
Les modernes ont démontré pat l ’expérientfê ,
5°. que les fubftances qui forment nos alimens
d’une part, & de l’autre celles qui conftituent nos
organes, étantprefque toutescompofées d’une même
bafe , la feule diftérence qui les diftingue conlifte
dans les combinaifons-de cette bafe & dans les proportions
de ces 'eombinaifons. Aiufi V affimilation
des alimens ne doit être en général autre chofe
au une nouvelle combinaifon , par laquelle la
bafe1 oxalique contenue dans nos alimens s’unit
au dedans de nous aux principes, & prend les
proportions propres à nos organes.
Enfin ils ont encore mis hors de doute, 6°. que
et qui dlftingtre principalement les fubftances végétales
dès fubftances animales analogues, & nos
àlimens de nos organes , eft la proportion, dans
laquelle la bafe oxalique commune eft combinée,
foit au principe du charbon, foit à la bafe de la
mofette. Que la proportion dû carbone ou du principe
du charbon combiné à la baie oxalique, eft,
Routes chofes égales , plus confidérable dans les
fubftances végétales que dans les fubftances animales,
dans nos alimens que dans nos organes ; & qu’au
contraire la proportion de Ya^ote ou de la bafe
de la mofette eft , toutes chofes égales , plus forte
dans les fubftances animales que dans les fubftances
végétales, dans nos organes que dans nos alimens.
Ainfi, la fubjlance de nos alimens s’affïmile à
celle de nos organes, principalement parce que
la bafe oxalique quelle contient fe combine à
la bafe de la mofette , & perd une partie du
principe du charbon qui lui etôit unie.
I l eft'.d’autres fubftances qui fe forment dans le
même mécanifme, & qui parôilfent auffi , finon
combinées, du moins étroitement unies à la fibre
animale ; telle eft une matière grade concrète , fem-
blable au blanc de baleine $ tels (ont les fels phof
phoriques : mais les principes de leur formation
ne nous (ont pas encore connus.
7 ° . Quoique le mécanifme par lequel s’opèrent
Ces combinaifons ne foit point encore bien développé
à nos yeux , cependant, d’après le peu de
connoiflânces que nous avons des progrès de la
coftion des alimens dans toute l’étendue du canal
inteftinal, d’après les obfervations faites fur les
phénomènes de la refpiration , foit par MM. Prief-
tle y , Lavoifiier , & c ., foit par M. Jurine; enfin
d’après les obfervations de ce dernier & de MM.
Prieftley & Crùikshank fur les fonétions de la peau,
nous pouvons former des conjectures probables, &
conclure que les combinaifons principales qui
eonflïtuent Vaffimilation des alimens, f e fo n t
fur-tout dans le canal inte jlînal, dans le poumon
, & à la p eau, par l’intermède de T air vital
-icontenu dans l’air atmofphérique, au moyen duquel
Valiment f i débarrajfe d’une partie de fon
principe du charbon, & Je combine avec la bafe
de la mofette, devenue excêdente dans les liqueurs
animales.
( A r t i c l e s e c o n d .
D e la matière nutritive confédérée dans Us difê
fe'rens corps de la nature.
§. Ier. Obfervations des anciens , <5* fur -tout
d’Hippocrate yfur les différentes efpèces d a limens
6* fu r .leurs propriétés.
Après avoir confidéré la fubftance alimentaire
en général & indépendamment des différentes ciaffes
dalimensdans lefqueiies la nature l ’a diftribuée,
il eft néceffaire que nous nous arrêtions à la Tuivre
dans les différens eorps de la nature. Et c’e ft-la
ce qu’Hippocrate a voulu faire entendre, quand ,
apres avoir dit // n’y a,qu’un aliment, il ajoute
il y en a plufieurs efpèces, pia. itoWeti.
Dans la lifte qu’Hippocrate nous donne des alimens
, dans le fécond livre du régime ( trtfi 0,
de dicetâ z. ) , i l paroît les ranger fuivant le degré
d’importance qu’il attachait à chacun, relativement
à fa faculté nutritive. Car il commence par
les graines, & parle d’abord des graines farineufos
céréales , enfuite des légumineufes, & enfin des
émulfives. Enfuite i l pafie eu revue les alimens
animaux tirés des quadrupèdes, des oifeaux, & des
poiffons : de là il pafie aux boiffons , & enfin , parlant
en dernier lieu des herbes & des fruits, il pa—
roît ne les confidérer que relativement à d$s propriétés
prefque médicamenteufes En général, un
grand nombre des propriétés qu’il remarque dans
les alimens , font étrangères à la n u t r i t io n &
quand nous ne ferions pas obligés de renvoyer ce
qu’il en dit aux tfifférens articles de ce dictionnaire,
où chaque fubftance alimenteufe & médicamenreufe
fera traitée en particulier, il faudroit.toujours renvoyer
une grande partie de ce qu’Hippocrate dit dans
ce livre, au chapitre qui traitera de ce qui dans
les alimens. n’eft pas aliment.
Je vais commencer par donner une idée des principales
diftinétions qu’Hippocrate fait entre les
alimens , relativement aux modifications de leur
propriété nutritive.
Cette recherche eft utile pour l ’intelligence des
anciens , dont les théories même , quelque imparfaites
qu’elles foient, ont au moins ce mérite, de
répondre à des faits bien obfervés, quoique ,mal
expliqués.
Diftinélions qu’Hippocrate fa it entre les alimens,
relativement aux modifications de leur propriété
nutritive, & à f i s effets fu r nos organes,
i° . D e ce qu Hippocrate entend par 6*
v?fov, fec & humide.
Une des premières diftinâions qu’Hippocrate
fait entre leS alimens, eft celle qui eft relative à
l ’humidité & à la féchereffe. ttlu ê è , vyfruri xf
lnpoTun (irept rpccp«?, de alimento. ) Quant aux ef-
pèces , d it- il, elles f i divifent d’abord relativement
à Vhumidité 6* d la féchereffe. 11 eft' difficile
de déterminer ce qu’Hippociate entend- exactement
par féchereffe ou humidité. Dabord cette
propriété n’a rien de relatif à l'état tbiide où liquide
d elà fubftance alimentaire. Le vin , dit-il,
ejl chaud & f e c , tm>s, â'ep/«» àj |»po». Il défigne
donc par l ’exprellion de fec & d’humide , la propriété
qu’ont , fuivant lu i , certains alimens de
deffécher ou d’hume&er. Cette propriété n’a aucun
rapport aux qualités échauttantes ou rafraî-
chiffantes ; car il dit de l ’orge qu’i l eji par fa
nature froid & f i e (ypi^al <p vtrti pL ^vyp sv kj . D u
régime 1. H. ) ; & dans Un autre endroit i l dit :
Les chofes douces, âcres , falées , amères, auf-
tères , charnues , échauffent toutes , fo i t qu’elles
foient sèches, fo it qu!elles foient humides ( ib .)
Il paroît feulement que les- fubftances qu’Hippo-
çrate défigne fous le nom dé sèches relfèrrent le
ventre , & en rendent les excrémens moins liquides ,
quoique plufieurs qualités très-différentes puifTent
concourir à produire le même effet, comme il paroît
dans ce paffage du livre de locis in homine; les
fubfiances qui loin de lâcher le ventre, le ref-
sèrent au contraire, font les fubflances venteufes,
afiringentes , épaiffîes par la chaleur, friables
ft sèches. 11 s’exprime encore d’une manière fort
claire fur la manière d’agir des alimens qui ont
la propriété sèche, dans différens endroits de fon
fécond'livre du régime. — Les alimens cuits ou
rôtis y d it-il, refserrent plus le ventre que les
alimens crus , parce que l ’humidité & la graiffe
ont été enlevées par Vaclion du fe u ; quand ils
defcendent dans le ventre , ils en altèrent Vhumidité\
ferment les orifices des vaiffeaux i sèchent
& échauffent -y & arrêtent le cours des humeurs.
Toutes les fubflances qui viennent dans les
lieux f ie s & f o n chauds , font également sèches
& chaudes , & donnent plus de force au corps.
En effet y ces alimens y fous un même volume y
font plus pefans , plus denfes , 6* rendent, davantage
que ceux qui viennent dans les lieux
humides y fo r t arrofés & froids. Ceux-ci font humides
y froids & légers , & plus bas il ajoute: Les
chofes qui sèchent en échauffant , fo it que ce
foit des alimens , fo it que ce fo it des boiffons y
rendent le corps fe c , fans occajîonner ni fa l i -
vauon y ni augmentation d’urine , ni évacuation
; & en voici la rai fon. Le corps écluiuffé
perd fon humidité ; une partie de cette humidité
s abforbe par les alimens ; une autre partie fe
çonfomme en s ’unifiant à la matière nourricière
par l ’effet de la chaleur vitale '( ou par la chaleur
de la refpiration^M t*s •ÿvxrt 3’£pla«, animes ca-
lore-y chofe remarquable, v. art. I , §. I I I , queft.
4e. , ci deffus. ) ; le refie f i diffipe au dehors
(êiâ jov par la furface dti corps, ou à travers
la chair, fi. Foes écon. ) par l ’effet de la
chaleur & de‘ l’atténuation.
À l’égard des alimens'de qualité humide , voici
ce qri’Hippocrate dit en parlant de ceux auxquels
ii attribue en même temps la propriété d’é-
chàuffer. Ils portent plus aux /elles que le s alimens
de qualité sèche, car après avoir fourni
au corps beaucoup de fubjlance nutritive, ils fo r ment
vers le ventre une dérivation , & Jorient
accompagnés de beaucoup d’humidité ; & dans
le livre des affeêlions ( mpi 7ra9*»v ) , Hippocrate di
encore : Parmi les alimens chauds , ceux qui font
f i e s refferrent. . . . Mais ceux qui fo n t humides ,
lâchent le ventre.
Ainfi la propriété sèche & humide des alimen s
qu’il ne faut pas Confondre avec leur état d’ha midi lé
& de fécherefle , fe démontre, fuivant Hippocrate ,
par la nature'des excrénrens qui en réfuitent. Ces
exefémens ' font fées lorfque les' alirhenS ont la
propriété féche j iis font pliis'!humeités lorfque les
alimens ont la propriété humide. Eii forte'que la
liberté des Celles plus ou moins grande paroît être
la mefqre de cette diftinétion. D oïl ii réftilte que
d’une part les facultés toniques , diaphoniques,
diurétiques dès àlimens ; de l ’autre les propriétés
flimulantes, favonnedlés laxatives , jointes à la
proportion dès parties excrémentielles aux parties
alimenteufès , doivent avoir beaucoup de part à
l ’effet dont il eft ici queftionj & il n’y a qu’im
degré entre ce qu’Hippocraîè appelle un aliment
humide,~vypMy 6c un aliment laxatif qu’Hippocrate
nomme «f‘iax®p»iTtxïy . La même nuance exifte
entre Yaliment fec , & celui qui porte à la
conftipation, & qu’il défigne par i ’expiefilon de
S’ahxoy & dt Çcûrif/.o».
Parmi les graines céréales y l ’orge & fur-tout
le froment, principalement quand ces orains font
mondés , & leurs farines quand elles iont sèches
& récentes, & fur-toüt quand elles font rôties ( alors
on nommoit celle de l’orge aAtpWa voient es y 8c
celles du froment aA«ra), font mis par Hippocrate
ait nombre des alimens lecs. Lès pains & les gâteaux
qu’on préparolt avec ces, farines pures,comme le maza
( ) qu’on fai foit avec l’orge , & le pain de
froment, maisfur-tout le pain azyme( apros ,
font rangés dans la même claffe 5 mais l ’avoine
Jfyepos ) eft mife au-nombre des alimens humides.
Les chairs des animaux adultes font regardées
comme alimens fecs, & celles dés jeunes
animaux comme humides, & en général les chairs
qu’Hippocrate àppelle(ava</AOi, exfangues) , privées
de fangy c’eft-à-dirè, peu colorées, font au rang
des àlimens humides. Nous favons en effet que
ces fortes à’alimens font ftijets à lâcher le ventre.
Les oifeaux en général , fuivant Hippocrate , font
plus fecs que les quadrupèdes ; mais il fait une
exception pour les. oifeaux aquatiques , comme les
canards & les oies ; enfin une des di {finirions les
plus caradtérifées qu’il trace à cet égard, eft celle
qui réfuite de la manière de vivrè des animaux, 8i
de la différence qui en ré fui.te dans la nature de
leur chair & dans fes effets, comme alimenlf