
tire cette fubftance connuë fous le nom de gelée.
J’ai déjà dit que les gelées végétales , prefque toujours
affociées à des fubftances acides, ou fucrées,
ou aftringentes , feroient traitées dans la quatrième
clzfted alimens ; ici donc je ne m’occuperai que des
gelées animales. J’ai dit déjà de quelles parties des
animaux on pouvoit les tirer. Je ferai ici l’énuméra-
iion de celles feulement avec lefquelles on eft dans
l ’ufage de les préparer.
Les cornes, les os , les extrémités des animaux,
la çolle de poilfon, ou l ’eftomac féché de l ’eftur-
o-eon, la chair des jeunes animaux, du veau, du
poulet, & c ., font les parties qui fourniflent le plus
communément les gelées dont nous ufons.
Les gelées étant pénétrées d’une grande quantité
d’ eau, ont un volume beaucoup plus grand que la
partie dont elles ont été tirées , femblables en cela
à la gomme adragant, dont nous venons de parler :
elles font toutes plus ou moins adouciflantes ; elles
le font d’autant plus, qu’elles font moins mêlées de
parties extraftives ou de fubftances étrangères, ajoutées
pour leur donner du goût ou de 1 agrément.
A cela près, elles ne diffèrent entre elles que
par plus ou moins de ténacité & de glutinofîté.
De toutes, la plus légère, la plus tranfparente,
& la plus douce, eft celle qu'on prépare avec la
colle de poiffon, ou Teftomac d’efturgeon replié
& féché. Celte fubftance, mife en gelée, n’a pas
la plus petite vifcofité ; elle fond- dans la bouche'
& eft peut-être un des alimens les plus adouciflans
qui exiftent. Abfolument fans couleur & fans faveur,
elle eft fufceptible de les prendre toutes, & tous
les mélanges agréables qu’on lui unit y confervent
toute leur faveur fans altération , & feulement modifiée
par la nature douce de cette gelée ; auffi eft-
çe la fubftance la plus employée dans les offices, Eour faire des gelées agréables, avec les fucs des
uits qui ne prennent pas aifément cette forme.
Je crois que c’èft auffi une des fubftances qu’on
peut employer avec plus d’avantage pour la nourriture
, dans certaines maladies longues, & dans
celles où l ’on craint d’irriter & d’échauffer.
Après cette fubftance , la première pour la pureté
eft la gelée qu’on tire de la corne de cerf ou
de l ’ivoire ; enfuite celle des os des animaux, des jeunes
volailles, de leurs extrémités, des pieds de veau,
de mouton ou de cochon , & enfin des chairs du
veau. Celle-ci eft fouvent mêlée d’un peu de partie
pxtrattive, qui lui donne plus de goût. En les préparant
pour l ’ufage de la table , on les mêle fou;r
yent avec le jus de diverfes viandes, ce qui quelquefois
les rend âcres ; on les aromatife & on les
aflaifonne de mille manières. Ces qualités étrangères
font d’un aliment fain & falubre, un aliment
échauffant & quelquefois nuifible. • , .
I l eft une autre préparation qui mérite ici une
attention particulière, c’eft celle qu’on connoît fous
Je nom de tablettes de. bouillon. Elle confifte à
mettre les extraits & les gelées de viandes fous
forme sèche, pour être tranfjportées dans les voyages
de long cours, & fecvir à la nourriture de l’équipage
& au ioutien des malades. Le fuc des viandes ordinaires
ne prend pas aifément cette forme , il
s’hume été à l’air ; il faut lui joindre les parties des
animaux qui donnent beaucoup de gelée , alors
l ’extrait même de boeuf prend la confiltance sèche,
& refte dans cet état. Mais il eft une obfervation
à faire , c’eft que dans cette deflîccation complète,
la partie extra&ive devient très-âçre ; que la partie
géiatineufe même , avec quelque précaution qu on
la defsèche, (& comment la denécher en grand avec
toutes, les précautions néceflaires 1 ) fe rouflit 8c
prend un léger goût d’-empyreume 5 en forte que
quand vous faites fondre dans l ’eau ces tablettes,
jamais elles n’ont le goût de bouillon que vous en
attendez ,• elles ont quelque chofe ou d âcre ou de
rebutant. Qu on fonge en effet à ce que nous
avons dit de l ’effet de la décoétion fur le mucilage
vifqueux des animaux ; il eft clair qù’elle
y opère un changement, avantageux d’abord.
Mais la gelée qui en réfulte, féchée & redif-
foute, doit éprouver un nouveau degré d altération
; & ce degré, qui réfulte de l ’aétion combinée
de l ’exficcation de la diffolution & de la chaleur
qui eft l ’intermède néceflaire de ces deux opérations,
eft - il bien aifé de le déterminer ? ne peut-
il pas changer un aliment, fàlubre en une nourriture
infalubre ? Sans doute il faut, fur-tout, dans
les voyages de mer, bannir toute délicateffe ; mais
i l ne faut pas mettre au rang des délicateffes , les
, foins qu’exigent la fanté de l ’équipage & la guéri-
fon des malades. Aflaillis de toutes les caufes qui
peuvent nuire à la fanté & altérer les humeurs ,
une des précautions les plus néceflaires à la falu-
brité, eft celle qui confifte dans le choix des alimens ;
& les alimens animaux, de quelque manière qu’ils
foient altérés, peuvent devenir très-préjudiciables.
On a donc imaginé, & c’eft une méthode utile,
de joindre les fécules ou les gelées végétales aux
gelées animales, 8c de.les affailonner avec des acides
végétaux qui ne puiflent point nuire à la deflîccation.
La colle de poiffon qui n’ a éprouvé aucune action
du feu, qui eft la membrane même qui fournit
la gelée , dont la gelée eft d’ailleurs douce & fl
légère, ne feroitrelle pas un approvisionnement
\itile ? & ne pourroit-elle pas fur-tout être employée
pour les perfonnes délicates ou convalef-
centes ? Beaucoup d’autres poiflons que l ’efturgeon
ne pourroienc-ils pas fournir une gelée auffi parfaite
? 8c ne pourroit-on pas rendre cet aliment affez
commun pour qu’il fût d’une dépenfe très-médiocre ?
Au reffe, la partie de la nourriture des gens de
mer, traitée avec fupériorité par un de nos confrères,
M. Defperrières , traitée avec célébrité par
Pringle, mife en exécution avec le fuccès le plus
éclatant & l ’intelligence la plus grande, par le
célébré Cook, fera traitée dans un article à part,
& je nfabftiendrai d’un plus grand nombre de ré-,
flexions à ce fujet»
IV. C L A S S E .
JD es A c i d e s v é g é t a u x , du s u c r e , <S* des
alimens végétaux dont la bafe efl une fubfiance
OU MU CILAG1 REUSE OU G É LAT1R EU SE.,
COMBIRÉE P RI R CIPALEMER T AVEC UR
ACIDE OU URE MATIÈRE SUCRÉEg
Que les acides végétaux, le fucre, le mucilage,
la fécule, la gélée animale , & la partie , foit glu-
tineufe végétale , foit fibreufe animale , aient
'toutes une feule & même bafe, c’eft ce que je n’ai
plus befoin de démontrer.
Que la bafe oxalique qui leur eil ‘commune a
tous, n’ait befoin que de diverfifier fes combinai-
fons, pour produire toutes ces fubftances ,N c’eft ce
que l ’analyfe chimique moderne a mis hors de
doute.
Que ces diverfes combinaifons s’opèrent tant dans
les végétaux que dans les animaux, c’eft-à-dire ,
que ces deux ordres de corps organiques foient
difpofés pour former, avec des acides , du fucre ; avec
du fucre, de la fécule ou de la gelée, &c., c’eft 'ce^
dont il eft difficile de douter, quand on remarque les
phénomènes fucceflifs de la végétation & de l ’ani-
malifation.
Tous les fruits fucrés commencent par être acerbes,
deviennent acides , & finiffent par être fucrés.
Ainfi, deux ordres d’acides végétaux fe fuccèdent
avant que le fucre fe forme ; & par la formation
du fucre, ces acides difparoiflent. Tous les fruits
acides ont commencé par être acerbes ; ainfi l’acide
acerbe, reconnu pour l’aciqe gallique , fe change
en acidulé oxalique, qui eft l’acide de la plupart
des fruits acides parvenus à leur maturité... .. Les
femences farineufes , avant de* prendre le caractère
farineux, ont la plupart le goût fucré. On n’en
.peut douter dans les légumineufes & même dans
les céréales; ainfi le fucre paroît fe changer en fécule.
Prefque tous nos alimens prennent, dans notre
eftomac, un caractère, d’acidité ; cependant aucune
de nos humeurs n’eft acide ; cet acide s’efface donc.
— Qu’on examine le la it , qui, entre les humeurs
de notre corps fufceptibles" d’être connues & analysées,
eft certainement celle qui fe rapproche le
plus de l’état de nos alimens , qui en eft formée le
plus immédiatement, qui eft le moins animalifée ,
on n’y trouve point d’acide, on y trouve du fucre.
Qu’on examine enfuite nos autres humeurs nourricières
, dans iefquelles fe transforme évidemment
le la it, on n’y trouve plus de fucre, on y trouve
de la gélatine, de la fubftance albumineufe, de la
fubftance fibreufe, & cependant le fucre n’a pafle dans
aucune liqueur excrémentitielle. L’acide a donc dif-
paru, le fucre a pris la place de l ’acide ; le fucre
a difparu à fon tour, & a laifle la place aux autres
fubftances nourricières dont je viens de parler.
Comment fe font ces métamorphofes ? C ’eft: encore
un ihyftère; mais l’état aéluel des connoiflan-
ees chimiques nous fait préfumer que ce myftère
ne fera pas long-temps impénétrable ; & déjà j ’ai
expofé dans le §. III de l’art. Ier, quels aperçus?
paroiflent réfulter de ce que l ’on conqoît à prélent
de la nature des corps & de ces opérations de la
nature. . ’ ^ • fl, ;
Ainfi, la plupart des acides végétaux contenus dans
nos alimens , 8c le fucre, a plus forte raifon, contribuent
à notre nourriture. Mais comment & dans
quel état ces fubftances peuvent-elles nourrir, c’eft
ce qui mérite d’être examiné avant d’entrer en matière.
De s acides végétaux confidérés comme alimens.
Premièrement, je n’entends ici par acides végétaux
, que ceux qui exiftent dans nos alimens très-
naturellement, c’eft-à-dire, qu’on en retire fans le
fecours du feu & de la fermentation.
Ceux que la nature forme d’elle-même dans les
fruits qui nous fervent tfalimen s , font i°. Y acidulé
oxalique, qui eft l’acide oxalique uni à un peu
de potafle ; c’eft un des plus répandus dans les végétaux
, non feulement par fa bafe , mais en nature
tout formé. i° . JJacidulé tartareux, qu’on trouve,
non feulement dans le verjus, mais dans le fuc du
raifîn , avant la fermentation ; il eft compofé de
l ’acide tartareux uni de même à un peu de potafle.
3 °. Vacide malique, qui eft un acide particulier aux
I pommes. 40. Vacide gallique, qui eft celui qu’on
croit exifter dans toutes les fubftances acerbes.- 5°.
Vacide citrique qui eft l’acide propre au citron,
au limon, à l ’orange, &c.
Je ne mets ici ni l ’acide açefcent, ni l ’acide du
vinaigre, qui font le produit d’altérations Spontanées
; ni l ’acide oxalique pur qu’on ne trouve jamais
abfolument t e l , fans lé fecours de l ’analyfe.
Les acides mêmes dont je viens de donner l ’énumération
ne font jamais feuls dans nos alimens ;
ils font toujours unis à plus ou moins de mucilage
ou de fubftance géiatineufe, d’où réfulte cette question
, ces acides ifolés & féparés. du mucilage
nourriroient-ils? ou ne deviennent-ils nutritifs , qu’à
l ’aide du mucilage ou de la gélatine à laquelle ils
font unis ? Queftion difficile à réfoudre, & dont
la fécondé partie paroît la plus probable.
Premièrement, il eft démontré qu’aucun de ces
acides ne nourrit comme acide, puifqu’ils n’exiftent
comme tels nulle part dans le corps fain , pas même
dans le lait.
Secondement, tous les eftomacs fe refufent aux
acides, même végétaux, trop purs , en font lefés, en
éprouvent des douleurs & des coliques, ce qui
prouve que moins ils font étendus d’eau ou mêlés
de mucilage , plus difficilement ils fe digèrent ;
peut-être même ne font-ils partie de la mafle alimentaire
, que par la neutralifation qui s.en fait
néceffairement dans les inteftins, par le, mélange
de la bile ; d’ailleurs on fait que les fucs acides ne
font fufceptibles de fermentation, que quand ils
font unis à beaucoup’ de mucilage ou de fubftancs