
par laquelle les molécules d’un corps fe tiennent
réunies les unes aux autres ; on lait que c’eft elle qui
eft la caufe de la conlïftance, de la dureté, & que c eft
à elle qu’eft due la réfiftance qu'on éprouve à féparer
une maffe en plufîeurs autres. Les corps qui en
jouiffent font appelés agrégés , afin de les distinguer.
des fimples amas ou tas , dans lefquels
les molécules d'une fubftance quelconque ne font
que .juxtapofées , & n’ont aucune elpèce d'adhérence.
Ain fi, par exemple , un morceau de racine de
rhubarbe Sèche ell un agrégé; fi vous la divifez
à l'aide de la pulvérifàtion , vous détruiSez Son
agrégation, & vous la faites paffer à l ’état d’une
poudre qui n’eft plus qu’un tas ou amas.
Les chimiftes s’occupent avec beaucoup de-foin
de cette force d’adhérence, qui n’eft que l’attraction
confîdérée dans chaque corps; ils démontrent,
par un grand nombre de faits, qu’elle s’oppofe à la
combinaifon ; il eft eflentiel de faire voir qu’elle
influe auffi fur Y action des médicamens.
Plus un corps préfente de furface, &• plus il a
de prife fur les organes des animaux, puifqu’il
s’applique à un grand nombre de points de ces
organes : la vérité de cette propofition , qui ne
peut être conteftée , conduit à penfer que, toutes
chofes d’ailleurs égales, un médicament dont l ’agrégation
eft très-forte, doit avoir une action beaucoup
plus foible que celui dans lequel l ’adhérence
des molécules eft moins confidérable; on
pourroit même regarder comme une forte d’axiome,
que la vertu de deux médicamens étant fuppofée
la même, l ’énergie de leurs propriétés eft en rai-
fon inverfe ■ de leur agrégation comparée. C’eft
ainfi qu’un grain- de poivre, n’agiffant prefque que
par fa maffe & fon volume , ne produit qu'un
effet peu fenfîble fur l ’eftomac , tandis que le
même grain en poudre peut exciter une chaleur ,
une âcreté, & une action affez vives pour donner
beaucoup de ton a ce vifcère ,. & y faire naître
même l'inflammation.
Mais pour mieux indiquer les modifications que
la force d’agrégation apporte dans les vertus des
médicamens , il faut examiner la diverfité de
celte force dans les différentes fubftances que la
nture & l ’art fourniffent • à la matière médicale.
On peut diftinguer en générai- cinq fortes d’états
parmi les agrégés connus , la dureté ou la
foiidité, la molleffe, la liquidité , l ’état de va*-
peur, & l’état aériforme. Quoique chacun- de ces
agrégés préfente à l ’oeil & au tâél des différences
très-frappantes , il eft cependant certain qu’ils ne
font réellement diftinCte les uns des a.utres que
par la diverfité des degrés de la même force* r
puifque l ’art des chimiftes parvient fpuvent à
changer 8c à détruire l’agrégation la plus forte,
de manière à faire paffer le corps le plus dur &
le plus péfant à l ’état d’un fluide élaftique , qui
eft le dernier des agrégés, celui où la cohérence
des molécules eft la moins confidérable. On prouve .
encore que la confiftance comparée de ces divers
agrégés ne dépend que des modifications parti-»
culières de la même puiffance naturelle , puifqu’à
l’aide du feu cette propriété s’affoiblit dans un
oçdre confiant. En effet, le corps le plus dur
commence par fe ramollir ; bientôt il coule &
fe liquéfie ; peu . à peu il s’élève dans l ’atmol-
phère fous la forme d’une vapeur vifible; ,& enfin,
fi la même force qui tend à diminuer & à
anéantir fon agrégation , continue d’agir fur lu i ,
fes molécules s’écartent-, fe divifent , & s’éloignent
tellement les unes des autres , que ce corps
devient élaftique , invifible y & aufïi tranfpapent
que l’air. On obferve ces phénomènes & ces paf-
fages réguliers d’un état d’agrégaton folide juf-
qu'à celui de l ’agrégation aériforme , dans l ’eau
glacée, le foufre , les métaux volatils, les huiles
effentielles concrètes , &c. , & que la chaleur
ramollit, liquéfie , vaporife, & réduit a l’état aériforme.
L a même confiance ,. la même régularité fe
font encore apercevoir dans un ordre inverfe , iorf-
que ces mêmes fubftances auxquelles la chaleur
avoit enlevé leur agrégation , font expofées a
une température froide & capable de la leur refi-
tituer. De l ’état aériforme, elles paffent à celui de
vapeurs ; ces dernières forment peu à peu des gouttes
qui perdent bientôt leur fluidité, prennent la confiftance
molle , & acquièrent plus ou moins vite
la dureté 8c la foiidité qu’elles, avoient avant d’avoir
été expofées à. Y action du feu. '
Ces détails , relatifs à- la force d’agrégation
&. aux différens agrégés , fuffiront pour faire concevoir
l ’influence -de cette propriété fur Y action &
les effets des médicamens.
Un corps dur r & qui. jouit d’une cohérence.très-
forte entre fes molécules , ne peut avoir qu’une
action peu marquée , fi fa folubilité n’eft en même
temps que peu confidérable. S’il n’eft pas fufceptible
de fe diffoudre dans nos humeurs ,, il n’a alors d'autre
effet fur l ’économie animale , que celui de fa maffe^
de fon volume , & de fa gravitation. Mais s’il
eft très-diffoluble dans les fucs gaftrique & intef-
tinal , ou dans la bile , fon action fera ralentie
par fon agrégation ; elle ne s’exercera que peu
à peu & à mefure que-fa furface ou fa couche externe
ure fera djffoute par les fluides animaux. Il fuit
de la , que fi l’on veut donner un médicament qui
n’âgiffe que lentement & peu à peu , on peut
l'adminiftrer dans cet état d’agrégation , pourvu
qu’il jouiffe d’une grande folubilité. Cependant i l eft
très-rare qu’on prefcrive des remèdes fous cette
forme ; r0. parce que leur dureté & leur maffe
peuvent nuire; i° . parce qu’ils n’ont qu’une action
extrêmement lente 8c. infidèle ; 30. parce que la
plus grande partie- d’un, médicament adminillré de
cette manière, parcourt le trajet des inteftins, &
eft rejetée avant d’avoir produit les effets qu’on
pourroit en attendre.
L ’agrégation des corps mous & du&iles ■ eft
beaucoup plus favorable aux impreflions: médicamènteufes.
Cette confiftance n’accompagne jamais
que les fubftances fufibles par la chaleur, & dif-
foiubies dans plufîeurs fluides Les médicamens qui
font dans cet état , fe divifent facilement dans
l ’eftomac ; ils s’appliquent à plufîeurs points de
fes parois ; ils fe délayent dans les fucs qui ar-
rofent ce vifcère; & .ils font diftribués également
dans toute la continuité du canal alimentaire.
Cette agrégation , ainfi.que la précédente, offre
plufieurs° degrés de molleffe, & il n’eft pas befoin
de faire obferver que la diverfité dans la promptitude
& l’étendue des effets fuivra néceflairement
celle de la confiftance. Cette forme a paru fi
utile dans les médicamens, qu’on a -multiplié ceux -
qui en jouiffent , tels que les éle&uaires , les,
opiats , les confections , les pilules , &c. C eft
particulièrement lorfqu’on délire- que Y action des
remèdes foit affez prompte & s’exerce fur les
membranes nerveufes des vifcères de la digeftion,
qu’on leur donne l ’état de molleffe ; on a encore
1 avantage de les faire paffer dans les fécondés
voies. & dans le fyftême vafculaire , fans que leur
nature & leur énergie éprouvent d’altérations affez
fortes pour qu,é leurs .vertus s’affoibiiffent.
Lorfqu’on traite des maladies dont la furabon-
dance des humeurs & l ’excès des fluides fur les
folides font une caufe où un effet auquel l ’art
doit s’oppofer*, on conçoit aifément que les nié-
dicamens prefciits dans l’état d’agrégés folides
ou mous , rempliffent, par cette forme même, une
des principales & des plus urgentes indications.
Ainfi, dans les affeCtion chlorotiques , dans plu-
fieurs cas d’hydropifie, on infifte quelquefois avec
fuçGès fur la féchereffe des médicamens , & on les
àdminiftre avec fuccès fous la forme de pilules ,
d’extraits , de / conferves , d’opiats , ou même de
poudres & de tablettes.
Enfin cette efpèce d’agrégation réunit encore
aux avantages précédens , celui de diminuer &
d’annuller même , dans certains médicamens, plu-
fieurs propriétés , telles que la faveur amère &
nauféeufe , l’odeur fétide , qui rebutent les malades,
& qui empêchent même quelques-uns d’entre eux
de pouvoir en faire ufage. Dans cette vue, les
médecins , qui doivent avoir à coeur de ne point
éloigner leurs malades des remèdes qui peuvent
leur être utiles & meme néceffaires, 8c d’écarter
d’eux le dégoût dont i’impreflïon nuit toujours aux
effets des médicamens , ont foin d’adminiftrer les
végétaux amers , les fols âcres & urineux , les foies
de foufre , l’ affa foetida , le camphre , & c ., fous la
forme sèche , & parent ainfi â tous les inconvé-
niens, en réduifant d’ailleurs ces fubftances défa-
gréables fous le plus petit volume poflîble.
La fluidité eft l ’état le plus ordinaire dans lequel
ou emploie les remèdes. Leur aCtion , fous cette
forme , eft d’autant plus énergique , qu’ils parviennent
plus facilement & plus fûrement aux
endroits du corps humain. fur lefquels on.,veut
quelle ait lieu. Ils fe portent fur un grand nombre
de points des organes qui les reçoivent ; ils pénètrent
avec plus d’aCtivité tous les canaux , 8c
ils s’infinuent par-tout avec promptitude. Cette
forte d’agrégation eft d’une très-grande utilité
pour étendre 8c pour divifor les remèdes les plus
aétifs & les plus forts , de manière à ce qu’ils
ne puiffent produire que les effets qu’on en attend,
fans porter le trouble dans l ’économie animale.
C ’eft ainfi qu’un demi-grain de fublimé corrofif,
qui exciteroit des douleurs vives , des vomiffemcns,
des convulfions , des foibleffes , & tous les fymp-
tômes de l ’empoifonnement chez „les perfonnes
fenfibles , fi on le donnoit en nature , féjourne
quelque-temps dans l ’eftomac & les inteftins, en
parcourt le trajet ,•& eft abforbé par les vaiffeaux
lymphatiques , fans produire aucun effet alarmant,
& fouvent même fans annoncer fon exiftence par
aucune fenfation défagréable, lorfqu’on l’adminiftre
diffous & exactement divifé dans une- pinte de
liquide. La fluidité dans les médicamens eft auffi
fuivie des effets généraux du volume & de la pe-
fanteur ; elle ajoute prefque . toujours aux autres
propriétés des remèdes, les vertus relâchante, tempérante
, adouciflante & délayante, à un degré plus
ou moins grand ; ou au moins , à l’aide de ces
vertus , elle modère 1’aCtivité & l ’énergie des
fubftances médicamenteufes eniployées fous cette
forme.
Les médicamens adminiftrés dans l ’état de vapeurs
font encore plus énergiques que les précédens
; ils s’appliquent plus exactement & en molécules
beaucoup plus tenues , aux organes du corps
humain; ils en imprègnent avec plus de rapidité
le tiffu ; ils parviennent plus immédiatement dans
les mailles perméables & toujours ouvertes de
l ’éponge cellulaire ; ils s’ouvrent un paflage fubit
jufques dans les cavités vafculaires ; ils frappent à
la fois une grande furface fenfible & irritable ;
leur ténuité & leur expanfion les conduifent dans
les aréoles.les plus fines des vifcères. On peut
apprécier , d’après cela, quel doit être l ’effet des
vapeurs, foit humides, foit sèches, fur l ’économie
animale ; avec quelle promptitude elles fatisfont
aux indications preffantes , & quelle confiance
elles méritent dans tous les cas où elles font appropriées.
Outre ce que je viens d’expofer, l ’état
vaporeux des médicamens fournit encore le moyen
de les faire parvenir immédiatement dans l ’intérieur
des véficules pulmonaires , & fur les lieux
affeCtés de ces organes ; moyen qui eft de la plus
grande utilité pour la guérifon de l’afthme , des
ulcères , de la péripneumonie , & de toutes les
maladies des poumons. Cette forme offre le même
avantage pour les affeétions de toutes les cavités
qui ont un émonétoire ouvert à l ’extérieur du
corps humain ; tels que les narines , la gorge ,
la trompe d’Euftache , le méat auditif , l ’ürètre,
la veflie, & les inteftins. La nature s’en fort tous
les jours , & elle produit dans les animaux des effets
très - fonfibles, à l ’aide des vapeurs diverfes que les