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produits de leurs propres branches:, formoient un
mafïïf immenfe, impénétrable à l ’air comme aux
hommes, interceptant toute efpèce de courans ;
qu’on fe repréfente , d’un autre côté, comme dans
certains endroits de la Louifiane, des arbres ren-
verfés au milieu des rivières , interrompant leur
cours , égarant leurs eaux , arrêtant la navigation
par des digues infurmontables ; qu’on imagine près
de là des plaines inondées d eaux ftagnantes ;
autre part, des favànnes où les herbes ae^ toute
efpèce , croiffant'confufément par une végétation
aétive, mais fuperflue , concentrent au -milieu
d’elles une humidité putride , dans laquelle^ les
infeétes naiffent & meurent par millions , ou les
reptiles venimenx cherchent des retraites, Sc tendent
aux paffans des embûches redoutables ; qu on
voie à quelque diftançe de là des côteaux arides
& incultes, privés de cette humidité qui autre
part abreuve, délaye , énerve le fol. Voila la
terre fans Y agriculture ^ infe étant l’air & dévorant
fes habitans. Après avoir laffé notre imagination
dans ces routes fatigantes, tranfportons-
nous à quelques fiècles de là dans les mêmes lieux.
Les forêts élaguées , ouvertes par des avenues ,
laiffent circuler l ’a i r , & facilitent fon renouvellement
; les rivières font rendues à leur lit , les
eaux ftagnantes s’écoulent par des canaux ; des
filions réguliers ont fait naître des plantes- utiles
dans des alignemens & avec des efpaces , au,
moyen defquels , environnées par' 1 atmofphere ,
Sc recevant l ’influence du foleil dans toute leur
étendue , elles exhalent un air pur & falubre, &
ne recèlent plus de mofettes nuifibles; des coteaux
autrefois arides & Inutiles, maintenant ouverts par
le fo c , arrofés par des eaux que l ’art leur dif-
tribue fans les prodiguer , nourrirent l ’homme &
embaument l’air qu’il refpire : tels lont les fruits,
du travail de ^agriculteur ; tels font les change^
mens qu’il opère ; fous fes mains induftrieufes la
face de la terre s’eû renouvellée ; il eft devenu
l’image, & pour ainfîdire, le çoopérateur de 1 Etre
fuprême , i l femble dépofitaire de fa puiffance ;
ç’eft un des anges bienfaifans qui veillent à la
confervation de les oeuvres, & qui prefident au bonheur
de l ’univers.
III. Les premières traces de l’hiftoire des peuples
nous préfentent les hommes partagés en deux
claies , .celle des gafteurs & celle des agri-
coh s ; ceux-ci n’ont pas tardé à dominer fur les
autres; &/leur puiffance , établie alors feulement
fur la force,, a démontré de bonne heure ce que
pouvoit, fur notre conftitution, la différence de
nos occupations. Nos réflexions fe borneroient à
cette première remarque, fi la claffe d’hommes
la plus utile n’étoit pas devenue quelquefois la
plus malheureufe, & fi celui aux travaux duquel
nous devons notre nourriture , n’étoit pas obligé
4e s’épuifer de fatigue, pour obtenir de fes fem-
hlables une portion à peine fuffifante des biens
4ont i l les fait jouir avec tant çTafSuençe,
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IJ agriculteur aifé , environné d’un air pur ,
jouit d’une forte conftitution & d’une fante durable
fa nourriture eft fimple & falubre, la quantité
de fes alimens , déterminée par le befoin Sc
l’appétit, & non par la fenfualité ^eft proportionnée
à fes travaux, Sc fes travaux n excèdent point
fes forces. Les enfans qu’i l élève annoncent la
fanté & la vigueur. Tout , autour de lu i , porte
l ’empreinte du bonheur , de ce bonheur qui n eft
tel que parce qu’il eft fenti, qui n eft fenti que
parce qu’i l eft mérité , & qui confifte dans la
jufte proportion des travaux Sc des jouiffances. C eft
dp lui que Virgile a dit : q u il eft heureux, s il
co(nnoît fon bonheur ! O fortunatos mmium Jua
fibonanorint , Agricolds ! Cet agricole , c eft
chez noûs le fermier. Le médecin n’a a pbferver
en lui quelles heureux effets d’une vie fobre Sc
laborieufe. - i .
Mais que, féduit par ces riantes images , 11
n’oublie pas le journalier ; fes triftes regards y
verront, dans certains pays , un fpeétacle bien différent.
I l le verra fouvent prefque fans abri 1 hiver ,
& brûlé l ’ été par le foleil. Les travaux fouvent
excèdent fes forces, & fouvent les alimens lont
à peine fuffifans pour réparer fes pertes. N ayant
pas de quoi foutenir fes enfans, i l les allocie a
fes fatigues, dans un âge où i l n’ont pas acquis
les forces néctfffaires pour les fupporter. Audi fon
corps porte-t-il de toutes parts les empreintes de
la peine & de la misère. Ses enfans, a 1 âge de
quinze à dix-huit ans, ont'les dehors d hommes
âgés de trente ; & dans l ’âge mut , il relient
déjà les approches ,de la viellleffc , dont au
moins il a l'afpeft avant d’en fentir les effets. Sa
fibre devient dure ôc roide avant le temps ; ion
vifaeé fe couvre de rides , fes cheveux blanchit-
fent , fa peau fe brunit, fe fèche, Sc devient ecail-
leufe ; fes articulations , tantôt roidies par le
froid , tantôt féchées par la chaleur, perdent leur
foupleffe; fon dos , arqué de bonne heure , ne
peut plus revenir fur lui-même, & tous fes membres
fe prêtent avec peine aux mouvemens les
plus néceffaires. Ce n’eft encore là que la furface
de fes maux« Son fang appauvri eit fec dans la
jeuneffe, parce qu’il eft brûlé; il perd enfuite fa
confiftance, parce qu’il eft mal réparé. Ses forces
ne font qu’apparentes, ce n’eft que de la durete
& de la roideur, au lieu de vigueur Sc d activité.
Aufli, dans les maladies inflammatoires , il a befoin
qu’on refpecte fon fang , quon ménage fes
forces ; & le médecin des villes entend fouvent
dire, avec étonnement & même avec incrédulité ,
que les cordiaux, malgré les contre-indications
apparentes , ont fait dans cette claffe d hommes
plus, de guérifons que les’ rafraîchiffans Sc les lai
ernées. En effet , fi l ’inflammation eft vive , ce
n’eft’ que dans le premier inftant ; les fibres ne
réfiftent pas ‘à fon premier choc , & bientôt 1 atonie
l ’oppreflion luivent , le poumon fe remplit
& s’abreuve. Aufli voit-on les épidémies faire dans
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les villages pauvres, des ravages épôuvantablés, &
ménager, avec une forte de relpeéb , les habitans
des villes Sc des cités: •
Heureux encore le pauvre villageois, fi a tant
de maux ne fe joignent pas des eau fes qui accélèrent
fa perte; fi fa demeure n’eft pas humide
& mal-faine; fi elle n’eft pas enfoncée dans le
fol ; fi -elle n’ eft pas le rendez-vous des eaux croupies
qui s’écoulent de deffous les fumiers’, Sc dés
mates qui féjournent aux environs ; fi , ruinée par.
le temps, elle ne donne pas entrée aux vents Sc
aux frimas , ce qui encore ferait préférable à ces
retraites impénétrables à l’air , dont- la porte fur-
.baiffée eft prefque la feule ouverture , où des familles
entàflees ne refpirent qu’un air corrompu,
& où le germe des épidémies une fois porté/ ne
s’éteint- que par- la mort du dernier individu :-ic’eft
ce : qu’on -a vu , pendant l ’automne» de 177^», dans
quelques villages de- Bretagne , dépeuplés entièrement
par la dyffenterie.
Affligé par un tableau aufli effrayant, & quelquefois
fi v ra iq u e ls confeils le médecin peut-
i l donner à ces malheureux ? 11 ne peut que former
des. v.oeux., fouvent bien impüinans, pour que
leur fort changé leur permette de trouver la vie
dans leur travail ; la force flans leurs alimens, la .
faiubrité dans leurs' demeures. Alors, on pourrait
porter des lois fages fur la proportion à établir ,
dans les campagnes-, entré la nature des travaux &
l ’âge des travailleurs , & veiller à ce que la jeu-
nefle ne fe flétriffe pas dans fa fleur , & que la
vieilleffe lie fuccombe pas fous le fardeau des
peines & des années. Alors le journalier retrouverait
dans la vie champêtre tous les biens que la
nature lui prodigue , & que trop fouvent l ’in—
jiiftice des hommes lui difpute & lui enlève.
( M. H ALLÉ. )
A G R I O P H A G E . adj. A g r io p h a g u s , de
.aypjof , fauvage ; & de qûy® , je mange (Hygiène
On a donné le nom à la g r iop h a g e s à quelques
peuples qui ne fe nourriflent, dit-on , que de la
chair des bêtes feroces , comme des lions & des
panthères«
E x t r a i t d u D i é î de L a v o if ie n . \ V . D . )
A G R IO T T E S {H y g i è n e . ) ou'.GRIOTTES,
e f p è c e s d e c e r i f e s ' f a u v a g e s . H o ye^ G r i o t t e s .
{ M . H a l l é .)
A G R I P A U M E. Mat. med. Uagripaume, .
nommée dans les boutiques agripalma & cardia-
■ ca ; par G . Bauhin , marrubium cardiaca dic-
tum forte printum Theophraftis ; & par Linneus ,
Leonarus cardiaca, fo liis caulinis , lanceolatis,
trilobis, eft une plante labiée qui appartient,
fuivant ce dernier botanifte , à un genre particulier
, dont le caractère confifte dans les petits
globules lui fans placés fur les .anthères, quoique
ce caraâère fe rencontre dans'des;-efpèces d’autres
M é d e c in e . Tom. I.
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genres de labiées, fuivant M . de la Marck, &
qui a les plus grands rapports avec les phlp-
mides. ( Voye^ le diclionn. de Botan. )
Cette plante, haute de trois ou quatre pie^s ,■
porte une tige dure , carrée , garnie dans toute
là longueur de feuilles oppofées , peliolées, d’un
vert noirâtre, divifé.es en trois lobes, arrondies
& droites dans celles du bas, pointues & fimples
dans celles du haut ; fes fleurs labiées font petites
, purpurines , ou blanchâtres , difpofées ea
verticilles ferrés, Sc garnies de folioles fétacées ;
leur calice eft dur , à cinq angles & à cinq dents ;
leur corolle monopétale , tubulée , eft divifée ea
deux lèvres ; la fupérieure, velue, entière, obtufe,
cachant quatre étamines didynamiques , dont les
anthères oblongues font parfemées de globules
brillans; la lèvre inférieure eft refléchie en bas
& partagée en trois découpures lancéolées, égales
entre eliés ; le ftyle filiforme, terminé par un ftig-
mate bifide , part du milieu de quatre ovaires qui
deviennent des femences nues Sc alongées^ plongées
au fond du calice. Toute la plante eft Supportée
par une racine irrégulièrement arrondie,
d’où partent une grande quantité de fibres flifper- fëes en tout fens dans la terré. E lle croit dans
les lieux abrités, au bord dès haies & dès murs,
autour des habitations. ‘ é -
On attribuoit autrefois de grandes: vertu s à Y a-
g r ip a u tn è ; on la regardoit comme car m ina tiv e ,
vermifuge,apéritive, incifive , cordiale, anti-hyfte-
rique ; quelques-unes de çés propriétés peuvent bien
avoir quelque fondement ; car les feuilles de cette
plante ont une odeur forte & fétide, & une Saveur
affez amère. On la reçommàndoit- dans le gonflement
du ventre Sc des hypocondres des enfans, les
vers, la fiipprefflon des règles, les^ maladies des
reins , la palpitation , &c. O n l’adminiftroit en
infufion & en décoétion, à la dofe d’une poignée«
Mais aujourd’hui on n’en fait plus aucun ufage.
Boerrhaavè avoit obfervé , fuivant Haller, que
cette planté étoit fudorifique, qu’elle fë repandoit
par tout le corps co m m e unè vapeur amère &
ftimulante , & qu’elle pourroit être utile dans les
maladies pituiteufës' & catarrhales. Bergius remarque
que fon infufion rouge & amère precir-
pite en noir le vitriol martial. { M . D E F o u b a k
cr or. )
A G R IP P A ( Henri - Corneille V L a vie d’ut*
homme aufli extraordinaire que le fut Agrippa y
feroit très - curieufe ; pour la décrire , il faudrait
fe livrer à beaucoup de recherches, lire tous
les livres qu’il a compofés , Sc raffembler tout
ce que fes contemporains ont dit de lui : mais
en s’occupant de ce travail, il faudroit fe défaire
de tout préjugé & de toute. prévention. On le
confidéreroit fous tous les afpe&s fous lefquels il
s’eft. montré, & l’on faurpit véritablement l’idée
•qu’il faut en avoir.
Les lexicographes médecins , qu i ont parlé de