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Un enfant plein d’efprit & d’un jugement précoce
éprouva des attaques d’épilèpfie ; il mou-,
tut âgé de vingt-fept ans. On trouva dans la
faux de la dure - mère .une grande quantité de
petits os.;
Un gentilhomme , qui menoit une vie irrégulière
& criminelle, & qui étoit toujours dans
des fureurs mélancoliqües , vint a mourir : on
trouva-, a l ’ouverture de fon cadavre , un abcès
dans les tuniques du méfentère.
Mille expériences prouvent que les chiens ,
qui ont des obftruétions à la rate, font très-libidineux
j les mélancoliques , qui ont des skirres ~
à la rate , font extrêmement enclins à l'incontinence.
Une femme mélancolique & colérique l ’excès
mourut; la rate , le coeur, & toute la peau
du corps étoient noirs.
Si les auteurs qui ont donné l’hiftoire des ouvertures
des cadavres , âvoient noté les pallions de
chaque individu , & les irrégularités de Conforma- *
tion, & de ce- qu’ils auroient trouvé d’extraordinaire
,, i l eft certain' qu’on pourroit prouver que
fes vices dominans ne dépendent pas feulement de
la mauvaife éducation & des mauvaifes habitudes ;
. qu’ils dépendent le plus fouvent , en partie , de
la mauvaife conformation du corps de l’état de
nos humeurs._ '
J’ai penfé , depuis long-temps, que la principale
caufe de la vertiï de Socrate dépendoit de
fon excellente conftitution. j ’ai vu & caufé avec
les tartares de Baxkir ; ils font de la religion
mahomélane ; ils vivent toujours’ en campagne;
ils ne mangent que du lait & de la chair, & jamais
de pain ; ils font pacifiques , parlent peu ;
ils ont un jugement & une fagacité admirables,
fans montrer de pallions,'ni haine , ni amour :
ces corps , àinfi formés , ne connoiflent pas
les pallions brillantes qui ne viennent que
de la foiblefle' des nerfs & de leur trop grande
élaftidté»
Cette .confîdéï âtion me fait fouvent admirer cès
paroles de'Salomon : Puer eram ingeniofus &
fôrtitus animam bonam. Dans-mon enfance, j’étois
doué d’un efprit fubtil, & mon ame étoit portée
au bien.
J’ai prouvé, que nous nous trompions dans le
jugement -que noirs formions des gens foux, ex-
travagans , enthoufia'ftes, en accufant toujours lame
des Vices de l ’ efprit , fans faire attention que
l ’origine de tous ces défauts vient fouvent en
partie de la conformation , de l ’altération , & des
maladies! du corps. Je veux aufli que les médecins
guenflent ces défauts , ou par le régime de
vivre, ou par - le changement de. climat, comme
font les légifïateurs- en envoyant dans- les Indes ,
©u-dans les tolonies i les enfàns que l ’on regarde
c6m me de mauvais fùjets, ce qui eft l ’avis
‘de GaliVn dàhs l’endroit cité ; ou en excitant d’autres
infirmités qui aient la propriété de porter
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l ’efprit à certaines "pallions contraires , ne laifTanf
pas , comme nous faifons, tout entre les mains des*
théologiens , des jurifconfultes , & des pères de-
famille , qui s’imaginent que les coups , les menaces
font luffifans pour remédier à tous les;
vices de leurs enfàns (i). Cette partie de la Médecine
feroit revivre la doctrine philofophique de
la Grèce, d’Afciépiade , & de Galien.
Je vais traiter des effets- que produifent les humeurs
& les différentes -conformations fur l ’extrémité
des nerfs & le diaphragme ; par ce moyen
on verra le cercle'admirable du corps, tant dans
le fyftême nerveux que dans le fyftême des artères-
& ,des veines.
Les malheureux épileptiques tombent rarement
dans leurs horribles accès, fans être avertis par une-
vapeur qui leur frappe , comme ils difent ; un*
pied , une jambe, ou un bras : tant qu’ils fentent
cette vapeur froide , comme ils ont encoreileur
jugement , ils Crient au fecours ; ils portent la*
main à cet endroit : cette fenfation défagréable-
continue de s’élever ; & auffi-tôt qu’elle eft parvenue
au diaphragme , dans l ’inftant ils perdent
connoiflance , ils tombent en eonvulfions. La peinture
de cette maladie terrible eft parfaitement décrite
dans Arétée de Cappadoce'J; efiap. de l ’épi—
lepfie )-. Je fuis perfuadé que l ’homme le. plus
intrépide ne pourra lire cet article avec attention
, fans la plus grande émotion. Galien 8c
tous les obfervateups ont remarqué ce que je
viens de rapporter ; ils ont confeillé de porter
continuellement une ligature faite avec une forte
ficelle à l’endroit d’où part cette vapeur, & dans
Tinftant qu’on fênt qu’elle commence à venir, de
ferrer fortement la ficelle jufqu’à caufer une douleur
violente , qui fert quelquefois dé remède.
L ’hiftoire la plus remarquable qui fé trouve à
ce fuj’et dans les obfervateurs, eft dans les a&es
de la fociété d’Edimbourg ( vol. 4 , g. 4 16 , èdit.
d’EcLmbourg'). Nous la devons 3 M. Short, de la
fociété royale de Londres. Une femme âgée d’environ
trente ans avoit été épileptique pendant
l’efpace de douze années. Dans le commencement.,
les accidens venoient tous les mois & dans les
dernières années, ils revenoient quatre ou cinq
fois par jour. Us duroient ordinairement une heure,
& quelquefois une heure & demie. Elle étoit fi
extravagante & d’un jugement fi ridicule, qu’elle
ne pouvoit gouverner fa maifbn ;. elle étoit in-
eonftante , fans aucune attention ni décence. On
fit prendre différens remèdes , des évacuans , des
. antifpafmodiques, des anti-épileptiques : mais tout
(1)' Speramus enim & cupimus futurum... ut medici nobïfio-
res animos non nihil erigant; ne.jue toti fint in curarunt
fordibus., neque fólumpropter necejjitatem honorentur , fed
fiant demum omnipotentice & dementia divince adminiJlri in
vitd hominum prorogandd & infiauranda. . . Franc. Baco-
his, barenis de Pdulamio, hijioria vitm & mortis, in prof at.
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fut inutile , & la maladie devint tous les j’ourS
plus terrible & plus rebelle. L’accès commençoit toujours
par le bas du gras de là jambe ; & dans Tinfiant
la tête étoit attaquée : elle 'tomboit par terre,
avoit des eonvulfions , rendoit l ’écume par la
bouche , avec des contçrfions terribles des lèvles ,
du cou , & . des extrémités* Une fois , dit M.
Short, que je lui pariois, eliq. tomba dans l ’accès
qui la renverfâ par terre. J’examinai la jambe ;
je n’y trouvai ni tumeur , ni rougeur , ni dureté ,
|i| relâchement ; elle étoit dans le même état que
l ’autre. En considérant que la caufe du mal étoit
dans cet endroit, je pris une lancette à abcès,
& ayant fait dans cet endroit une incifîon profonde
de deux pouces , je. trouvai un corps dur
que je féparai des mufcies, & que je tirai avec
des pinces. En l’examinant, je trouvai que c’étoit
un ganglion de la gro fleur d’un gros pois. Il
étoit adhérent à un nerf que je coupai par la
moitié ; & aufli - tôt que j’eus coupé & tiré le
ganglion, l ’accident fut terminé, la malade cria
qu’ëlle étoit guérie ; & en peu de temps le
corps & l ’efprit furent entièrement fains.
Vous voyez qu’il exifte hors du cerveau, vers
l ’extrémité des nerf? , des maladies qui affëélent
le cerveau même , & produifent fur ce vifcèré
toutes fortes d’accidens, depuis le vertige jufqu’à
l ’apoplexie , ^depuis la trifteffe jufqu’à la terreur,
depuis la colère jufqu’à la fureur j & que
cette extrémité des nerfs étant changée ou coupée
, dans ' l ’inftant le corps & l ’efprit font
guéris.
J’ai déjà cité Hippocrate fur ce qu’il dit des
maladies des filles avant l’apparition de leurs
règles. Lorfque la nature fait effort pour expulser
, par les artères de l’utérus , la portion dû
fang inutile à la nourriture , la réfiftance de çes
artères fait refluer ce fluide vers le diaphragme ,
énfuite vers là tête ; ce qui produit une ftupeur
que le délire fuit'ptefque toujours. Tune fa n -
g uis, non-kabens ajfluoàum ,præ tjiuldtudine, re-
j i li t ad cor & ad feptum tranfverfum. Cum
ïgïtur heee repleta fu e r in t, cor fatuum fit &
ex fatuitate torpédo ; pofiçà ex torpedine delirium.
Nous avons vu les effets qu’un amour
exceffif produit dans les ovaires ; enfin nous avons
vu que lorfque les parties génitales font gorgées
de fang , tout le fenforium commune eft dans '
l ’agitation , & qu’il s’enfuit des affections hyfté-
riques, accompagnées de paflions de l’ame , remarquables
par leur variété & leur extravagance.
Tous ces accidens dépendent de l ’état de
l’ovaire faih ou moibifique , de l ’utérus, & des
trompes de Fallqpe. Toutes cès parties font tellement
tiffues de nerfs qui s’y terminent, que c^eft
de là que dépend le. canfehfus qui exifte entre
l ’uterus & lé fenforium commune , ou l ’origine
des nerfs. Ces fyraptômes fe montrent dans le
diaphragme & dans tout fon département , qui
font lés 'vifeères.
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Dans ces endroits, 011 obferve des reflerremens,
des difficultés de refpirer , des naufées , des vo-
miffemens, des vents, des borborigmes ; les\ malades
ont des flux d’ürines claires comme de l ’eau.
Tous ces effets procèdent de la fenfibilité des
nerfs. Les roborans, la diète font les remède*
de ces indifpofitions.
Avant les accès, de goutte & des hémorroïdes ,
on fent un poids dëfagréable au cardia. L ’eftomac
fe gonfle, on éprouve des vents",des borborigmes;
le fommeil eft interrompu. Si la goutte paroît à
un pied ou que les hémorroïdes fluent , tous
ces fymptômes difparoiffent : cette humeur gout-
teufe , qui - était dans les vifeères , mife en mouvement
, altère & pique les nerfs du méfentère ,
qui communiquent avec ceux du diaphragme, 6c
caufe ces fymptômes , comme le fang c|es hémorroïdes
, avant de fortir. .
Nous ne eonnoifions pasvune infinité de manières
par lefquelles nos humeurs dégénérées peuvent of-
fenfer notre celveau, & nous obliger à penfer plus
Vivement à une idée qu’à une autre. 11 eft certain
, par ce-que nous avons dit plus haut>
qu’il s’engendre en nous de telles difpéfitlons , ou
par nos humeurs; ou par rorganifation qui bffenfe
l ’extrémité des nerfs qui . communiquent avec le
diaphragme , qu’aufli-tôt le ceiveau éprouve les
maux que celui-ci lui communique.'
Les défbrdres du fenforium commune , & les
imprefiions très-vives qu’ils produifent fur l ’ame,
fe guériffent de deux manières. La première |
qui fait fon effet immédiatement-fur l’efprit , en
excitant une douleur vive’, qui change l ’idée qui
affeéloit l ’ame , ou en excitant un chagrin vif qui
produit le même effet 5 Cardan dit qu’il reffentoit
des impétuofités d’efprit fi violentés , lorfqu’il ne
fbuffroit pas, qu’i l étoit ôbiigé de fe procurer
de la douleur.La fécondé maniéré eft en changeant
le corps de telle manière , par le régime de vie
& par les remèdes , qu’en produifant un nouvel
état dans le corps, on produife en même temps de
nouvelles idées.
J’ai entendu dire au grand Boerrhaave, mon
maître , qu’un homme très-favant , qui' étoit devenu
mélancolique , s’imaginait avoir des Cuiffes
de verre ^ & demeuroit en conféqûence toujours
affis , dans la crainte qu’il avoit de les cafter. Un
jour, par hafard , la domeftique , en balayant ,
donna par mal-adrefle' un tel coup dans lés cuiffes
du pauvre mélancolique , qué^la violence de la
douleur lui fit changer fon idée ; & le guérit
totalement de "fa folie , en lui perfuadant que
fes cuiffes étoient réellement de chair & d’os.
On a la coutume , dans les hôpitaux des
foux , de traiter les maniaques & les furieux
comme des bêtes féroces , en les frappant avec
des cordes & des baguettes. Les douleurs qu’ils
reffentent dans lés- parties frappées , changent , il
eft vrai, leurs idées folles, ainfi que lès appelle
- Mm 1