
aux malades les bouillons , les crèmes, ou autres
nourritures légères, que les circonftances de la maladie
ou de 1 abattement des forces digeftives ont
fait fubttituer à une nourriture trop fucculente.
Il femble, parce que je viens de dire, qu’une
diète outrée n’ait d’autre inconvénient que de prolonger
une convalefcence, ou d’abattre les forces
d’un malade qui auroit befoin d’en acquérir; mais ce
.qu’il y a de plus malheureux, c’eft que le choix
des bouillons de viandes, qu’on fubftitue à la nourriture
qu’Hippocrate donnoit à fes malades, eft,
dans la plupart de ces maladies, un inconvénient
plus redoutable que la nourriture folide. On fait
mitonner avec foin de la chair de boeuf, de veau j
de mouton, de volaille ; on en rapproche la gelée
, on réduit dans le petit volume d’une prife
de bouillon , tout ce que ces maffes de chairs peuvent
contenir de fubftance nourricière ; & l ’on croit
avoir beaucoup fait en épargnant à l ’eftomac, la
peine de là féparer. N’eft-ce pas un mal que de
laifler l ’eftomac & fes fucs fans a6tion%? Croit-on
même que le volume d’un aliment, d’ailleurs peu
abondant en fuc, foit une choie inutile dans l ’économie
animale ? Et n’a-t-on pas à fe reprocher la
tranlition fubite d’une action continue de ces organes
à un repos prefque parfait ? Qu’on confidère
ce volume de chyle panant dans les fécondes voies,
moins accoutumées que les premières au travail
pénible d’un furcroît d’aliment ; qu’on confulte la
nature même de cet aliment, fon gluant, fa tendance
à la putréfaction ; & l ’onx verra s’il eft, de
tous ceux qu’on pourroic choifir, le plus convenable
dans cet état de chaleur inflammatoire qui fait
tout dégénérer. Il eft trille pour l ’elpèce humaine
que l ’empire de l ’habitude nous aveugle au point
de nous rendre indifférens fur les objets les plus
importans & les plus familiers. Les hommes fe
fuivent à la pifte , (ans examen : heureux encore ,
fi, après des milliers dp foutes, ils ouvrent les yeux
au vrai , & s’il leur refte allez de courage pour
l ’adopter ! Far feu M. de la F osse , docteur en Médecine
à Montpellier. A . E. ( V .D .,)
A bstinence , Médecine légale. Diète-végétale,
Voyei Dispense. ( M. D oublet. )
ABSUS , f. f. Hygiène.
Partie II. Chofes non naturelleƒ.
Clafle l ï l . Ingejla.
Ordre I. Alimens. Végétaux, herbes potagères.
V ah fu s ou Telq.manduk.ola, en langage Cey-
lanois, eft une plante de la fanrille des légumineuses
, qu’on cuit, aux Indes v& dans l ’île de Ceylan ,
comme on fait en Europe la poirée & l’épinard. Le
nom ceylanois indique qu’elle a'du goût, quoique
cuite fans beurre. C ’eft un Galega, fuivant M. Bur-
jnann ; & Linné la range dans le genre des Caffia. .
Galega quadrifolia telamandu-kola \eylqnift
Bsr.m, flor. Ceylan,
Caffia abfitsy8(.c. Linn. lyft. naturæ.
( Extrait de Varticle abfus de M . Adanfon dans
Vancienne Encyclopédie. Voye\ Herbes potagères.
( M. H ALLÉ. )
ABU , f. f. Hygiène.
Partie II. Chofes non naturelles»
Clafle III. Ingejla.
Ordre I. Alimens. Végétaux, fruits pulpeux1.
\Jabu eft une efpèce de bananier, dont le fruit
eft vifqueux , fade, mais devient fupportable quand
on le fait rôtir & frire. ( Extrait de Varticle abu
de M. Adanfon, dans Vanc. Encyclop. )
D’après cela , il eft probable que ce fruit eft
lourd , pefanc, & indigefte, quand il eft mangé
cru, & que l ’altération que fubit fon mucilage par
l ’aétion'du feu ou de l’huile chaude, le rend alors
plus aifé à digérer. ( M. H ALLÉ. )j
ABULFARAGE ( Grégoire ). Ce médecin célèbre
étoit chrétien ; il eft connu & eftimé comme
hiftorien. I l naquit, en i zz6 > à Malafia , proche
l’Euphrate, de parens chrétiens. Son père , d’ex-
traCtion juive, étoit aufli médecin & chrétien jaco-
bite , & avoit un frère patriarche d’Antioche ; il s’ap-
peloit Aaron.
Abulfarage s’appliqua fucceflîvement aux langues
fyriaque & arabe, à la Philolophie & a la
Théologie. I l étudia la Médecine fous fon père >
& s’y rendit très-habile. A l ’âge de vingt ans ü
fut ordonné évêque de Guba , par Ignace, patriarche
des jacobites, ainfi qu’il Je djt lui-même dans
fa chronique. En 1x47 , le même patriarche le
transféra au liège de Laçabena , & quelques années
après à celui d Alep. Vers lan 12.66 , il fut fait
primat des jacobjtes de l ’Orient ;. il pofleda cette
dignité jufqu’à fa mort, arrivée en iz8 6 , à Matage
, ville,de la Derbyjàne, dans l ’ancienne Médie,
à l’âge de 60 ans. Son corps fut porté dans le monaf-
tère de S. Matthieu.
On a d’Abulfarage une hiftoire univerfelle ,
depuis la création du monde jufqu’à fon temps ;
elle eft fort eftimée des orientaux. La partie la plus
excellente de cet ouvrage eft celle qui concerne
les forrazins, les mogols,& les conquêtes de Gengis?
Kan. Pocock a traduit cette hiftoire d’arabe enlatin,
& l ’a foit imprimer en 1 66p.
Abulfarage a compofé d’autres ouvrages, mais
théologiques; tels font un traité des preuves déjà
religion chrétienne, un tréfor des myftères , line
collection des canons. I l a encore laifle une grammaire
fyriaque , un abrégé de grammaire pour la
diale été d’Edelfe , un abrégé de la Philofophiè
d’Ariilote , un .abrégé de Logique, un traité complet
de Philofophiè , un abrégé d’Aftrônomie &
de Cofmographie, des Difcours moraux & philofo-
phiques , &c. Pocqck féfifte ceux qui ont pré-
* ?■ tendil
A B U
ré le chriftianifme.
,É loi. (M . Gou-
tendu que cet auteur avoit abjui
Voye\ d’Herbelot , Moréri
l in. )
ABUS, f. m. Hiftoire de la Médecine. Mauvais
ufage, erreur, tromperie. I l n’y a point d’étude
ou de pratique dans laquelle il fe foit introduit
autant d\tbus que dans celle de la Médecine.
L ’écrivain qui les dévoileroit tous auroit un grand
& long ouvrage à faire : mais cette entreprifeferoit
utile & digne a un fiecle éclairé.
Ceux qui étudient la Médecine infcrivent leurs
noms fur un regiftre , & ils s’engagent à fuivre des
leçons auxquelles ils n’afliftent guere; ce qui eft un
abus.
Quelques-uns de ceux qui l ’enfeignent annoncent
& commencent des leçons qu’ils ne finiflent
point^, ou qu’ils -font à là hâte ; ce qui eft encore
un abus. Plufieurs profeflent de vieilles erreurs ;
ils parlent des elprits animaux, dont ils ignorent,
je ne dirai pas la nature., mais même l ’exiftence :
ils s’étendent beaucoup fur la ftruéture des organes
fécrétoires , qu’ils comparent à des cribles ; lur la
caufe des fièvres , qu’ils croient être un levain ; fur
la faburre des premières voies , & fur l ’erétifme
des capillaires , qu’ils accufent de tout ; fur la né-
ceflité de foire couler la bile , de tempérer l ’acri- I
monie des humeurs , de les rendre douces & coulantes
, de les divifer, de les atténuer, de les
purifier, de lés pouffer , foit à la peau , foit aux
reins ; enfin où l ’on veut, à ce qu’il femble. Ces
expreflions ,. que les malades & leurs gardes emploient
aufli bien que les guérifleurs, fe répètent de
toutes parts ; & tandis que peu de perfonnes favent
la Médecine , toutes en parlent; ce qui eft un grand
abus.
Ainfi, les médecins ignorans fe font abailfés au
niveau de tous ceux qui veulent bien leur donner
des avis ; d’autres, dont la tête eft.exaltée, l ’efprit
fyftématique, & le fovoir oblcur, ont créé des mots
qu’ils prononcent, ou plutôt des êtres qu’ils invoquent
, lorfqu’ils entreprennent d’expliquer ce qu’ils
n’entendent pas; c’eft encore un abus dont le faux
bel-efprit & le mauvais goût font les créateurs ou les
dupes.
En Médecine , tous parlent des fruits de leur
expérience , & plufieurs appellent ainfi des faits
douteux & non approfondis, qu’ils prennent pour
bafe de leurs conjectures, & qu’ils citent avec
aflurance , quoiqu’ils les ayent vus fans foin &
tecueillis fans choix : toujours^en contradiction avec
la nature, qu’ils prétendent connoître , interpréter,
& diriger , mais dont il ne font que gêner les
opérations, ou voler le fuccès, les médecins, qui
courent beaucoup & qui réfléchiflent peu , parviennent
prefque toujours à perfuader & à croire qu’ils
font de grands hommes; ce qui eft encore un grand
abus.
Un malade a-t-il réfifté aux atteintes de la fièvre ?
Méd e c in e . Tome I.
A B U 4 1
on crie ail miracle , & on vante c®Iui dont il a
fuivi les confeils,, fans examiner s’ils ont été réellement
utiles. Il femble , au premier çoup-d’oeil ,
que les médecins ne devroient pas fe plaindre de cet
abus , mais le même elprit qui diCte ces éloges
inconfidérés , conduit à l ’injuftice par laquelle on
accufe mal à propos le praticien éclairé, d’un malheur
qui n’eft point fon ouvrage. On ne fait pas
allez combien il fout fouvent d’inftruCtion & de
prudence pour prolonger de quelqués jours la vie
de ceux que l ’on ne peut guérir ; & l ’on paroit
ignorer d’ailleurs que des remèdes, même énergiques
, administrés mal à propos, ne fuffifent pas
toujours pour troubler l’ordre des mouvemens vitaux,
même pour déranger leurs périodes & leurs , crifes.
Celui qui ne connoit pas ce que peut la nature ,
ignorera toujours ce qu’il doit elpérer de fon .art.
Trop demander & trop promettre font deux abus que
le malade & le médecin auroient fouvent à fe reprocher
entre eux.
. Comment notre art fe perfectionnerait - il dans
la main de ceux qui , furchargeant chaque formule
d’un aflèmblage monftrueux d’herbes, d’huiles , de
fe ls , de métaux , ne favent pas & ne fouront jamais
, je ne dirai pas à quelle fubftance , mais à
quel règne doivent être rapportés les réfultats de
leurs opérations. Ce vice primordial rend leurs e f forts
vains pour les progrès de notre art ; ce qui eft
un grand abus.
Et ceux qui , pourvus ou dépourvus du titre de
doCteur, ne connoifîent pas même les noms des
maladies qu’ils traitent ; qui déclament contre la
Nofologié, qu’ils difent nêtre qu’un jargon, comme
fi leur langage étoit autre chofe <juun jargon;
qui méprifent la Chimie , comme s il y avoit fans
elle une matière médicale ; qui ne font aucun cas
de l ’Anatomie , quoiqu’ils ne cefleut d’en parler
& d’en parler mal , & quelle feule puifle dévoiler
le fiéo-e des maux qui nous affligent ; qui foutien-
nent que la'Phyfique eft inutile, parce qu’ils n’ont
aucune idée précife , aucune connoiflance exaCte ;
qui ne veulent pas même que leurs confrèrèsfoient
de l’efprit, & qui emploient le peu qu’ils en ont,
à prouver qu’il ne faut pas en avoir: eft-il un plus
çrr2ioèi abus ? & dans nos grandes villes en eft-il de
plus commun ?
Cet efprit, dont i l faut tant fe défier , fuivant
eux, n’eft-il donc pas, dans la pratique de la Médecine
comme dans toutes les autres circonftances
de la v ie , l ’inftrument fans lequel on ne s’élévô
jamais au deflus du médiocre ? Pendant que les uns,
tremblaris , foute d’appui, & flottans entre plufieurs
opinions oppofées, abandonnent le malade a fon-
fort, & font les témoins inaâifs de fa deftruétion ;
les autres , trop hardis , coupent le noeud dont les
replis-effrayent leur patience vils,précipitent dos
effais, dont le réfultat , quel qu’ il foit , eft |fnr.0
fur leurs tablettes nécrologiques ; qud
emploient dans le même jour, i