivre, & au gingembre : de façon
que ces fortes d’affaifonnemens fomblent deftinés
par la nature à ces climats , comme les premiers
lemblent formés par elle pour les climats tempérés
& froids. ( Voye-{ A cres & A il . ) Mais revenons
aux plantes potagères fucculentes. Je mettrai de
ce nombre ce famenx chou palmi(le que Profper-
Alpin dit fo vendre au poids de l ’or. I l l’appelle
palmce cephalonem , verùcem , caput ( rerutn.
oegyptiar. 1. 1 , c. xvij, p. 6$ ) ; c’eft la gerbe
fleurie d’une efpèce de palmier très-élevé. On la