
Mais il eft difficile de ne pas diftinguer parmi
les fruits acerbes le ver ju s , qu’on prend auffi avant
là maturité, & dont on fe fert plutôt comme
an aifo nnem e ht que comme aliment. I l a une
aciiiité particulière, dont le goût eft acerbe ; mais
- f e perd pas par la décodion. Je ne fais fi les
chimiftes ont porté leur attention fur cette efpèce
■ acide , 8c fi elle doit être confondue avec celle des
autres fruits. Il faut confidérer que le verjus eft
un des fruits q u i, dans fa maturité , contient l ’aci-
r un tartare/l,x > uni avec la fubftance fucrée & la
fubftance gelatineufe. Cette confîdération mérite
o entrer po_ur quelque choie dans; les réflexions
auxquelles doit donner lieu l’examen de l ’acide
^ c e fru it pris avant ia maturité. Le verjus, comme
aflaifonnement , eft ftimulant , & en boiflon il
^afraichiftant, ainii que tous les autres acides,
& de plus i l a une vertu aftringente.
"Des fruits acides & fucr.e's , très fucculens ,
nommés fruits d’été & d’automne, & autrement
frud.us acidodulces : fruits aigres-doux.
Je reunirai les fruits- acides aux fruits fucrés ,
Çfc je ne ferai pas ici une diftindion de ceux qui
contiennent differentes efpèces d’acides. Je ne partagerai
pas non plus en diverfes fedions les fruits
dont la pulpe eft plus ou moins fucculente, ou
dont le fuc' eft ou muçilagine.ux o.u gélatineux;
parce que , i° . il eft peu de fruits acides qui,- dans
leur maturation avancée , ne prennent plus ou moins
Jecaradere fucre, & qu’il eft de même peu de fruits
Lucres qui, daris leur maturation commençante,n’aient
plus ou moins le caradère acidulé. Voyez â ce
Lujet 1 article abricot de ce dictionnaire ; z°. il
eft peu de genres de fruits , & même peu d’efpèces
<jui ne contiennent diverfes efpèces ou diverfes
variétés, dont les unes font fort acides, & les autres
absolument fucrées; 3°. la plupart des fruits acidulés
contiennent plu fleurs efpèces d’acides réunies,
Comme 1 acidulé oxalique , l ’acide malique, l’aci -
dule tartareux, & meme l ’acide citrique ; 40. l ’état
du mucilage ou de la fübftanç.e gélatineufe varie
auffi^ dans les efpèces d’un même genre.
Ainfl , dans l ’énumération des fruits dont il eft ici
queftion, ' je fuivrai principalement leurs analogies
botaniques, & je renverrai à la fin de cette énumération
i ’hiftoîre de leurs propriétés dans un réfumé
général.
i° . Dans le genre du prunier, les botaniftes ont
réuni les anciens genres du çerifier {prunus cerafus),
du prunier ( prunus domeftica) , de l’abricotier
\ prunus armeniaca).
Dans la feule fe&ion des cerisiers il y a des
cerifes acides & des cerifes très-douces. Et outre
cela, 1 on a les mérités, les guignes & les bigarreaux.
Ces trois dernières efpèces font non feulement,
douces, mais fucrees, & le- bigarreau diffère des
autres par la fermeté de fa chair; il eft moins aifé
. 4 ffig®rer & moins fucçulent. Mais en général
toute la feétion des ceriflers eft diftinguée dans lô'
genre des pruniers par l ’abondance & la-fluidité
. du fuc que renferment fes fruits, dont plufieurs ont
une partie colorante rouge foluble dans ce fuc même*
Dans la feétion des pruniers , i l y en a dont le
fruit eft véritablement acidulé ; i l en eft dé fort
doux, & enfin il eft peu de fruit plus fucré que
celui du prunier de reine-claude. Le fuc des primes
eft moins liquide que celui des cerifes ; mais, il
eft moins mucilagineux que celui des abricots.
Il y a des efpèces dont la pulpe eft ferme &
caftante ; il y en a dont elle eft molle & lâche ,
& en général, les prunes fucrées font celles dont
le fuc eft le plus mucilagineux , & la pulpe la plus
molle. Ces différences viennent encore des différent
progrès de la maturation avec laquelle la^chair
des fruits s’amollit à mefure que le fuc s’adoudt#
Le fuc de I’abrïcot eft , comme il vient d’êtrè1
dit, plus mucilagineux que celui de la prune, fur-
tout dans fa parfaite maturité; fa pulpe eft molle
& fon fuc très-doux.
En général le fuc des fruits du genre des pruniers,
même des plus acides, paroît peipdifpofé à prendre
la forme de gelée par l ’évaporation.
i° . Le fruit du p ê c h e r ( amygdalus per fie a )
eft un des plus fucculens & des plus agréables que.
l ’on connoiffe. Cependant l ’efpèce fauvageon a
quelque ^chofe d’aftringent qui n’eft pas fans agrément.
L ’efpèce - Pavie a une chair très-ferme &
très-adhérente au noyau. L ’efpèce brugnon a une
chair caftante, mais un fuc fort doux ; tandis que
la vraie pêche a une chair dont les cellules fe
rompentaifément, dontle fuc très-doux, très-aqueux
& fucré, eft mêlé de quelque chofe d’acidule. C e
fuc ne paroît pasdiifceptible de fe prendre en gelée.
30. Le genre des citronniers {citrus) , qui renferme
l ’orange , le citron, & le limon , nous
préfente dans toutes les efpèces un fuc très-délavé ,
très-acide dans le citron', moins acide dans le limon J
très-doux, & quelquefois fort fucré dans l’orange.
Leur pulpe, eft molle, ç’eftrà-dire. compofée de
veficules libres dans une grande partie de leur
étendue, & dlfpbfées en rayon de la circonférence
au centre. Ce fruit, qui appartient à la claffe des
fruits à pépins, fe rapproche, par cette ftrudture,
de quelques efpèces de fruits a noyau , dont les
véficules, quoique moins lâches, font quelquefois
difpofées de cette manière. Les fucs de ces fruits ne
fe prennent pas feuls en gelée; cependant le fuc de
citron donne, non par l ’évaporation , mais par
l ’effet d’une chaleur modérée, une partie qui fe
coagule au milieu de la liqueur/& qui .quand
cette liqueur eft décantée, a la.forme de la gelée.
J ai déjà dit, & c eft 1 opinion de M. de Fourcroy, que
eette matière a quelque analogie avec la fubftance al-
bumineufe des animaux. Le fuc du citron eft remarquable
par la nature de fon acide, qui eft en
grande partie l ’acide citrique, l ’un des plus forts
parmi les acides végétaux naturels.
4°* Le genre des poires & dès pommes {pyrus .
çotîitnunis, ^pyrus malus) , genre dont les fruits
font à pépins, eft auffi remarquable par un acide
particulier / qu’on appelle l'acide malique. On
connoît quelle diverfîté prodigieufe. exifte parmi
les poires, depuis les poires fondantes ou.poires
d’été , c’eft-à-direcelles dont la chair fe Srifimt
facilement, répand dans la bouche un fuc abondant
& fort liquide , jufqu’à celles qui font croquantes
8c fermes, comme"les poires d’hiver ou d’automne,
depuis les poires douces & fucrées jüfqu’aux acidulés
.& aux aftringentes , depuis les poires les
plus'infipides jufqu aux poires parfumées., comme
le rou fie le t. La même variété exifte dans les
pommes, fi ce n’eft que la plupart font fufeep-
tibles de fe garder beaucoup plus long-temps, &
muriflent,plus tard, ont une chair plus ferme &
plus caftante que les poires Elles le gâtent auffi
beaucoup moins, â moins qu’elles ne forent heurtées
meurtries. Quand elles font faines , elles perdent
peu à peu , mais très-lentement, une partie du
'liquide qui délaye leur fuc, fe vident & fe defsèchçnt
en devenant extrêmement douces & fucrées ; obfer-
valions qu’on peut faire tous les ans, fur le fenouillet
6c la reinette. A l’égard de la douceur de leur fuc,
ce que le temps produit, la décoction l ’opère de
même; mais il eft â remarquer que le fuc & la
pulpe des pommes , ajnfi que des poires, répand
toujours un fentiment de fraîcheur.dans la bouche,
& que ce fenîiment-lâ fe trouve rarement dans un
fruit, fans qu’il y ait dans fon fuc lin acide plus
ou moins développé. Les fruits les moins acides,
comme la prune de rèineçlaùde 8c l ’abricot, n’excitent
pas la même fenfation : au contraire, le fuc
.de la pêche le produit bien fenfiblement. Le fuc
des pommes & des poires, mais fur-tout des pommes.,
lèprend en gelée lorfqu’on l ’évapore, & un grand
nombre de fruits dont il va être queftion, ont la
même propriété. On doit fe rappeler que le fuc
du coin, qui eft une efpèce de poire , forme de
même une gelée. .
f °. Dans le genre du groSeiller .{ ribes') , on
a le grofeiller appelé rouge ( ribes rubrum ) ,
quoiqu’il ait une variété a fruit blanc ; la grofeille
éft un des fruits les plus acides que l ’on connoifte
après le citron. On y ,a trouvé plufieurs des acides
végétaux réunis, tels que l ’acidule oxalique, l ’acide
malique ., &c. Son fuc évaporé fe prend en gelée,
& donne une des gelées les plus fermes. Cependant
dans le même genre on a l’efpèce appelée
( ribès grofifuliirià ) grofeiller à maquereau ; dont
i l y a une varié:é blanche & une variété rouge
& dont le fruit eft doux & fucré; on 2 enfin le
taffis ( ribes higrum ) , dont le .fruit eft fucré &
outre cela pénétré d’un aromate particulier, regardé'
con)me cordial, & qui eft répandu dans toute la
plante. Je doute que ces deux derniers fruits, 8c fur-
tout le dernier, aient un fuc très-difpofé â fe prendre
en gelée : en général il me paroît que les fucs
acides font plus fufceptibles de prendre-gette forme,
que les fucs décidément fuçrés,
I l faut réunir aux grofeilles les airelles ou
canneberges (‘vaccinia ) , de la famille des bruyères
( eriçce ), dont les fruits font fort en ufage dans plufieurs
contrées feptentrionales, & contiennent un fuc
plus ou moins acide , dans une baie d'un rouge
plus ou moins foncé.
6°. Le fruit de la vigné ou le r a i s i n -[vitfs
vhùfera ; uyae vais ) préfènte/ ai'ufi que les pré*-
cédens, des variétés très-remarquables , tant par ia
nature de fo:n fuc , itou jours' fort abondant, mais
tantôt acidulé, tantôt fucré, tantôt même aroma-
tifé, que par l ’état de fa pulpe , oïdjnaiiement
molle & tendre , mais quelquefois plus ferme 8c
légèrement caftante, comme dans quelques efpèces
de mufeat,r dans le raifin cornichon d’Italie, appelé'
pifâuieilq y & dans le verjus. Le fuc du rai ha
contient du lucre, de i ’âcidùîe tartareux en différentes
proportions, c’ eft-à diré , en moindre Quantité
dans les raifins les plus doux , 3c un mucilage
qui fe condenfe en gelée pa-r l ’évaporation &* le
rèfroidiftemént. Mais la gelée du raifin très-doux
eft bien moins ferme que celle du, verjus, qui ,
quelque mftr qu’il foit, conferve toujours quelque
chofe d’açidule , & n’a jamais tous fes grains également
doux. Le mufeat, qui rarement mûrit également
, donne_auftî une gelée affez ferme. Les
raîfins des pays méridionaux, fi nous en jugeons par
ceux qui nous font envoyés fées, contiennent une.
grande proportion de fucré & un mucilage vif*
queux, & font moins propres à faire de la gelée»
La nature des vins qu’on en prépare, & dont le
goftt eft ordinairement très-fucré, quoique mêle
dans quelques-uns d’une légère amertume ,• refi*
femble infiniment â celle du vin qu’on peut'préparer
par la fermentation du miel ; Rouelle étoït parvenu
ai.nfi â imiter parfaiteii\ent le goût des vins
d’Efpagne. Ce fait femble confirmer qu’il y a une
véritable analogie entre le fuc épaiffi de ces rai-
fins & le miel.
70. A ces fruits J1 faut joindre’ ceux des plantes,
que Linné & Murray ont rangées dans leur fapiille
des fentiçofæi 8c qui, dans le fyftême naturel de
M. de Juffieu, rentrent dans la feétion .des poten-
tïllce, dans l’ordre des rofacées : ces fruits font la
f r a i s e 8c la f r a m b o i s e . L ’une & l’autre contiennent
un aromate très-agréable ; un fuc légèrement
acidulé & un peu vifqueux, plus épais & plus filant
• dans les frai fes , plus acidulé dans la frambroife>
Je ne rapporterai pas ici les variétés de ces deux
fruits, dont la culture augmente le fuc, mais diminue
l ’aromate , au moins dans les frai fes. Je remarquerai
feulement que la vifeofité de leur fuc exige
ordinairement qu’on les mêle avec le fucre, pour
en aider la digeftion.
8°. Je placerai encore ici le fruit du mûrier.
, (morus) , dont le fuc extrêmement acide jufqu’ai*
moment de la parfaite maturité , devient alors très-
doux & fort fucré ; mais avec eette particularité-
remarquable , que la faveur fuerée eft alors tellement
inhérente â la pulpe mncilagineufe du fruits
J v k k k k if