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ques maladies mal traitées & négligées, comme
la fourbitre, les javarts , les clous de rue, &c,
le mettent non feulement hors de ferviçe pendant
trop long-temps, mais dont la cure, même en la
fuppofant paffible, laiffe toujours à craindre qu’il
ne relie eftropié , par conféquent inutile , & que
la dépenfe n’excède de beaucoup fa valeur. Cette
obfervation , prefque générale , fondée fur l’intérêt
des propriétaires , fera toujours au nombre des caufes
qui s’oppoferont aux progrès de la médecine des animaux.
( M. H u z a r d .)
ABANO ( P ierre d*). Biographie, Hijloire
de la Médecine. Le véritable nom de ce médecin
eft Pierre. C’eft donc fous la lettrine P qu’il fau-
droit en parler. Mais comme le mot Abano eft j
le nom fous lequel il eft plus connu , nous nous i
écartons ici de la règle. Avant Mazzuchelli, on
n’avoit point une notice étendue de cet homme
célèbre. Son hiftoire faite en italièn par cefavant,
eft inférée dans le tome xxiije d’un ouvrage intitulé
Raccolta d ’opufcoli fcientijici e filologici. Ve-
nezia, 1741 » in -ü . Nous avons traduit la notice
de Mazzuchelli , laquelle (ê trouve dans nos Mémoires
littéraires, & c , in-40, 1775 , pag. 30— 64,
mais que nous abrégerons ici.
Pierre fut furnommé d'Abano, du nom de fa
patrie, ville du Padouan, affez fameufe par fes
bains. Voici comme i l eftdéfigné en latin: Petrus
de A pono, Petrus aponenfis ; en italien , Pietro
d'Apono , Pietro Appone, Pietro de Abano. Il
naquit vers l’an 1x50 3 i l indique affez bien cette
date, lorfqir’i l obferve qu’i l compofoit fon Conci-
liator en 1303, âgé de ^3 ans. Son père, qui
étoit notaire, Te nomme Cojlan^o ( Confiance. )
Comme dans ce fîècle les fciences étoient peu
cultivées, en Italie, il en fortit pour aller chercher
ailleurs les connoiffances dont i l étoit avide. On
croit qu’i l paffa en Grèce , pour y apprendre la
langue de cette contrée. Quoi qu’il en foit, il
fe mit en état de l ’entendre, ainfî que la langue
latine. I l s’appliqua à toutes les fciences phyfî-
ques , & même à la Phyfxognomie, â la Géomantie,
la Chiromantie, arts dont on continua de s’occuper
long-temps après lui , & qu’on abandonna
enfin après en avoir reconnu la vanité. Naudé dit
qu’il fut reçu maître en Philofophie & en Médecine
dans l ’univerfité de Paris ; mais fans produire
de ce fait aucun témoignage. Ce qui eft certain,
c’eft qu’i l obtint ce double titre, & qu’il enfeigna
la Médecine.
Alidofi ( écrivain italien ) , parmi les docteurs
étrangers .qui ont été à Bologne leéteurs en Médecine
, place Pietro Appone da P a do v a , entre
P ace di Bonmercato, médecin dès 1176 , &
Paolo di M. Giovanni da P arma, médecin en
139.7. En fuppofant que P ace di Bonmercato ait
été .fait profeffeur cinq ans après fon . doârorat,
g’eft i dire ? eu 1 1 8 1 , & qu’i l ait rempli çette
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fonction pendant dix ans 3 Pierre peut lui avoii?
fuccédé vers l ’an 1191. Il avoit alors 41 ans. I l
paroît qu’après avoir enfeigné à Bologne, i l fut
appelé d Padoue ; mais on ignore combien de temps
il fut dans l'une & l’autre ville.
Ce dont on ne fauroit douter , c’ eft qu’il acquit
en Italie une fi grande réputation , qu’il fut regardé
dans la Médecine comme un prodige 3 il
fut eftimé le premier médecin de Ton temps. Une
chofe ne contribua pas peu à donner de lui une
haute idée , ce fut fon favoir en Aftrologie , à
laquelle i l s’étoit appliqué d’une manière particulière
, comme fes écrits le prouvent. On pourvoit
autrefois s’en convaincre encore mieux par
plus de quatre cents figures aftronomiquès qu’il
fit peindre en 1313 fur la voûte de la falle publique
de Padoue 3 elles ont été détruites par le feu en
14x0, & refaites depuis par Giufto, peintre ha-
bile. ' '
A l ’Aftronomie il avoit joint l ’étude de la Philofophie
naturelle & des Mathématiques , dont oii
avoit alors de foibles notions 3 &• parce qu’il s’en
fervoit avec avantage , fuivant les circonftances,
ce fut un prétexte général de le regarder comme
le plus grand magicien de fon fiècle : opinion
qui a donné naiffance à bien des contes & des fables.
On a cru & débité, pa-r exemple , qu’il
avoit acquis la connoiffance des fept arts libéraux
par le moyen de fept efprits familiers qu’i l tenoit
renfermés dans un bocal de criftal.
Cette abfurdité & beaucoup d’autres ne pro-r
viennent que de l’ignorance du peuple , & d’urç
fiècle dans lequel on voyoit peu d’hommes réunie
en eux tant de connoiffances, les Belles-Lettres ,
les Sciences , la Philofophie ou la Magie naturelle
, au point ou les poffédoit Pierre d’Abano*
Tandis qu’il jouiffoit de la confidération la plus
grande, récompenfe flatteufe due au favoir & au
mérite, il eft dénoncé à l’inquifition comme magicien.
Cefte affaire lu] fut fufcitée par l’envie ;
çar un dç fes principaux aççufotejirs fut un mér
decin nommé Pierre' de Reggîo , devenu fon enr
ne mi, du déplaifir qu’il eut de fe voir éclipfé ? dç
même que tous les médecins de ce temps , par lç
favoir &par la réputation de Pierre d* Abano.
U fut donc traduit devant le tribunal de l ’in-
quifition l ’an 1306 : mais il eut le bonheur de
trouyer pour pr.oteôteurs Jacques d’Alvarotto ,
Pierre Altichino , & le poète Lupato. Il obtint^
par leur crédit, la facilité de fe défendre & de
prouver fon innocence 3 aufli fut-ij. déchargé de
î ’accufetjon qu’on lui avoit intentée : mais en conf~
tinuant l’exercice de fa profeffion, & en obtenant
çncore plus de célébrité, il augmenta le dépit da
fes envieux.
Ils n’abandonnèrent point le projet de le perdre 5
ils l ’accusèrent une fécondé fois devant le même
tribunal, bien qu’il l ’eût d’abord déclaré innocent.
Ce fut l’an 1315 ; il demeuroit à Padoue. Ors
reprifdonc çette affairej mais avant quelle ftjf'
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terminée, Pierre mourut âgé de 66 ans , cette même
année 1315 ou la fuivante 1316 5 ce qu’il n’eft pas
ftifé d’affurer^pofitivement.
La fin de Pierre d'Abano fut accompagnée de
circonftances qu’on fouhaite voir .dans.. une per-
fonne qui , bien qu’accufée d’héréfie ou d’autres
crimes femblables, veut mourir dans les
fenliments d’un vrai catholique. I l fit fon tefta-
ment j i l s’y déclare expreffément bon catholique,
& confeffe qu’i l croit tout ce que l ’Églife enfeigne,
& tous les articles contenus dans le fymbole des
apôtres , & dans celui de S. Athanafe. Scardéone,
qui affure l’avoir lu , n’en rapporte pas davantage.
Tommafîni, qui paroît avoir vu auffi c e . tefta-
ment, ajoute que Pierre laiffa à la ville de Padoue
1500 livres qu’on lui devoit pour les trois
derniers mois échus de Tes appointements. Salomoni
rapporte auffi que Pierre fonda des meffes pour le
xepos de fon ame.
I l laiffa un fils, nommé Benvemito, & fut enterré
avec pompe dans Téglife de S. Antoine.
Cependant les inquifiteurs continuèrent l ’inftruc-
tion du procès de Pierre ; & l ’ayant déclaré coupable
, ils le condannèrent au feu. Le médecin
étant mort & enterré, ils ordonnèrent, fous peine
d’excommunication, aux magiftrats de Padoue, d’exhumer
fon corps, & de le faire brûler dans la place
publique.
Cette fentence toutefois n’eut pas Ion effet 3 elle
ne l’eut au moins qu’en apparence : car ( au rapport
de Scardéone ). Marietta , fa domeftique , qui
avoit long - temps demeuré avec lui , ayant été
avertie de ce jugement, le fit fecrètement déterrer
pendant la nuit & tranfporter dans l ’églife de
S. Pierre. Il fut mis dans un tombeau trouvé ouvert
auprès de la porte de cette églife.
Cependant on chercha fon corps 3 & comme
$$£ né le trouva point, les inquifiteurs entreprirent
de procéder par de févères cenfures , non feulement
contre ceux qui l ’auroient enlevé ou caché
, mais encore contre les complices ou ceux
qui en avoient quelque connoiffance. Le magiftrat
’& le fénat de la ville s’étant oppofés à la rigueur
de cette ordonnance, les inquifiteurs, après avoir
lu publiquement la fentence prononcée contre
Pierre- a A b a n o , firent brûler dans la place,
ail lieu de Ton corps qu’ils ne purent avoir , une
effigie ou un mannequin qui le repréfentoit.
Scardéone & Tommafîni difent que le corps
du médecin perfécuté fu t, dans la fuite , tranf-
porté du fépulcre de S. Pierre, où il étoit caché ,
V mais fans aucune pompe, dans' l ’églife de S. Au-
gùftin, tout auprès -de la principale porte, où fe
li t l ’infcription fuivante, taillée fur une pierrefépul-
fcrale :
P é t r i A p ô n i
C i n er E S.
O r . A n . 13iy;
AS T.. 66. .
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Cette Infcription ne fut mife que long-temps
après la mort de Pierre. L ’inquifition s y feroit
oppofée, fi on l ’eût fait lorfqu’elle venoit de
févir contre lui. Mais quand on confidère que le
corps de Pierre d*Abano a été enterré avec pompe j
<^ue ce corps exhumé a été reçu dans une autre
églife, on doit en conclure que le médecin n’étoit
pas univerfellement reconnu pour magicien, pour
athée, ou pour hérétique 5 ce qui le prouve encore
, c’eft qu’on a fouifert depuis, que cette inf-
cription fût dans une églife. L ’y auroit-on laiffée,
fi Pierre eût été véritablement convaincu d’hérêfie
ou d’athéifme ?
Le crime de Pierre fut fon mérite , Ton favoir,
& fa réputation. L ’envie s’éleva contre- lui j &• la
religion des juges, alarmée & féduite , prononça
une fentence dont l ’injuftice fut fentie , lorfque le
temps eut ramené les efprits prévenus , ou renouvelé
le tribunal de l ’inquifîtion.
Si notre médecin ne fût pas mort durant l ’inf-
truétion de fon procès, il auroit peut-être ouvert
les yeux à fes juges -, & prouvé une fécondé fois
fon innocence. L ’ouvrage qu’il avoit compofé dès
13P3 , contenoit des chofes qui réfutoient les accu-
fations de fes ennemis furieux.
Mazzuchelli a dit avec raifon , que Pierre
a Abano avoit voyagé en plufîeürs contrées pour
augmenter fes connoiffances. En parcourant fes ouvrages
, nous avons vu qu’il avoit demeuré â
Conftantinople , où i l fe donna des mouvements
pour fe procurer un fécond exemplaire des problèmes
d’Ariftotej & qu’il avoit demeuré un an, tant en Angleterre
qu’en. Écoffe.
Il ne faut juger du favoir de Pierre d’Abano
que relativement au fiècle où il a vécu. C’eft fous
ce point de vue qu’on peut dire qu’il étoit très*-
inftruit 3 il avoit beaucoup lu 3 il écrivit beau.coup 3
i l compofa la plupart de fes ouvrages en latin : mais
fon ftyle eft dur & barbare.
Mercklin ( copié enfuite par Manget & par d’autres
) a avancé que Pierre avoit pour le lait une
averfïqn fi grande , qu’il ne pouvoir voir quelqu’un
en faire ^ ufage , fans éprouver des naufées. Un
autre écrivain a été beaucoup plus lo in , en ajou-.
tant, «jue non feulement Pierre n’én ufoit p as ,
mais qu il empêchoit Tes malades d’y recourir . . .
Ces deux affermons font également fauffes. On
peut s’en convaincre en conmltant fon Concilia-
tor, differ. cxciiij, fol. 260. T l ràpporte en cet
endroit -les divers fentiments des médecins fur
l ’ufage du lait dans la phthifie, les uns le regardant
comme- nuifible , les autres comme avantageux.
I l eft, vrai qu’il le défendoit dans certains cas
où on l’interdit encore aujourd’hui. Mais il eft faux
& très-faux qu’il empêchât fes malades de recourir
à cet aliment médicamenteux.
Ouvrages de Pierre d’Abano.
i 0- Conciliator differentiarum philofophorum