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noiflances qu’ils ont rapportées & répandues dans
leur pays. I l ne paroît pas qu’il y eut alo rs de
bibliothèques publiques ; les prêtres d’Egypte
étoient les dép o fît allés des fciencés ; ils n’en o n -
vroient le trefor qu’à ceux qu’ils avoient reconnus
en être dignes.
Mais cette contrée ayant été conquife par Alexandre
, ce prince, l ’an 331 , y fit bâtir: une ville à
laquelle il' d on navfon nom. Sa pofîtion avahta-
geufe la rendit bientôt l ’entrepôt dit commerce
de tout l ’Orient j deux chôfes y contribuèrent encore,
la beauté & la commodité de Tes deux ports,
& l ’induftrie de fes habitans.
Alexandrie étoit grande & bien bâtie j Tes rues
larges & bien pavées ; fes - palais , fes temples
& fes places publiques la rendoient une des plus
belles villes du monde. Elle fubfifte encore aujour-
d h u i; niais elle’ eft bien déchue de fon ancienne
fplendeur.
Alexandre étant mort le z z mai 324..( Langiez
Du fr . tabl. c h r o n o l . ) fes généraux partagèrent
entre eux les conquêtes de ce prince. P to léra é e ,
üls de Lagus ^ obtint pour lui l ’Egypte , où il
régna 40 ans. C ’eft lui qui jeta les fonde m ens
‘de cette bibliothèque devenue enfuite fi célèbre.
Comme il aimoit les-lettres, il attira dans cette
yiHe ce que la Grèce avoit de . plus éclairé.; &
i l s y forma une école où l ’on venoit de toutès
parts puifer les différens genres de connoiffances.
La bibliothèque -d:'Alexandrie , dit M» E lo y ,
fut bâtie pour l ’ufage des favans du mu fée ; elle
etoit dans le quartier de la ville qu’on nommoit
Bruchion ou Pyruchium , félon Eusèbé.
Demétrius de Phalere , fous Ptolémée Philadelphe
, fucceffeur de Ptolémée Lagus, en fut le premier
direéleur , ainfi qu’il l ’étoit du ràufée. Zé-
nodote d’Ephèfe , & Eratofthène le cyrénien lui
fuccedërent dans la première de ces charges..
Sous Ptolémée Philadelphe , cette bibliothèque
etoit déjà compofée de cent mille volumes. Pto-
lémee Evergetes l ’augmenta'encore par les foins
d E rato fîh è n e les cyreqien, & depuis elle s’accrut,
a un fi haut point qu’on fut obligé d’en former
une fécondé : celle du Bruchion contenoit déjà
quatre cents mille v o lu m e s, 'lorfqu’on prit la ré-
fôl uti on d’en établir une autre' dans le faubourg
-nommé Racothis ,' auprès du Sérapéon-, qui étoit
un temple b âti en. l ’honneur de Sérapis. C ette
-deuxième bibliothèque, qui étoit le fuppiément de
la première , fut compofée de trois cent mille
'volumes. Le nombre des volumes de ces deux 'b ib lio th èq u es e to it donc de fept cent mille volumes.
On pourroit être furpris dè ce grand nombre de
'volumes ; mais on le fera moins, fi l ’on fait attention
qu’on donne ici lé nom de volume a de très-
P^its traités, & non à des collections d’ouvrages
d un feul hofiime. Un écrit divifé en plufîeurs livres
dormojt auta.nt de volumes qu’il y avoit de livres.
T e lle ‘ftoit celte' faméûfe bibliothèque, lorfque
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Céfar, fe trouvant en danger par la fédltroiï qui
éclata à Alexandrie, au temps de la gu erre-contre
Pompée , fit mettre le feu au„x vaiffeaux qui étoient
dans le port. La fureur des flammes gagna le
Bruchion, & l ’erabrafement s’étant communiqué
â l ’ancienne' bibliothèque , les quatrer cent mille
volumes qu’elle contenait furent réduits en cendre.
La ville d Alexandrie le releva cependant
de cette perte quelques années après, parles deux
cent mille volumes de la bibliothèque de Per-
game , que Marc-Antoine donna à Cléopâtre, &
par d’autres additions qu’on s’empreffa d’y faire.
Cette nombreufe colieCtio» de livres contribua
beaucoup à la réputation de la ville dlAlexandrie
; les fciences y avoient établi le fiége de leur
empire. Les favans s’y raffemblèrent & procurèrent
à fes écoles la plus grande célébrité. Celle de
Médecine étoit en réputation ; Galien s’y rendit
comme tous ceux de fon temps ( le deuxième fiècle);
elle n’étoit pas encore déchue de fon éclat fous
le règne de Vaiens ,,dans le quatrième ficelé. Am-
mien Marceilin obferve qu’il fuffifoit d’y avoir
étudié, pour mériter l ’eftime & .la confiance du
public,
Alexandrie fut ainfi le rendez-vous des gens
de lettres jufques vers le milieu du feptième ïïèçle.
Ce fut alors1 que fut porté le coup le plus terrible
dont la barbarie fe foit jamais attifée pour arrêter
les progrès des fciences.
Les arabes vouloient ^aire dominer la religion
de Mahomet chez tous les peuples qu’ils foumet-
toient à leur empire naiffani j & pour parvenir
plus fdrement à ce but, ils prirent le parti .de
détruire tous les mohumens des fciences r afin de
jeter leurs nouveaux fujets dans Tignorancé fi- né-
ceffaire sl la propagation de la loi de leur prophète.
C ’eft pour cecte raifon qrvaprès la-conquête
d e là Perfé , noncontens d’avoir détruit les-livres
qui traitaient de la philofophie naturelle & du
eulte fuperftitieux de la nation vaincue -, ils s’efforcèrent
d’abolir jufqu’à la mémoire des lettrés
qui compofoieni fon alphabets Iis en firent de
même lorsqu’ils- s’emparèrent de' l ’Afrique : tout
ce qrfi pouvoir rappeler le fouvenir des anciennes
connoiflances-du pays fut enlevé aux habitans; &
à l ’exemple des goths, qui à leur entrée en Italie
en avoient chaffe les fciences , ils ne voulurent
en laifler aucune trace. La célèbre Alexandrie
fut une des premières villes qui efluyèrent un pareil
fort. Le grand nombre de volumes qu’on avoit
amafleS avec autant de foin que dé dépenfe dans
fa bibliothèquedevinrent tous la viétime des
flammes en 642 , lorfque les fàrrafins firent la
conquête de l ’Egypte. Abulfarage rapporte qu’Arari
ou Amrou, leur général, avoit eu quelque def-
fein.de conferver cette bibliothèque, à la prière de
Jean le grammairien, grand le dateur d’Ariftote ;
mais qu’en ayant écrit au calife Omar, celui-ci
donna pour réponfe, que fi tous les livres ne eon-
tenoierit que le s • mêmes chofes que l ’Al-Coran,
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ils dévoient être brûlés comme inutiles, parce que
l ’Al-Coran fuffifoit, étant rempli de toutes les
vérités qu’il importoit de lavoir ; que s’ils conte-
noient des choies contraires , il étoit encore plus
néceflaire de les brûler. Sur la décifion de ce barbare
, la bibliothèque $ Alexandrie fut abandonnée
aux-:flammes- : cette expédition ne fe fit pas cependant
tout d’une fois ; car on diftribua les livres
dans les bains de la ville , dont le nombre mon-
toit alors^ à quatre mille ; & comme la quantité
de ces livres étoit prodigieufe , elle fuffit pour
chauffer ces bains pendant fix mois.
A peine fàuva-t-ori quelques volumes de la fureur
des flammes ; & parmi ceux qui en furent
fouftraits, fe trouvèrent heureufement lés écrits des
anciens médecins grecs , que ces- barbares ne con-
fervèrent qu’en confidération d’eux - mêmes , dans
l ’efpérance d’y trouver des confeils falutaire pour
la confervation de la fanté & de la vie. Jean le
grammairien & quelques autres favans qui de-
meuroient alors à Alexandrie, virent cet affreux
défaftre avec un regret égal à l ’amour qu’ils avoient
pour les fciences j ils vinrent à bout de dérober
au feu quelques volumes.:.
Malgré la guerre ouverte qu’Amrou avoit faite
aux fciences & aux beaux arts ; malgré la deftruc-
tion de cette précieufe bibliothèque,, d’où les fa -
vans tiroient toutes les connoiflances humainesla
Médecine fe foulint encore avec honneur dans- tia
ville $ Alexandrie , & fes écoles y fubfîftèrent
jnfqu’au delà du huitième fiècle.
Abulfarage parle de Théodunus & de Théodocus
fameux profefleurs de cette ville vers la fin du
feptième fiècle. Les difciples de Théodocus furent
même conAdirés jufqu’en 754 rtemps auquel Abui-
Abbas monta fur le trône-des califes.
L ’an 8.00 , Haron Rafchid , cinquième empereur
de la dynaftie des Abbaffides , lâchant que le patriarche
$ Alexandrie étoit très-i-nfiruit de la Médecine
, il ne balança point de lui confier la cure
des maux dont une de fes femmes étoit attaquée.
Avant la prife XAlexandrie par Amrou , les
arabes ne''connoiffoient point les écrivains grecs;
mais ils ne tardèrent point à étudier les ouvrages
qui avoient été fouftraits aux flammes. Pour en
faciliter l ’intelligence , on s’empreffa de les traduire
, afin d’en étendre l ’utilité.. Ces yerfions furent
d’abord faites en fyriaque ; & fur le fyriaque
furent faites les verfions arabes. Quoique ces traductions
aient été regardées pendant .quelques
fiècles comme les fources de la Médecine , la doctrine
des médecins grecs en a beaucoup fouffert.
Leurs écrits ont été défigurés par toutes ces verfions
d’une langue dans une autre; le fens a fou-
vent été mal rendu ; & le tradu&eur s’eft fréquemment
mis à la place de l ’auteur. La renaiffance
des lettres , due à une [autre cataftrophe , la prife
de Conftantinople par Mahomet II , le 25} mai
345:3 , fit revenir à l ’étude des originaux, qu apportèrent
en Italie les grecs fugitifs.
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Comme l hiftoire de la bibliothèque d Alexandrie
fait une époque remarquable dans 1 hiftoire
de la Médecine , il eft à propos ( dit M. Eloy )
de mettre fous les yeux quelques particularités
relatives à cet élabliflemeut. .
Diodore de Sicile rapporte que la plus ancienne'
bibliothèque a été celle d’Ofymandias , roi d E-
gypte. Le titre qu'on lui avoit donné , dit M.
Boffuet, inipiroit l ’envie d y entrer , Sc d en pénétrer
les fecréts ; on l ’appeloit U tréfor dis remèdes
de l’ame, C'étoit là qu elle fe gueriiloit
de l ’ignorance,, la plus dangereufe de fes maladies.
& la fource de toutes les autres.
On connoît ce que fit Ptolémée Lagus & fon
fils. Eumènes, roi de Pergame , voulut aulG former
une bibliothèque lur le modèle de celle
ÿAlexandrie ; il régnoit en même temps que
Ptolémée Philadelphe & Ptolémée Evergetes. On
prétend que l’im de ces princes , & probablement
je premier, pour rompre le projet d’Eumenes,
défendit qu’on laiffât foi tir le papyrus ( le papier |
de fes états. Privé, de cette matière pour copier
les ouvrages, il y lubllitua les peaux de mouton
préparées ; c’eft ce que Pline nomme ch an a per-
/ramena , Si ce que nous nommons parchemin,
( M. G oulu /. )
ALEXANDRIN! DE NEUSTAIN.^ (Jules)
Il naquit en 1506 à Trente , ville d’Italie. Il
jouit d’une. .grande , réputation & fut fucceflive-
mervt médecin'; des empereurs Charles .V , Ferdinand
I , & Maximilien II. Ce dernier combla de
bienfaits & d’honneurs Alexandrini, SC lui permit
de tranfmctlre fes titres & fes biens à fes enfans ,
quoiqu’ils ne fuffent pas légitimes. Ce médecin
'mourut à Trente en 1590 , âgé de 84 ans.
On lui fit, dit M. E lo y , cette épitaphe:
Ca’faribus Ji quis multos injerviit annos,
Acceptus inagnis principibusque fuit*
Te, Juli, vatem pojfum medicumque fateri y
Doënnà in cujus gratin tanta fuit,
I l eft auteur ûe plufîeurs écrits.
I. Enàntiomauon fexaginta rpiatuor Galeni
liber. — Galeni encomium. Venetiis , apud Z a lberium
, *548 , in-8°. Merck. Màng.
_I uZ/î . tfZr. Francofurti, 1598, in-fol. Elojr* ■
II. Ant~ Argenterie a pro Galeno. Venetiis
apud Zalberium , 155 ^ > fo '4°*
Ce titre anuonce une défenfe de Galien , trop
vivement critiqué fans doute par Argenterius ( ou.
Argenteiio , ou Argentero ). Cependant les bibliographes
de la Médecine n indiquent aucun écrit
de ce médecin qui ait paru., comme cela devroit
être avant l ’an 15 5:2 ou au. moins cette ânneê»
Peut - être cette date n’eft-elle pas exaôte. ■ ^
I l paroît au refte que cet écrit d’Alexandrini fut
attaqué à fon tour, ce qui lui à fàt prendre la