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Une femme d’un tempérament Tanguin étoit
accouchée de deux enfans une heure;, avant que
je la vifitaffe. Les eaux avoient été très - abondantes
j 8c le volume de Ion ventre étoit énorme
dans les derniers temps de la groffeffe. Elle, ref-
iencit en ma préfence quelques douleurs qu’on
nomme tranchées ( Voye\ T ranchées. ) Le ventre
fe tendoit pendant les fouffrances ; je craignois que
leur fréquence ou leur continuité ne caufât de
Tengorgeinent. Je lui paffai une ferviette autour
du corps , & je fixai les deux extrémités, en les
ferrant de manière qu’elle ne fit que foutenir les
vifcères ; au même inftant elle fe trouva foulagée.
Les mouvemens de la refpiration ne fe faifoient
qu’avec gêne ; ils devinrent parfaitement libres, la
malade ne craignit plus de faire de grandes in {pirations
; elle les répétoit pour dilater le thorax :
i l en réfultoit une forte d’aifance qui paroiffoit
augmenter fa gaieté & rendre tous fes mouvemens
plus faciles à exécuter. Cet état étoit dû à
la facilité que le fang trouvoit à paffer du bas
ventre dans la poitrine, & à débarraffer par-là les
vifcères de cette première capacité de leur fur-
charge.
Pendant mon abfence on ôta le bandage, &
pour que la malade le permît, on lui fit un récit
effrayant de fes effets. Quelques heures après que
les vifcères furent de nouveau abandonnés à eux-
mêmes , les douleurs recommencèrent, & le ventre
devint plus fenfïble au toucher : mais cet excès
de fenfibilité n’étoit que local. Je retournai le
foir chez la malade, je trouvai l ’accoucheur qui
avoit profcrit le bandage. L ’accouchée fouffroit ;
je priai le chirurgien d’être témoin de la manière
d’appliquer la ferviette que j’avois paffée le
matin autour du corps , & d’attendre quelques
inftans quel en feroit le réiultat. I l y confentit :
bientôt la malade fe trouva mieux ; elle paffa
une bonne nuit. Le lendemain matin i l rapprocha
lui - même les extrémités du bandage , qui étoit
devenu trop lâche. accouchée s’en trouvoit fi
bien , qu’elle l ’avoit fait refferrer au milieu de
la nuit.
Je connois des femmes qui ne fe délivrent des
tranchées, auxquelles elles font fujettes , que par
les bandages ; elles les appliquent elles - mêmes.
Elles font averties qu’il eft temps de les refferrer
quand des douleurs légères recommencent. En effet,
ils font alors trop lâches. Il réfulte de ces faits ,
i ° . qu’on ne doit point attribuer aux bandages les
accidens qui rëfultent d’un excès de compreffion,
mais à l ’abus ou à l’ignorance de ceux qui les
ont mis en.ufage j i° ; qu’ils font utiles pour prévenir
les engorgemens dont l ’atonie des parties
du bas-ventre favorife la formation , & que par
confequent la doctrine de la Motte & de fes feç-
tateurs eft fauffe dans fes principes comme dans
fes conféquences.
Une dernière obfervation fera encore mieux
germoître la folidité des principes que j’ai établis
; dans cet article. Après l ’adion d’un purgatif t
trop violent ou donné dans une circonftance qui
n’en exigeoit pas l’ufage, fi les felles ont été
abondantes, elles çaulent. une irritation douiolare
ufe ; mais elle eft accompagnée d’une foibleffe
dans les vifcères abdominaux, qui devient très-fatigante.
Les malades fou firent du poids des vifcères ;
un choc qui occafionne une feeouffe légère, augmente
les douleurs, &. ils ont des foibleffes. La même
chofe arrive chez les perfonnes qui ont les vifcères
, de la digeftion afîoibiis après les indigeûions. Si
on foutient leur ventre avec un bandage , elles
marchent plus facilement , elles n’éprouvent plus,
la même foibleffe , elles fupportent plus aifément
les chocs, les lecouffes. Cet état reffemble, comme
on le juge bien, à beaucoup d’égards, à celui d’une
nouvelle Accouchée; dans l ’un & l ’autre cas.il y
a affaiffement dans les parties abdominales ; furabon-
dance de liquides , avec irritation qui détermine toujours
l ’affluence des humeurs fur les vifcères irrités
; inertie, qui les abandonne à leur pefanteur;
d’où plus grande douleur, quand la pefanteur s’augmente
par la feeouffe : c’eft pourquoi les mêmes
moyens réufflffent en diflipant les effets de caufes
femblabies ; car celles-ci ne diffèrent des fuites de
l ’accouchement que par une moindre pléthore dans
le bas-ventre; mais l ’effet de l ’irritation eft égal
dans fon effence.
En décrivant les phénomènes de la groffeffe ,
j’ai démontré l ’exiftence d’un engorgement ( ce
mot n’eff point ici fynonyme d’obftrudion , i l
faut entendre un empâtement , l ’effet immédiat
d’unei circulation très-rallentie ) qui avoit fon fiége
dans les vifcères abdominaux. ( Voye\ G rossesse.)
J’ai également indiqué quelles étoient les qualités
nouvelles que contradoiént ces mêmes fluides
pendant leur féjour dans ces parties. On a vu par
les obfervations que j’ai réunies fur ce fujet, qu ils
avoient acquis un épaififfement qui en rendoit la
circulation plus difficile , ain-fi que leur mélange
avec les liquides qui abandonnent les vaiffeaux de
la matrice , pour fe mêler avec eux. La plénitude
des vafes de l ’utérus n’étant point une chofe con-
teftée , & la vîteffe avec laquelle ce vifeère fe contrarie
après l ’accouchement, forçant le fang qu’il
contenoit dans fes parois à fuivre d’autres routes ,
la reforbtion ne peut avoir lieu que par les veines
qui reportent le liquide au coeur ; mais le fyftême
veineux du bas-ventre n’étant pas libre lui-même 9
les vaiffeaux lymphatiques ont été comprimés
dans cette grande capacité , ils ont éprouvé une
s forte d’obftrudion (un empâtement univerfel ) :
l ’indication qui fe préfente , confifte donc à délayer
affez le fang pour faciliter fon retour dans
les voies générales de la circulation. On remplira
cet objet par des boiffons délayantes , 8c la
dépuration des fluides è|ui ont ftafé , 8c qui par con-
féquenf"ont fouffert quelque altération , aura lie»
par les fueurs ; elles commenceront même à pa-
roître avant rinvaûon de la fièvre de laff. Leç.
effets de cette dernière maladie feront aufli beaucoup
moins redoutables en fuivant les principes
que j’indique.
Le régime d’une nouvelle accouchée doit être
auflère par deux raifons. i° . Elle eft fur le point
d’être attaquée d’une fièvre qui eft inhérente à
fon état : donc il faut éviter qu’un chile nouveau
ne fe mêle trop abondamment au fang , dont il
rendroit la circulation plus.Taborieufe , & les accidens
de la fièvre plus dangereux. D’ailleurs ,
l ’irritation qui exifte dans les vifcères abdominaux
, met quelque obftacle à l ’élaboration du
chile ; il ne peut donc être que groflîer, acrimonieux
, & par cette raifon, au lieu d’être une nourriture
falutaire , il devient lui-même irritant, 8c
augmente le trouble qu’ont occafionné lés ira vaux
de l ’enfantement.
z°. La matière laiteufe accumulée dans l ’utérus,
& qui repaffe dans le fang , fert de nourriture à
la nouvelle accouchée ; c’eft une vérité dont on
trouvera la preuve dans l ’article deftiné â l ’examen
des eaux renfermées dans les membranes ; elle
fera mife dans tout fon jour quand je parlerai de
la fièvre dé lait. On doit donc' fe borner aux décodions
de végétaux qui fourni fient un extrait fucré,
comme' le chiendent, &c. ; ira y joindra les plantes
qui donnent Un extrait favonneux , comme la bou-
rache ; les principes falins qu’elle fournit, font
des atlénuans, dont l ’adion eft modérée, mais très-
utile , en ce qu’elle divife les fluides épaiffis dans
les vifcères ou. ils ont été retenus immobiles.
Tout "eft un objet d’inquiétude pour une femme
qui eft en travail : le fouVenir des dangers auxquels
un grand nombre ont fuccombé , lui donne
dés Craintes fur fa confervatiôn ; elle s’inquiète
des accidens auxquels, le foetus eft expofé. Ce font
deux caufes qui portent dans fon efprit un trouble
qui s’augmente encore par les douleurs de l ’accouchement
: l’agitation des vifcères du bas ventre ,
& les comprenions qu’ils éprouvent par la con-
tradion des parties qui tendent à expulfer le
foetus , font naître une fenfibilité extrême 8c une
fatigue qui s’empare de tous les organes. Il exifte-
donc un défordre prefque général au moment qui
füccède à l’accouchement ; la foibleffe qui en eft
inféparable , ne peut être diflîpée que par un repos
long-temps continué. D’ailleurs les malades font
dans l’épuifement : il tire fa fou'rce de l ’emploi des
forces contractiles , de la perte de fang qui fuc-
çède au décolement des membranes., des inquiétudes
qui ont agité l’ame. C’eft donc une cruauté,
dit un accoucheur anglois , de tourmenter une
femme qui vient d’accoucher ; on ne peut comprendre
quel eft le motif qui a déterminé à leur
interdire le repos , & à les tenir éveillées quand
elles ont le plus grand befoin de fommeil : rien
ne contribue comme lui à . réparer les forces.
Ceft par la même raifon que tout ce qui environne
une accouchée doit porter les marques d’une
tranquillité abfolue : il faut écarter loin d’elie le
tumulte du monde , les converfations , lés ufages
ennuyeux en félicitations menfongeres , effets d’une
coutume abfurde ; le bruit qui la tiendrûit éveillée
ou trop attentive, & l ’éclat du jour, qui peut la
bleffer. L’obfcùrité & le filence l’invitent a'u repos
; & s’il ceffe , il ne faut faire entendre autour
d’elie que la voix de ceux qu’elle chérit,, la
maintenir dans un calme profond & foutenu,'juf—
qu’à ce que les jours d’orages marqués par là nature
foient entièrement écoulés. .
La tranquillité de l ’efprit eft auili effentielle
que le repos du corps. La plus légère contrariété
caufe fauvent dés accidens gravés , parce ' que' la
fenfibilité eft extrême chez les accouchées : c’eft
une remarque qui n’a échappé à aucun obferva-
téur. On doit donc être attentif à ce qu’elles
n’éprouvent ni chagrin ni inquiétude il paroît
qu’une furprife, une frayeur fubite, océafîonnent chez
elles des ravages plus promptement deftrudeürs
que toute autre paflion. II en 'eft de même, de
toutes les révolutions qui ont -lieu , quand elles
font inattendues. Une république attentive ail
falut des citoyens qui la compofent , a défendu
de rien faire qui puiffe troubler le repos d’une
nouvelle accouchée ; & afin que ces ordres fuffent
fcrupuleufement fuivis , elle a. ordonné qu’on
plaçât fur la porte de la maifon un figne qu’elle
a indiqué , qui avertit les officiers même de la
juftice, lelquels, fous quelque prétexte que ce
fo it , ne peuvent éluder l ’exécution de cette loi :
ufage bien fagement établi , dit le commentateur
de B.oerrhaave , & bien digne d’être imité par les
autres nations.
Les nourritures liquides font les feules qui
conviennent à une nouvelle accouchée. J’ai déjà
dit plus haut en quoi elles dévoient confifter; mais
i l faut diftinguer à cet égard les femmes qui
allaitent leurs enfans, d’avec celles qui les font
nourrir par des mères étrangères. J’ai parlé du
régime de celle-ci, je dois ajouter un. mot du
régime des autres.
Le lait étant deftiné à l ’enfant', ne peut pins:
réparer les pertes de la mère ; on lui donnera des*
bouillons de viande coupés avec portion égale de
déepétion de végétaux, en fuppofant que la femme
en couche n’éprouve aucun accident ; car s’il y
avoit fièvre inflammatoire , on la réduiroit aux décodions
végétales. Quand la fièvre de lait fe
manifeftera , on aura foin de diminuer la portion
de bouillon animal. La règle la plus fuie eft
celle ■ — ci. Le premier jour , les proportions
de ces deux alimens feront égales ; le fécond
jour , on diminuera un quart de bouillon fur la
même quantité de tifane. ; le troifième, jour on
diminuera moitié du bouillon de la, veille , en
forte qu’il n’en , relie qu’un huitième ; mais on
rendra les décodions végétales plus . nourriffantes
par l ’addition du ris ou.de quelque autre graine céréale.
Cependant il faudra avoir égard a l ’efpèce
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