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fut guéri auffi-tôt, & qu’un vieillard fexagénaire,
<jui défiroit ardemment d’avoir des enfans, ayant
.appris que fa femnje venoit d’accoucher d’un fils,
fut guéri furie.champ d’une fièvre tierce. On a vu des
fièvres , des catalepfies , le tarentjfme guéris par la
mufique.
Si l’on taille de la pierre un enfant ou même
un adulte, aufli-tôt qu’on lui met fa pierre entre
les doigts, il ne fent plus les douleurs atroces qu’il
devroit encore fèntir , les parties par lefqn elles on
l ’a tirée étant déchirées 8c encore fanglantes; il fe
confole avec tant de paffion, en voyant la caufe
.de fes maux détruite, queT’efpric., dans cette contemplation
ne s’occupe plus de la caufe de la douleur
existante.
Les femmes riches, qui accouchent heureufement,
aufli-tôt qu’elles voient, qu’elles touchent, qu’elles
embraffent l ’enfant auquel elles ont donné le jour,
ne fentenfplus les douleurs & les fouffrances qu’elles
.devroient fentir. Celles qui mettent au monde un
-garçon font guéries plus promptement que celles
qui mettent des filles au monde, quoique la fièvre
-lurvienne ; la joie que leur caufe ce luccès heureux
les fortifie ; leurs nerfs acquièrent de l’élaftj-
=cité; & la circulation continue à fe faire régulièrement.
C ’eft un grand mérite dans un médecin d’avoir
.de la gaîté, & de pouvoir s’en ferv.ir auprès de fes
malades.; il conferve & augmente fa réputation, &
le malade à en lui une plus grande confiance, s’il
fe rend agréable par une conversation décente &
intéreffante , & par une certaine nobleffe dans
le gefte & dans la manière de s’exprimer ; i l donne
plus d’énergie aux remèdes qu’i l prefcrif. Mon
maître, le doéleur Pinho, médecin de la ville de
Guarda, étoit doué de tous ces avantages. J’ai été
fon difciple pendant deux ans ; & j’ai obfervé que
dans le mois pendant lequel il faifoit fon fervice
dans l ’hôpital de la Miféricorde de cette v ille , il y
avoit une beaucoup plus grande quantité de malades
qui fprtoient guéris, que daqs l ’autre mois où l ’autre
médecin étoit de fervice, quoique ce médecin fût
très-inftruit : mais i l étoit d’un caractère dur, ce qui
le faifoit haïr des malades. Je me fouviens que
lorfque mon maître entroit dans la falle des malades
, tous levoient la tête pour le voir ; tous
avoient la gaîté & la fatjsfa&ion peintes fur le vi-
fage ; ceux qui défefpéroient de leur état, étoient
confolés 5 il relevoit leur efprit abbattu, par la
grâce, la décence, le jugement, la douceur qu’il
mettoit dans fes paroles, & le courage qu’il leur
infpiroit pour fupporter les douleurs qu’ils éprou-
voient.
Nous favons par expérience qu’i l y a des femmes
qui prennent aifément certaines perfonnes en aver-
fion, en préfence defquelles elles ne peuvent accoucher
, quoiquelles foient dans l’état le plus preffant
. & le plus prochain d’enfanter. On remarque ces
averfîons ou des attachemens extraordinaires dans
pluiïeurs autres maladies, ce que tout médecin praÀ
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ticien doit obferver dans le traitement de les malades
, Sc ne jamais oublier la maxime utile & fûres
que le premier point pour être heureux^ eft de
plaire..
Mais çes memes paffions .qui -font auffi nécefi*
faires à la confervation de la vie que le mouvement
l’efl aux eaux , 8c l ’air libre à la flaînme ; fi .elles
viennent à exiffer dans un violent degre 8c à exciter
des tranfports exceffifs dans J’efprit , proàujfen.t
des effets contraires ; elles peuvent alors produire
toutes fortes de maladies & faire perdre la vie : ces
paffions font la joie fubite, l’amour immodéré, la
colère , l ’indignation , le défir effréné.
Cicéron dit dans fes queftions tufculanes , liv. 3 ,
que èes paffions font des tremblemens de terre qui
agitent un efprit dépourvu de rai.fon, lorfqu’i l obtient
la jouiflance du bien qu’il défile.
Confidérons à préfent les effets qu’elles produis-
fent fur le corps humain. Sanftorius obferve qu’une
joie immodérée ., fur-tout fi elle eft imprévue , difi-
fipe les e.fprits vitaux , arrête la circulation , relâche
tous les nerfs , au point de produire une
paralyfie parfaite ; qu’une joie plus modérée , mais
imprévue, comme celle d’un joueur, fait perdre
le fommeil, diffipe les efprits vitaux., & que cette
paffion , continuée, peut caufer la mélancolie. Il y
a peu de joueurs de profeffion qui ne fojent mélancoliques..
La paffion du jeu eff une maladie de
I’efprit qui a fon origine dans l ’humeur attrabi-
laire. Les tranfports exceffifs de joie , dit M.
Geoffroy , portent au corps de dangereuses atteintes
( i ) . -
Si nous parcourons l’hiffoire, foit ancienne ,
foit moderne, nous trouverons beaucoup d’ëxemr-
ples de perfonnes mortes de joie imprévue. Chilon
de Sparte , voyant fon fils couronné dans les jeux
olympiques , mourut en l’embraffant. ( P line, liv.
7 , c. 31 ),. Dans les mêmes jeux , Sophocle, dans
un âge très-avanncé, hafarde une tragédie ; il meurt
fubitement, en s’entendant donner le prix. Pline
rapporte plufieurs autres traits femblables dans le
c. 53. Marcellus Donat .en fait mention ( liv. 3 ,
c. 13. Voye-^ auffi Jo. Rhodii obferv. p. 3 ;
Galen, de cauf. jympt. I. z , c. ? ; V a l. Max*
l. 9 $ Aulugelle, /. 3 , ç. 1 ? , &ç. , &c. , 6>. )
( 1 •) 1Simid fuccuffa lab afcunt
Corpora latitia , repetito agitata tumultu
Fibrarum atteritur ruptä conipagine moles
Dum fluidis celeri pars fubtilijfima motu
Detrahitur , tenuifqüe e vafis ayolat humor?
Sip quem nulla regit ratio , quem amentia vexat P
Sapl brevi juvenis media inter gaudia fensim
Deteritur, tandemque exhaußo corpore langitens
Prpecipiti claudit feßivam funere vitam.
Vide Clariffisni Srheph, Lud, Geofifroy de hygieinc. I. 7 /
v. 17$. Sous
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Sous le règne de Louis X IV , M. Fouquet ,
ffurintendant des finances , ayant été prifonnier
pendant plufieurs années, fans efpérance de recouvrer
fa liberté ; on la lui accorde enfin ; 8c dans le
moment où il apprend cette nouvelle , il meurt
de faifîffement. Tout le monde fait l ’hiftoire de
se foldat qui' mourut en apprenant qu’il alloit
être uni*a une femme qu’il aimoit paffionné-
>ment.
La nièce de Leibnitz mourut en apercevant les
fournies d’argent qui lui revenoientdela fucceffion de
fon oncle. Des ris exceffifs ont quelquefois caufé la
•mort. Ainfî périrent le peintre Zeuxi's & Philé-
mont.
On fent â préfent pourquoi j’ai dit tant dé fois
que les pallions violentés de i’ame font fembla-
-bles au venin de la pefte • elles confirment & dé-
truifent lé principe fenfitif qui donne le mouve^
ment , & ront périr en un inftant. Si la joie n’efi:
•pas imiiiodérée , elle produit de moindres maux ,
qui fe manifeffent par des fièvres éphémères, des
infomnies , ou par le relâchement des folides.
L e doâeur Mead ôbférve , dans fes monita me-
dica , que la plupart des maniaques qui fe trou-
voient dans l ’hôpital des fous à Londres , en
172,1' & 172,1 , étoient des gens qui avoient. gagné
des fommes confidérables dans le . fyllême .de
Law' : plufieurs confervèrent leurs richefles, & ne
laiffèrent pas de devenir fous ; d’autres les perdirent
, & tombèrent dans le - même état. On a
déjà remarqué que les monarques , qui ont été
très-heureux dans le gain des batailles , ont fini
par devenir mélancoliques. C ’eft ce qu’ on a vu
dans Charles V . Il eft certain qu’une joie, répétée
& inattendue diffipe ce qu’il y a de plus
fubtil dans notre corps, prive notre fang des parties
fluides, le rend plus épais & plus terreftre,
ce qui eft une des caufes de l ’atrabile ; nous ne
fommes pas faits pour fupporter des excès ,
même des excès de joie & de contentement.
La paffion de l ’amour eft le défir de s’unir
avec une femme qui nous paroît belle. Cette
idée de l ’objet aimé eft tellement fixe dans l ’ef-
prit dés perfonnes qui en font affeélées, qu’elles
n’ont pas la force de penfer à autre chofe ,
elles font dominées par cette paffion, elles ne
font cas ni du pafle ni du futur. Elles font hors
d’elles-mêmes j cet objet les met en délire , ce qui
eft un ligne de foibleffe de Fefprit énervé par le
défaut de travail. L’origine de cette paffion eft
dans l’oifiveté. Nous avons déjà vu plus Haut
que la pareffe étoit la crainte du travail. On demanda
à Théophrafte ce que c’étoit que l ’amour.
I l répondit, comme on voit dans Stobée ( discours
6z ) , que c’étoit une maladie de l ’ame oi-
five ; ce qu’ôvide avoit connu , lorfqu’il dit, fi
vous- ôtez i ’oifîveté, les traits de l’amour n’auront
plus de force.
M éd e c in e . Tome l .
2 .6 $
Otia Ji tollds , periere cupidinis arcus.
L ’amour diffère de l ’amitié. L ’amitié eft l ’union
qui' exifte entre deux perfonnes fenfibles &
vertueufes. Cette paffion eft ordinairement douce.
Cependant on a vu des exemples funeftes d’une
trop grande fenfîbilité. Au fiége de la Capelle ,
un Efpagnol mourut en embraffant le cadavre de
fon ami ; & Horace mourut de douleur , neuf
jours après la mort de Mécène. Jj’amour eft une
paffion plus vive que l ’amitié , qui entraîne le
coeur comme malgré lui vers l ’objet aimé.
Les effets que l’amour défordonné produit fur
le corps humain font l ’infomnie , la pâleur du
vifage ; les yeux font creux & fatigués. On fent,
comme dans la triftefie , un poids défagréable
vers le creux de Teftomac. Le pouls eft languif-
fant, lorfque l ’efprit eft dans l ’attente, dans l ’inquiétude
de. ce qu’il délire j il eft accéléré & inégal
en préfence de l’objet aimé; & par ces diffé-
rens rythmes, les médecins connoifTent , depuis
Erafiftrate , le pouls des amans. Par cette fuite de
paffions , les efprits vitaux fe confuïnent les
digeftions font dérangées, la mémoire 6c"le rai-
fônnement s’affoibliffent ; 8c ceux qui font dominés
par cette paffion -deviennent mélancoliques ,
infenfés , maniaques.
Virgile peint Didon, amoureufe d’Enée , tellement
dominée par la paffion de l ’amour, qu’elle
ne voit 6c n’entend autre chofe; elle paroît transformée
tout entière dans l’objet qu’ elle aime.
« Une douce flamme confu me la moelle de
» fes os , 6c elle devient la viétime de la plaie
» fecrète qui la ronge. L a malheureufe Didon eft
» brûlée intérieurement , 8c , tout en furie , elle
» parcourt la ville.
» Seule dans famaifon , elle fe répète fes dou-
» leurs ; 8c couchée encore fur le lit qu’elle par-
» tageoit avec Enée , elle croit le voir 8c l ’en-
» tendre , quoiqu’abfent ».
E ft mollis flamma medullas
Intereà. , & tacitum vivit fub pectore vulnus,
TJritur infelix. Dido , totàque vagatur
“Urbe furens. . . . -
Sola domo mceret vacuâ , ftratifqitc relictis
Incubât, ilium abfens abfentem audit que vïdetque*
On perd , dans cet état, l ’ufage de fes fens »
même jufqu’à la parole , qui eft embarraffée. Je
n’ai trouve cet état admirablement décrit que dans
Catulle, épigrame 4^ , à Lefbie.
Ille mi par ejfe deo videtur,
Ille , Ji fas eft fuperare divos ,
Qui fedens adverfus identidem te
S p éclat 6c audit
Dulce ridentem, mifero quojl omnes
L 1