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bliffemens du cap de Bonne - Efpérance, & dans
ceux des îles de France & de Bourbon, font plus
légères. Cependant on peut dire en général de tous
les établi fie me ns , tant orientaux qu’occidentaux ,
litués entre les tropiques , qu’il eft important de
n’y arriver que dans la faifon sèche; l ’îie de Ma-
dagafcar, dans laquelle les européens fe guérif-
l'ént fi promprement du (corbut par le feui ufage
des ali me ns végétaux , &, dit-on , des tortues j.cette
î le , dis- je , devient funefte lorfqu’on y relâche
dans la faifon des pluies , ainfî qu’i le f t arrivé au
vaiffeau angiois la Terpfiçhore , au rapport de
Lind ( voye\ EJfai, &c. p. i , ch. n , p. 73 ) j
Sc les maladies y font toujours de la même nature
que celles qui viennent d’être décrites.
On voit aifément, par tout cela, que le concours de
la chaleur & de l ’humidité ftagnante font les principales
caufes des maladies qu’éprouvent les étrangers
dans les climats chauds. J’ajouterois même
que, fans l ’humidité ftagnante qui caufe fur-tout
le relâchement des folides & qui. difpofe à la
putrefcence , ces maladies feroient, ou beaucoup
moins graves , ou prefque nulles. Toute la Barbarie
offre aux etrangers un climat très-falubre , excepté
T unis , qui eft fitué aux bords d’un vafte
marais , & la Calle, qui eft environnée de trois
étangs, & quelques autres endroits fitues de même.
Dans les* lieux fîtués entre les tropiques , les endroits
élevés , fecs , & graveleux, éloignés des
forêts & des eaux ftagnantes, font d’une falubrité
parfaite , quoique dans une température très-chaude.
Ainfî, l’humidité ftagnante eft la caufe générale & déterminante
des maladies.de tous ces climats?, &
la chaleur modifie feulement les effets de cette
première caufe. En effet, qu’on promène fes regards
fur le globe , & qu’on y marque du nord
au midi tous les climats fujets à cette humidité
ftagnante, depuis la Hollande, par exemple , juf-
qu aux côtes de Benguele ou à celles de Mada-
gafcar ; on y verra par-tout les maladies déterminées
par la mollefïe & le relâchement de la fibre ,
former des engorgemens fréquens dans les- vifcères
abdominaux ; mais la patrefcenee, changeant de
caractère fuivant les d^rérens degrés de chaleur,
être cachectique & fcorbutique dans les climats
plus froids, bilieufe , âcre , & brûlante, & attaquant
promptement & rapidement le principe des nerfs
dans les climats excefïivement chauds.
Maintenant, en mettant â part les effets propres
à l’humidité, obfervés dans ces différentes températures,
il réfultera que le caractère général
propre aux maladies des climats chauds , eft le caractère
bilieux. I l ne diffère que par le degré,
& ce degré eft proportionnel a l ’intenfité de la
chaleur. Ainfî, fuivant que l’humidité d’un côté,
la conftitution'du fujet de l ’autre , aideront & fa-
voriferont fon développement , on aura une infinité
de degrés depuis les éphémères ou les tierces les
plus (impies , jüfqû’aux fièvres ardentes les plus
A F R graves, compliquées de jauni (Te, de vomiffemens,
d évacuations bilieufes fymptomatiques , & terminées
tantôt par des fueurs abondantes fi elles font lé gères
& bénignes, tantôt: par des flux bilieux, fou-
vent par des engorgemens , quelquefois par des
tumeurs à la peau, comme des boutons, des furoncles,
des charbons , & même des dépôts. Souvent auffi
les furoncles font les feuls fymptômes qu’éprouvent
les perfonnes qui panent dans un climat
chaud, & iis paroiffent fans avoir été précédés d’aucune
fièvre fenfible, ou du moins remarquable.
Mais quelque facile que foit à fâifir la liaifon
de ces différentes caufes avec leurs effets , il fera
difficile de concevoir comment ceux qui font échappés
une fois à la fureur de ces maladies, foit
qu’elles leur foient venues naturellement, foit
qu’elles aient été déterminées par quelques excès
ou quelque accident , & ceux mêmes qui fe font
préfervés pendant un certain temps de leurs attaques
par des précautions fages, & prudentes ; comment
, dis - je , ces perfonnes deviennent dès lors
infenfibles à des caufes qui ne ceffent point d’exifter,
& dont l ’aftion femble fi directe & fi néceffaire ,
c’eft-à-dire , comment ils font acclimatés , & prennent
, pour ainfî dire , le droit de bourgeoisie dans
le pays. Le fait eft cependant exaCfc, 8c dure constamment,
à moins qu’il ne furvienne-des variations
extraordinaires dans l’atmofphère.
Par la même raifon on conçoit aifément comment
il fe fait que dans les contrées les plus infalubres de
Y Afrique , il y a des endroits q u i, par leur falubrité,
deviennent des espèces ae retraites contre
les mauvaifes influences du climat ; mais il eft
difficile de, dire pourquoi les nouveaux arrivés,
qui ont féjourné dans ces lieux l’efpace d’une
année complète , c’eft - d - dire , d’une révolution
, fe trouvent affez acclimatés dans ce fé-
jour de fureté , pour être dès lors d l ’abri des
maladies du pays, même dans les parties, les plus
infalubres. Ce fait eft cependant prouvé par plu-
fîeurs expériences. Ainfî, dans l ’île de Saint-Iago,
l ’une de celles du Çap-Verd , il eft un endroit
appelé San-Domingo , où féjournem les gouverneurs
portugais avant de réfider dans la capitale
de leur gouvernement ‘ ( L in d , p. 11 , ch. 11 ,
p. 195 édit. Lond. 1768. ), T elle eft encore ,
relativement aux autres îles du Cap-Verd , celle
de Saint-Antoine y la plus feptentrionale & la
plus falubre de toutes ( ibid. ch. 1 , p. 15.0 , &
p. 1 , ch. 11 , p. 7 1 ) . T elle encore l ’île de
Gorée , relativement aux comptoirs du Sénégal
& de Gambie. ( Ib id , p. 149.) Cependant
i l faut convenir qu’il eft. des lieux ou l ’on ne
peut s’acclimater, même par un longféjour; telles
font, entre autres , l ’île de Mozambique , près de
la côte de ce nom , & l ’île de Saint-Thomé ,
dans le golfe de Guinée , foüs la ligne équinoxiale.
De tout cela il réfulte que les maladies par
lefquelles l’homme s’acclimate font à la vérité évi-
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demment dépendantes de la conftitution de l ’air &
de fa température, ainfî que de la nature des lieux ; &
malgré cela, quelque peu équivoque que foit la révolution
qui s’opère chez l’homme par faCtion néceffaire
de ces caufes, il reftera toujours très-difficile de
déterminer précifément en quoi confiftele changement
qui fait qu’un homme eft acclimaté , c’eft-â-
dire , quelle eft la différence phyfique préciie entre
un homme qui eft acclimaté , 8c celui qui ne
l ’eft pas.
i° . Les changemens dont je viens de parler,
8c par lefquels les européens s’acclimatent en A f r i que
, fe paffent à l ’intérieur du corps, ont lieu
dans un efpace de temps très-limité, & paroiffent
agir en grande partie fur les humeurs. Mais ne doit-
i l pas fe faire , au bout d’un temps plus. long ,
un renouvellement tota l, dans lequel les folides
du corps éprouvent à leur tour la même révolution
que les fluides ? Si cela eft, on aura décidé
.une queftion qui, jufqu’à cette heure, eft plus
préfumée que démontrée ; favoir , fi les différences
phyfiques extérieures-.qui carattérifent les nations
& qui en forment la phyfionomie, dépendent des
climats autant qu’elles paroiffent y répondre, il
fuit encore de l a , que les différences qui diftin-
guent une colonie , de la nation de laquelle elle
tire fon origine , feront moins fenfîbles dans les
premiers colons que dans leurs defeendans , 8c
moins dans les premières générations que dans
'celles qui les fuivront. Cependant elles retiendront
toujours quelques analogies qui attelleront
leur première Origine ; Car aucun fait n’a prouvé
jufquici que la couleur des nègres, par exemp
l e , ait paffé fur le front d’uné famille originaire
d’Europe ; & c’eft encore ainfî qu’on croit
retrouver chez les abiffins des lignes extérieurs
qui femblent attefter qu’ils font originairement
arabes. Les lignes les plus apparens des changemens
qu’opère le climat, font dans la couleur de la
peau, dans la chevelure , dans les traits du vifage,
l ’embonpoint, la ftature, l ’aélivité habituelle de ‘
l ’homme ', & la manière dont s’exercent fes diffé-
férentes fonctions. Je ne vois pas que nous ayons fur
ces objets des obfervations affez no-mbreufes , affez
confiantes , affez fuivies. Nous (avons bien que
l ’homme qui a long-temps habité un climat chaud,
prend une couleur plus brune, qui vient de l ’atfion
immédiate du foleil & d’un air pour ainfî dire
incandefeenf ;■ nous favofts encore que cél,ui qui eft
né dans ce climat, le créole , femble préfenter une
teinte de plus dans la couleur de fon vifage; &
même fi l’on y prend bien garde, cette couleur,
plus folide que celle de l ’homme Amplement
tranfplanté , eft fbuvent accompagnée d’une efpèce
d’enduit qu’on croiroit gras & huileux, dont nous
avons déjà fait foupçonner l ’utilité, & qui eft fî |
remarquable chez le nègre & l ’homme' de coü- !
leur. Gette obferVation ft’eft pas à beaucoup .près !
générale ; mais elle a lieu dans beaucoup d’ in- :
«ividus. Ce fait ne peut pas être le feul g
A F R 3 3 ÿ changement • organique qui exifte dans l ’homme
des pays chauds, 8c il fuppofe néceffairement des
différences plus étendues dans la conftitution du
corps animal.
Pour bien fixer fes idées â cet égard , il faudra
confidérer d’où l ’homme part & où il s’éta*-
blit ; quelle vie il menoit dans, le lieu de fa naif-
fance , & qu’elle eft celle à laquelle il fe livre
dans -fon nouvel établiffeinent ; quelle étoit fa
conftitution dans fon pays natal , quelle elle eft:
dans fon pays adoptif, 8c. par quels changemens
il paffe de l ’une à l ’autre. Mais pour que ces obfervations
puiffent être de quelque utilité , il ne
faut pas arrêter fes regards fur un petit nombre
d’individus; il faut étudier la conftitution dominante
d’une nation entière, fon caractère phyfique
& même moral ,< & comparer enfemble les obfervations
faites d’un côté, dans la mère patrie , de
l’autre dans les colonies formées par elle fous-
un autre' ciel. Il faudra comparer , non feulement
l ’adulte à l ’adulte , mais encore l ’enfant naiffant
dans l ’ùn 8c dans l ’autre climat, 8c fuivre de
part & d’autre tous les progrès de fon développement
aepuis la naiffance jufqu à la mort. Il faudra voir
encore fî des .‘colonies venues de nations très-différentes
prendront un càraCtère exérieur plus1 analogue
, en habitant un même climat : fî, par
exemple, les caractères qui diftinguent le portugais
, le hollandois , & l’angloispourront s’effacer
par un long féjour ; 8c fi dans la fuite de
leurs générations ils finiront par fe confondre»
I l eft encore important, pour l ’exaCtitude de
ces obfervations , de noter quelle eft la nature des
établiffemens dans lefquels on les fait. Car il faut
diftinguer les comptoirs où l ’européen, uniquement
occupé de l ’agrandifTement de fa fortune ,
ne s’arrête que pour fon commerce , goûte à peine
en paffant les, plaifirs de la vie , & n’afpire qu’au
moment où , ayant rempli fes projets , il. pourra
porter dans fa patrie le fruit de fes travaux ; &
les établiffemens plus étendus où il fixe fa demeure,
contracte des liens folides , & fe forme
une nouvelle patrie où il fonge à fe procurer
des jouiffances durables. Il eft inutile de s’arrêter
long-temps à, prouver que ce dernier genre d’éta-
bliffement eft le feul qui puiffe donner a une nation
un.’ caraCtère fixe & remarquable. Ainfî, il ,ne faudra
point aller obferver les européens dans les comptoirs
du Sénégal & de Gambie, mais voir les
angiois à Sainte-Hélène , les hollandois au Cap
les portugais aux îles du Cap-Verd , au Congo,
& à Mozambique ; les françois aux îles de France
& de Bourbon : encore trouvera-t-on peut-être bien
peu de familles qui aient regardé ces lieux comme
leur patrie , & qui s’y foient fixées depuis un temps
fuffifant.
Il faut 'aufîï, même dans les établiffemens les
mieux formés & qui méritent vraiment le nom
de colonies , confidérer diverfes fortes d’habitans ;