
ment à la Pathologie : & quoique ce ne foît pas
ici le lieu, je ne laiflerai pas cependant de traiter
en général, & avec une certaine étendue , de
la caufe des paflions de Taine ; ce qui eft autant
du rellorc du théologien & du jurifconfiilte, que
du médecin praticien & thérapeutique.
Toutes les nations civilifées conviennent que
l ’homme eft cpmpofé de deux fubftances différentes,
de Taine & du corps. Toutes ont obfervé que
l ’homme étoit capable de concevoir , de juger ,
de raifbnner ; a étions différentes des corporelles,
qui fe réduifent aux fenfations & au mouvement.
Les philofophes & les législateurs fe font particulièrement
occupés à prévenir ou détruire les défor-
dres moraux de l ’humanité, & les médecins ont
cherché à remédier aux maux phyfîques dont elle
eft la viétime. I l paroît que toutes les religions
des gentils ont pris naiffance dans l ’égypte. Elles
ne confîftoient que dans l’obligation ou les peuples
étoient de fe trouver à certains aétes publics
de fêtes pour lefquelles on avoit inftitué des
jeux , des divertiffemens, 6c des repas : les législateurs
avoient eu pour but, dans ces inftitutions ,
d’accoutumer le peuple à vivre en fociéré & en
bonne intelligence. Les philofophes alors profî-
toient de ces affemblées générales, pour, régler
les moeurs par leurs inftruélions publiques , fur-
tout depuis l ’époque où Socrate, en inftruifant les
hommes , leur eut rendu la vertu aimable , &
leur' eut montré le bonheur dans l ’accompliffe-
ment de leuts devoirs. • Les légiflateurs , en infti-
tuant des loix pénales, prévinrent une partie des
maux que produifoient les paflions défordonnées ; ils
n’enfeignoient pas, ils ne perfiiadoient pas par
des difeours , mais puniffoient les aétions qui trou-
bloient Tordre de la fpciété. Le châtiment im-
primoit la terreur , & retenoit dans le devoir ceux
qui , fans ce frein , auroient donné carrière à
leurs paflions déréglées : de la l ’origine de nos
tribunaux.
Dans le temps de l ’introduftion du chriftianifïne,
les apôtres & les faints pères .autorisèrent, par
la religion chrétienne , les principes de la morale
des philofophes grecs ; mais comme ils étoient
beaucoup plus inftruits, ils affujettirent la raifon
à la religion. Ses dogmes & leurs confeils , en
réglant les pallions , furent également utiles à
la fànté de l ’homme & à l ’harmonie de la fociété.
C e fut l ’époque où les médecins , qui jufqu’alors
avoient tous été philofophes, cefsèrent de s’occuper
de la morale de l ’homme.
Pythagore , Démocrite , & Empédocles ont été
en même temps philofophes & médecins : en méditant
& en enfeignant comment on pouvoit conserver
le corps fàin & libre de maladies & d’in- ,
firmités, ils donnèrent des loix pour régler, les
paflions de l ’ame. On fait que la diète pytha-
gorique & la philofophie de cette feéte confïf-
toient en grande partie dans la médecine connue
fous le nom d’hygiène. Tous les médecins payens,
jufqu’â G alien , ont obfervé 8c pratiqué , auprès
de leurs malades, cette partie de la Médecine qui
contenoit en même temps la manière de régler
les paflions : mais lorfque les médecins chrétiens
virent que les théologiens s’ étoient exclufivement
emparés de cettç partie, bientôt ils la leur abandonnèrent.
En démontrant les effets & les caufes des paf-
fions de l ’ame, je ne chercherai l ’origine des caufes
que par l ’obfervation $ je détaillerai tous les mous
vemens qu’elles produifent : je n’examinerai pas
de quelle manière l’ame", étant fpiritiielle, peut
mouvoir notre corps , ni pourquoi le corps, di-
verfement affeété, peut déterminer l ’ame, qui eft
raifonnable , à penler, â réfléchir, â vouloir,/à
aimer , à haïr ; je me contenterai d’indiquer les
rapports de ces deux fubftances , diftinétes Tune
de l ’autre par leur nature , mais qui font liées
entre elles de manière qu’il eft impofllble â
l’homme de le comprendre ( i) .
Les effets de cette union inexprimable fe prouvent
tous les jours. Qu’un homme tranquille , jouif-
fanf de la meilleure fanté, foit infuité pàr quelques
paroles injurieufes , tout fon corps s’altère
dans l’inftant, fon efprit fort de fon état de tran-
quilité , ce que Ton aperçoit par fa physionomie
, par les mouvémens défordonnés de tous fes
membres ; i l tremble , i l écume ; fon coeur palpite
j fon pouls eft convulfif , irrégulier ; l ’efto-
mac ne digère plus, toutes les fecrétions font dérangées
: cet état s’appelle maladie, & nous démontre
que l ’efprit a un pouvoir allez grand fur le
corps pour l ’altérer, le rendre malade, 8c quelquefois
pour lui ôter la vie.
Tous les hommes fenfés ont obfervé que la
faim , qu’une nourriture immodérée , que l ’ulage
du vin & desliqueurs fpiritueufes » que les variations
de l ’air produifent des changemens fur les
opérations de l ’efprit, quoique le corps ne foit
pas malade. Tous ont obfervé la variété & la bizarrerie
des défirs des femmes groffes , 8c qu’une
très-vive douleur abat l ’efprit au point qu’il n’a
plus la force de penfer avec tranquilité â d’autres
objets qu’à celui qui l ’afflige ; que, cette douleur
continuant & augmentant, l ’elprit n’eft plus
capable d’aucune réflexion , qu’il extravague , &
tombe en délire , comme s’il n’avoit jamais exifté :
que dirai - je des effets de l’atrabile , du virus
de la rage , de ceux de l ’opium, du ftramo-
nium, de la ciguë aquatique ? Qui ignore à com-
( I ) Hos tenues nexus obfeuraque vincula queedam,
Detegere , & rerum myfieria p andere frufir a
Tentavit mortale genus , nofirce abditamenti:
Hees anima compago. latet femperque latebit
Jamque ruunt celebrata diü fyfiemata, nobis
Unica tantafum manet ignorantia reriim.
Vide poëma Steph, Lud. Geoff, de higiene lib. 7 , v. 3 3 •
bien
bien de troubles , de changemens, d’agitations,
eft fujette notre fubftance intelligente ?
D ’après cela , il eft clair que perfonne ne peut
nier le pouvoir de l ’efprit fur le corps , & du
•corps fur l ’efprit : nous allons encore obferver les
propriétés de ces deux fubftances réunies, Tui\e
obéiffant à l ’autre avec un tel accord , que toutes
leurs aétions tendent à leur confervation réciproque
; ce qui eft l ’état de fanté.
i° . Nous avons la faculté de juger des objets
par les fens, qui font au nombre de cinq. Cependant
plufieurs phifiologiftes mettent au nombre
des fens la faim & la fo if , & ce fentiment inquiet
qui nous excite à nous reproduire. Ce fentiment
exifte dans le fenfori/um commune , dans
lequel il eft imprimé de manière qu’on eft persuadé
de l ’exiftence de l ’objet, de fa dlftance , de
4a couleur, & de fes autres propriétés.
z°. Nous avons le pouvoir de conforver dans le
jenforium commune , ou le principe de tous les
nerfs, les idées ou impreffions faites par les fens.
'Lorfque nous parlons , que nous difeourons, que
nous traitons de ces impreffions confervées , cette
faculté, cette puiffance de retenir les idées que
nous nous femmes formées des chofes, & de pouvoir
nous les repréfenter au befoin, s’appelle la
■mémoire. On fait que différentes maladies la
diminuent 1 & l ’anéantiffent quelquefois totalement
( 1 ).
( 1 ) Dans -un enfant de huit tellement Je jouet des viciflitudes adnes ,l 'aliar ,m qéumeo ipreen détaonitt tleosu tg craen dqeus’i lc haavleouirts daep pl’réisté 5 , liel oruetboluior itdper eflaq ufer aeînchtieèurer mpeennt
fdaa nmt édmeuoxir eo. uV toroyies\ johuifrtso,i rleu id ere nl’daocaitd éamu iec odnetsr aficriee ntcoeust e, X704, n°. 2, & 1705 , n°. 14.
d. aiVfoonyse ,z daeusf lvï acreia tqiounes ddiut tHemipppso ,c rdaaten s fuler lt’irnafiltué ednec ea ërdee s,
■ aquis & locïs. üècHlee rmdoeg èln’éegsl idfee , Taaprfrèes, qavuoi irv ievnofiet igàn- él a lafi nr hdéuto rfiéqcuoen dà qvruaignezse, aonusb ,l ia& t oauvto icre cqoum’ipla rféa voà it diàx -huit plufieurs outrouva,
à l'Ouverture de fon cadavre, le vcioenugrt -v qeluua t&re .d ’uOnne graAnpdreèus ru npero adtitgaiqeuuefe d.’apoplexie , une femme de condition hpéefridtietr l,a plea rpolaet epro,u rY ta ovuet e& a ulter ec crheodfoe-, qduue rpeoliuer erlélce itaevr,o ifra nlas méAm olair ef ubitoen dn’eu n8ec atleta qjuugee dm’aepnot ptlreèxsi-ef,a iunn. homme d’elprit oubMli. a Pài af,o cné lèrbévree ilp rjouffcqfuT^eàû fro nd ’énloomqu.ente de l’univerfité,
fijt obligé , à la fuite d’une femblable maladie, d’apprenddree
, à lire, à .écrire, Sc fe remettre aux premiers élémens 1a langue .latins. Il eft vrai qu’au bout de fix. mois oilb faevroviét qreuc"oilu vnr’éy toau tp recfeq uqeu ’aiul cauvno itm faula. dLee sf rmapépdée cidn’sa poont
pcoleçéx ide,e qluai meném réocirhea. pJpe’a i, fvanus auvno ijre fuanite qhuoemlqmuee pqeurtie Odùu- ibll éiotoiti tt otuotu rcme eqnut’éi.l favoit, dans des accès de migraine dont Voyez auflï elîais de. Montaigne, 1. 2 , ch. 13 ; Valère
Médecins. Tome I.
,o. Nous avons la faculté d'apercevoir chacjue.
objet de trois manières différentes, d’une manière
agréable, défagréable , ou indifférente. Je mets
la main dans l ’eau froide ; je fuis obligé de la
retirer, parce que cette fenfation ne m’eft pas agréar
ble. je mets au contraire ma main froide dans l'eau
tiède ; la chaleur que j’éprouve m’engage à l ’y laiffer
plus long-temps, parce que cette lenfation m eft
agréable. J’examine un globe de métal, je confi-
dere les- propriétés & l ’aptitude qu il a , par là
forme, à être mis en mouvement. Cette idée ne
m’eft ni agréable ni défagréable , & fixe Tranquillement
mon attention. Que 1 on confidere par oc-
cafion la lignification.ou l’étymologie d’une parole
injurieufe , l ’idée qu’elle produit ne caufe ni
peine ni chagrin ; mais fi quelqu’un vient a nous
apoftropher de ce même mot injurieux qui nous
étoit indifférent, en recherchant fon étymologie ,
il excite en nous une idée qui nous chagrine & nous
tourmente.
4°. Tant que le corps & la puiffauce de Tame ,
qu’on appelle volonté , font dans une union parfaite',
ces deux fubftances fe meuvent en même
temps. Je veux mouvoir le pouce pour fermer la
main, je le remue; je veux mouvoir toute la
main, en un inftant elle eft ouverte. J’arrive , avec
befoin de boire , auprès d’une fontaine ; ma volonté
condefcend à mouvoir les mufoles de la déglutition,
.
5°. Mais outre ces mouvemens réguliers , 8c
qui dépendent de la volonté , nous en faifons
d’autres involontairement. Un enfant voit un fruit
dans les mains de fa mère ; il lui plaît : dans
Tinftant il commence à mouvoir tous fes mu£-
cle s , il étend fes bras & fes mains fi a propos ,
qu’il le làifit comme feroit le plus habile ana-
tomifte. Cette a&ion de vouloir, ou de ne vouloir
pas , produit ces mouvemens qui n’exiftoient pas
auparavant, fans connoiffance de la part de l ’enfant,
ni aucune autre réflexion que l ’attrait de ce qui lui
fait plaifir. .
6°. Nous avons la faculté d’éprouver toutes les
fenfations agréables ou défagréables ; elles font produites
non feulement par des objets immédiats »
mais auflï par les impreffions gravées dans le fen-
forium commune , ou le fiége des fenfations.
Cette faculté eft tellement inhérente à notre
corps vivant , qu’elle eft l ’origine de toute la
métaphyfique , qui étend fes branches dans toutes
les fciences, & fur-tout dans la Médecine. Je vais
expliquer, avec' modeftie & franchifé , quel ufage
je penfe que Ton en pourroit faire pour inftruire
les hommes d’une manière plus utile, & faire le
Mfecayx, ime, 1. i , cb. 8; Pline, 1. 7, eh. 24 5 Tulpiits, ob- Meiboramf.î u1s. d4e, lhæiff.t . c1r5a n;. Hn°il.d 5a9n u3 sÔ c, Ecernnre.f t 1P1 la, tnoebrf .d 7e3 v,i corporis in memoriâ. Leipfic ,. in-40. 1767,
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