
» Quatrième cas. Quand la nature s’égare évidemment
dans la direction de ces forces , &
quelle les porte ou les concentre vers dès organes
fur lefquels elles peuvent devenir fu-
neftes». ,
Tous les cas qui ne fe rapportent point a
quelqu’un des quatre que, nous venons d’expofer,
doivent, fans aucune exception, être livrés à la
médecine expédiante.
Au lieu des diftributions claffiques ordinaires,
employées dans les écoles, on devroit , dit l ’auteur
, divifer les maladies en celles dont le principe
eft évident , & celles dont le principe eft
©bfcur. , .
fil. Voullone infifte fur ce que 1 on doit dif-
tinguer avec foin l ’occafion d’une maladie d’avec
fon° principe ; l ’occafîon peut être évidente , tandis
què le principe demeure caché*.
« Un moiffonneur couvert de tiieur avale un
verre d’eau froide ; bientôt apres la douleur dd
côté , la toux, la fièvre , &c. annoncent une pleuré-
fie. Ofera-t-on dire que i’impretfion de fraîcheur
que cette boiffou a faite , foit le principe fub-
fiftant qui foutient cette maladie dans tous fes
périodes ? Non , fans doute. Mais ce qui eft vrai,
c eft qu’à l’occafion de cette fraîcheur , il s'eft
fait une révolution ou un changement dans 1 état
des folides ou des liquides , changement dont nous
'ignorons’ abfolument le fond , & dont nous ne
connoiffons que les fuites, qui font l ’ordre & l’appareil
des fymptômes phrénétiques. Or c eft ce
changement qui eft le vrai principe morbifique ;
principe qui , même dans ce cas , eft toutàufli cache,
tout aufli obfcur , qu’il peut l ’être dans une pleu-
réfie fpontanée. Le défaut de cette diftinéiion que
'nous recommandons ici , peut devenir la fource
des fautes les plus groffières. L ’ignorant, qui a
une fois découvert la caufe occafîonnelle d’une
maladie , s’imagine facilement , qu’il ne peut
plus le tromper fur les vues curatives qu’il a à
remplir. I l confond l’occafion , qui n’eft qu’une
caufe fugitive , avec l ’effet immédiat de cette oc-
cafion, lequel eft la caufe permanente & dura»
ble , ou le vrai principe morbifique ; i l ne s’aperçoit
pas que, fi cet effet^lui eft inconnu , en
vain U. dirige fes coups contre la caufe qui le
produit. Cette caufe n’exifte plus ; en la combattant
, i l ne combat qu’une chimère.
s Le fécond écueil qu’ il faut éviter dans la recherche
du principe* morbifique , c’eft de confondre
l ’opinion avec la vérité , la probabilité avec
la certitude. Quand ce principe n*eft pas évident
, nous voulons qu’on le regarde comme inconnu.
» Or pour que ce principe foit évident, il
faut, dit M. Voullone , qu’il fe montre en quelque
forte à découvert, & que par quelque endroit
i l vienne frapper les feus. Si on ne va jufqu a
lui qu’au moÿen d’un raifonnement, quelque bicft
fondé que ce raifonnement paroiffe , la prudence
veut qu’on s’en défie.
» Et pour rendre complette cette évidence que
nous demandons , i l ne luffit pas que le. principe
que l ’on affigne à la maladie foit connu. Quant
a fon exifteuce, il faut qu’il le foit encore dans,
fa qualité de principe morbifique: c’eft-à dire , que
tous les fymptômes de la maladie doivent être
dérivés de lui comme de leur'fource. Cette dépendance
doit être claire, fenfible, & hors de toute
équivoque. Pour cela , il faut que toute la marche
des fymptômes ne foit qu’un type des variation»
du principe qu’on leur donne ; qu’ils^ foient nés
avec lu i , qu ils croiffent avec lu i , qu iis s affoi-
bliffent avec lu i , pour difparbître enfin avec lu i ,
mais pour ne dilparoitre qu avec lui. On nous
trouvera , ajoute M. Voullone , peut-être un peia
févèrps dans le degré d’évidence que nous exigeons
pour claffer une maladie dans le rang de
celles que l’art peut entreprendre de guérir : oui
fans doute, nous le fourmes ; 5c loin de craindre
de l ’être trop , nous craindrions plutôt de ne
l’être pas allez; car la vie des hommes ne nous
paroît point faite pour être hafatdée fur une
conjecture ».
A force de fuppofitions gratuites , de çornpa-
raifons infidèles , d’analogies illufoires, d’induâions
fauffes, on eft venu à bout de fe former , pour
chaque claffe de maladie, une opinion fur la nature
du principe qui les excite & les foutient.
Ces opinions ont formé autant de feétes plus ou
moins nombreufes , fuivant la célébrité de leur
chef, 8c félon l’apparence des raifons fur lefquelles
elles étoient fondées. Toutes ont cru rencontrer la
vérité; aucune cependant ne l’a fans doute rencontrée,
puifqu’elles fe'font renverfées fucceffive-
ment les unes les autres.
» Il y a des maladies dans lefquelles , contre
un principe morbifique connu , 1 art manque de
reffources connues. Or c’eft la que les effais (ont
permis. L’ évidence de l’objet pour lequel on travaille
met à l ’abri de toute erreur & de toute
équivoque le jugement que l ’on porte fur l ’utilité
des moyens à employer. Le, fucces'apprend
toujours infailliblement s’il faut foutenir, abandonner,
ou réformer une première épreuve ; &
la fagacité jointe à la prudence ne peuvent
pas manquer de faire enfin des découvertes.
» Nous fommes forcés d’augurer'ici, dit M.
Voullone , que, malgré tous les efforts de l ’art,
il y aura toujours beaucoup de cas dans lefquels
la médecine agijfante fe verra enchaînée devant
quelque principe morbifique qu’elle apercevra , 8c
quelle ne faura point attaquer.
» On ne replace un membre luxé qu’au moyen
d’une extenfion bien fatigante pour les^ fibres qui
la fupportent; on n’extrait le calcul qu’au travers
d’une plaie que l ’art fait bien faire, mais qu’il
*■ n*
ne peut pxs toujours guérir; on n’extirpe un po-
lyp e qu’avec des déchiremens quelquefois dangereux
; on n’emporte un ailévrifme qu’en expoiànt
à l ’atrophie toutes les parties où fe diftribuoient
les rameaux de l ’artère anévrifmatique , &c. ; c’eft-
à-dire , que le plus ordinairement on ne détruit
un principe morbifique qu’en lui en fubftituant
Un autre. C ’eft une efpèce d’échange' : il faut
donc, avant de fe déterminer à le faire., apprécier
avec juftelle ce qu’il y a à gagner, ou à
perdre pour le malade. C’eft cette appréciation
qui doit être fur-tout la bafe de tous les juge-
mens relatifs à l ’opération de la main.
» On doit entendre" ici par maladie chronique ,
cet état où la nature eft affligée par la préfence
d’un principe morbifique quelconque , qui la fatigue
lentement, mais fans relâche, & qu’elle tâche
de fubjuguer par dès efforts plus ou moins marqués
, mais toujours réels & fouténus ; état de
contrainte qui ne peut pas. être ■ permanent , &
doit enfin aboutir à la-jante oirÀ la mort.
» En général, on peut prononcer que, dans les
maladies chroniques, la nature ne fe trouve pref-
que jamais de niveau avec les efforts qui feroient
néceffairgs pour fubjuguer le principe morbifique ,
quel qu’il toit ; elle a donc befoin d’y être élevée
par les fecaurs de l ’art. Ces maladies demandent
donc la médecine agijfante préférablement
â l ’expe&ante , & cette efpèce de médecine
faute qui foutient les forces & qui en follicite
l ’exercice.
» D’où nous concluons que , dans les maladies
aiguës, par oppofition aux maladies chroniques ,
la médecine exportante eft préférable à Yagif-
fante ».
Après avoir rapporté un extrait fidèle de la
favante differtation de M. Voullone , je prie
que l ’on me permette d’ajouter quelques réflexions.
'
I l fuit de la le&ure de cette differtation ,
que la Médecine ne doit être qu’expeôtanfe,
au moins quant au traitement dirigé vers le
principe morbifique dans toutes les maladies
aiguës , & dans une grande partie des maladies
chroniques ; car i l n’y en a aucune dans laquelle
une obfervation Jimple & grojfière montre
ce principe à découvert , & dans laquelle
on puijfejy arriver fan s un raifonnement ; conditions
exigées par M. Voullone , pour qu’il foit
permis d’agir contre le principe morbifique. On
ne doit donc, fuivant fa do&rine., fe permettre de
recourir à la médecine agijfante, que pour aider
la nature , foit qu’elle fuccombe , {oit qu’elle s’égare.
Eft - i l bien vrai que les bornes de la
médecine aétive foient circonfcrites jufqu’à ce
point | C ’eû ce que je me propofe d’examiner.
Je ne dirai rien des indications que préfente
JU nature , parce que je .ne fais rien de plus que
t MéDEaa fi. Tome
Ce que M. Voullone a dit à ce Tu jet. Il ne s’agit
donc uniquement ici que du principe morbifique,
ou de la, caufe prochaine des maladies quelconques.
Le principe morbifique peut être recherché 8c
connu fous deux afpeôfcs différens.
i°. On peut le connoître immédiatement & individuellement,
c’eft:-à-dire , en luirmême & dans
fon effence : c’eft là ce que demande M. Vou'l-
lone. Ainfi , pour connoître l’inflammation de cette
manière, i l faudroit avoir des notions exaétes fur
la nature du làng ,& des vaiffeaux, fur les effets
de la chaleur , & fur la dégénérefcence des fluides
épanchés. Sous ce rapport, il refte un grand nombre
de découvertes à faire pour favoir quel eft: le
principe morbifique d’un phlegmon. Je conviens ,
avec M. Voullone , que cette théorie intuitive
des caufes morbifiques eft & fera malheureufement
long-temps ignorée.
- z°. On peut connoître le principe morbifique^
par* fes fymptômes, c’eft-à-dire, qti’en réunifiant
un très-grand nombre • d’obfervations , foit pathologiques
, foit anatomiques, fur une maladie, il
eft poflibie d’en tirer des. réfultats généraux qui
dévoilent, non la nature intime, mais plufieurs des
grands caractères de la caufe , & qui apprennent
a remédier sûrement à plufieurs de fes effets. Ce
travail de l ’efprit ne peut fe faire, à Ta vérité,
fans le fecours du raifonnement ^ mais , dans ce
cas , le raifonnement éft fîmpie ; il eft toujours
appuyé fur des faits , & tel que l’homme le plus
fage ne peut s’empêcher de le prendre pour règle
de fa conduite.
Pour me faire entendre , je propoferai quelques
. exemples. '
Comme les médecins ont vu un grand nombre
d’inflammations externes , ils en çonnôiffent la
marche , & il y a un ordre de fymptômes que
l ’on doit rapporter à ce genre de léfion , & qu’i l
feroit inutile ? d’expofer ici , parce qu ils font familiers
aux gens de l ’art. Toutes les fois que ces
fymptômes le manifesteront fans mélange & fans
altération , on fera fondé à regarder la maladie
comme inflammatoire.
Le mode intermittent eft foùvent auflî manl-
fefte que celui de l’inflammation; il a fes périodes
, les accidens , & il y a des remèdes qtie la
Médecine lu i , oppofe avec fuccès.
N’y a-t-il pas aufli des fymptômes qui annoncent
la pléthore, & divers moyens pour y remédier
?
La dégénérefcence fcorbutique fe montre avec
un appareil qui lui eft propre , &< quelquefois fans
complication avec un autre vice. Quoiqu’on ne
fâche pas précifément quelle en eft la nature , on
la combat heureufement par des remèdes dont
l ’expérience a prouvé l ’efficacité.
L ’état dans lequel les organes de la digef-
tion font furchargés, & où i l y a plénitude de
: fucs alimentaires, ne laiffe aucun doute fur foq
B b b