
quoit atjfli la main, mais il la promenoit fur les
parties affeétées, & le mal, dit-on, fuyoit àme-
lure que la main avançoit. Quand une douleur étoit
‘ fixée à l’épaule, il le vantoit de pouvoir ainfi la
'faire defcendre le long du bras , & l'amener jufqu’au
bout des doigts, où il pouvoit, diloit-il, la taire
fortir entièrement du corps.
Enfin parmi toutes les diîpofitions contre nature
qui conftituent les-maladies, il en eft une qui,
appartenant fpécialemeut au genre nerveux, rend
le corps humain fufpceptible d une foule d’impref-
fions de tous les genres, dont favent profiter les im-
pofteurs. Si l’on réfléchit bien a ce qui caradtérife, au
moral comme au phyfique, l ’état d’affection ner-
veufe , hypocondriaque , & vaporeufe , on verra
quelles facilités cet état préfente aux charlatans
adroits pour en profiter. Eli - i l rien d’auffi facile
-à exalter que l’imagination de pareils malades?
Tout entiers à leurs maux, quand aucun efpoir ne
leur fourit, iis n’exiftent alors que pour la douleur
; & leur mal augmente & s’accroît au phy-
.fique par la réaction du moral profondément afkCté.
-Alors leur exiftenee eft en tous points fâcheufe &
intolérable. Mais de cette mobilité même, qui lait
leur malheur , naiffent auffi des avantages. Annonce
t-on un nouveau moyen de guérir, fait-on luire
à leur eforit quelque efpoir inattendu ? ils s’y l i vrent
avec toute la vivacité d’un tempérament extrêmement
mobile, augmentée d’ailleurs par le
défir & le befoin, plus vivement fentrs, de voir
changer leur fituatîon. Autant les divers foins de
la vie étoient pour ces malades des fujets de peines,
de douleurs,, & de plaintes, dans leur état d’aflaif-
fement, autant, dans la erife d’enthoufiafme qui les
tient exaltés, & tant que dure leur rllufion , fe
portent-ils au devant de tout ce qui peut la perpétuer
& l ’augmenter. Mais dans ce travail de l ’imagination
vivement frappée , doit-on eonfpter
pour rien la réaCtion du moral fur le phyfique ?
Qui ne connoît pas fon inconcevable puiiTance fur
les fens, & tous les avantages qu’on peut en retirer
? Que faudra-t-il de plus pour ranimer une
foule d’individus , pour les rappeler a la vie r de
l ’état d’affaiffement & de mélancolie où ils étoient ?
Ne feront-ils pas revivifiés, pour ainfi dire,, tant
que durera leur illufion ? Et tous les maux que la
trifteffe-, l ’abattement du corps & de l ’elpnit,
l ’ennui, le défoeuvrement, leur avoient occafionnés-,
ne feront-ils pas diminués, ou même anéantis?
En général , voule2-vous faire des hommes ce
que vous voudrez ? venez à bout de les perfuader.
rour y parvenir, fervez-vous de leur penchant j>our
guériffoit pas au refte toutes les maladies réfiftoient à fon pouvoir, ce qu’il accribujo irq uàe lqceu eqs-uuen eles cmualilè reé todiut ftruojept qeunri ancein fée , proêur obiti epna sà àu n£ee s doipfpéorafittiioonns ;p afirvtiè
qiibd ingeneratus fit morbus , fivè %uod fingularis eom-
jlexio abhorrent*
le merveilleux; ajoutez-y la féduCtion de l’intérêt,
&les efprits que vous aurez frappés par de grandes
vues, & gagnés par de grandes promeffes y feront
entièrement à voire difpofition. Voyez les differentes
hiftoires des impofteurs, & vous en aurez
la preuve. C ’eft toujours par de grands objets qu’ ils
éblouifîent les hommes , par de grandes promefles
qu’ils les attirent. C ’eft, ou le pouvoir de Dieu,
ou une grande caufe phyfique, & tenant du ca^-
raCtère célefte,. qu’ils ont mis en jeu. Les affres-
le pouvoir de certaines intelligences fupérieures,
celui de Dieu ou des efprits malins , voila les différé
ns r efforts qu’ils ont fait jouer , en annonçant
d’ailleurs la médecine univerfelle. On peut dire
en effet de toutes ces fe êtes, foit l’art “des ençlian-
temens, foit l’aftrologie judiciaire, foit les polfef-
fions , foit enfin le mag.nétifme, ce que dit Pline
de la magie. Si l’on s’étonne que cette fcience ait
acquis tant de crédit, il en rend cette raifon. C ’ efi,
d it- il, quelle a fit fe prévaloir des trois fciences
Us plus efiiméesparmi les hommes j en prenant
d’elles ce qu’elles ont de grand & de merveiU
leux. Perfonr.e ne doute quelle ne fo it née de
la médecine, & quelle ne fe fo it in f nuée dans
les efprits fous prétexte de donner des remèdes
plus efficaces que les remèdes ordinaires. A ces
douces promejfes, elle ajoute ce que la religion
a de fplendeur & cTautorité pour aveugler &
captiver le genre humain. JE lie y mêle enfuits
Vajlrologie judiciaire , fd i f in t croire aux hommes
curieux de l ’avenir , quelle voyoit dans les
deux ce qui devoit leur arriver: En général, il
eft une difpofition des efprits confiante & univer-
felle, dont tant de charlatans adroits & de'fourbes
hardis ont lu profiter. Elle confifte dans le déiïr
que nous venons d’indiquer ic i, de voir naître une
méthode fingulière , propre à guérir les maux* les
plus difficiles par des moyens extraordinaires. C ’eft
dans les têtes ardentes , dans- les imaginations
échauffées , dans les conftitutions nerveufes, & les
malades hypocondriaques, qu’elle réfide. Non feulement
de telles perfonnes défirent vivement de
fe voir- délivrées de leurs matrx, fi elles en. éprouvent;
mais elles fe paffionnent auffi à i ’ex6ès pouç
le bien commun , & pour le fou-lagement desmaux
dont elles peuvent craindre de 1e voir atteintes..
C ’eft: en flattant ce goût très-décidé, en
profitant de cette difpofition très-ardente des efprits,
que s’opèrent les fuccès des impofteurs. Une théorie
impolante force les fuffrages, captive les efprits;
& fi des effets , quels qu’ils foient, le joignent à
ce premier appareil, la chance eft décidée car oa
exagère ces effets, & de fimples impreffions naturelles
qu’ils font, on les transforme en prodiges.
Or rien n’eft plus facile, comme nous allons le
dire , que d’obtenir ainfi quelques effets, au moins
paflagers, & même d’en produire de très-extraordinaires
en apparence.
Car ce n’eft pas feulement au moral que cette
mobilité fe fait remarquer dans les perfonnes ainfi
conftituées; elle exifte auffi au phyfique^, & c’eft
fur-tout fous cette dernière difpoiition qu’il eft facile
de cacher une fource d’iiiufions inépuisables.
Les conftitutions s’étant fucceffivemem affoibiies
avec le progrès de l’âge, il s’eft établi enfin, fur-
tout parmi les perfonnes du fexe , dans les grandes
v ille s , un tel état de mobilité dans les nerfs, que
la plupart d’entre elles font fufeeptibies d’entrer
en fpalme par les caufes les plus légères. Combien
ne connoît-on pas de femmes mélancoliques ,
vaporeufes, hyftériques , que tout g êne, qu’une
lumière un peu vive incommode , enfin que bleffent
les odeurs 8c le grand jour ? Combien de perfonnes
du féxe, fur-tout parmi celles qui font vivement
affrétées des nerfs , ou- épileptiques, qu’un bruit
imprévu jette dans de violentes convultions ? N ’a-
t-on pas des exemples de jeunes filles que l ’odeur
des églifes le matin, l ’air n’étant pas renouvelé,
fait tomber en fyncope ? C’eft fur-tout chez les
femmes, & plus encore lorfqu’elles font élevées
dans la molleffe, que cette difpofition fi fufeepti-
ble fe rencontre ,. la texture de leurs nerfs, la difpofition
des plexus dans les organes qui leur font
particuliers , le genre de vie qui leur eft propre,
les y rendant plus fujettes. Chez les perfonnes
de cette elpèce , de foibles caufes extérieures on
intérieures opèrent ce que ne peuvent faire que
des caufes très-extraordinaires fur des perfonnes bien
conftituées. Mais on fait qu’il n’en eft point qui
le foient fi parfaitement, que de violentes fê-
couffes ne puiffent les jeter dans des accès con-
vulfifs. Une grande frayeur, un énorme éclat de
tonnerre ne font-ils pas tomber des hommes,
même vigoureux, en-épilepfie? I l en eft de même
des fortes affrétions de l ’ame. Qu’on fe rappelle
cette hiftoire fi connue d’un paralytique que la
nouvelle' imprévue du feu qui venoit de prendre à
fa maifon, fit fortir de fon lit , & s’élancer enfuyant
au loin ; celle de ce fils qui, voyant un ennemi prêt
â percer fon père, 8c s’écriant pour le fauver, recouvra
la voix dont il étoit privé ? Sur des hommes
moins bien conftitués , il fuffit de caufes moins
aétives pour produire d’auffi grands effets;"car en
ce genre tout eft proportionné au degré de mobilité
des nerfs. Mais en prenant encore une difpofition
plus mobile du genre nerveux , telle qu’on
la rencontre fur-tout chez tant de femmes de nos
jours, il eft facile de faire voir qu’il fuffit fouvent
pour de certaines perfonnes d’une caufe foible 8c
légère , pour les jeter dans des attaques de Ipafme ,
ou leur faire éprouver au moins différentes im-
preffions.
C ’eft de cette grande difpofition â l ’irritabilité ,
que tant de charlatans profitent pour faire jeter
fur leurs opérations une forte de merveilleux. Tous
les moyens de la mettre en jeu leur font connus
& familiers ; & dans le choix de ces moyens, ils
ne confultent que les circonftances & leur utilité.
Palîbns en revue ces moyens , tels qu’ils ont été
employés â différentes époques. Un des plus sûrs,
& que Ton a mis plus communément en ufage ,
eft d’émouvoir le genre nerveux , en agiffant fur
les fens & fur le coeur. Dans les différentes fcénes
convul.fives, ce font des femmes qui ont toujours
joué le principal rôle-, 8c l ’on voit que dans ces
pièces ridicules il y a toujours eu mélange des
deux lèxes. C’eft ce que reprochoit Hecquet (î)
aux partifans des convulfions de S. Médard. Les
convulfionnaires ne vouloient être approchées,
touchées, & fecourues que par des hommes; elles
refofoient d’autres témoins. Dans lhiftoire de
Loudun ( 2. ) , des perfonnes encore plus fufeep-
tibles de ce genre d’impreffions occupoient la
fcène. C’étoient des. reiigieufes , des filles, rd-
clufes, q u i, non feulement par leurs geftes , mais
encore par leurs propos, donnoient lieu de foupçon-
ner que le trouble des fens entroit pour beaucoup
dans les agitations dont on les voyoit travaillées; &
fi l ’on y réfléchit bien , après ce que nous avons dit
de l ’exceffive mobilité des nerfs dans les conftiMitions
nerveufes, quel empire ne doivent pas avoir
fur de pareilles perfonnes, la préfence , l ’attouchement,
& les propos des hommes''?
Un autre motif moins fufpert 8c plus caché le
gliffe encore fouvent dans ces jeux: c’eft une forte
d’ambition ou de défir .d’occuper le public de fo i,
de fixer l ’attention, d’attirer les regards. Hecquet
comptoit encore cette caufe au nombre de celles
qu’il défignoit, en regardant les convulfions de
S. Médard comme naturelles. Et en faut-il davantage
pour monter la tête & échauffer l ’imagination
de certaines perfonnes ? Un vif défir en ce
genre eft bien capable de produirefon pareil effet,
& de porter le trouble dans des nerfs que la plus
foible agitation 6c la caufe la plus légère fuffifeut
pour bouleverfer.
Ajoutons ici comme l ’un des moyens les plus
puniffables , & cependant les plus employés,
les projets concertés, la connivence, les convul—
fions enfin faélices 8c fimulées. Car, il faut le remarquer
i c i , les perfonnes fujettes à la grande mobilité
des nerfs, ont une difpofition fingulière a
contracter l ’habitude, à imiter le jeu de ces mou-
vemens & de ces crifes. C ’eft ici qu’il faudroit faire
l ’hiftoire de tant de fcènes du genre, convulfif qu’on
a vu fe répéter à différentes époques. Na-t-on pas
effayé mille fois d’établir , par de femblables
moyens, la réalité des maladies par pojfejjion ?
N ’a-t-on pas donné les accidens de ce genre comme
tenant à des caufes furnaturelles? Mais on a répondu
fuffifamment à ces prétentions. On peut citer pour
preuve le naturalifme des convulfions par Hecquet-,
(1) Voyez le naturalifme des convulfions. Soleure, 1733 ,
in-12, |
■ po■ f(l2e)f fiVono ydeezs rle’hiiigftieouirfee sd Uesr fduilaibnleess, d3re dLeo ulad ucno n, doaum ndaeti olna A&m dfut efrudpapmlr,c e 1d7’4U0r,b ainin- 1G2.randier, curé de la même ville.