
fur les nerfs , qu elle eft dans un état vraiment
vaporeux? Pourquoi nen auroit-elle pas eu plus
particulièrement , fur-tout dans de certains individus
chez lefquels fa préfencè , fon exiftence ,
la plus grande aéfivité fe décèlent par une odeur
particulière? On favoit d'ailleurs qu’elle varie dans
les^ differentes parties du corps de l ’homme , &
qu en général les émanations des corps ont une
exiftence très-réelle , & forment dans la nature une
des plus paillantes caufes d’adlion qu’elle employé;
On n ignoroit pas que ces émanations ont une
adtion fenfible fur différens animaux, & même, à
ce qu’il paroît, fur certains individus ; que c’eft par
leur moyen que le chien reconnaît les traces de
1 animal qu i l chaffe ou du maître qu’il fuit ?
On citoit encore cès hiftoires de perfonnes qui,
ayant de 1 antipathie pour de certaines choies ,
pour certains animaux, fe trouvent mal, dit-on,
en entrant dans des appartemens où fe trouvent
ces objets de leur averfion , qu’elles ne fentent
que par une émanation d’ailleurs infenfible pour
toute autre perfonne. On rapportoit fur-tout en
ce genre l ’exemple de femmes qui tombent en
fyncope par-tout où fe trouve un chat ou une
foaris , même fans les avoir vus. Ces faits cités
encore de^ nos jours, & qui dans le dernier fiècîe
fiir-tout étoient affez généralement adoptés, fem-,
blent tenir aux préjugés & à la prévention. Mais
on ne pouvoit méconnoître au moins dans les émanations
infenfîbles un principe d a&ivité particulier
; & pourquoi la tranipira’tion n’en auroit-elle
pas eu auffi un qui lui auroit été propre , & q u i,
quoique nullement fenfible pour les perfonnes bien
conftituées , auroit pu le devenir cependant pour
des femmes d’une extrême fenfibilité de nerfs &
tombées en fpafme ? On avoit donc à foupçonner ainfi
une nouvelle caufe à laquelle on pouvoit attribuer
une partie des effets produits par M. Mefmer.
Mais quand même elle auroit eu lieu , qu’auroit
eu de commun cette caufe avec un principe uni-
verfel, pénétrant tous les corps & guériffant toutes
les maladies ? Ajoutons qu’il y avoit de fortes rai-
fons auffi de regarder ce moyen d’action comme
nul^ou au moins très-foible ? Car qu’eft-ce autre
chofe que la tranfpiration , qu’une humeur aqueufe ,
foiblement urineufe & faline ? On remarquait encore
que fon aétion s’étendant i très-peu de distance
, en formant atmofphère autour de nous, que
n’ayant pas d’ailleurs un très-grand degré d’atténuation
, elle ne pouvoit être regardée comme la
caufe des effets attribués âu prétendu magnélifme
puifque, fuivant M. Mefmer, il pouvoit s'exerce* de
lo in , & manifefter fon a&ion à travers les murs
& les vêtemens. On obfervoit enfin que fur fon
exiftence & fon a&ion dans les procédés de cette
méthode, il devoit refter toujours une grande incertitude
& beaucoup de doutes, puifqu’i l étoit
difficile, pour ne pas dire même impoffible , de
décider fi les effets que l ’on croyoit devoir attribuer
a cette humeur exhalante, ne pouvoient pas
également être'produits par la chaleur de la main,
par les mouvemens de l ’air déplacé dans les opérations
, comme nous aurons bientôt occafion de
le dire ?
Mais M. Mefmer employoit au moins la médecine
des attôuchemens , & nous avons indiqué plus
haut de combien d’effets elle peut être la fource.
M. Mefmer l ’employoit d’une manière no ri
moins efficace que ne paroiffoïent l ’ avoir fait tous
ceux q u i, avant lui l ’avoient adoptée. En touchant
les malades , Gaffner leur impofoit les mains fur
la tête & leur froctoit vivement là nuque. Grea-
trakes les promenoit fur les parties affeéfées
dans une feule direction, c’eft-à-dire , en cherchant
à chaffer le mal qui fuyoit devant elles vers une
des extrémités du corps. M. Mefmer employoit
une manière de toucher encore plus durable dans
fon aétion. Elle confiftoit dans différèntes appofi-
tioks des mains, ou des doigts, dans de douces frictions
fur certaines parties. Ces friéfions étoient
continuées pendant un plus ou moins long efpace
de temps. Enfin il fembloit qu’i l y eût un choix
particulier de certaines régions du corps fur le s quelles
on les exerçoit. M . Mefmer choififfoit &
connoiffbit différens centres de mouvement,, & celui
qu’il préféroit le plus ordinairement répondoit
auffi à la partie dircorps humain la plus fenfible ,
la plus pourvue de nerfs, à ce lle , en un mot, qui
femble être l ’organe principal des fympathies ou
des communications nerveufes dans l’économie animale
: tel eft l ’épigaftre ou la région de l ’eftomac.
On avoit remarqué que l ’attouchement fur le corps
humain pouvoit avoir fes effets propres j. mais c’é-
toient fur-tout les friétions qui dévoient en avoir
de particuliers, & en réfléchiffant bien, on fentoit
que ces effets ne fe bornoient point à de fimples
impreffions paffagères ou au moins locales. N’eft-ce
pas une propriété de la fibre vivante dans les corps
animés, quand elle eft mife en vibration, d’entraîner
les fibres voifines avec lefquelles elle communique
, dans des ofeillations àbfolument pareilles?
C’eft une fuite néceffaire de l’en ch aîneiaent intime
& de l’état de communication dans lequel le
fyftêmè des plexus nerveux tient tous les organes
de la machine. I l n’étoit donc pas étonnant que
fur des conftitutions extrêmement mobiles , préparées
déjà fur:tout par l ’état de fpafme,. on prit
exciter a in fi des centres^ d’ofeillations capables de
fe propager dans une plus ou moinsgrande étendue,
Sc de produire ainfi des effets. Mais fi ces effets
avoient quelque réalité, ne pouvoient-ils pas contribuer
p ou r-leur p a rt à rendre raifon, fans aucun befoin
d’agent particulier , des impreffions produites fur
les malades que l ’on attribuoit au magnétifme
animal? Et n’étoit-on pas fur-tout en droit de remarquer
qu’il n’y avoit rien de moins n éceffaire
que de recourir au magnétifme pour ex p liq u er leur
produd-ion , puifque c’étoit la faculté à agir de-
loin , aclio in diftans, qui faifoit le, vrai caradère
ipagnétique, & qu’ici il y avoit contact immédiate
Mais c’étoit plus particulièrement en parlant à
l ’imagination qu’on pouvoit être porté à croire que
M. Mefmer opéroit les prodiges. Nous l ’avons déjà
dit J c’étoient pour le plus grand nombre au moins,
des perfonnes trè$ - nerveufes au phyfique, très-
ardences au moral, & déjà difpofees par une
grande confiance, qui fe préfentojent aux traite-
mens. Mais quelle impreffion ne dévoient pas
exciter en elles ces appareils, ces procèdes., ces
baquets d’une forme fi vafte & fi myftérieufement
couverts ; toutes ces difpofitions deftinées à la circulation,
d’un fluide, ces tiges de fer pour 1 amener
& le diriger fur les malades, ces cordes pour fa
propagation entre les différentes perfonnes qui for-
moient le cercle.; ces grands réfervoirs pour lui
fervir de foyers? Combien tous ces objets fi frappais
, fi extraordinaires n’étoient-ils pas propres à
parler à. l ’imagination de malades- prévenus , &
à entretenir & perpétuer l ’illufion ?
Mais l ’imagination étant ainfi exaltee dans
des conftitutions très-a&ives, n’en réfultoit - il
pas une mobilité des nerfs dont il étoit facile d obtenir
des effets? Cet état d’exaltation continué,
augmenté , ne devoit-il pas mener naturellement
à quelque crife nerveufe par la contention & le
travail feul de l ’imagination ? Et cet effet ne de-
voit-il pas fur-tout arriver lorfque, dans chaque
traitement, on procédoit aux opérations particulières
du magnétifme ? Etoit - il étonnant alors que
M. Mefmer parût agir de loin? Ces appofitions
des mains, ces doigts que l ’on préfentoit & qu’on
promenoit en différentes direétions, ,ces tiges de
fer qu’on employoit aux mêmes ufages , toutes ces
gefticulations bizarres, pour fe fervir de 1 expreffion
de Kaau Boerhaave, par lefquelles, d it- il, on s etoit
vanté, dès une époque très-reculée, de pouvoir guérir;
toutes ces gefticulations,. d is - je , étant employées
, répétées avec un air férieux & impofant,
l ’imagination re fto it - e lle oifive & lame muette?
N ’étoit-ce pas, en quelque forte, porter le dernier
coup à l’imagination exaltée & difpofée ? Qu on life
ce que les anciens ont écrit de cette faculté de l ’ame,
à laquelle ils donnoient le nom de phantajia ,
& de fon empire fur les corps , & l’on verra de
combien d’effets très - extraordinaires & finguliers
elle peut être la caufe, fous combien de rapports
elle peut changer notre manière d’ être au phyfique
, & l’exercice ordinaire de nos fondions. Que
ce fût cette caufe qui agît feule, ou qui contribuât
pour beaucoup à produire les effets fi vantes
du magnétifme animal, c’eft ce qu’on ne pouvoit
révoquer en doute après tant d’effais particuliers
répétés par différentes perfonnes, qui, s’annonçant
à des malades crédules pour des adeptes de M. Mefmer
, prenant un air grave , & les touchant de certaines
maniérés , voyoient ainfi leurs accidens 'fe
diffiper.par une aétion dont tout l ’effet dépendoit
de ^imagination excitée. Ces exemples étoient fans
nombre, & i l en étoit quelques - uns de très-r
frappanst
Ce n’étoit pas cependant que-parmi ces derniers
moyens quelques-uns au moins n eu fient une action
phyfique ou mécanique, par laquelle ils pouvoient
opérer. Ainfi, la fi m pie direction des; doigts,
fi la tranfpiration qui s’en exhale y eût été pour
quelque chofe , auroit eu déjà un tel principe
d’a&ibn. 11 en auroit encore été de même des
afperfions que l’on faifoit avec différens corps, tels
que la tige de fe r , le doigt, un bouquet , une
fleur, & meme le fpuffle. Etoit-on bien sûr que l ’on
n’agît pas alors par le mouvement de l ’air déplacé,
par de véritables afperfions aériennes, & ne lavoit-
on pas qu’il s’en faut beaucoup que cette caufe foit
fans effet fur des malades en fpàfme , comme le
démontre l ’état d’aérophobie qui fe fait quelquefois
remarquer dans les perfonnes attaquées de la rage ?
On en a eu des exemples fur des malades de ce
genre, à qui l ’on occa.110unoit des convulffons &•
une véritable fuffocation, toutes les fois qu’en baife-
fant ou levant la couverture, en ouvrant la porte
de l ’appartement, on pouffoit une colonne d air,
ou qu’on - fouffloit même d une certaine diftance
fur eux ? Ces faits ne démontroient-ils pas jufqu’à
quel point, dans Les perfonnes convuîfees ou en
fpafme , i l exifte une exceflïve mobilité des nerfs
dont on peut obtenir de finguliers effets, ainfi que
nous avons dit,plus haut qu il falloit bien le remarquer
? Or on obfervoit à ce fujet que la rage
eft regardée comme une maladie éminemment fpaf-
modique & nerveufe ; qu’au nombre des moyens de
magnétifer on employoit le fouffle, enfin que parmi
les perfonnes qui tomboient en crife aux traitemens,
on affuroit qu’il y en avoit qui donnoient des
fignes d’aérophobie & d hydrophobie meme , refu-
fant avec une forte d’horreur la boiflon qu on leur
préfentoit. > ;
Mais fans recourir à ces différens genres d action
purement phyfiques qu’il ne falloit pas négliger,
il fuffifoit de l ’empire de l ’imagination pour expliquer
comment, avec ces procédés que nou$
venons d’indiquer, on pouvoit produire ainfi des-
effets de loin. C ’étoit fur-tout pour M. Mefmer Sc
fes. adeptes que l’on pouvoit dire que .ces effets
dévoient être pins faciles à produire , parce qu’ils
infpiroient un plus grand degré d’enthoufiafme 8c
de confiance. C ’étoit auffi en grand fur-tout que
ces effets réuffiffoient : ils fe fecondoient alors mer-
veilleufement. Une femme feule qui tomboit en
'convulfion mettok les autres en tranfe ; leur efprit
travailloic, & alloit comme au devant de l ’effet
qu’elles croyoient prêt à furvenir. Elles l^eprou-
voient par cela feul qu’elles s’attendoient à 1 éprouver
: on pouvoit dire qu’elles fe rendoient en
quelque forte avant l ’attaque.
C’étoit fur-tout à ce qu’on favoit des convulfions
imitatives que l ’on croyoit devoir faire attention.
Si la vue d’une perfonne qui tombe dans des accès
nerveux, & dont le hafard ou la cohabitation feule
rend témoin , fuffit pour communiquer une pareille
attaque à d’autres perfonnes difpofées à les con