
tien général de J a fociété, dont nous devons nous
occuper , puifque nous én faifons partie.
Notre corps eft compofè de deux fortes de vaif-
feaux j les uns plus gros & plus apparens, qui
font compris dans le coeur , les artères & les
veines , dans lefquelles circule ce fluide connu fous
le nom de fang. Les autres font plus déliés &
ütiiés dans les parties cachées & profondes du
corps ; ce font les nerfs qui viennent de la moelle
alongee , qui eft l'extrémité du cerveau & du cervelet.
Comme le coeur eft le commencement & la
fin des artères , de même la moelle alongée eft
le principe des nerfs ; aufli Hippocrate appeloit
avec raifon ' le corps vivant , un cercle. Mais
voici une chofe étonnante : que Ton fépare le
cerveau , le cervelet > la moelle alongée & fous
les nerfs qui en proviennent ,, du fyitême des artères
& des veines , on aura un corps parfait ; il ne
reftera qu un vide d’oà partaient les artères &
les veines , ce que l ’on trouve très-bien repréfenté
dans la nevrologie de Vieuffens. Et pour avoir
une idée plus- complète du corps vivant, que l ’on
fépare du-corps le coeur avec tous les vaiffeaux
qui en dépendent ; favoir, les artères & leur continuation
, qui font les veines, lefquelles fe terminent
dans le coeur par deux canaux , & vous
verrez que ce tout repréfentera en apparence un
homme de fang. Vous pourrez voir , dans les
tables anatomiques de Vefale -, le vide qu’il y
a eùtre les artères & les veines , & qui étoit occupe
par les nerfs. Vous avez deux hommes, deux
.corps, tous deux de même figure r de même grandeur,
de même dimenfion ; l ’office de l ’homme
nerveux eft de fentir & de mouvoir par le moyen
des mufcles; l’office de l ’homme de fang eft d’animer,
de nourrir , de fe eonferver , & de fe perpétuer
: mais un de ces hommes dépend de l’autre
cie la meme maniéré qu’une roue dépend de celle
dans laquelle elle-tourne. Sydenham , l ’Hi-ppocrate
:de nos jours, appelle cet homme nerveux l ’homme
interne, & l ’homme fanguin, l ’écorce du corps
vivant.
Voyons encore maintenant de quelle maniéré
nous' fentons & nous nous mouvons , & comment
exiftent ces deux fyftêmes dans leur état natu-
rel. Tous les objets qui entrent par les fens, continuent
leur impreflion jufqu’à la moelle alpn-
gée. Et expliquons d’abord dans quelle partie du
nerf fe fait la fenfation : nous lavons déjà dans
quelle partie elle fe termine.
Prenons , pour exemple , la paire de nerfs déf-
tinée a la vue: ces nerfs font appelés optiques j
ils ne rempliffent leurs fonctions' que lorfqu’ils
Font feparés de la dure-mère & de la pie-mère, avec
lefquelles ils font réunis & comme enchaînés.
Dans l ’endroit ou ces nerfs s’en féparent, fe forme
la retine , dans laquelle fe refléchiffent les objets ,
de manière qu’aucun nerf , foit .dedans , foit dehors
le crâne, tant qu’il eft couvert de la pie- m ère & de la - dure-m ère, ne fent & ne représente
l’objet qui le touche. Par exemple, la neuvième
paire de nerfs fe diftribue y ainfi que la huitième *
à la langue ,. au coeur, & au diaphragme : aufli-
tôt qu’elles ont fourni à ces parties les tuniques-
dont elles font formées , elles s’épanouiffent & s’étendent
dans la langue & dans le Coeur, & com-
pofent des tuniques plus fubtiles ; la pulpe du
nerf refte à nu 8c s’étend en. petits points fem-
blables à la tête d’une aiguille : c’eft dans cette
pulpe ou ces papilles que fe fait la fenfation;
c’eft dans cette pulpe ou dans ces papilles, qui
font dans les yeux , que réfide l ’organe de la vue ;
c’eft dans la pulpe qui eft dans les oreilles ,. que
le fon fe fait entendre ; c’elt dans cette pulpe couverte
de l’épiderme , que l ’on éprouve le fenti-
ment, mais avec un tel artifice, qu’aufli-tôt que
cette pulpe éprouve quelque fenfation agréable ,,
défagréabîe , ou indifférente , la fenfation fe propage
jufqu’au fenforium commune & à la moelle-
alongée , & y termine fon impreflion : cette im-
preffion s’y conferve ; & c’eft ce que nous appelons
la mémoire. Il y a des nerfs qui fervent àrla
vue, d’autres à l ’ouïe y d’autres a. la faim , à la
foif ; lorfqu’ils font titillés avec délicateffe,. ils
font éprouver une fenfation agréable ; s’ils font
touchés un peu vivement , ris caufent de la. dou-
leur ; fi on les tiraille fortement & avec de la
rudeffe , ils excitent une douleur très-violente :
mais i l y a des nerfs- qui , touchés rudement,
même dans leur partie pulpeufe , ne caufent
aucune douleur. Les nerfs de la huitième paire ,
& l ’interçoftal, qui fediftribuent au coeur , au
diaphragme , à l ’eftomac, au duodénum , au foie 0
jufqu’au méfentère ,. touchés fortement dans leur
partie pulpeufe, & aux endroits- où ils fe terminent,
qe font pas éprouver de douleur; ils pro-
duifent des anxiétés, des malaifes , des inquiétu-**
des r tous fentent, tous tranfmettent leur fenfation
au fenforium commune , d’où ils tirent leur
oïigine. Mais chaque fenfation eft différente ; la
fenfation de la vue eft différente de celle de l’ouïe ,
celle du goût diffère de celle dit toucher, celle-
ci de celle de la douleur, & ainfi des autres. On
peut concevoir, maintenant , à ce que je crois s
comment les énfans perçoivent les premières im-
prelfions des objets qui entrent par leurs oreilles.-
Mais, dira-1 - on , fi nous n’avons pas d’autre
voie pour recevoir les impreflions des objets que
nous eonnoiffons, comment pourrions-nous jamais
favoir ce que c’eft qu’un efprit, un ange , Dieu ,
la vie étemelle ?■ comment pourrions-nous concevoir
des noms abftraits, & les idées qu’ils nous
procurent, Comme vertu , réputation , liaîne ?
comment pourrions- nous concevoir ce, que c’eft
que le quinquina, fans l ’avoir jamais vu ; difeou-
rir fur le feu élémentaire , & enfin fer tous les
objets qui n’entrent pas par les fens , ou qui ne touchent
pas aux papilles des nerfs qui font à leur
pulpe ? Ce qui n’entre pas par les fens, nous le
eonnoiffons par le moyen d’idées fit d’imprefftons
«UC nous avons des chofes corporelles ; de cette
manière nous concevons les mots abftraits & leur
lignification. Je ne m’arrêterai pas davantage fur
cet objet, qui eft connu généralement’ ; je paffe
à d’autres explications.
L e Créateur a donné à tout être vivant le fbu-
verain défîr de fe eonferver & de fe perpétuer.
Ces défirs font l ’origine des pallions de l ’a me. Si
un homme raifonnable n’accorde à fes paflions que
ce que lui permettent fes forces & fes moyens ,
il remplira l ’objet pour lequel elles lui ont été
données ; mais fi fes défirs paffent les bornes pref-
crites par la nature , elles tendront à fa deltruc-
tion.
La faculté que nous avons d’imiter fort & nuit
quelquefois à notre confervation. Une mere tient
fon fils entre fes bras & lui préfente des alimens ;
l ’enfant fe refufe à ouvrir la bouche : alors cette
mere tendre prend un peu de la nourriture qu’elle
lui deftine , la porte à fa bouche , feint l ’avi-
dite du befoin ; l ’enfant imite la mère , mange en
•effet, & fe nourrit.
Galien rapporte cette obfervation dans le commentaire
des épidémies , pour prouver que la
nature , fans être inftruite , produit d’admirables
•mouvemens feulement par imitation ( i) .
La plupart des allions de la vie civile que
nous faifons, que nous approuvons, ou que nous
blâmons, dépendent de ces principes. Nous allons
aflifter à la repréfentation d’une comédie ou d’une
■ courfe de taureaux , nous voyons briller dans
l ’affemblée l ’efpérance de fe divertir ou de s’a-
mufer^ nous entendons rire & applaudir , nous
ipenfons que nous participerons aux mêmes plai-
iïrs ; & fur le champ nous compofons notre physionomie
fur celles des afiiftans. Nous allons entendre
une oraifon funèbre , nous voyons da'ns
l ’églife un appareil lugubre , nous nous plaçons
dans une aflemblée de gens férieux & mornes;
le panégyrifte parle d’une voie plaintive & adaptée
au fujet : notre phyfionomie, notre gefte , &
nos idées prennent la teinte de celles des gens qui
nous environnent.
Nous lifons dans Suetone les crimes , les infamies
, 8c fur-tout la tyrannie de Néron , & nous
ne fommes pas émus , & nous ne déteftons pas
avec horreur ces actions fi atroces & fi fcélérates.
Nous lifons dans Tacite les mêmes faits , nous
ne pouvons en continuer la leéture, fans éprouver
des angoiffes & fans abhorrer le monftre qui s’eft
rendu fi coupable. Quand Tacite écrit, il femble
que l ’hiftorien fpeélateur reçoive lui - même les
( i ) L’imitation relle, qui leur épargenfet lpao udri fccuelsf ioenn f:a nlas nuatnuer er aai ftroonu vnéa utune
àv opier epnldurse daebsr éagléime.eqnuse ; lce' erfat ifcoenllnee mduen tf e,n tpimouern cle s engager foi qu’ils ont en leurs pères 6c de la 6c mères. Voye\ Abbadie, l’art de fe connoîcre foi- même, p. 7.
ordres barbares du tyran ; il communique au lecteur
fes mouvemens d’indignation. Suetone , au
contraire , narre froidement , en fuivant les lois
de i ’hiftoire, que Tacite enfeigne, mais qu’i l ne
fuit pas.
Combien de fois ne nous a r r iv e - t - i l pas de,
pleurer en voyant repuéfenter une comédie ou une
tragédie , quoique nous fâchions que le fujet eu
eft fabuleux ? nous imitons , en fredonnant , les
muficiens, l’afflidion des aéteurs, leurs geftes ,
leur ton de voix , parce que ce principe d’imi-*
tation eft inné dans notre efprit (1).
Mais l ’empire de ee principe ne fe borne
pas là.
Les fenfations des actions morbifiques entrent
par la vue ; elles font une telle impreflïon fur
le fenforium commune , qu’elles produifent les
mêmes maladies. En voyant feulement avec attention
un épileptique , une femme hyftérique , un
louche , une hémorragie , plufîeurs perfonnes ont
été attaquées des mêmes maux. J’ai ouï dire an
grand Boerrhaave qu’i l y avoit près de Leyde un
maître d’école qui étoit louche. Les parens des
enfans ne tardèrent pas à s’apercevoir, en peu
de temps , que leurs enfans avoient acquis le
même défaut dans la vue. C ’eft la raifon pour
laquelle la nourrice .d’un enfant deftiné à des
fonétions publiques , ne doit être ni bèj^ue ni
louche , ni . avoir d’autres défauts que 1 enfant
puiffe contrarier. Vqye^ à ce fujet ce que Quin-
inf(i n1i)té Idl ’eyx ap édriaennsc esl’ h,o mqmuie efut neu nfea ctuelntéd acnocnen unea tpuarer lluen eà icmetittee rt etnoduat nccee qnua'itlu rvelolier feafitr e.i nLexap lciacuabfèl e.d eO ln’i mbiâtailtlieo n, odue pvloemuriet,r , oonu rpirleeu :r ec h, eozn l esr ifte m, meens ,v lo’yenanvti e bdâ'uilrleinr e,r vfeo mcoimr ,
munique , lorfque l'une d'entre elles en a befoin. Cette atennidmaanucxe. mSaic huinn alceh iàe nl ’iambiotaytéio, nt ouesx ifltees pcehuiet-nêst red uc hevzo ilseis
lnoapgpeé el ucih erzé pcoenrtdaeinnst . pCeueppleens dant cette faculté eft plus déve-- les femmes , & les perfonnes6 c foinibdiievsi ddu’se ;f pcrht.ez les enfans , vieAil laSrtdc apcheetibtu, gme,a pigrèrse , Afboeibrdlee e, n qeuni éEtociot fpleo,rotén dvèso yloa itp ruen
àm iimèriet ejre utonuetf lec,e faqnus' iql uv’iol yloe itv ofau rleû.t , P&an tmomêmime em eaxlgcreél lelunit,, illu ii,m idtoe itl ae xtaê&tee m, denest xyoeuusx l,e sd egse ftleèsv rqeus ’o, nd efsa imfoaiti nds e, vdaenst qbura’isl , led evso ypoieidt sf. aiIrle c; ouvroit 6c découvroit fa tête, fuivant lérité 6c tout cela dans l'ïnftant , avec céque
q6uce lpqruo’umnp tgiteufdtiec.u lSoii t onde vluain t telnuoi i,t ille s famifaoiints tpoeunsd afenst qefufooir t,s ipl oruérp ofne dimt eqtture'i l efnou flfiibroeirtt éd. uO cnoe ulur i demanda pourC’eft
pourquoi il paroifloit toujours en p6ucb ldice lelas yteêutbec, dfeorsm àé sl, a 6cco mdapnasg nliae . foVcoiéyteéi iiml péettouimt Joabcliiegnés ddeic lutomu rHnieprp ole-
crati, auâore Abrahamo Kaau Boerrhaave , p. 3 4.5, att. de
confenfu inter homines. Lugd. Batav. «74s > in-8°.
Cet homme avoit chez lui une tendance à l’imitation
fl marquée, de commun avec les imbéciiles, dont quelques-.
uns , outre cette imitation des geftes, répètent prccifément
les mêmes mots , qu’ils yous entendent prononcer.
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