
C ’éft peut-être à ces efpècés de décharges que
Ton doit la rareté des orages dans certaines contrées.
Kolbe nous dit qu’au Cap on ne eonnoît de
tonnerres & d’éclairs que dans les mois de feptembre
& de mars , & qu’encore font-ils fi légers , qu’ils
n’infpirent jamais aucune frayeur.
Aux météores éleéiriques , on peut joindre les
iremblemens de terre. L ’hiftoire nous apprend que
VAfrique en a éprouvé en différens temps de con-
fidérables. En 741 , le tremblement qui fe fit fentir
dans tout l ’orient ébranla auffi l ’Egypte. Shaw
dit que la Barbarie y eft fort fujette ; & il y a en
effet dans cette partie de Y Afrique un affez grand
nombre de fources minérales fulfureufes. Ce voyageur
parle, entre autres, de deux tremblemens coüfi-
dërables , arrivés, l ’un en 1716, l ’autre en 1717
& 17x4 , dans lequel beaucoup de maifons furent
renverfées & des fources di{parurent. L ’dn fait
que dans le tremblement de 175 $ , qui fut fi fuT
neffe à la capitale du Portugal , Y Afrique fut
ébranlée , Fez & Méquinez furent renverfées pref-
que totalement , & les Açores éprouvèrent di-
verfes fecouffes.
Ce n’eft pas ici le lieu de parler des trombes.
A 1 egard de l ’état de l ’aiguille aimantée , je
me contenterai de dire ici qu’en 1700, lorfque
M. Halley dreffa fa carte des déclinaifons , la
déclinaifon étant nulle à l ’ile de F e r , les déclinaifons
obfèrvées en Afrique, d’occident en orient,
fe font trouvées occidentales depuis o jufqu’à 50
degrés. On fait que depuis ce temps les declinai-
fbns entre ces méridiens ont toujours augmenté
vers l ’oueft. Pour l ’inclinaifon , 'on fait quen gé-‘
J^ ral elle eft auftrale ou boréale , fuivant qu on
l ’obierve au fud ou au nord de la ligne. Au
refte , l ’influence de ces variations fur la nature,
& les qualités phyfiques des climats , n’eft pas
encore aflez connue pour qu’il foit utile d’entrer
a ce fùjet dans de plus grands détails.
$. V .
Divifion de /’Afrique en diverfes régions, d’après
J a difpofieian phyfique , & les données précédentes.
Ayant décrit les principales dire étions des montagnes.
& des fleuves, ayant préfenté la pôfîtion
générale de Y Afrique, relativement au cours du
loleil & au mouvement commun de l ’atmofphère
fur cette partie du globe , ayant par conféquent
déterminé généralement l’ordre des faifons & des
températures en tant qu’elles dépendent de ces
caufes ûniverfelles , je puis enfin préfenter un en-
femble des différentes régions qui partagent Y A -
frique , 8c dans lefquelles çes caufes générales ,
variées par la figure des lieux , forment pour chacune
un ordre particulier dê'température, de vents 1
de météores, de révolutions, déterminés par les
circonftances. Je ne pourrai pas entrer dans totre
les détails que cet objet comporte. Qu’il me fuf-
fifè d’avoir tiffu de mon mieux la trame générale
fur laquelle ces différens tableaux, tracés par de
mains plus habiles que les miennes , pourront un
jour compléter un travail utile , mais dont on n’a
eu jufqu’ici que de légères ébauches.
Le premier baffin contient trois régions phyfi-
quement différentes, Y Egypte , la Nubie, &
YAbiJfmie.
1. De toutes les régions dé Y Afr iqu e , la plus
anciennement connue , & la première pour fa fitua*
tion relativement à nous , eft Y E g y p te , elle
occupe la partie la plus baffe du premier baflin y
entre le $id 30', & le z$' de lat. fept. ; le
47 ** 5° » & le ço*1 iç ’ de longitude, en prenant
cette largeur fur la bafe du Delta y d’Aboufir à
Pelufe; ce qui eft la plus grande étendue de l ’Egypte
habitable. Fermée a l ’orient & à l ’occident
par deux chaînes de montagnes , nées de celles
d Abiflinie , elle reçoit dans ce canal étroit un feul
fleuve , fameux par l’ordre & la régularité de fes
débordemens , le. Nil. C ’eft de lui qu’elle obtient
toute fa fertilité. J’ai déjà dit quelle différence il
y avoit entre les faifons réelles ou phyfiques de
l ’Egypte , 8c fes faifons aftronomiques. J’ai déjà
dit que l ’ordre des vents & les débordemens dévoient
être confidérés comme caufes principales de
la marche fucceffive des faifons en Egypte. Mais
je parlerai encore plus au long de cet objet, quand
il s’agira de comparer les maladies de ce pays
avec fa température , & de déterminer l ’influence
de fes faifons fur les hommes qui l’habitent.
( J^qye^ §. X .) Ici , où mon but eft feulement
d’établir des divifîons nettes & caraétérifées , il me
fuffit de remarquer que l ’Egypte fe diftingue des
autres régions de Y Afrique par la nature & l ’ordre
de fes vents , par la forme de fon terrein y
par la régularité & l’égalité des débordemens du
N i l, & la fertilité prodigieufe qui en réfulte , &
en même temps par l’abfence totale des pluies 8c
des orages dans la plus grande partie de fon étendue.
On eonnoît, outre cela, fa divifion en Egypte
baffe ou D e lta , & en haute Egypte r ou Sdid.
On fait que le Delta tout entier, formé d’atter-
riffemens par l’aétion combinée du N il & du vent
du nord, eft compofé de limon & de fable. M.
Savary nous apprend que cette partie fertile de
l ’Egypte, continuellement élevée par le N il lui-
même , l ’eft maintenant aflez pour n’être plus
complètement'inondée par les crues de ce fleuve.
On fait que dans le refte de l ’Egypte la partie
du milieu feule, c’eft-à^dire , les environs du N il
depuis Syenne ou Ajfuan jufqu’au Caire, & la
province de Fatum, fameufe par le lac Mcc-
ris ou de Kern , ou le Birket Carouri , eft
inondée , cultivée , & fertile. Son fol eft recouvert
par ce fameux limon du N il qui fe dépofe
fur ies terres; qui, quand il eft humide, eft aflez
volumineux & moins noir alors que notre terreau y
mais qui fe réduit, en fe séchant, à une très-petite
mafle grife, qüf, fuivant M. Shaw, doit élever
tous les fiècles le fol de l’Egypte d’un peu
plus que la mefure d’un pied d’Angleterre. On
fait que le refte de l ’Egypte ; à l ’orient comme
à l ’occident , eft montagneux , aride, llérile, &
ne donne de' retraite qu’aux bédouins ou., arabes
du défert; en forte qu’on pourroit encore divifer
l ’Egypte en partie baffe', habitable, cultivée ou
inondée, 8c en partie fiérile , aride, inhabitable,
ihontagneufe. Ces montagnes à l’orient, élevées
fur une bafe granitique, s’étendent jufqu'à la mer
Rouge , & s’avancent jufqu’à Suèz. Celles de l ’occident
, fuivant M. Savary, ont une bafe calcaire,
viennent fe continuer avec l’Atlas ; & c’eft au nti-
lieu d’elles que font les Oajis , efpèces d’îles
fertiles , entourées de cés mers de fables qui les
défendent de l ’approche des voyageurs , • & qui pa-
roiffent appartenir davantage à la Libye & au Sahra
qu’à l ’Egypte. On dit que la plus leptentrionale
o entre elles étoit la fameufe Oafis d’Ammon, célébré
par fes temples & fes oracles.
On verra autre part quels font les habitans^ de
l ’Egypte , fes productions , ^infi que celles du
refte de Y A fr iq u e, fa falubrité dans les différens
temps ainfî que dans les différentes contrées'" qui la
partagent.
Enfermées dans la même enceinte de montagnes,
mais placées fous une autre latitude, la Nubie 8c
V&bjlGnie forment deux autres régions bien différentes
de l ’Egypte par leur température , &
bien différentes entre elles par la nature de leurs
habitans.
* z. Les nubiens , plus feptentrionaux que les
abiflins , plus élevés que l’Egypte , font cependant
entièrement noirs fans ce caraftère bien remarquable,
on ne feroit , à beaucoup d’égards ,
qu’une région de la Nubie & du pays des abif-
fms. Ils font, avec ceux-ci, compris dans la zône
torride ; & les limites les plus feptentrionales de
leur pays font placées fous le tropique. Leur climat
eft fec & brûlant ; leur pays eft montagneux
en partie , mais aflez fertile lur les bords du N i l ,
du Tagaze , & de la rivière Blanche. I l conferve
cette reffemblance avec l ’Egypte , & cette différence
d’avec l’Abiflinie, que fes montagnes font ftériles
& arides comme celles de l ’Egypte , & que les
parties baffes , & qui environnent les fleuves, font
les feules habitables & fertiles. ,
3. Les Abiffins placés plus profondément, par
conféquent dans la partie la plus élevée du même
baflin , & plus près de l ’équateur , ne font néanmoins
que bafanés & olivâtres. Leur climat eft
aufli brûlant que celui des nubiens , mais leur pays
eft encore plus montagneux ; & les, montagnes
ne font pas ftériles. Ce pays s’élève comme par
degrés vers le fud , & jouit de l ’avantage de tous
les pays montueux, fans être arides, de réunir toutes
les faifons à la fois, félon les hauteurs auxquelles*
on eft placé. D’ailleurs l’Abiflinie eft inondée
par des torrens, & arrofée par des pluies abondafites
depuis le mois de juin jufqu’au mois de
feptembre. Elle renferme les fources du N i l , ou
au moins de cette partie du N il que quelques-uns
nomment Y A b awi , & les débordemens du N il
lui-même répondent , par leur époque & leur
durée , au temps & à la durée des pluies d’Abif*
finie ; en forte que ce pays peut être regardé
comme le réfervoir de prefque toutes les eaux de
l ’Egypte, & par conféquent comme l ’arbitre de fa
fertilité. Au refte la Nubie & l ’Abyflïnie, placées
entre le tropique du cancer & l ’équateur, fuivent,
pour la divifion de l ’année , l ’ordre & les périodes
que j’ai dit être propres aux pays filués dans
cette latitude. Malgré ce la , je les place ici -immédiatement
après l’Egypte , parce qu’elles font
enfermées dans les mêmes chaînes de montagnes,
qu’elles appartiennent à un même baflin, & que
le N il leur eft commun à toutes.
4. L a Barbarie forme une quatrième région
qui remplit tout le fécond baffin. Dans le milieu
de fa partie occidentale , elle s’avance jufqu’au
delà du trente - feptième degré de latitude nord*
A l ’égard de fa profondeur , il ne faut pas la
juger fur ce qu’en offrent aux yeux les cartes géographiques
ordinaires, qui réunifient le Bilédul-
gérid à la Barbarie. On ne doit prendre cette
profondeur que de la mer au fommet des chaînes
qui compofent l ’Atlas. Mais pour fixer encore
mieux les idées , qu’on obferve les rivières que
les géographes ijous préfentent dans ces deux contrées
: les unes vont du fud au nord , & fe perdent
dans la Méditerranée ; ce font celles-là qui appartiennent
au baflin de Barbarie & à la région dont
il eft actuellement queftion. Les autres vont du
nord au fud, & fe perdent dans les terres : ce font
celles du Biléduigérid ; elles n’appartiennent ni à
la quatrième région , ni au fécond baflin. Qu’on
tire maintenant une ligne qui laiffe d’un côté les
fources propres au Biléduigérid , & fépare de l ’autre
celles qui coulent dans le baflin de Barbarie,
& on aura tracé la ligne qui doit répondre au
véritable fommet de l ’Atlas. L ’intervalle entre cette
ligne & le bord de la mer, eft l’ enceinte phyfique
du fécond baflin, & de la quatrième région ,
ou de la région de Barbarie. Cette région, dans
fa plus grande profondeur , n’excède guère la mefure
de trois degrés géographiques , & d’orient
en occident , elle s’étend du quarante-cinquième
au troifième degré de longitude orientale , c’eft-
à-dire, depuis l ’Egypte jùfqu’au cap Bojador. Les
géographes ne l’etendent pas fi lo in , & la terminent
au cap Non , dans le feptième degré de
la même longitude ( 1 ).
J’ai déjà parlé de la température & des faifons
de la Barbarie. J’ai dit que ce pays étoit chaud
en général , mais point exceflivement, fi ce n’eft
dans la partie de Tripoli & de Barca, dans laquelle
' (1) Je compte ici la longitude à commencer de V ile
de F e r , ainfi que les anciennes cartes.