
fimulées , & l’imagination ne peut avoir aucune part
à leur produdlion. Le pouvoir du faint diacre ,
celui des diables , ne Te feroit-il pas aufli bien
annoncé par de pareils lignes , & la colère divine,
au moyen de femblables .effets, ne pouvoit-elie
pas fe manifefter ? Mais pour peu qu’on veuille
y .réfléchir, on verra que les affeétions nerveuses,
par deffus toutes les autres , offrent les moyens
les plus sûrs- 8c les plus variés de fédudtion ; 8c fi
elles ont été préférées par les impofteurs, il eft
facile de fentir que c’eft parce qu’elles préfentent
les reffources les plus puiffantes pour en impofer
aux ignorans & frapper Ifes efprits.
Elles ont été en effet, dans tous les temps un
objet de furprife , d’effroi même pour les gens peu
inftruits, & le fpeftacle quelles préfentent pour
l ’ordinaire , eft bien fait pour infpirer de pareilles
impreftîons. Quelle prodigiçufe énergie , quelle
étonnante variété de, mouvemens , quels troubles
inconcevables n offrent-elles pas ? Eft-ii furprenant
que dans les premiers temps où ces phénomènes
ont été obfervés , on les ait crus d un 'Ordre parti-
culier , & qu’on les ait regardés comme produits
par des caufes furnaturellcs? I l en étoit aipfi parmi
les anciens, comme le prouve le nom de maladie 4
facrée , donné alors à l ’épilepfîe , 8ç en général
on donnoit le même nom a toutes les affeélions
du même genre , c’eft-â-dire , éminemment con-
vulfives. Hippocrate le dit formellement j il parle
de cette opinion, comme d’un préjugé vulgaire ,
répandu defon temps ,& l ’on a lieu de croire que
c’ étoit dans l’aucienne magie , ou l ’art des ençhan-
temens , qu’elle avoit pris naiflanc.e. C etoit au
moins par de femblables agitations que dans le
paoanifme les faux prêtrçs annonçaient au peuple
la préfence du dieu dont ils fe difoient inL
p;rés.
Depuis ces temps très-reculés la même opinion j
s’eft toujours perpétuée plus ou moins fenfîblement !
jufqu’à nous ; & en cela il n’y a rien d’étonnant,
quand on confidère que dans ces crifes ou agitations
convulfives les mouvemens étant de beaucoup
fupérieurs à Ceux que dans 1 homme le^plus
vigoureux pourroit exercer la volonté , qu étant
pour l ’ordinaire fort audeffus de la force naturelle
connue du fujet , enfin que naiffant fouvent fàns
caufe fenfible, ou n en ayant qu une avec laquelle
elles neparoiffent avoir aucune proportion, on a
dû être porté naturellement, par le fpeClacle e f frayant
fur - tout , & le caractère de phénomène
extraordinaire que ces crjfes préfentent, à les^ regarder
commé produites par une caufe foit divine,
fbit au moins d’un ordre fupérieur. Mais c’eft fur-
tout par rapport au fexê que cette opinion doit
paroître encore mieux fondée , les caraéleres
qu'offrent les mouvemens de fpafme , 8c dont nous
venons de parler, étant encore plus marqués dans •
lçs accès de convulfion que les femmes éprouvent j
c’eft-à-dire, ces mouvemens, par leur violence, devant
paroître chez elles bien plus dilproportionnés
à la force de l ’individu & à la caufe quelconque
qui paroît les avoir produits. Eft - il furprenant
qu’aux yeux du peuple qui n’eft pas inftruit, on
faffe paffer des accès femblables 0 affections convulfives
pour des marques de poffeflion, ou de la
colère divine, lors fur-tout que la caufe qui les
produit étant cachée , les perfonnes qui en font
agitées étant en certain nombre , & ces convulfions
enfin ayant une grande violence , elles forment ainu.
fous çes rapports un vrai fpe&acle aux yeux de la
multitude? Mais ne peut-on pas en tirer parti également
pour annoncer dans un autre ordre de chofes
une grande caufe. phyfique, & relativement au ma*
gnécifme moderne , ce foupçon ne pouvoit-il pas
paroître fondé?
En jugeant d’après ces réflexions le fyftême de
M. Mefnier , il étoit évident qu’on devoit s’en
former une idée défavantagçufe , & cependant il
fembloit qu’on pouvojt lui en faire une forte d application.
En faifant attentiou au choix de fies
moyens , on croyoit. y apercevoir une finguliere
conformité avec ceux dont nous venons de parles
dans le moment , & cette apparence • de reffem-
blance & d’analogie étoit bien faite pour iqfpirer
quelque défiance. Mais cette conformité n’étoit-elle
qu’apparente ? ou du moins étoit-elle troç lpgere
pour qu’on dût la négliger ? C’eft ce qu il étoit
utile d’examiner.
D ’abord on remarquoit que c’étoit la même prétention
qu’il mettoit en avant, celle de guérir par
des moyens auffi extraordinaires que Amples & fa-
| ciles , les maladies les plus graves comme les plus
rebelles ; en un mot, de pofféder le fecret de la
médecine univeffelle. Q’etoîs, de meme auffi par
une théorie fpécieufe & extraordinaire qu il pa—
rqiffoit chercher à l’établir ; & cette théorie, quoique
différente en quelques points dé toutes celles
qui avoient précédé, étoit cependant tiree de 1 une
des deux principales fqurces ou toutes les autres
avoient été puifées ; telle étoit l’aftrojogie judiciaire.
Le magnétifme unjverfel en effet décrive fi
effentiellement de cette fource antique, qu’il pa-»
roît n’être que cette même opinion renouvelée.
Mais fous cette théorie plus phyfique en apparence
, on pouvoit dire qu’il 11 en avoit pas moins
caché des principes très - impofàns , des prétentions
très-fingulières & faites pour étonner.
En effet, l ’hommp, comme un nouveau Prome-
thée, tenoit en fon pouvoir le principe créateur
de toutes chofes, le principe modérateur de
l ’univers. M. Mefmer fur r tout , maître abfolu
de ce fluide, libre de le gouverner a fon gré ,
agifloit fur fes femblables d une main toute puif*
fante. Sa préfence , femblable à celle de la divinité,
opéroit fur les individus qui l’entouroient. Le bien
gc le mal étoient dans fes mains; Lu fanté & les
maladies étoient départies a fa volonté. Chaque
homme , fuivant lu i , étoit imprégné d’une portion
de ce pouvoir ou de cet agent celefte , par lequel
i l agiffoit inévitablement fur fes femblables. Ce
0 principe
tmneipe étoit un foyer d’a&ion réciproque
entre les perfonnes raffemblées. Il fe reflechifloit
par les glaces, il fe propageoit par le ionj es
•regards le renvoyoient, les attouehemens le trant-
mettoient, la feule proximité fuffifoit pour le
communiquer. C’étoit enfin une nouvelle chaîne
qui uniffoit les êtres animés entre eux, 8c >
liant les fphères céleftes à notre globe, embraf-
foit ainfi la nature qu’elle foutenoit , animoit, &
confervoit dans fa vafte étendue. Qu on réflechiue
bien à ces prétentions, 8c l’on verra f i , fous les
dehors d’une théorie allez phyfique en apparence,
ce n’étoient pas lés plus puiffans moyens de fé-
duire & de frapper les efprits qu on put imaginer
Sc employée dans ce fiècle , qui étoient indi-
qués. I
On obje&oit, il eft vrai, qu’il y avoit des effets
qui dépofoient en faveur de cette doétrine. Mais
on répondoit que ces faits paroiffoient etre du
genre de ceux qui avoient occafîonne lillufion
dans toutes les impoftures connues. En frappant
vivement les efprits par la fingularité de fes opinions
, en infpirant une confiance proportionnée ,
M. Mefmer n’agiffoit-il pas fur le phyfique par
une fuite de cette adtion fur le moral ? Ne faifoit-il
pas luire à l ’efprit d’un grand nombre de malades un
èfpoir de guérifon inattendu, qu’une conftitution
dépravée , pour ainfi dire,, dans fon principe , les
condamnoit à ne jamais éprouver ? Cette caufe
pouvoit-elle être fans effets falutaires ?
Ajoutons que, n’employant dans là méthode aucun
remède adtif, il pouvoit fe faire par cela feul
que certains malades que les médicamensfatiguoient
ou qu’ils avoient épuifés , éprouvaffent quelque
bien pendant fes traitemens. N’arrive-t-il pas fou-
vent qu’on emploie les remèdes à tort , qu on
trouble la nature q u i, plus puiffante qu’eux dans
certaines maladies, les guériroit, fi on les abandonnât
à fes foins ? Mais en cefïànt ces fecours
contraires , en quittant l ’art qui nuit quelquefois,
pour adopter une méthode purement expectative,
M. Mefmer n’avoit-il pas, fans y employer aucun
moyen, aucun procédé particulier, un nouvel ordre
d’effets qui le fervoient bien ?
M. Mefmer d’ailleurs ne fuivoit pas à la rigueur
cette médecine purement expectative. I l admettait
quelques-uns des remèdes ordinaires , dont i l fai-
foin ufage comme de moyens fecondaires dans là
méthode. Mais en les présentant ainfi, ne jetoit-il
pas dans l ’illufion ? Avoient - ils aufli peu de part
aux fuccès quelconques de fes traitemens, qu il
l ’annonçoit, & que la plupart des malades fem-
bloient le penfer ? La crème de tartre, fi privilégiée
parmi les autres remèdes, & dont il faifoit
faire un fi confiant ufage, n’eft - elle pas un des
médicamens qui conviennent -fous un plus grand
nombre de rapports ? Comme laxative , elle procure
le rafraîchiffement & le fentiment de gaîté,
de dégagement que produit le bon état des entrailles
5 comme acide, elle elt antiputride, elle
M é d e c i n e . T om . 1 ,
donne au fang & aux humeurs plus de confiftance ;
elle eft diurétique , elle aiguife 1 appétit & tempère
les ardeurs d’entrailles des hypocondriaques. L ’ob-
fervation a appris qu’elle a quelquefois fiiffi feule
pour difliper des hydropifies. La teinture de mars
ioluble que M. Mefmer avoit aufli employée , ne
pafïe-t-elle pas pour un remède qui convient dans
un grand nombre de cas ? Ajoutons qu’i l ordon-
noit affez fréquemment les bains, & que leur utilité
dans un grand nombre de circonftances eft affez connue.
On pouvoit même remarquer à ce fujet, qu’il
fembloit qu’i l eût cherché à flatter le goût de fes
malades dans ce choix. La crème de tartre & les
bains font des remèdes agréables j M. Mefmer les
admettoit, & il biâmoit au contraire les cautères,
qui font dégoiîtans & à charge. Enfin, dans des
cas particuliers, il joignoit à ces moyens les fecours
les plus efficaces 8c les plus ufités en médecine
, les faignées , les purgations. Devoit-on
mettre encore fur le compte de fa méthode particulière,
les effets fenfibies & très - réels que ces
moyens ordinaires pouvoient & dévoient produire ?
ou plutôt pourquoi M. Mefmer ne les bannif-
foit.il pas, & quel befoin pouvoit - il en avoir
avec l ’agent univerfel ?
Mai* c’étoit fur-tout dans les fecours moraux ,
dans les moyens d’un genre agréable , que l’on
Pouvoit dire que M. Mefmer cherchoit à s’aflurer
^es fuccès fenfibies. Chez lui , les malades étoient
traités en commun, & les perfonnes étoient a£-
forties aux traitemens félon leur ^oût & leur rang;
Dans ces rapprochemens & ces reunions , l ’enthou-
fiafme s’accroît 89 fe fortifie , & c’étoit fous ce
rapport peut-être qu’il étoit vrai de dire avec M.
Mefmer que le magnétifme fe renforçoit par la
communication. G’étoit une manière d’être ,
qui , alliant à la liberté de la vie privée une
partie de l ’appareil qui accompagne les affem-
blées publiques, piquoit autant par la nouveauté
de ce fpeétacle , qu’elle convenoit bien par l ’agrément
qu’elle procuroit. C ’étoit une forte de di-
vertiffement ou de diftra&ion au moins, dont tant
de perfonnes ont befoin, 8c les effets qui en ré-
fultoient reffembloient affez à ceux que l ’on ob-
ferve dans les circonftances où quelques parties de
plaifir nouvelles font goûtées & fuivies. Dans ces
temps de fêtes que ramène conftamment chaque
annee , combien ne voit-on pas diminuer parmi
les gens du monde le nombre des perfonnes malades
d’ennui ou de défoeuvrement ? C’eft une remarque
que font les médecins obfervateurs. M.
Lorry citoit en ce genre un exemple aufli fingu-
lier que frappant. Dans des circonftances de malheurs
v ou d’événemens fâcheux, au contraire , oa
voit augmenter le nombre des perfonnes qui font
affe&ées de i/apeurs & de mélancolie. En général,
la fanté publique fuit dans quelques rapports les
viciflltudes du bonheur commun. L ’empire du moral
fur nos corps eft le moyen de cette influence
réelle, 8c qui mérite fur-tout-d’être obfervée. M,