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s’il eût préva ,1a clulte de Gafliaer, & qu’il eût
eu le projet d’en profiter, fembloit avoir voulu
tirer parti de Tes moyens & de Tes principes, en
leqr donnant une forme plus convenable au caractère
du fiecle & de fa nation. On remarquoit
d’abord qu’il lui reconnoiffoit une aCtion véritable,
une faculté d’agir particulière, dépendante, non
du pouvoir fuprême, comme il.lui reprochoit de
l ’avoir penfé, mais d’un principe inconnu dont il
faifoit ufage fans s’en douter , 8c qui étoit le ma-
gnétifme animal. Ajoutons que les procédés de
M. Mefmer étoient les mêmes, & que fes prétentions
& fes vues.fembloient calquées, en quelque
forte, fur celles de Gaflher. Ce dernier guérifloit
en touchant les malades : M. Mefmer employoit
le même moyen. Galfner ne regardoit pas toutes
les maladies comme propres à céder à fon aétion ;
i l diftinguoit les maladies en deux claffes , en
maladies ordinaires, & produites par le démon ;
ces. dernières , félon lu i , étoient beaucoup plus
nombreufes , & les feules qu’il difoit pouvoir
guérir. M. Mefmer admettoit aufli parmi les malades
des fujets qui n’éprouvoient aucunement l ’action
de fon principe, & qu’on appeloit, par cette
raifon , ànti magnétiques, Galfner avoit des exor-
ci fines qu’il appeloit probatoires, par lefquels
i l prétendoit pouvoir s’alfurer quel étoit le caractère
de la maladie, fi le mal avoit la nature
ou le démon pour principe, & ces exorcifmes
n’étoient pas toujours infaillibles. M. Mefmer de
même avoit des procédés qu’il employoit pour
reconnoître non feulement la nature, mais même
le liège de la maladie & fi le malade étoit
d’une conftitution propre à. éprouver l ’aCtion de
fon agent , en un mot, s’il étoit magnétique.
Galfner convenoic qu’il ne guérilfoit pas dans le
moment même fes malades , mais qu’il les.traitoi't
à plufieurs reprifes & pendant pluueurs jours. On
fait que M. Mefmer fuivoit la même méthode.
Enfin Galfner n’opéroit pas toutes les guérifons
qu’il tenfoit de produire, & iriavoit deux moyens
d’excufer fes défauts de'fucçès, la faillibilité de
fes exorcifmes probatoires, & le manque de foi
de la part de fes malades. On peut ajouter que
Greatrakes alléguoit aulfi des prétextes en pareil
cas ; il-convenoit qu’i l ne réumfloit pas toujours ,
foit que la maladie- fut trop invétérée , ou que
le malade fut d’une conftitution particulière qui
fe refufoit à l ’effet du remède. M. Mefmer fe
retranchoit également en difant que certains fujets
, loin de pouvoir obéir à l ’aérion du magné-
tifme animal , étoient au contraire d’une conftitution
atitimagnétique. Mais en voyant de pareils
rapports , n’étoit- on pas tenté de penfer que le
magnétifme animal de M. Mefmer relfembloit
fart aux exorcifmes de Galfner, comme la théorie
& fon fyftême reffembloient au magnétifme de
l ’autre fiècle ? M ais il y avoit encore d’autres que l’oq avoit publié fur le fort quo’abvjeoéirti oénpsr.o uCveé
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la découverte de M. Mefmer depuis q u il avoit
prétendu en annoncer une, pouvoit en fournir
qui méritoient d’être préfentées. C étoit en ayant
pour contradicteurs les hommes les plus favans ,
qu’il avoit commencé fon entreprife. On connoif-
foit fa querelle avec le père f ie l l & le célébré
M. Ingenhouze. Ses propofitions ayant été envoyées
à l’académie, de Berlin , elles y avoient
été rejetées comme deftituées de fondement, & ne
méritant aucune attention. On connoilfoit a ce
fujet le parère de l ’académie de Berlin. A Vienne,
M. Storch & tous les médecins avoient cru devoir
s’oppofer à fes entreprifes. N’étoient-ce pas là au
moins des témoignages à oppofer a ceux que
M. Mefmer produisit en la faveur ? L ’opinion
publique déclarée contre lui 1 avoit forcé de
quitter fa patrie. On fàvoit comment il racontoit
lui - même ce foulèvement général. Il avoit parcouru
différentes villes de l’Allemagne^ou il avoit
opéré quelques guérifons publiées d abord avec
éclat, & que les papiers publics ^ avoient en-
fuite défavouées. I l étoit retourné à Vienne, ou
les efprits n’étoient pas revenus fur fon compte.;
& comme s’il eût été bien sûr ainfi de ne pouvoir
jamais y faire des profelytes, il etoit accouru
en France. Ne pouvoit-om pas douter , a
quelque titre, que cette préférence fût de nature
à faire honneur à la nation ? a i
On pouvoit d’ailleurs tirer du fyfteme meme de
M. Mefmer quelques difficultés à propofer. L ’agent
qu’il employoit o étoit, difoit-ii, d une fubtilite
» qui ne permettoit pas de comparaifon ; —- il
» pénétroit tous les corps fans perdre notable-
» ment de fon activité ». Cependant une marier©
fi tenue « fe réfléchiffoit, fuivant lu i , par les
» glaces , comme la lumière » , & employée fur
des malades comme fondant pour les obftruérions,
elle ne pouvoit les penetrer fans y manifefter fon
aérion. Mais pourquoi, fubtile comme elle étoit,
cette matière fluide ne pénétroit-elle pas le verre
& le métal des glaces ? Elle étoit donc fous ce
/apport moins pénétrante que le fluide de Y aimant i
Pourquoi ne paffoit-elle pas à travers les matières
engorgées , & ne pénétroit - elle pas les
noyaux les plus durs des obftruârions, fans y éprouver
d’obftacle , & dès-lors fans y faire fentir fon
2&ion ? Ces difficultés avoient bien quelque apparence
de fondement. , •
Mais il étoit un foupçon plus marqué que
fembloit autorifer la conduite de M. Mefmer;
ou plutôt une 'voie plus dire&e, plus convenable
pour s’aflurer fur le champ de la vérité. C étoit la
découverte d’un nouvel agent , d’un principe des
plus aérifs de la nature que l ’on annonçoit ; 8c
cet agent ou ce principe devoit avoir des propriétés,
une aftion , & des effets particuliers. Il
s’agiffoit donc de demander à les connoître , d engager
les auteurs à les in d iq u e r , a les fpécifier,
& les épreuves néee flaires pour en conftater la
réalité, une fois répétées, il ne pouvoit plus
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■ refter aucun doute. Pouvoit - on douter de l’exif-
■ tence du fluide électrique , du fluide magnétique ?
■ C’étoit un fluide du même genre qu’annonçoit
M. Mefmer; il devoit donc être fufceptibJe d’un
genre aufli frappant de démonftration, & l ’on
pouvoit même dire -encore plus fufceptible. Car
c’étoit'le fluide primitif, c’etoit le principe uni-
yerfcL; & fes propriétés, fes effets devant être
néceflairement en proportion avec l ’importance
& l ’étendue'de fon aérion dans le fyftême de la
nature, il devoit être, pour ainfî dire, fenfible
da toutes manières. C’étoit donc réduire la quefi-
tion du magnétifme à un feul point de la plus
grande fimplicité. Difoit - on que depuis longtemps
M. Mefmer avoit produit des preuves de
cette efpèce de l ’exiftence de fon agent ? Mais
on répondoit qu’il n’en, avoit donné que fur des
malades , en général fur le corps vivant. Etoit-ce
donc ,que le principe du magnétifme n’étoit fuf-
■ ceptible d’être démontré que fur l ’économie animale
? C’étoit là une grande Angularité. M.? Mefmer
n’avoit-il -pas annoncé que cet agent jouoit
UU grand rôle dans toute la nature, 8c. qu’il étoit
propre à donner de nouvelles . connoilïances en
rhyfique ? N’étoit-ce pas d’ailleurs par des propriétés
de ce dernier genre que tous les corps de
la nature agifloient ? N’étoit - ce pas au moins
ainfi que les autres fluides électrique & magnétique
fe faifôient reconnoître , & dès-lors ce nouveau
fluide ne devoit-il pas avoir aufli fon aétion for
d’autres corps phyfiques, & même inanimés? Une
réflexion frappoit à ce fujet les efprits ; c’étoit
le corps de la nature le plus fécond en propriétés
, le plus puiffant en atrion, qui auroit été
aufli le moins fufoeptible d’être démontré par différentes
efpèces d’effets ? Cette aflertion paroiffoit
être un étrange, paradoxe. Ce fluide enfin, formant
un remède univerfel dans la théorie du j magnétifme
, n’auroit pu être démontré, ou n’auroit été
fufoeptible que du genre de démonftration le plus
difficile , le moins cla ir, le plus fujet aux illu-
fions & à l’erreur.? Cette aflertion n’avoit - elle
pas l ’apparence du charlatanifme le plus adroit
'& le plus évident? Car enfin c’étoit prendre la
voie qui fe prêtoît le moins à la démonftration ,
& il foffifoit, pour s’en convaincre, d’y faire l’attention
la plus légère. On ne connoifloit point
*le fluide univerfel, principe du magnétifme; on
l’anrionçoit, il falloit prouver fou exiftence. C’étoit
donc un objet inconnu qu’il s’agiffoit de démontrer,
& pour y parvenir il falloit le comparer, le
mettre en afition avec d’autres corps dont on connût
bien l ’état aCtuel & phyfique. Mais étoit - ce
le corps humain qui étoit propre à cette application
? Etoient - ce des perfonnes , for - tout des
malades y chez lefquels l’ état des nerfs , le6 dif-
pofitions intérieures, l ’empire de l ’imagination
varient de mille manières , Tpie l ’on ne peut ni
apercevoir, ni apprécier , qui pouvoient convenir
à ceî objet ? Dans le$ démonftrations, quand on
J\ltdecine» Tom. I,
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les veut rigoureufes, c’eft en employant les procédés
les plus fimples , en appliquant 1 agent
duit ou confîdéré dans fa plus grande fimplicité ,
à d’autres corps également les plus fimples, que 1 on
doit procéder, i f faut,-pour ainfi dire, décompofer
les aérions, faire agir les corps, & leur faire montrer
chacune de leurs propriétés par une forte
d' abftraction, Mais le corps-vivant e ft- il propre
à ce genre de démonftration ? Sa manière d’être,
au mor£l comme au .phyfique, ne varie-t-elle pas
de mille façons, & à tous momens ? L ’homme enfin
n’eft - il pas la machine la plus compliquée &
n’efi-ce pas- un abîme obfour de difficultés , qu on
ne peut approfondir ni pénétrer ? Ce n’eft pas
cependant qu’on ne puifle avoir fur lui des de-
monftrations d’un genre particulier. Mais on ne
peut difconvenir qu’elles font les moins Concluantes ;
c’eft ce qui rend la médecine fi conjecturale. C’eft
auffi , ce qu’il faut bien remarquer i c i , la raifon
pour laquelle il n’y a eu fpécialement d’impof-
teurs qu’en Médecine, & prefque jamais en Phyfique.
La raifon aufli pourroit en être qu’il ne
peut y avoir d’impofture qui réuffiffe, fans un grand
but d’utilité , & que la Médecine en offre un du
premier genre , en touchant aux intérêts les plus
grands de l ’humanité. Mais c’eft plus particulièrement
encore parce qu’elle préfente les moyens les
plus propres à cacher une aétion fecrète en répandant
l ’illufîon. Enfin on ne peut difconvenir
qu’il faut au moins de grandes précautions pour
éviter en ce genre l ’illufion & l’erreur. C ’eft dans
■ les chofes fur - tout où l ’empire de l ’imaginatioa
peut, avoir une grande influence, qu’il faut-, redoubler
de précautions & de foins, 8c dans ce
cas i l en eft qu’ on peut prendre , & que la prudence
exige. C ’eft d’agir fur des individus où l ’on
ait le moins à craindre cette fource d’erreurs, fur
des perfonnes fenfées, des têtes froides, des com-
plexions femblables , fur des gens peu inftruits ,
tels que des payfans , fur des enfans enfin, & fur
les animaux. Mais étoit-ce ainfi que fe compor-
toient les partifans du magnétifme animal? Leur
agent prétendu n’étoit point fenfible pour les perfonnes
qui fe.. portoient bien. I l fe faifoit fentir
fpécialement ou uniquement far les malades. Ce
n’étoient point des enfans qu’on citoit comme le
fujet de leurs épreuves les plus ordinaires & les plus
vantées. C ’étoient plus particulièrement les femmes
fur lefquelles elles avoient lieu. Enfin les animaux
n’étoient point fournis ou fenfibles à cette aérion.^
Il n’en avoit point été ainfi dans l ’ancien magner
lifme. Ses; partifans avoient cru qu’ils dévoient
avoir plus d’affurance ou moins de réferve. Mais
aufli. le parti qu’ils prirent leur avoit-ile te fu-
nefte ? En annonçant dans leur agent- des effets
fufceptibles d’avoir lieu également for des. corps
animés ou inanimés | for. des perfonnes faines ou
des malades | fur les hommes ou les animaux ,
on avoit pu s’àffurer plus facilement de ces effets
& de leur réalité ; & l ’expérience eut bientôt