
que le lue qui s’ep écoule naturellement, n*eft
prefque pas lucré quand on le goûte feul, & paroît
au contraire alors très-fonfiblement acidulé.
9°. Le mûrier nous ramène naturellement au
■f i g u i e r ( ficus ) , q u i, comme Ta démontré M . de
Juflieu, appartient à une même famille, dans laquelle
le réceptacle des fleurs , par des nuances infennbles ,
fo développe & fe renverfe, de manière que , formé
en cône & portant les fleurs & les fruits en dehors
dans le mûrier, il s’étale , s’applanit, fe creufe, &
fe referme, par des gradations luccelfives, dans différentes
plantes , dont d’ailleurs les cara&ères fe
touchent, & finit dans le figuier par former ce fruit,
dans l ’intérieur duquel les fleurs des deux fexes fe
développent à l ’ombre & fe fécondent, pour ainfi
dire, dans le fecret. (voy. la famille des orties. Jujf.
nova généra plantaré) Ce réceptacle ( dans toutes
les autres plantes , au contraire , ce que nous
avons appelé fruit, ri’eft autre chofe que le péricarpe
ou l ’enveloppe du fruit) eft plein , dans
le figuier, d’un fuc mucilagineux extrêmement
fucré, & plus fucré encore dans les figues d’automne
que dans celles de printemps, quoique
cueillies fur le même arbre. Ce fuc, dans les figues
féchées, devient encore plus vifqueux, & y prend un
peu d’âcreté. J’ai déjà dit comment il méritait
alors les reproches d’Hippocrate, qui l ’accule de
caufer des rapports brûlans ; mais quand i l eft cru ,
51 a rarement cet effet.
J’ai parlé autre part des dattes, donc le lue mucilagineux
& très-fucré a une grande analogie avec
le lue des figues sèches , mais qui , parmi nous ,
font prefque entièrement réfervées aux ufages de la
médecine.
i o J ’ajouterai encore à cette lifte les fruits des
.cucurbitacées , dont le fuc préfente les mêmes
gradations qui ont été obfervées dans la plupart des
familles & des genres précédens, très-aqueux dans
le concombre ( cucumis fa tiva ) , plus aqueux
encore dans le meloa d’eau {-cucurbita anguria ) ,
très-mucilagineux & très-doux dans le potiron ( cucurbita
melopepo ) , fucré dans le melon ( cucumis
jnelo ). Mais par-tout ce fuc eft accompagné d’un
principe odorant, très-cara&ériftique, par lequel
tous les genres prefque fe reffemblent avant leur
maturité, & qui, après la maturationprend des
modifications propres à chacun. Ce principe, tel
que nous l’obforvons dans le concombre cru &
ouvert, & tel aufli qu’on peut le remarquer dans
le melon qui n’eft pas mûr, a quelque chofe de
rebutant & de nauféabonde. Alors le fuc de ces fruits
eft à charge à l’eftomac & donne des naufées ; il
feroit même purgatif ; il eft des genres dans cette
famille de plantes, qui, comme on le fait, le font
violemment. Appliqué extérieurement, ce fuc eft un
ï.épercuflïf très-efficace , & difïïpe promptement les
rougeurs & les boutons de la peau , non fans danger.
Dans la bouche il eft fade & non infîpide ( v. not. 63 ),
& occafionne une fenlation de fraîcheur, qui, comme
je l ’ai déjà fait preffentir, §, 1 , eft véritablement '
reflet d*un (palme particulier. Dans le concombre, le
fuc, en perdant parla décoétion fon principe odorant,
perd aufli fon goût en partie, & devient un aliment
fort aqueux & rafraîçhiffant ; dans le melon d’eau
ou paftèque, la maturation diffipe prefque tout à
fait le principe odorant & nauféabonde ; cependant
fon fuc, qui eft très-aqueux & fort abondant,
& que la plus légère preflion des lèvres, aidée
d’une fîmple fuccion, exprime de toute la pulpe ,
conferve la propriété d’exciter dans la bouche un
fontjment agréable de fraîcheur, quoiqu’i l ne lui
refte prefque aucune elpèce dégoût jc ’eft plutôt une
boiffon qu’un aliment. Dans le potiron, la maturation
diffipe également le principe nauféabonde ,
& laiffe au fuc plus épais & à la pulpe un goût
doux & légèrement fucré. On le cuit, & cette
opération contribue à le priver de tout principe
odorant ; i l eft chargé d’une partie colorante jaune.
Enfin dans le melon, le principe odorant fe change,
en mûriffant, en un parfum agréable, que beaucoup
de perfonnes trouvent délicieux, & qui cependant
conférve affez de fes premières qualités, pour qu’il
y ait encore , comme je l ’ai vu, des perfonnes auxquelles
cette odeur caufe des naufées & des défaillances.
Le fuc de ce fruit prend aufli un goût quelquefois
très-fucré, quelquefois vineux ou éthéïé, comme
s’il s’étoit excité dans fes"parties un commencement
de fermentation fpiritueufe tous ces fruits, dont le
fuc eft fi abondaut & fi aqueux, (ont par cela même
très-rafraîchiff&ns, quand ils ne font pas à charge à
l ’eftoma.G, mais ils font toujours peu nourriffans 3
le plus nourriffant de tous feroit le potiron.
i i °. Il eft encore divers autres fruits qui appartiennent
à différentes familles de plantes, & fou-
vent à très-peu d’individus de ces familles ; ôn en
a un exemple dans la pomme d’amour où tomate
(folamen lycoperficon), qui, au milieu d’uné famille
de plantes vénéneufes & affoupiffantes, offre
un fruit très-fucculent & plein d’une pulpe rougeâtre
très-acide. L ’acide femble être mis là comme
un contrepoifon du principe vénéneux , fi répandu
dans l’ordre des folanées, poifon dont les effets font
généralement corrigés par les acides ; & il eft bon
d’obferver que dans ces plantes, comme dans beaucoup
d’autres , la couleur rouge eft un indice de
l ’acidité, & comme un avertiffement pour nous
faire diftinguer les efpèces bienfaifantes, desefpèces
dangereufes. Le fuede la tomate eft employé dans
différentes provinces , comme un aflaifonnemenc
qu’on mêle avec les viandes, comme dans d’autres
lieux on fe fert de la bigarade ou du citron. Je
ne parle pas ici du fruit de la melongene (_folanum
melongenà), de la même famille, parce qu’il a
peu de goût & qu’il eft peu recherché.
Je ne parle pas non plus de beaucoup de fruits étrangers
, comme les ananas , les bananes , les bacovès,
les goyaves, les papayes, dont les fucs, tantôt doux,
tantôt acidulés, peuvent tous être rapportés à la clafle
dont il eft queftion, ni de ceux des palmiers, dont
les fruits & le tronc renferment une liqueur fucrée &
abondante, dont j’ai déjà parlé à l ’article A frique.
Ces différens fruits feront aifément claffés, à mefure
qu’on en expofera la nature dans différens articles
de ce dictionnaire.
Réfumé général fur les propriétés des fruits.
I l ne me refte plus ici qu’à réfumer & à préfen-
ler une enfemble général des propriétés de cette
clafle 8alimens.
i° . On ne peut nier qu’ils nourriflent, puifqu’ils
contiennent des principes démontrés nutritifs ; cette
propriété eft dans la proportion de leur partie ma-
cilagineufe ou géjatineufe, de leur partie fucrée &
de leur pulpe. Ainfi, les moins nourriffans font ceux
dans lefquels l ’eau eft dans une forte proportion,
relativement à toutes ces parties ; telles font les
cerifes, les pêches, les citrons, les oranges, les
airelles, les grofeilles, les mûres, les cucurbita-
cées. Au contraire les' plus nourriffans font par la
même raifon'les prunes fucrées, les abricots, les
pommes, certaines poires, les raifins fort fucrés
& fort mucilagineux , les figues, les dattes , &c.
i° . La plupart font rafraîchiffans ; la propriété
rafraîchiffante de cts fruits eft en raifon de la quantité
d’eau qu’ils contiennent, & de l ’acide qui eft
uni à leur lue. Elle eft au contraire moins évidente
dans les fruits qui contienhent beaucoup de fucre
avec un mucilage fort épais ; & la fubftance gé-
latineufe, réunie avec le cara&ère acidulé de ces
fruits plus fouvent que le mucilage vilqueux, pa-
ioît par cela même plus liée à leur vertu rafraî-
chiffa’nte. Ainfi les grofeilles & les citrons, à raifon
de leur acide & de leur eau; les cucurbitacées,
par leur eau & par le principe particulier qu’elles
con tiennent font très - rafraîchiffantes ; enfuita les
cerifes , les mûres, les pêches, & c ., & tous les fruits
qui joignent une grande quantité d’eau à un acide
moins développé ; les pommes , les poires ,
&c . , qui i ayant un acide fort doux, contiennent
une moindre quantité d’eau, préfentent une fuite
de fruits dont la vertu rafraîchiffante varie fuivant
la proportion de leurs principes ; enfin tous les
fruits qui contiennent un fuc très-épais , fort fucré,
pieu ou point acide , comme les raifins focs, les
figues d’automne , & les dattes, ne peuvent être
mis au rang des alimens rafraîchiffans.
30. Tous les fruits ne fe digèrent pas avec la
même facilité, & ne conviennent pas à tous les
eftomaçs. Plufieurs caufes peuvent nuire à leurs di-
geftions. i°. L ’acidité trop grande, j’ai déjà dit quel
était fon inconvénient«: peu de perfonnes peuvent
foutenir le fuc de citron pur, & quoique le fuc,
de grofeilles ait une acidité bien moins forte, il a
befoin d’être corrigé, pour convenir à.beaucoup de
perfonnes. Les corre&ifs font l ’eau qui délaye l ’acide
& l ’affoiblit ; le fucre qui l’adoucit & diminue
fa proportion refpeétive ; la cuiffon qui quelquefois
l ’altère, & de plus, en épaifliffant le fuc
gélatineux ou mucilagineux qui lui eft uni, en
change les proportions. z°. L a trop grande quantité
d’eau ; cet inconvénient n’a lieu que pour quelques
eftomaçs auxquels les délayans ne conviennent
pas. 30. La. fermeté de la chaire cette caufe ne nuit
pas généralement à la digeftion, mais la rend moins
prompte, en lui offrant un aliment plus folidej
& dans les alimens qui fermentent aifément, elle
favorife cette altération fpontanée, en prolongeant
leur féjour dans l ’eftomac. La cuiffon diminue cette
fermeté ; mais malgré la cuiffon, il eft des fruits
dont la pulpe eft fujette à occafîonner du gonflement
dans l ’eftomac , & les pommes cuites ont
fouvent cet effet, au moins quand on les a cuites
entières & fans divifer leur pulpe. Qu’on les examine
alors attentivement, on verra que leur pulpe
eft pleine de bulles d’air infiniment petites , qui
paroiffent dans tous les points , & dont une partie,
en fe dégageant, met fouvent de grands intervalles'
entre la chair & la peau de ce fruit. 40. La vifeofeté
& l’épaijfeur du fu c ; cette caufe diminue la promptitude
avec laquelle les fruits fe diffolvent dans l ’efi
tomac, & nous avons déjà obfervé que tout mucilage
très-vifqueux fe diffout mal, & véritablement,
félon l ’exprelfion d’Hippocrate, paroît, en endui-
f i n t les parois des intejlins d’un fu c difficile à
abforber , fermer l’ entrée des vaijfeaux aux
alimens qui fuivent ( ou Skyjma.i oi noyoi rrv rpoçn*
aAAviv iiritvo-Av ) \ il en téfulte que ces alimens, tels
que font les figues sèches , les raifins focs, les pruneaux
focs, fur-tout les doux, & les dattes , pris
en grande quantité , occafionnent des gonflemens &
s’altèrent parle féjour ; la cuiffon dans F eau diminue
cet inconvénient. 50. Un principe particulier ,
qui agit fu r les nerfs ; je crois que cette caufe
eft une de celles qui nuit quelquefois à la digeftion
des cucurbitacées. J’ai déjà dit quel effet l ’odeur
feule de ces fruits produifoit fur l ’eftomac : la cuiffon
détruit cet effet dans les fruits de cette clafle qui
peuvent être cuits. 6°. La tendance à la fermentation
ou à toute altération fpontanée, les fucs
doux , gélatineux, fucrés comme celui du raifin,
ou bus fouis, ou pris avec leurs fruits, mais en trop
grande quantité,.ont cet inconvénient. J’ai déjà dit,
d’après Hippocrate, quels étoient les inconvéniens
du moût. Les fucs qui contiennent un acide foible
avec beaucoup de gelée , comme le fuc des pommes
ou des poires mûres, non feulement fouis, mais
même pris avec leur fruit , ont aufli cet.inconvénient.
A l ’égard des fucs fort acides, ils fermentent
en général moins vîte. Cette altération fpontanée
dans l ’eftomac a rarement les caractères d’une
fermentation fpiritueufe ; elle a plutôt ceux d’une
acefcence, & occafionne alors de vives douleurs de
colique. J’ai dit que les fucs acides fermentoient
moins vîte ; cela eft vrai ; mais s’ils ont commencé
à fermenter & à tourner à l ’ aigre avant d’être avalés
, ce qui fe diftingue difficilement à caufe de
leur acidité naturelle ; cette acefcence y engendre
un acide d’une vivacité telle que nui correctif ne
peut l ’éteindre, fi ce n’eft peut-être les alcalefcens.