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pour notre objet, qu’il foit prouvé , i° . qu,e les
* nerfs, font le foyer de la fenfibilité; t°. qu’une
partie eft d’autant plus fenfible qu’elle contient
plus de nerfs , ou que ces derniers y font plus à
découvert; 30. qu’il y a une communication plus
ou'moins éloignée entre tous les nerfs , & fpécia-
lement par l ’intermède de la 5 e , de la 7e, de
la 8e paire , & du grand nerf intercoftal, qui,
d’après cette connexion, méritent le nom de fym-
pathiques ; 40. que ces organes font ceux qui font
les plus néceffaires à la vie , en lès çonfidérant
dans leur enfemble* Il en eft des nerfs comme des
vaiffeaux ’; l ’art anatomique peut les féparer , les
ifoler, & en enlever tout l’appareil des autres
parties du corps ; de forte qu’on peut dire qu’ils'
forment un fyftême organique particulier dans l ’individu
, & qu’ils jou tent à fa perfection. En jetant
les yeux fur l ’enfemble du règne animal, on voit
qu’à mefure que l ’on s’éloigne ^de l’homme , l ’organe;
nerveux eft moins étendu ; il eft foible chez
les poiffons ; on a beaucoup" de peine à le recon-.
noître dans les înfeCtes & dans les vers , & il
n’exjfte point chez les polypes; Ceux des qua-J
drupèdes qui fe rapprochent le plus de l ’homme
par la fttuCture dé leur corps & par leur intelligence
, ont cependant beaucoup moins de pulpe
cérébrale, & la maffe de cette dernière femble
pouvoir être regardée comme la mefure de la
perfection plus ou moins avancée dans l ’animalité.
• On verra plus bas combien ces confîdérations doi-*
vent influer fur l ’action des médicamens, & fur les
lois que le médecin doit fuivre dans leur administration.
Le cinquième ordre de notre divifion renferme'
les organes deftinés à exécuter les différens mou-
veméns qui changent la pofition refpective des
parties du corps humain , & qui le tranfportent
d’un lieu dans un autre. Ces organes > que les àna-
tomiftes appellent mufcles , font formés de faif-
eeaux fibreux placés les uns à côté des autres; ils
environnent & recouvrent les os qui leur fervent
. d’appui ; ils donnent la forme aux membres & à
prefque toutes les régions extérieures du corps ; ils
font plus compofés que les trois ordres d’organes,
précédons : quoique l ’Anatomie la plus fine
n’ait pas pu en faifir encore la ftrùéture intime ,
quoique le travail des phyficiens les plus adroits
& les plus paliens n’ait pu que les divifèr en fibres
très-tenues -, i l eft cependant certain qu’ils font
formés de l ’àffemblage de vaiffeaux fanguins, de
filets’ nerveux , & du tiffu cellulaire. Les petites
cavités dont chaque fibre paroît être remplie ^contiennent
une matière animale particulière , trop peu
examinée jufqu’à préfent, & qui eft le foyer dè
la force que les phyfiologiftes modernes ont appelée
irritabilité. Cette matière exifte dans le fang;
le nom de partie fibreufe qu’on lui a donné , exprime
beaucoup mieux fa nature & fon ufage dans
l ’éconojnie animale, qu’en ne l ’a penfé- en le lui
appliquant. " Hippocrate âvoit dçviné , ’ par fon
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génie , ce que les travaux chimiques modernes
ont démontré .par. le petit 'nombre de médecins
qui cultivent cette branche de l ’art de guérir,: Ce
père de la Médecine regardoit le fang comme de
la chair coulante : rien n’eft plus exact que cette
expreflion , puifque près du quart de ce fluide, a
la propriété de fe convertir, par le re p o s e n une
efpèce' de tiffu feutré, qui forme le caillot ou
l ’île rouge., infula rubra, dans la pdelette. Ce
fluide, qui eft verfé en grande abondance dans le
tiffu des mufcles, y dépofe cette matière fibreufe
par une efpèce de fecrétiôn femblable à toutes les
autres ; il • n’y a même que cet organe qui s’approprie
cette fubftance concrefcible , & qui la travaille
de manière à lui donner la forme & les.
propriétés mufculaires. On ne connoît point encore
les altérations morbifiques que cette matière
irritable peut éprouver ; mais on fait que 'plufieurs
maladies attaquent les- mufcles : telles font en particulier
la douleur, l ’inflammation & fes fuites,
les convulfîons f les palpitations , l ’engourdiffe-
ment, la paralyfie, le changement du tiffu charnu
en graiffe, &c. On fait aufli que quelques médicamens
agiffent manifeftement fur les • mufcles ;
. tous les toniques en augmentent la force j les. an-
tifpafmodiques & les narcotiques la diminuent, &
peuvent même détruire leur propriété irritable. Le
coeur, le mufcle le plus fort & le plus néceffaire _
' à la vie , perd fon irritabilité, ainfi que tous les
autres mufcles , par l ’action de certains poifons,
& fur-tout des fluides méphitiques. C’eft ainfi. que
M^Vi. Carminati , Fontana, & c ., ont obfervé que
les animaux fuffoqués par l ’air fixe ne confer-
voient plus d’irritabilité , & que leurs mufcles
n’étoient plus fenfîbles aux differens ftimulus qui
les font contracter dans d’autres circonfiances./
Le fixième ordre d’otganes qui - conftituent le
corps humain, comprend les vifeères, qui font des
tiffus plus ou moins compliqués du corps cellulaire
, des vaiffeaux fanguins, & des nerfs. Ils forment
en général deux claffes. Les uns font compofés
de plaques d’un tiffu cellulaire ferré, mêlé
de quelques fibres mufculaires, & entre les lames
duquel rampent une immenfe quantité d’artères,
de veines , & de nerfs ; ce font les -vifeères creux
& membraneux , tels que l ’eftomac, les inteftins,
la vefîïe , &c. Les autres ont une organifation
beaucoup plus difficile à connoître ; les vaiffeaux
fanguins & lymphatiques , les nerfs & quelques
canaux.d’une nature particulière, y font contournés
fous une grand nombre de figures différentes :
ces plis , ces, contours multipliés, dans, lefquels les
canaux extrêmement fins qui les compofent font
retenus & liés par un tiffu cellulaire très-denfe,
forment des-corps grenus plus ou moins arrondis,
réunis par un tiffu cellulaire un peu < moins ferré1
que le premier, & qu’on aperçoit à l ’oeil Ample,
Telle paroit être la ftruéture des vifeères glanduleux
, des parotides, du foie , du pancréas, de
la rate, des reins, &c.
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' De cçt expofé anatomique fuccinéfc, mais exaét,
il réfulte que les • différentes parties qui compofent
le corps de l ’homme , doivent avoir leur fen-
fibiiité propre & particulière; , & que les médicamens
doivent agir d’une manière diverfe, fuivànt
les organes auxquels on les applique. Comme Cet
objet eft un des plus importans que l ’on puiffe
examiner relativement à la manière d’agir des
remèdes en général, je çonfidéreraiici cette a dion
médicamenteufe dans fix paragraphes, parce qu’elle
eft réellement différente , fuivant que les remèdes
font appliqués à la peau, aux organes dés fens,
ou reçus dans l ’eftomac , les poumons., le iiffu
cellulaire , & les vaiffeaux.
§. Ier. De /’aétion générale des médicamens
appliqués fu r la peau.
Sous une membrane écailleufé & sèche, que l ’on
appelle épiderme , elt épanoui un tiffu molJafle ,
fpongieux , gluant , bien décrit par Malpighi, dans
lès alvéoles duquel font placées des bouches vaf-
culaires - très - no mbr e ufe s , qui s’ouvrent fur l ’épiderme
, & des papilles nerveufes affez femblabies
à des champignons applatis.’ Il eft certain , d a-
près cette ftruétnre , que- les médicamens qu’on
applique à l ’extérieur doivent agir fur les nerfs ,
& qu’une partie pourra être abforbée par les vaiffeaux
veineux & portée dans le tiffu cellulaire &
vafculaire. On doit donc avoir fans ceffe préfente
à l ’efprit l’influence de-cette action dans l ’adminif-
tration des topiques. C ’eft fur cette abforption qu’eft
fondée la guérifon de plufieurs maladies intérieures
par des remèdes externes. Les fri étions mercurielles, -
les bains de fublimé corrofif guériffent ainfi la maladie
yënérienqe. Les cantharides pénètrent par cet
organe , & produifent une action fouvent très-
forte fur la veffie. Les réfines odorantes, le benjoin
, le ftorax , la térébenthine , appliquées pendant
quelque temps fur la peau , donnent à l ’urine
une odeur très-marquée. L ’arfénic, le fublimé corrofif
, mis inconfidérément fur cet organe , ont
occafionné de véritables empoifonnemens. L’opium ,
employé en topique , calme lés douleurs , & peut
même procurer le fommeil. Les purgatifs âcres
produifent des évacuations après leur application
extérieure.
D’après ces obfervations , l ’art emploie avec
fuccès les topiques , dans les cas ou une extrême
fenfibilité des vifeères & quelques autres obftacles
d.’une nature quelconque ne permettroient pas de
fe fervir des remèdes internes. C’eft ainfi , par
exemple, que le bain tiède eft un des meilleurs
moyens d’adoucir les humeurs âcres , de les délayer
, de les étendre, & de porter beaucoup
de fluide aqueux dans l ’intérieur du corps., fans
affoiblir l ’eftomac par les boiffons amples qui fe-
roient néceffaires pour cela. L ’eau dans laquelle
le corps plonge eft abforbée en grande quantité
P'ar les vaiffeaux veineux , & elle pénètre promp-
Médecine. Tome 1.
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tement dans le tiffu intérieur des vifeères membraneux.
On n’a pas encore employé toutes les
reflourdes que la Médecine peut efpérer des bains
médicamenteux. Il refte beaucoup à entreprendre
dans ce genre; & il y a tout lieu d’efpérer quô les
effais que l’on feroit. fur cette efpèce de remède
feroient couronnés de fuccès dont on ne pourroit
point fe flatter par d’autres moyens.
L a fineffe de la peau , toujours jointe à fa
grande fenfibilité ,* mérite auffi une attention particulière
de la part du médecin. Il y a plufieurs
perfonnes chez lefquelles cet organe eft tellement
•iufceptible , que tous les remèdes légèrement âcres
y produifent de la douleur , de la rougeur, .des
éruptions , & fouvent même un véritable éréfipèle»
On doit alors ne fe permettre que des topiques
doux, ou ne faire qu’une application courte &
peu étefidue des .remèdes plus ou moins énergiques.
On doit encore obferver , relativement à l ’ad-
miniftration des médicamens extérieurs , que plu-
, fleurs d’entre eux peuvent faire plus de mal què
de. bien , en s’oppofant à la fortie de l ’humeur
de Un fenfible tranfpirâtiôn. Ainfi , tous les corps
gras, en bouchant les pores par lefquels cette
humeur s’exhale continuellement, mettent un obstacle
à fa fortie , & peuvent produire des maladies
cutanées. Auffi les hommes éclairés en Médecine
& en Chirurgie ont-ils prefque entièrement
abandonné aujourd’hui cette foule d’onguens & d’emplâtres
, fans lefquels on croyoit autrefois qu’i l
étoit impoflîble de guérir les ulcères , les plaies,
& toutes les maladies qui attaquent cet or-
gane.
Il exifte un rapport d'action , une Sympathie
entre la peau , l ’eftomac, & les reins, qu’il eft né~
ceflaire de connoître , pour employer avec avantage
les remèdes extérieurs. La tranfpiration infen-
fible fuit l’état de la digeftion ; Texcrétion dé
l’urine a de même un rapport immédiat avec l ’évacuation
cutanée. Il eft donc poffible d’agir fur
les reins, & fur l ’eftomac par la médecine desr
topiques; il eft donc aifé de concevoir comment
l ’application des aromates , les fri étions sèches, fi
recommandées par les anciens , & trop négligées , dé
nos jours , le majfage des indiens, la fimple im-
pofition des doigts, de légères preflions continuées
quelque temps, peuvent influer fur les Tonétions
de l ’eftomac, fortifier cé vifeère , lorfqü’elles fe
font avant le repas , & troubler la digeftion, procurer
même des évacuations, lorfqu’on les pratique^
ou immédiatement après le repas , ou vers la fin
de cette fonction.
Enfin fi la peau coptient tant de , nerfs , fi ces
derniers communiquent tous les uns avec les autres,
fi leurs fonctions font fimnltanées ; quels,
effets ne doit-on pas attendre de l ’application extérieure
des ftimulans , de Turtication , de la fla-,
. gellation, dès fripions fortes & long-temps fou