
J ai dit que les fubftances contenues dans le lait
paroifloient tenir le milieu entre les fubftances animales
& les fubftances végétales. A cela, Ton objectera
que nos alimens étant fouvent tirés en
grande partie des animaux , ne devroient pas donner
des produits fi rapprochés de "la nature végétale.
Mais premièrement, nous ne prenons les alimens
animaux que mélangés avec des fubftances
végétales ; enfuite on peut alfurer avec quelque
certitude que les fubftances végétales contribuent
plus que'les fubftances animales à la production
du lait. M. Cullen c ite , à l ’appui de cette pro-
pofîtion , une obfervation confiante de cinquante
années de pratique. 11 allure que les nourrices qui
' vivent entièrement ou en grande partie dt végétaux
, donnant une plus grande quantité de la i t ,
6* un lait de meilleure qualité, que celles qui
mangent beaucoup de nourriture animale. . . . .
T ai connu , dit—il , un très-grand nombre d’en-
/ an j très-bien port ans , dont les nourrices ne
vivoient que île végétaux , & j ’en ai vu plu-
o'fieurs devenir, malades ,- pour avoir été allaités
par des nourrices qui , au lieu de ne vivre que
de végétaux:, comme elles avoient coutume, s ’étalent
mijes à l ’ufage d’une grande quantité de
nourriture animale j j ’ai mênie connu des en fans
qui ont été incommodésparce que leur nourrice
avoit mangé à un fe u l repas p lus de viande
que de coutume. . . . . Il c ite, outre cela , les expériences
du doCteur Young , qui, nous apprennent
quen nourrïffant une chienne uniquement de
viande , non feulement ta qualité de fon lait en
fu t ïonfedérciblemen t altérée ,- mais la quantité
même diminuée. ( V . Traité de matière médicale,
traduction de M. Bofquiüon , Ier. vol. , pages
34° j 541*-) Dans cet ouvrage de M. Cullen, dont
je luis loin d’adopter toutes les idées , la partie -
qui concerné les alimens, renferme d’excellentes
choies, & qui méritent d’être profondément méditées.
Ce que je viens d’en citer porte à croire
que la partie animale de nos alimens , s’aflimi-
lant rapidement, eft employée très-promptement
a la nutrition, & fournit peu dé'-matière à la fé-
cretion du lait. 11 eft bon de remarquer encore que
les fluides & les félidés des femelles de tous les
animaux ne portant pas un caractère d’animalifa-
tion aulîi parfait que ceux des mâles , on peut
concevoir comment ce'fexe eft difpofé à eonferver
plus long-temps la matière nutritive dans un état
de demi-animalifation , très-favorable au maintien
du lait & à- fon accumulation dans les organes mammaires
, pour remplir le but de la nature dans l ’allaitement.
D e s différences du lait félon les alimens & félon
les animaux qui le fourniffem.
La partie la plus animalifée du lait eft donc
la partie eaféeufe , & cette partie y eft mêlée d’une
fubftance huileufe graffe , d’une fubftance fucrée ,
& d’un liquide aqueux. Les proportionsv de ce#
parties varient infiniment, & luivant les alimens
& fuivant lès animaux. Il eft impofiible de doutée
que la différence des alimens n’influe prodigieusement
fur l ’abondance du lait & la proportion de
lès parties. Nous venons d’en donner unq preuve
pour le iaijt de femme ; & quant aux animaux ,
on fait que plus les végétaux dont ils fe nourri fient
font vigoureux & forts, plus leur lait eft chargé
de fubftance nutritive ; en forte que les animaux qui
paillent dans des plaines humides ont un lait légers
& féieux, tandis que ceux qui paifient fur les
montagnes, où la végétation eft plus vrgoureufè
que par-tout ailleurs , ont un lait épais, furchafgé
de parties caféeufes & butyreufes.
Quant à la différence des animaux , j’adopterai
très-vo Ion tiers la divifion que M.* Cullen fait en-*
tte le lait des animaux ru raina ns & des animaux
non ruminans. Il remarque T d’après le doéteur
Young que la proportion de .la partie eaféeufe
eft en général plus forte dans les animaux ruminans
que dans les non ruminans; & la férolité eft en
s proportion inverfe de la partie eaféeufe. Il regarde,,
toutes chofes égales, parmi les ruminans,, le lait
de brebis comme contenant plus de parties caféeufes
que celui de chèvre , celui - ci plus que celui de
vache ; &, dans les laits de femme, de. jument, ÔC
d’âne fie , il déclare qu*l eft très-difficile de fixer
les proportions refpeCtives de ces parties. Quant
à la partie butyreufe parmi les ruminans, le docteur
Young regarde le lait de brebis 'comme contenant
plus d’huile grafte que celui de vache ‘9
8c celui de chèvre comme en contenant moins que les
deux autres; mais le doéteur Cullen penfe que dans
le lait de chèvre, la difficulté de féparer le beurre
de la partie - eaféeufe , eft peut-être la caufe de
cette obfervation du doéleur Ycfung, & il penfe feulement
que la combinarfon de ces deux parties y
eft plus parfaite. Dans les non ruminansM. Cullen
penfe que le lait de femme eft celui qui contient
le plus de beurre ; mais il attribue cette différence
à ce que la femme ufe d’un régime animal,
& penfe que le régime végétal peut diminuer dans
ce lait la proportion de la partie butyreufe. I l
afture s’en être 'convaincu par l ’expérience. Je ne
fais ce qu’on en doit penfer ; plufieurs obfervations
permettent de douter de ce fait. Et à l ’égard du
lait de jument , il paroît qu’il contient_une affez
grande quantité de. beurre , puifque les peuples
qui vivent de ce lait ufent aufli du beurre qu’ils
en retirent, & qu’ils ne fe donneroient pas la:
peine de préparer, s’ils ne Ten pouvoient retirer
qu’en petite quantité. On fait que les-tartafës font
dans cet ufage; & déjà, du temps d’Hippocrate,
les fcytlies fépaioient le beurre du lait de j/iment
par un procédé qn’Hippocrâle décrit fans donner
aucunement à entendre que les grecs ulaftcnt d’unr
procédé pareil, quoique les laits dont ils fe nourri
fio lent communément fnfîent les laits de .vache,
de chèvre , & de brebis. M. Cullen ne s’occupe
pas de fixer la proportion de la partie fucrée contenue
dans la férolité de ces différent laits. Je ne
m’arrêterai pas non plus à déterminer cet objet
important, perfuadé que fur tout ceci on trouvera
des détails bien complets â l’article L ait de ce
dictionnaire.
D e s effets des différens laits confidérés comme
alimens.
Je paffe donc â l’examen de ce qu’on doit penfer
du lait comme aliment. On fentira aifément que
le plus nutritif doit être celui qui contient le
plus de partiès caféeufes. Chez nous le lait de
vache eft le plus en ufage ; dans d’autres pays on
fe fert préférablement de celui de chèvre ou de
brebis. Je n’entreprendrai pas de dire lequel de
ces faits doit être prétéré ; je me bornerai ici a
quelques remarques, que je regarde comme importantes.
*
Premièrement, il eft . des laits qui paroiflent
convenir mieux aux eftomacs délicats que d’autres.
I l eft difficile de dire pourquoi, car ce n’eft pas
àraifon de leur légèreté qu’ils méritent cette préférence.
Ce que j’ai vu dans bien des cas, ce que j ai
entendu afiïirer à plufieurs de mes confrères, qui
eft aufli conforme 8c aux préjugés populaires, &
aux obfervations des anciens, c’eft que certains laits
paroiflent difpofer aux évacuations du bas ventre , &
<l*autres,. au contraire, reflerrer notablement. J ai
vil plufieurs fois le lait d’âneffe ordonné dans des
difpofitions à la phthifie pulmonaire , fe digérer
très-mal, & le lait de chevre, bien plus chargé
de matières caféeufes & butyreufes , fe digérer
parfaitement, & même rétablir l ’eftomac dérangé
par le premier. J’ai vu chez des enfans le lait de
chèvre occafionner des conftipations que ne pro-
duifoit pas lé lait de vache ; & le lait d’âneffe,
-chez d’autres perfonnes, occafionner des cours de
ventre, qu’aucun des autres laits ne produifoit.
Ces effets font affez fréquens , & il faut qu’ils le
foient, puifque ce que j’ai vu, ainfi que beaucoup
d’autres , avoit été remarqué par les anciens, qui
avoient déclaré , comme je l ’ai dit, cpie le lait
de brebis refferroit, &' le lait de chèvre encore
davantage ; que le lait de vache n’ avoit pas communément
cet effet; mais que le lait d’âneffe
lâchoit le ventre ainfi que celui de jument. Galien .
attribue cette différence aux différentes proportions
de la partie féreufe, qu’il regardéComme laxative,
& à cet égard notre obfervation eft d’accord avec
là fiennè. Mais ceci a plus d’utilité pour le régime
des maladies que pour l ’ état de faute. L ’obferva-
tion fuivante eft d’une importance plus journalière.
JP u lait de vache en particulier, & d e fe s différens
effets.
Nous ufons ici , comme dans beaucoup d’autres
f>ays, plus communément du lait de vache : i l eft des
perfonnes qui n’ en foutiennent pas 1 ufage. I l eft
difficile de dire à quoi prccifément on doit attribuer
cet effet. Il a lieu principalement de deux -manières :
chez les uns , le lait paroît d abord fe bien digérer;
mais fucceHivernent la bouche devient améie , la
langue fe charge,l’appétit fe perd,& ce n’eft qu en purgeant
& s’abftenant du lait, qu’on fait difparoître ces
inconvéniens. Ces aCcidens ont fur-tout lieu aiez
les perfonnes naturellement fort bilieufes. On en
a conclu que, chez ces perfonnes , le lait favorifoit
la formation de là bile; que fa partie butyreufe
fourniffoit matière à cette humeur ; & cette obier- .
vation paroît étayée d’un fait affez commun, qui
prouve que les laitages font ordinairement un
mauvais effet dans la Convalescence des maladies
bilieufes, & des intermittentes tierces , & que leur
ufage y eft fouvent fuivi de rechutes. Cela fuffit-
il pour démontrer que le lait forme de la bile
& augmente la fecrétiôn de cette humeur. Je crois
qu’i l y a beaucoup à dire ce fujet ; mais ce n eft
pas mon objet de m’en occuper ici.
Chez d’autres , le lait pèfe fur 1 eftomac , fe
digère mal, & occafionne des aigreurs, des coliques,
3c du dévoiemeut. Ceci eft l’ effet immédiat dune
mauvaife digeftion, 8c dépend uniquement d une
difpofition de l ’eftomac. Ce qu’il y a de sur, c eft
que fouvent cet effet eft corrigé par 1 addition des
■ abforbans , & qu’alors un peu d eau de chaux mêlee
au lait diflipe toutes ces incommodités. Sans/oute
dans tous les eftomacs le lait fe caille. & s aigrit
plus ou moins ; mais il eft poflible qu il y en ait
dans lefquels le coagulum foit plus compati &
l ’acefcence plus vive ; & je ne conçois pas comment
M. Cullen, qui adopte cette idée, refufe abfolu-
ment de croire que le mélange des alimens a«des
& du lait puiffe avoir aucun inconvénient. Sans
doute ce mélange n’en a aucun pour beaucoup de
perfonnes; mais s’il en eft; dans l ’eftomac defquels
on admette une coagulation trop-forte du lait , i l
doit en être dans lelquels 1 union des acides 8c du-
lait doit’avoir cet effet.
D e l’effet du lait de vache donné aux enfans
nouveaux nés.
Cette obfervation d’une coagulation du lait dans
l ’eflomac, affez forte pour nuire a la digeftion de
cet aliment, nous conduit à un fait très-important,
& dans lequel on ne peut douter qu’une telle
coagulation n’ait lie u , & ne foit réellement la
caufe .d-accidens très- graves. Je veux parler de l ’effet
du lait de vache donné pour principale nourriture
à des enfans qu’on a deffein d’élever fans nourrice*
I l eft des enfans auxquels cette nourriture peut
réuffir, & elle réuflit fur-tout à la campagne : j’eq
ai plufieurs preuves. Mais aufli i l eft beaucoup dé
casf ofi elle ne réuflit pas, & voici alors ce qui
arrive : l’enfant rend d’abord des pelotons d exr.
créraeus- fort folides, mais blancs, ou feulement
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