
delà de ce qüe lui-' donnent les faits; i l ne crée
aucun principe, & jufqu’auxpoids & auxmefures,
tout paroît ii bien fe correfpondre, que le fyftême
qu’il a conftruit paroît moins fon ouvrage que
celui de la nature. Mais comme fes expériences
ont encore des contradicteurs , & fa théorie, des
antagoniftes du premier ordre , nous devons encore
fufpendre notre jugement, d’autant plus que les
faits obfervés par M. Jurine exigent une nouvelle _
étude , & pourront, par là fuite, donner lieu à
de nouvelles réflexions.
( 5°. Queftions à réfoudre. ) Voici donc une
partie des queftions que l ’état des connoiffances
acquifes nous autorife à propofer aux chimiftes.
i . La portion d’air vital qui difparoît dans la
refpiration eft - elle tout entière employée à la
formation de l ’acide crayeux ou carbonique, comme
femblent l ’infinuer quelques expériences de MM.
Lavoifier & de la Place fur la chaleur produite dans
cette opération ? ( Me'm. lu en juin 1783 , fur la
chaleur, & imprimé dans le volume 1781.)
\ 2*0. L’acide crayeux ou carbonique e f t - i l au
contraire un excrément du fang formé tout entier
dans la circulation , taris que l’air extérieur entre
réellement dans fa compofition, comme l ’a penfé
M. Fontana ?
3°t La mofette produite dans-la refpiration eft-
elle un excrément du fang, formé tout entier dans_la
circulation ? On fait que la fibre animale pourrie
donne de la mofette, que la mofette fe trouve dans
reftomac des animaux. M. de Fourcroi a démontré
que la veille des carpes ,_qui -communique par un
canal avec leur eftomac, eft remplie de mofette;
d’on l’on pourroit conclure que la mofette étant
un produit animal , étant, somme l ’a démontré
M. Berthollet, la bafe de l’alkali volatil, & peut-
être de tous les a lk a l i s c e l l e qui fe dégage dans
la refpiration feroit tout entière due à l ’animal,
fans que l ’air vital décompôfé eut befoin de concourir
à fa formation. Cependant les progrès obfervés
par M . Jurine dans la formation fuccefllve
de l ’acide carbonique & de la mofette dans la
refpiration , toujours en apparence aux dépens de
l ’air v ita l, iembleroient annoncer qu’il eft un moment
où Y air décompofé produit l ’acide crayeux,
& qu’à mefure qu’il produit moins de ce lu i-c i,
i l produit plus de l’autre ; & dans ce cas, la mofette
feroit, ainfi que l ’acide crayeux, un produit des
combinaifons de la bafe de Y air vital ou de l’oxi-
gène, avec différentes fubftances & dans des circonf-
tances différentes. D’ailleurs eft-il démontré que la
formation de la mofette dans l ’eftomac, dans les
inteftins , dans les différentes altérations qu’on fait
fubir à la fibre animale, pour en dégager ce principe,
fe dégage ou fe forme indépendamment du
concours de l ’iïrVvital atmofphérique? La folution de
cette queftion dépend de la connoiffance intime de
la bafe mofétique ou de Ya\ote^ c’eft-à-dire, du
principe inconnu dont la combinaifon avec la chaleur
produit le gaz azotique, ou la mofette , fuivant là
théorie de M. Lavoifier.
4°. U air vital atmofphérique qui difparoît-dans
la refpiration , eft-il donc en partie abforbé par le
fang , comme l ’a imaginé d’abord M. Lavoifier ,
en partie employé à la formation de l ’acide carbonique
, en partie à celle de la mofette ou du
gaz azotique ?
5°. Dans les altérations qu’éprouve* Y a ir dans
la refpiration, en eft-il qu’on doive attribuer plutôt
au poumon qu’au fang? & indépendamment de
l ’humidité pulmonaire, la .propriété finguliere
qu’ont la plupart des corps fpongieux d’abforber
les gaz & de leur faire perdre l ’ état élaftique »
ne peut-elle pas entrer pour quelque chofe dans
les fonctions que le poumon remplit dans la respiration
?
6°. Il eft fort démontré par la ftru&ure anatomique
, que l’air atmofphérique n’eft point comme
tel dans un contaél immédiat avec le fang. Si donc
le principe charbonneux du fang fe combine avec
la bafe de l ’air vital, par quel intermède fè fait
cette combinaifon? Je ferai ici une queftion que j ai
entendu propofer par M. de Fourcroy, apres la lecture
du mémoire de M. Jurine, & qui me parut
bien judicieufe. Il a obfervé que la mofette retirée
des animaux , & confervée long-temps fous des
cloches renverfées fur l ’eau, laiffoit dépofer au bout
de quelque temps une pouffière noire, qui s’attache
aux parois des vafes , & eft un véritable charbon.
On a obfervé que ce charbon étoic fufceptible dq.
fe diffoudre en nature dans prefque tous les gaz 3
d’après cela, M. de Fourcroy demande fi la mofette
n’eft, pas le véhicule du principe charbonneux, auquel
eft du la formation de l ’acide carbonique
dans la refpiration ; & par conféqucnt fi ce n’eft
pas au milieu de la mofette même que l ’ai;- vital
éprouve la combinaifon qui le change en acide car-»
bonique ?
7°. Exifte-t-il quelque analogie 5 quelque rapport
de compofition entre le principe du charbon
( le carbone) & la mofette ou gaz azotique? N’y
a-t-il que la mofette animale qui.dépofe du charbon
, comme l’a obfervé M. de Fourcroy ? Et quand
le charbon fe dépofe , le volume du gaz eft - il
fenfiblement diminué ? Le contact de la .lumière
contribueroit-il à la formation de ce charbon dans
la mofette ? Enfin, puifque la bafe de la mofette
& le principe du charbon fe trouvent par - tout
dans l ’animal avec la terre ipagnéfienne & le gaz
inflammable , quels font les différens rapports de
ces fubftances entre elles? Mais ces queftions importantes
dans l ’étude de l ’économie animale s’éloignent
un peu trop de la queftion de la refpiration.
8°. Enfin quelle eft la nature de l ’exhalation
pulmonaire , c’eft-à-dire, de l ’humidité qui accompagne
Y air au fortir du poumon ? Eft - elle uniquement
aqueufe , ne joue-t-elle aucun rôle dans
les changemens qui arrivent à 1 air dans la relpiration,
& ne contient-elle aucun principe particulier
? I l eft fur quelle s’évapore avec une grande
rapidité & bien peu de réfidu dé deffus les glaces
& les autres corps polis & froids fui; lefquels elle
s’arrête. Mais eft - elle par elle - même exempte
d’odeur, & celle qu’elle porte avec elle dans
l ’ haleine de certaines perfonnes, vient - elle toujours
d’un vice local de la bouche, ou d’une altération
dans les digeftions? Get objet ne me paroît
pas indigne de. l ’examen des médecins Ôc des chimiftes.
$. V . Application utile des obfervations
précédentes.
I l ne faut pas toujours attendre des travaux des
phyficiens 8c de leurs découvertes une application
dont l ’utilité prompte, générale, frappante par fa
nouveauté, puiffe changer les procédés des arts ,
& mériter à leurs auteurs le titre brillant de
bienfaiteurs de l ’humanité. Souvent l ’utilité ne fe
montre que long-temps après que la vérité a été
trouvée. Mais quand même il ne réfulteroit de
ces connoiffances acquifes, que de mieux faire ce
que l’on faifoit déjà , ou feulement même de faire
avec difeernement &. en connoiffance de caufe ce
qu’on faifoit d’abord aveuglément & par routine;
Ne feroit-ce pas là un véritable avantage, fuffi-
fant pour récompenlèr le philofophe de fes veillés
& de fes peines ?
( i° . Quel était le terme des connoiffances
utiles, acquifes par les anciens). On favoit certainement
, avant nos jours, que la refpiration
altérbit Y air & lui ôtoit la propriété d’entretenir
la vie des animaux. L ’on favoit que les lieux les
plus fréquentés par les hommes, ceux dans lefquels
ils font renfermés en grand nombre, deve-
noient nuifibles & mal-faifans: on favoit que le renouvellement
de l ’air étoit le vrai moyen de rendre
à ces lieux leur falubrité. On "avoit inventé des
machines propres à opérer ce renouvellement, &
nous ferons peut-être encore long-temps à en trouver
de meilleures. Cook a fait un voyage qui
confacrera fon nom à l ’immortalité, pour avoir
vu de vaftes pays, avoir parcouru des diftances
immenfes fous des températures très-difproportion-
nées , & avoir ramené fes équipages entiers, fans
que tant d’influences différentes y eufferit occafionné
la moindre maladie ; & certainement ce n’eft point
par le fecours des nouvelles découvertes qu’il eft
parvenu à donner à Y air de fes vaiffeaux une falubrité
fi confiante.
La marche de l’efprit eft lente ; mais l ’aiguillon
du befbiri eft vif & preffant, & la nature a donné
a l’homme un fentiment rapide & énergique qui
le conduit fouvent au but avant que fon intelligence
, plus tardive, ait eu le temps de mefurer
la route qu’il a parcourue 3 mais lorfque, revenant
fur fes pas, i l porte le flambeau de l ’expérience
& de la raifon dans Tes fentiers qu’il a fuivis, il
y fait des découvertes par lefquelles il fe convainc
de l ’utilité des moyens dont i l a fait ufage, &
fouvent il en ajoute de nouveaux, capables à l ’avenir
d’affurer davantage fa marche. T e l eft le
mérite de la plupart des découvertes modernes :
le fentiment a guidé nos ancêtres, l’experience
& la raifon nous aident à perfectionner leur ouvrage.
t
Ainfi, les anciens avoient bien obfervé que Y air
atmofphérique n’eft refpirable que jufqu’à un certain
point 5 que paffé ce point, ce qui refte n’eft
plus • refpirable , que par conféquent les lieux où
l ’on réunit un grand nombre d’individus vivans dans
une même enceinte, font par eux-mêmes infalubres.
Ils avoient aufli vu que lacombuftion ôtoit à Y air
fa v ita lité ainfi que la refpiration; ils favoient .
encore que le vbifinage des'cuves en fermentation,
des marres & des égouts , étoit nuifible à Yair\ ils
avoient fenti que par-tout où Y air eft ainfi altéré ,
il a befoin d’être renouvelé , & même, que les lavages,
l’expofition des vêtemens à Y air libre, &c.
font des' moyens de conferver la falubrité des endroits
où , Comme dans les vaiffeaux les hommes
font néceffairement raffemblés en grand nombre.
T e l étoit à peu près le terme des; connoiffances
des anciens fur l ’a ir , fur fes altérations, & finies
moyens d’y remédier. ; ( x°. Progr è s des modernes. Connoiffance
précife de l ’é ia t de T air. ) Les modernes ont
ajouté à ces premiers élémens la connoiffance pré-
cife de la manière dont fe fait l ’altération de
Y air & l’art de mefurer cette altération : ces nouvelles
connoiffances leur ont fourni, pour corriger
l ’ a i r , plufieurs nouveaux moyens, que le temps
& l’étude perfectionneront encore. Ils ont reconnu
, ainfi que nous l ’avons vu , que Y air ref-
j pité par un grand nombre d’animaux perdoit une
portion de Ion air v ita l, qu’il fe chargeoit, en
raifon de cette diminution, d’une certaine quantité
d’acide carbonique & de mofette, en forte que
les proportions dans lefquelles ils ont reconnu que
ces différens fluides exiftoient dans l ’atmofphère,
changeoient, dans la refpiration , de manière à
devenir nuifibles. Ils ont vu que la vapeur du
charbon étoit vraiment de l’acide crayeux ou car-
boniqùe que la combuftion y formoit en détrui-
fant Y air vital contenu dans l ’atmofphère ; ils ont
reconnu qite la calcination des métaux abforboit
, réellement l ’<zir vital de l ’atmofphère, & qu’en
réduifant leur chaux ou oxide, Y a ir vital repa-
roiffoit pur , tel que la calcination l ’avoit abforbé;
ils ont reconnu que les végétaux, dans^ certaines
circonftances, laiffoient échapper de 1 a ir vital
plus où moins pur; ils ont reconnu que les différens
foies de foufre ou fulphures, diffous dans
l ’eau , abforboient véritablement Y air v ita l, &
en dépouilloient ratmofphèrefl & que ces fulphures-
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