
rabbin Jia.nria.fe, cette propriété de Vaimant ii’é-
toit point inconnue de fon temps aux voleurs,
qui s’en fervoient pour favorifer leurs rapines.
Marbod & plufieurs autres auteurs ont répété
cette fiétion.
On a p'enfé auflî très-anciennement que Y aimant
communiquoit au fer une vertu deltruftive ,
& que les bleflures faites avec un fer imprégné
de fa vertu étoient envenimées & mortelles. Le
père Cabée , convaincu par fa propre expérience,
traite de fable cette opinion qui étoit établie du
temps de P Une,
Mais c’ eft fur-tout l ’ufagè intérieur de Yaimafit
que l ’on a regardé comme fulpeét. Sennert pen-
foit qu’en féjournant trop long-temps dans les entrailles
, i l pouvoit nuire par fa nature métallique
, comme toutes les fubftances de ce genres
Santés Ae Ardoynis redoutait fa nature sèche &
ierreftre, qui le rendoit, fuivant lu i , ennemi du
Coeur , ‘ contraire au -foie , & nuifible au cerveau.
Gilbert regardoit certaines efpèces $ aimant comme
pouvant attaquer la tête par une vapeur maligne,
& nuire à l ’eftomac par une qualité mordicante.
Les auteurs, en beaucoup plus grand nombre,
ont prononcé que cette fubftànce , prife intérieurement
, jetait dans une forte de mélancolie lunatique
, accompagnée des plus fâcheux accidens.
Si l ’on en croit une opinion rapportée par A n -
felme de Boodt , Y aimant exhale, comme les
charbons, une vapeur fétide & mal-faifânte qui
trouble le cerveau, occafîonne des rêves affreux ,
produit le vertige , l ’épilepfie , & l ’apoplexie.
Pour qu’elle produife d’aufli fâcheux effets, iLfuffit
lîtême de tenir de Yaimant â la bouche. Mais
donné en boiffon , fuivant cet auteur,-à la dofe
de fix grains, mêlé avec la graiffe de ferpent &
le fuc d’ortie , i l trouble l ’efprit au point que
ceux qui ont eu le malheur d’avaler ce funefte
breuvage, abandonnent leurs maifons & quittent
leur patrie.
On a porté plus loin encore l’opinion des mauvais
effets de Yaimant : on l ’a regardé comme
une fubftànce vraiment mortelle. Pierre d}Apono,
-qui vivoit vers la fin du treizième fiècle, l ’a rangé
dans fon tïaité de venenis, au nombre des poi-
fons. Guainer , médecin de Pavie, qui vivoit vers
l ’an 1440, du temps du concile de Bafle, & Santés
de Ardoynis, 'lfont auflî placé au même rang.
Nous voyons qu’à leur exemple un grand nombre
d’auteurs, tels que J o ë l, Sennert, & Forejîus,
fe font emprefles d’indiquer des fecours contre
une fubftànce auflî mal-faifante. Le traitement général
qu’on emploie contre les poïfons parut ne
pas devoir fuffire. L 3aimant eut fes antidotes particuliers
t la poudre d’émeraude & la limaille d’or
ont joui de cette prérogative. Une erreur ancienne
avoit fait joindre â ces fubftances le fuc d’a i l , que
l ’antiquité, regardoit comme capable d’anéantir
dans Yaimant toute efpèce d’action, fpécialement
ççlie qu’i l a fur le fer.
Mais quoique certains auteurs aient penfe qu’il
y avoit dans Yaimant une vertu deffruârive , l’opinion
contraire , qui le faifoit regarder comme une?
fubftànce falutaire , a toujours prévalu. On a rejeté
fur les matières étrangères, dont Yaimant eft
fouillé dans le fein de la terre, les mauvaifes qualités
qu’on lui a attribuées. Les anciens diftin-
guoient cinq ou fix efpèces de cette fubftànce ,
parmi lefquelles' i l y en avoit de plus pures
que d’autres. En ce genre , on comptoit fur-
tôut les aimans qui viennent du Levant , de la
Chine, & du Bengale. On a pejifé même que la
véritable pierre 8 aimant, c’eft-à-dire , celle qui
pofsède éminemment la vertu d’attirer le fer, a’a-
voit aucunes mauvaifes qualités, au moins qu’elle
ne contenoit de nuifible que des matières qui
lui étoient légèrement adhérentes , & dont en la
lavant il étoit facile de la purifier. Ainfi, Yaimant
proprement dit, préparé convenablement, a paflfé
dans tous, les temps pour une fubftànce très—
falutaire.
Propriétés vagues & indéterminées attribuées à
Vaimant. \°. Action fu r le moral. .
L ’amour du merveilleux a fait porter jufqu’à
l ’exagération les vertus de ce genre qu’on lui a
attribuées; La propriété d’attirer, qui diftingue>
d’une manière fi furprënante cette fubftànce naturelle,
lui a fait jouer dans les fièeles d’ignorance
un grand rôle dans l’art fuperftitieux des charmes.
& de la magie. On la croyoit fingulièrement
propre à exciter l ’amour. On lui attribuoit une
grande vertu pour ranimer la tendreffe conjugale &
rapprocher les époux défunis. Une opinion plus
extraordinaire encore lui faifoit attribuer une forte
d’intelligence dans les myftères amoureux. Elle
paffoit pour avoir la vertu de dévoiler les écarts
des époufes infidèles. Les femmes adultères én redoutaient
l ’épreuve. Ces fables', révérées des hébreux
ont été répétées par un grand nombre
d’auteurs.
C’était fur-tout Yaimant blanc qu’on préféroit
dans les enchantemens pour infpirer. l ’amour. L a
propriété que cette efpèce à’aimant, avoit de fe
coller aux lèvres & d’adhérer à la langue quand
ou l’en approchoit, fit pehfer qu’elle avpit fur les
chairs la même- action que Yaimant fur le fer.
De là le nom S aimant charnel qu’on lui a-donné ,
& la préférence qu’on lui a accordée dans la com-
pofîtion des philtres amoureux. Cette propriété,
qui nous paroît fi vaine , fi futile , étoit établie
fur des fondemens refpeéîables pour les peuples,
ftès la plus haute antiquité.
Ce n’était pas feulement à porter un fexe vers
l ’autre que fe bornoit cette vertu attraélive de
Yaimant. On croyoit auflî cette fubftànce propre
[à concilier, à ceux qui la portoieut, l’eftime de leurs femblables, & à entretenir la concorde. Elle
fervoit de moyen de communication entre les amis
aWens ; elle donnoit de la grâce, de l ’éloquence ;
elle infpiroit du . courage. Suivant Arnauld de
Villeneuve, elle écartait des femmes les mauvais
efprits, & les préfervoit de to'ut maléfice. Les af-
trologues & les feélateurs de l ’ancienne magie
Croyoient pouvoir exalter ces vertus de Yaimant
par des procédés fuperftitieux. Nous verrons bientôt
que les alchimiftes eurent dans la fuite les mêmes,
prétentions fur cette fubftànce. Suivant Albert le
Grand, on la regardoit en magie comme propre à
exalter l ’imagination , à la remplir de vifions fan-
tàftiques , fur - tout en la chargeant de caractères
fymboliques. Les aftrologues y gravoient auflî ,
comme le rapporte K-ircher, différens attributs
analogues au fujet pour lèquel on fe propofoit
de l ’employer^ tels que ceux de Vénus, pour.inf-
pirer l ’amour, ou d’autres empreintes myftérieufes ,
pour concilier l ’eftime ou la faveur des grands.
Mais laiflons-là ces propriétés merveilleufes ,
fur lefquelles il y a eu'une tradition confiante
pendant plufieurs fièeles.
z°. Action fu r le phyfique.
I l n eft aucunes propriétés médicinales que 1 on
n’ait, fous ce rapport, attribuées à l’aimant. Quel-
qués peuples de l ’Inde ont été perfuadés qu’étant
pris intérieurement en petite quantité, il confer-
voit & prôlongeoit la je une fie. Â ce fujet, Garde
d’Jîorta rapporte quun roi de ces contrées faifoit
préparer fes alimens dans des vafes d’aimant. Tous
les auteurs Vont traité de fable cette vertu , que
le père Cabée paroît regarder comme n’étant pas
abfolumenc dénuée de fondement. Il femble douter
'fi les barbares ne fe formoient pas un coeur- de fer ,
en faifant ufage de Y aimant. Mais une conjecture
du même auteur, plus plaufible à ce fujet,
eft que les hiftoriens qui ont ainfi parlé de Yaimant
, confondoient avec Yaimant ordinaire , la
médecine univerfelle des alchimiftes, à laquelle
ces derniers donnoient le même nom , & qui pro-
lpngeoit la vie au delà du terme accoutumé.
Zwingèr adopte cette conje&ure.
On a vante fur-tout dans cette fubftancé une
efficacité marquée contre un grand nombre de raa-
ladiesî Suivant Rattray , " Yaimant pofsède la
vertu de guérir du catarrhe , des hernies , de la
fièvre quarte , de l ’hydropifie 3 des maux de tête ,
& de fortifier la matrice. Quelques auteurs l’ont
rangé au nombre des fubftances itimulantes, & des
médicamens propres à s’oppofer à la putréfaction
des vifeères. Galien, dans le livre de la médecine
fimpïe , vantait fa vertu purgative ,. & fur-tout
pour les humeurs aqueufes dans l ’hydropifie. Diof-
coride auflî l ’a propofé, au poids de trois oboles,
pour évacuer les humeurs épaiffes des mélancoliques.
Cette vertu purgative de Yaimant & fon
ufage dans..T’hydvopifîe étaient déjà connus du
temps des hébreux. Ses propriétés vulnéraires ont été auflî fingulièrement
célébrées. Platearius recommandoit de le
donner à l ’intérieur pour cet ufage dans les alimens &
les boiffons, avec le fuc de grande confoude ; extérieurement
, on l ’employoit en poudre , dont on
couvroit les bleflures , ou que l ’on incorporoit d'ans
les emplâtres. Boet de Boot vante fur-tout fon
efficacité fous cette dernière forme. L ’emplâtre
dont il parle guérit, dit-il, toutes fortes de blef-
fures , & prévient les accidens qui ont coutume
demies accompagner j il purifie les plaies de ce
qu’elles peuvent contenir d’inutile, & de toute malignité;
i l favorife la régénération des chairs. C ’eff:
fur-tout à Yaimant blanc qu’on attribuoit une vertu
vulnéraire très-éminente. Cardan afluroit qu’eqi
frottant la pointe d’un ftylet de fer avec cette
efpèce $ aimant, on pouvoit Tenfoncer dans les
chairs fans exciter de douleur & fans qu’il parfit
, après l ’avoir retiré , aucune trace de blef-
fure. On avoit penfé bien différemment, comme
nous l’avons dit, de Yaimam ordinaire, qui, fuivant
quelques auteurs , communiquoit au fer une
qualité délétère & deftruétive.
On a vanté auflî la vertu de Yaimant contre
les bleflures envenimées, & on lui a aflïgné un
rang diftingué parmi les fubftances alexiphar-
maques. Sérapion paroît avoir parlé le premier
de eette propriété. Si quelqu’un étoit blefle
d’un fer empoifpnné , il recommandoit de mêler
de la poudre d'aimant dans les emplâtres, ou d’en
couvrir les bleflures / il en faifoit prendre auflî intérieurement
dans les boiffons. Pris fous celte forme ,
1 aimant y d it- il, fait foriir le venin du corps,
per fecejfum. M.atthieu Silvaticus & Stockeras ,
ont copié*Sérapion à ce fujet, ainfi que l ’auteur
des notes ajoutées au poème de Marbod. On peut
confultet auflî M y â u s , qui affure,..d’un emplâtre
magnétique dont i l donne la compofition, qu’i l
extrait des plaies toute efpèce de venin. Le même
auteur attribue à un autre emplâtre, dont il parle,
la propriété de guérir les bleflures & morfures faites
par des animaux venimeux. Boet dit auflî de Yaimant
, qu’il dompté la force du venin, fi l ’on en
couvre^ les bleflures. Nous voyons enfin qu’on a
célébré une efpèce d*aimant, fous le nom de
Magnes venenorum. Les éphémérides d’Allemagne
en ont fait mention. Ainfi, Yaimant, qu’un
grand nombre d’auteürs avoient regardé comme un
poifon , fut vanté par d’autres comme un antidote
précieux & affuré.
Les alchimiftes prirent fur-tout confiance a ces
différentes propriétés' de Yaimant ; & , fauflement
convaincus qu’il étoit en leur pouvoir de les exalter
, ils épuisèrent tous les fecrets de leur art fur
cette fubftànce, pour lui faire fubir differentes préparations.
Les uns le faifoient digérer avec la limaille
d’acier dans les cendres de certaines plantes ,
pour en extraire enftrite , par Tefprit de vin , ce que
Paracélfe appeloit la manne de l1aimant, manna
magnetis. D’autres étoient perfuadés qu’en l ’expo-
faftt au fo le il, après l ’avoir calciné avec le fou